JN/EL
Numéro 22/4262
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 01/12/2022
Dossier : N° RG 20/03057 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HW2M
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande de prise en charge au titre des A.T.M.P. et/ou contestation relative au taux d'incapacité
Affaire :
[M] [B]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE PAU PYRENEES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 01 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 3 novembre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [M] [B]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Mme [P] de la FNATH Grand Sud , munie d'un pouvoir
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE PAU PYRENEES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [V], munie d'un pouvoir
sur appel de la décision
en date du 23 NOVEMBRE 2020
rendue par le POLE SOCIAL du Tribunal Judiciaire DE PAU
RG numéro : 19/039
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 juin 2011, M. [M] [B] (l'assuré), pâtissier salarié de la société [5] (l'employeur), a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie Pau-Pyrénées (la caisse ou l'organisme social) deux maladies professionnelles concernant des « épaules douloureuses » à droite et à gauche.
Le salarié a par la suite, tant à droite qu'à gauche, demandé à la caisse, la prise en charge d'une « rechute » datée par la caisse du 11 septembre 2017.
La caisse a notifié à l'assuré, pour chacune des 2 maladies déclarées, selon les éléments produits :
- le 8 novembre 2011, sa décision de prise en charge de chacune des 2 maladies déclarées au titre de la législation sur les risques professionnels, au titre du tableau 57,
- le 14 mai 2014, sa décision fixant la date de consolidation de son état de santé au 10 juin 2014, l'assuré précisant (en l'absence d'éléments justificatifs, s'agissant d'un fait constant) que les séquelles ont été alors évaluées à 10 % à droite, et à 5 % à gauche,
- les 19 octobre 2017 (épaule droite), et 16 février 2018 (épaule gauche),ses décisions de prise en charge de chacune des rechutes du 11 septembre 2017, comme étant imputables à la maladie professionnelle déclarée le 30 juin 2011, tant à droite qu'à gauche,
- les 20 novembre 2018 (épaule droite) et le 21 janvier 2019, ses décisions fixant la date de consolidation de son état de santé au 30 novembre 2018, tant à droite qu'à gauche,
- les 11 décembre 2018 (épaule droite), et le 21 février 2019 (épaule gauche), sa décision fixant son taux d'incapacité permanente ainsi qu'il suit :
- 10 %, s'agissant de l'épaule droite, à compter du 1er décembre 2018,
- 5 %, s'agissant de l'épaule gauche chez un droitier (l'assuré précisant, fait constant, qu'à la date de consolidation de la rechute (30 novembre 2018), son taux d'IPP a été maintenu à 5 %, la décision de la caisse du 21 février 2019, consistant à maintenir ce taux à 5 %, alors même qu'il en avait sollicité une révision en raison de l'aggravation de son état de santé).
Le salarié a contesté les décisions relatives à la fixation de son taux d'IPP à droite comme à gauche, ainsi qu'il suit :
- devant la commission médicale de recours amiable, laquelle a rejeté ses contestations par décisions des 11 décembre 2018 (épaule droite) et 21 février 2019 (épaule gauche),
- les 31 janvier 2019 et 3 octobre 2019, devant le pôle social du tribunal de grande instance de Pau, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Pau, chacun de ces recours ayant été enregistré sous les numéros suivants : RG 19/00039, et RG 19/00180.
Dans chacune de ces procédures, il a été ordonné avant dire droit, la réalisation d'une mesure d'investigation sous la forme d'une consultation confiée au Docteur [T], selon :
-jugement avant-dire droit du 9 mars 2020 (procédure concernant l'épaule droite),
-ordonnance de la présidente du pôle social du 18 mai 2020 (procédure concernant l'épaule gauche).
Par jugement du 23 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Pau, a :
- ordonné la jonction des procédures 19/00380 et 19/00039,
- dit que le salarié présentait au 11 mars 2018, date de la consolidation de son état de santé en lien avec la tendinite de l'épaule gauche, un taux d'IP de 5%,
- dit que le salarié présentait au 30 novembre 2018, date de la consolidation de son état de santé en lien avec la tendinite de l'épaule droite, un taux d'IP de 10%,
- ordonné le cumul de ces deux taux,
- débouté le salarié de ses demandes tendant à l'application d'un coefficient professionnel et d'un coefficient de synergie,
- renvoyé le salarié devant la caisse pour la liquidation de ses droits,
- dit que les frais d'expertise et des dépens resteront à la charge de la caisse.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue du salarié le 8 décembre 2020.
Le 15 décembre 2020, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, le salarié en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 14 juin 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience de plaidoiries du 3 novembre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions, visées par le greffe le 27 juillet 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le salarié, M. [M] [B], demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son recours,
- dire concernant la maladie professionnelle tendinite de l'épaule gauche, qu'il conviendra d'appliquer un coefficient de synergie de 1% au taux médical évalué par l'expert,
- dire qu'en sus de ce taux médical, il convient d'adjoindre un coefficient professionnel qui ne saurait être inférieur à 5% pour chacune des pathologies du salarié, soit un coefficient professionnel global de 10% minimum,
- condamner la caisse aux entiers dépens de la procédure,
- renvoyer le salarié devant la caisse pour la liquidation de ses droits.
Selon ses conclusions visées par le greffe de la cour d'appel de Pau le 31 octobre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la caisse, la CPAM Pau Pyrénées, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré, et au débouté de l'appelant de ses demandes.
