JN/SB
Numéro 22/
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 01/12/2022
Dossier : N° RG 20/02655 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HVYY
Nature affaire :
Autres demandes contre un organisme
Affaire :
[M] [P] [R]
C/
CPAM DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 01 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Octobre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [M] [P] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Madame [F] de l'ADDAH 40, munie d'un pouvoir spécial
INTIMEE :
CPAM DES LANDES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître MOLINIER loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 15 OCTOBRE 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 19/00385
FAITS ET PROCÉDURE
Le 2 octobre 2015, la société [5] (l'employeur) a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) un accident du travail daté du 1er octobre 2015 à 00h01, concernant M. [M] [P] [R] (le salarié ou l'assuré).
La caisse a:
-pris en charge l'accident déclaré, au titre de la législation sur les risques professionnels,
-notifié à l'assuré sa décision fixant la date de consolidation de son état de santé , au 1er février 2016 , et son taux d'incapacité permanente (IP) à 15% dont 0% de taux professionnel, avec attribution d'une rente à partir du 2 février 2016.
-le 2 août 2018, pris en charge une rechute selon certificat médical du 20 juillet 2018,
-le 23 janvier 2019 notifié à l'assuré sa décision fixant la date de consolidation de son état de santé, au 1er février 2019 avec retour à l'état antérieur.
Le salarié a contesté cette décision du 23 janvier 2019, concernant la fixation de son taux d'incapacité permanente partielle, ainsi qu'il suit :
- le 25 février 2019 devant le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux (anciennement tribunal du contentieux de l'incapacité), lequel par ordonnance du 17 juin 2019 s'est déclaré incompétent au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, et lui a transmis le dossier le 12 juillet 2019.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
$gt; par jugement avant dire droit du 14 février 2020, notamment :
- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours formé par le salarié,
- avant dire droit :
- ordonné, aux frais avancés de la caisse, une consultation médicale clinique confiée au docteur [W] [X] avec mission principale de fixer le taux d'IPP du salarié imputable à la rechute du 20 juillet 2018 de l'accident du travail du 1er octobre 2015,
-rappelé les dispositions des articles R142-16-3 et R 142-18-2 du code de la sécurité sociale
- renvoyé l'affaire à une audience ultérieure,
Ce jugement, notifié aux parties les 26 et 27 février 2020, n'a pas fait l'objet d'un appel.
$gt; par jugement du 15 octobre 2020, au vu du rapport d'expertise déposé le 28 août 2020 :
- fixé le taux d'incapacité permanente du salarié au titre de la rechute du 20 juillet 2018 de l'accident de travail du 1er octobre 2015 à 15% à la date de consolidation,
- débouté le salarié de ses demandes,
- condamné le salarié aux dépens.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue du salarié le 17 octobre 2020.
Le 13 novembre 2020, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, le salarié en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 16 mai 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience de plaidoiries du 20 octobre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions, visées par le greffe le 8 juillet 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le salarié, M. [M] [P] [R], conclut à :
$gt; la recevabilité de son recours,
$gt;la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a homologué le rapport du docteur [W] du 20 août 2020 fixant à 15 % son taux d'IPP d'un point de vue médical,
$gt;son infirmation en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'attribution d'un taux socio-professionnel, et statuant à nouveau, demande à la cour de:
- dire qu'il existe une nette réduction de l'aptitude de la victime à exercer une activité professionnelle justifiant l'attribution d'un coefficient professionnel,
- majorer le taux d'IPP déterminé par le tribunal par un coefficient socioprofessionnel qui ne saurait être inférieur à 5%,
- le renvoyer devant l'organisme compétent pour la liquidation de ses droits.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 15 septembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la caisse, la CPAM des Landes, intimée, demande à la cour de :
$gt; à titre principal,
- déclarer irrecevable le recours de l 'appelant,
$gt; à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté le recours du salarié,
En conséquence,
- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
SUR QUOI LA COUR
Sur l'irrecevabilité du recours judiciaire
La caisse, pour conclure à l'irrecevabilité du recours de l'assuré devant le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, fait valoir, au visa des dispositions des articles L 142-2, L 142- 5, R 142-8 du code de la sécurité sociale, que :
-sous peine d'irrecevabilité, la saisine du tribunal judiciaire, doit être précédée d'un recours préalable obligatoire, devant la commission médicale de recours amiable,
- or cette commission n'a été saisie que postérieurement à la saisine du juge judiciaire, le 18 mars 2019.
Cependant, en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, et 1351 du code civil, cette demande, s'agissant d'une fin de non-recevoir, est irrecevable, car elle se heurte à l'autorité de la chose jugée par le pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, le 14 février 2020, dès lors que :
-le premier juge a, le 14 février 2020, par une décision en premier ressort à ce titre, dont il n'a pas été interjeté appel, et qui est dès lors définitive, alors qu'il était saisi par la caisse, du même moyen d'irrecevabilité, a rejeté ce moyen ( constatant que la décision contestée ne contenait pas d'information sur la saisine préalable de la commission médicale de recours amiable, pour en déduire que la caisse ne pouvait valablement soulever l'irrecevabilité du recours pour défaut de saisine de ladite commission).
Cette fin de non-recevoir sera déclarée irrecevable.
Sur la demande de majoration du taux d'IPP par ajout d'un coefficient professionnel
L'appelant ne conteste le premier juge, qu'en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'intégrer au taux d'incapacité permanente partielle, un taux professionnel.
Au visa de décisions jurisprudentielles, du barème indicatif accident du travail, 5°, il sollicite à ce titre, de majorer le taux médical de 15 % non contesté, par un taux professionnel de 5 % au minimum, invoquant au soutien de sa demande :
-les mesures individuelles restrictives préconisées par le médecin du travail, à l'occasion d'une visite de pré reprise, du 8 janvier 2019 ( « pas de travail en hauteur, pas de montée de plus de 2 marches, pas de montée d'échelle, pas de montée d'escalier, pas de conduite d'engins »),
- que les professions qu'il exerçait jusque-là (maçon, coffreur-bancheur boiseur, conducteur d'engins de chantier), lui sont dorénavant impossibles, alors qu'il est âgé de presque 46 ans,
-divers avis médicaux, le fait qu'il soit toujours en arrêt maladie, et que du fait de son taux d'incapacité permanente partielle supérieur à 10 %, il a été reconnu en qualité de travailleur handicapé.
La caisse, pour s'opposer à la demande, rappelle que l'octroi d'un coefficient professionnel, suppose la démonstration d'un préjudice professionnel direct et certain avec la maladie professionnelle, et estime que cette preuve n'est pas faite, dès lors que :
-il n'est nullement démontré que le salarié aurait été licencié pour inaptitude,
-il était employé en qualité d'intérimaire, c'est-à-dire selon un contrat de travail dont la durée déterminée comporte un aléa,
-il n'est donc pas démontré que la perte d'emploi soit en relation directe et certaine avec l'accident du travail du 1er octobre 2015,
-le certificat médical produit par l'assuré, établi par le Docteur [O], le 10 mars 2020, mentionne que son inaptitude au travail est essentiellement due à une pathologie chronique respiratoire,
- le médecin consultant n'a pas fait mention de conséquences sur son aptitude professionnelle,
-aucun préjudice économique n'est établi.
Rappel des règles applicables
Par application combinée des dispositions des articles L434-2 et L441 3 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle s'apprécie à la date de consolidation de l'état de santé de la victime.
Par application des dispositions des articles L434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, et R434-32 alinéas 1 et 2 du même code, ce taux est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Ce barème indicatif précise au titre des principes généraux posés en son chapitre préliminaire, que selon l'article L434-2 du code de la sécurité sociale, le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d'incapacité permanente, non seulement de la nature de l'infirmité, de l'état général, de l'âge, et des facultés physiques et mentales, mais également des aptitudes et qualifications professionnelles, dans les termes suivants:
«5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
Lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l'assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l'intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l'assuré de continuer à occuper son poste de travail - au besoin en se réadaptant - ou au contraire, l'obligation d'un changement d'emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l'aptitude médicale aux divers permis de conduire ».
Sur ce,
Il est établi par les pièces du dossier, que :
- l'assuré, né en août 1976, était âgé de 42 ans au jour de la consolidation de la rechute litigieuse (1er février 2019),
-l'accident du travail du 1er octobre 2015, a entraîné une lésion située au niveau du genou droit, s'agissant d'une bursite septique ayant justifié une intervention chirurgicale, avec séquelles justifiant un taux d'IPP de 15 % attribué pour douleur, gonflement, limitation de l'accroupissement sur un état antérieur, limitation de la flexion (85 %),
- la rechute déclarée le 20 juillet 2018 pour « aggravation avec gonflement du genou droit et gêne fonctionnelle après reprise de l'activité de maçon », a donné lieu à un arrêt de travail jusqu'au 17 août, prolongé par le chirurgien jusqu'au 3 octobre, avec consolidation le 1er février 2019, sans aggravation fonctionnelle, flexion 130°.
L'assuré ne produit aucun historique professionnel, relatif à son activité professionnelle antérieurement au sinistre, alors même qu'il est constant que son contrat de travail était un contrat d'intérim.
Il ne justifie d'aucune qualification professionnelle, puisqu'au contraire, il reconnaît dans ses écritures, page 6, qu'il n'a d'ailleurs « aucun diplôme ».
Les éléments du dossier ne permettent pas de rattacher les éléments médicaux qu'il produit sous ses pièces n° 14 et 18, aux séquelles résultant de l'accident du travail ou de ses rechutes, s'agissant :
-d'un avis d'aptitude du service de santé au travail, du 8 janvier 2019, assorti de mesures individuelles, consistant à indiquer que les postes de travail pouvant être confiés au salarié, ne doivent pas comporter de travail en hauteur, de montée de plus de 2 marches, de montée d'échelle, de montée d'escalier et de conduite d'engins,
- de l'avis en date du 24 septembre 2019, du Docteur [N] [S], ayant réalisé l'opération de la bursite infectée de son genou, dont le résultat est estimé « tout à fait correct, cicatrice parfaite », ce médecin, au vu des doléances de l'assuré, indiquant « le problème de ce patient est surtout de douleurs multiples liées à ses activités professionnelles difficiles. La question d'un reclassement professionnel se pose et il semblerait que le médecin du travail ait décidé de l'orienter dans cette direction ».
En effet, selon le certificat du service de santé au travail établi par le Docteur [B] [O], en date du 10 mars 2020, produit par l'assuré sous sa pièce n° 19, l'assuré :
« Présente, outre des pathologies mécaniques plus ou moins chroniques et traitables, une pathologie chronique respiratoire de nature à le rendre inapte à toutes les activités présentant la moindre contrainte physique y compris monter un ou 2 étages, se déplacer à pied' l'invalidité ne semble être que la seule issue envisageable à court, moyen et probablement long terme ».
En conclusion, si les éléments produits par l'appelant, convergent à démontrer son inaptitude au travail, il n'est pas permis de retenir que cette inaptitude soit en lien direct et certain avec l'accident du travail, puisqu'au contraire, il est médicalement attesté que sa pathologie chronique respiratoire, étrangère au fait accidentel, suffit à constituer la cause d'une telle inaptitude.
Dans ces conditions, il ne peut être retenu que les séquelles de la rechute de l'accident du travail, permettraient de majorer son incapacité permanente partielle médicale, d'un coefficient professionnel.
La contestation de l'appelant est jugée non fondée, par confirmation du jugement déféré.
Sur les dépens
L'appelant, qui succombe, supportera les dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable, car se heurtant à l'autorité de la chose jugée par le pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, le 14 février 2020, la fin de non-recevoir soulevée par la caisse primaire d'assurance-maladie des Landes, tendant à l'irrecevabilité de la saisine par M. [M] [P] [R], du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 15 octobre 2020,
Condamne M. [M] [P] [R] aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,