SUR QUOI LA COUR
Sur la demande d'un coefficient de synergie concernant l'épaule gauche
L'appelant, invoque sans aucune précision textuelle, l'application du barème indicatif des accidents du travail, et la « jurisprudence constante » en la matière (au visa de 2 décisions du pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse), pour solliciter l'octroi d'un coefficient de synergie, faisant valoir que;
-un tel coefficient est prévu lorsqu'une personne souffre de lésions symétriques sur les mêmes membres supérieurs ou inférieurs,
- le taux médical de son incapacité permanente partielle de 5 % pour l'épaule gauche, doit être majoré d'un coefficient de synergie de 1 %, selon les modalités de calcul de ce taux, qu'il rappelle dans ses écritures.
La caisse, pour s'y opposer, observe que les demandes de l'appelant, ne sont pas juridiquement pas fondées, rappelant qu'un tel taux de synergie n'est prévu par le barème d'invalidité que dans 2 cas relatifs au chapitre (1. 2. 1) d'amputation des doigts, et (4.2.4) de séquelles provenant indifféremment d'atteinte cérébrale du médullaire.
Sur ce,
Contrairement aux affirmations de l'appelant, le barème indicatif d'invalidité, en ce qu'il concerne sa pathologie, ne prévoit pas l'application d'un coefficient de synergie.
La demande n'est pas fondée, et sera rejetée, conformément à la décision du premier juge.
Sur la demande d'un coefficient professionnel pour les 2 maladies
Au soutien de sa demande à ce titre, l'appelant fait valoir que ses 2 pathologies ont eu un impact certain sur son activité professionnelle, dès lors que :
-il exerçait la profession de pâtissier en contrat à durée indéterminée au sein de la même entreprise depuis le 1er septembre 1980, soit depuis 38 ans,
- le 14 décembre 2018, la médecine du travail l'a déclaré inapte à son poste,
-le 18 janvier 2019, il a été licencié pour inaptitude professionnelle,
-l'allocation de retour à l'emploi alors perçue (1252,20 ' par mois), est très inférieure au salaire moyen qu'il percevait durant son activité de pâtissier (2174,12 '),
-il lui sera difficile de retrouver un emploi adapté à son état de santé en raison de son âge et de son expérience professionnelle cantonnée au secteur de la pâtisserie,
-la dégradation de sa situation socioprofessionnelle est bien la conséquence du développement des 2 maladies professionnelles litigieuses.,
- le fait qu'il soit titulaire depuis le 1er octobre 2020, d'une pension d'invalidité, au regard de divers problèmes de santé indépendants des séquelles de ses maladies professionnelles du 30 juin 2011, n'est pas de nature à faire obstacle à sa demande.
La caisse, après avoir rappelé les conditions légales et jurisprudentielles d'attribution d'un coefficient professionnel, s'oppose à la demande, au motif que :
-l'assuré souffre de diverses pathologies totalement indépendantes des séquelles de la maladie professionnelle,
- au vu de ces pathologies, l'assuré reçoit une pension d'invalidité, étant rappelé que l'article L341-4 du code de la sécurité sociale, classe en invalidité, les personnes absolument incapables d'exercer une profession quelconque,
- l'incapacité de travail de l'appelant, est due à son invalidité.
Sur ce,
Rappel des règles applicables
Par application combinée des dispositions des articles L434-2 et L441 3 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle s'apprécie à la date de consolidation de l'état de santé de la victime.
Par application des dispositions des articles L434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, et R434-32 alinéas 1 et 2 du même code, ce taux est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Ce barème indicatif précise au titre des principes généraux posés en son chapitre préliminaire, que selon l'article L434-2 du code de la sécurité sociale, le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d'incapacité permanente, non seulement de la nature de l'infirmité, de l'état général, de l'âge, et des facultés physiques et mentales, mais également des aptitudes et qualifications professionnelles, dans les termes suivants:
«5 °Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
Lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l'assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l'intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l'assuré de continuer à occuper son poste de travail - au besoin en se réadaptant - ou au contraire, l'obligation d'un changement d'emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l'aptitude médicale aux divers permis de conduire ».
Sur ce,
Le taux médical n'est pas contesté.
Il est établi par les pièces du dossier, que :
- l'assuré, né le 10 novembre 1964, était âgé de 54 ans au jour de la consolidation (30 novembre 2018) de la rechute concernant les 2 maladies professionnelles litigieuses,
-le 14 décembre 2018, il a fait solliciter l'avis du médecin du travail, lequel a jugé définitivement inapte à son poste de pâtissier, avec possibilité d'occuper un poste administratif,
-son employeur, lui a proposé le poste d'employé de vente validé par le médecin du travail, que l'assuré a refusé,
- l'assuré a ensuite fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Les éléments du dossier, ne permettent pas d'attribuer l'inaptitude à son poste de pâtissier prononcée par le médecin du travail le 14 décembre 2018, aux séquelles des maladies professionnelles litigieuses, au demeurant limitées ( 10 % à droite et 5 % à gauche), et ce d'autant que le rapport médical d'attribution d'invalidité produit par l'appelant sous sa pièce n°14, démontre les multiples autres pathologies dont il était atteint, de façon totalement indépendante des maladies litigieuses, dès avant la date de consolidation concernant les 2 pathologies litigieuses, et ayant justifié que lui soit attribuée une pension d'invalidité, le fait que cette pension d'invalidité lui soit attribuée postérieurement à la date de consolidation des 2 maladies litigieuses, ne faisant pas disparaître le fait que ces pathologies existaient antérieurement à cette date de consolidation, et sont de nature à avoir largement contribué aux difficultés de l'appelant à retrouver un emploi.
Ainsi, conformément à l'analyse du premier juge, il est retenu que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que les conditions d'attribution d'un coefficient socioprofessionnel sont remplies.
La contestation de l'appelant est jugée non fondée, par confirmation du jugement déféré.
Sur les dépens
L'appelant, qui succombe, supportera les dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Pau en date du 23 novembre 2020,
Condamne M. [M] [B] aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE