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29/11/2022 | FRANCE | N°20/03183

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 29 novembre 2022, 20/03183


SF/SH



Numéro 22/04193





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 29/11/2022







Dossier : N° RG 20/03183 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HXC4





Nature affaire :



Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente















Affaire :



SCI Les ALOUETTES



C/



Commune de [Localité 6]
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Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Novembre 2022, les parties en ayant...

SF/SH

Numéro 22/04193

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 29/11/2022

Dossier : N° RG 20/03183 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HXC4

Nature affaire :

Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente

Affaire :

SCI Les ALOUETTES

C/

Commune de [Localité 6]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Octobre 2022, devant :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame DE FRAMOND, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du Code de procédure civile

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrates du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SCI LES ALOUETTES dont le siège est [Adresse 1] représentée par Monsieur [E] [U] es-qualités de mandataire ad'hoc

né le 14 mars 1949 à RIBEIRA DE PENA SAVADO (PORTUGAL)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée et assistée de Maître SORNIQUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

COMMUNE DE [Localité 6] représentée par son Maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville sis

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Maître MIRANDA de la SELARL CABINET ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 16 DÉCEMBRE 2020

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX

RG numéro : 19/00518

Le 31 juillet 2013, la SCI LES ALOUETTES a vendu au prix de 250.000 € des parcelles à usage d'atelier et de remise, à l'établissement public Foncier des Landes (EPFL), agissant pour le compte de la commune de [Localité 6] qui souhaitait reloger ses services municipaux, en vertu d'une délibération du Conseil Municipal du 6 septembre 2012.

Suivant acte administratif en date du 28 juin 2013, la commune de [Localité 6] s'était engagée à céder dans le courant de l'année 2013/2014 à M. [U] représentant la SCI LES ALOUETTES, un terrain communal viabilisé d'une superficie de 1.000 m² minimum, d'une valeur de 100.000 €, pour un prix de 15.000 €, pour compenser la moins value de 85.000 € enregistrée par la SCI LES ALOUETTES à l'occasion de la vente de ses parcelles à la Commune le 31 juillet 2013.

Aucun terrain n'ayant été proposé par la Commune, par acte du 12 avril 2019, la SCI LES ALOUETTES a fait assigner la commune de [Localité 6] devant le tribunal de grande instance de Dax, aux fins d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 85.000 € en principal, 10.000 € à titre de dommages-intérêts, le tout avec intérêts légaux à compter du 22 juin 2017 et anatocisme, outre 5.000 € pour indemnité de procédure.

Suivant jugement contradictoire en date du 16 décembre 2020, le juge de première instance a, notamment':

- débouté la demanderesse de ses réclamations,

- condamné la demanderesse à payer à la commune de [Localité 6] une indemnité de procédure de 2.000 €,

- condamné la demanderesse aux dépens.

Le juge de première instance a considéré, en application des articles 1589 et 1674 du code civil et après avoir écarté le vice du consentement allégué par la Commune [Localité 6] dans la signature de la promesse, que celle-ci vaut vente mais qu'en l'espèce elle devait être rescindée, la somme de 100.000 € excédant de plus de sept douzièmes celle de 15.000 € correspondant au prix devant être payé, et que la SCI LES ALOUETTES devait être déboutée de ses demandes.

M. [U] agissant en qualité de mandataire ad hoc de la SCI LES ALOUETTES a relevé appel par déclaration du 28 décembre 2020, critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 6 septembre 2022, la SCI LES ALOUETTES, appelante, entend voir la cour':

- réformer le jugement du 16 décembre 2020 en ce qu'il l'a déboutée de ses réclamations à l'encontre de la commune de [Localité 6] et condamnée au paiement d'une indemnité de procédure de 2.000 € et aux dépens,

- condamner la commune de [Localité 6] au paiement de la somme de 85.000 € en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 217 avec capitalisation des intérêts échus,

- condamner la commune de [Localité 6] au paiement de dommages et intérêts de 10. 000 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2017 avec capitalisation des intérêts échus,

- condamner la commune de [Localité 6] au paiement d'une indemnité de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais et droits de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, qui sera autorisée à les recouvrer par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeter toutes prétentions contraires.

La SCI LES ALOUETTES soutient, sur le fondement des articles 1103 et suivants, 1193 et suivants, 1217 et suivants, 1231 et suivants et l'article 1676 du code civil :

- que la Commune, par la signature de la promesse, s'est reconnue débitrice d'une somme de 85.000 € envers la SCI LES ALOUETTES qui a donc intérêt à agir en sa qualité de créancière de la Commune,

- que la carence de celle-ci engage sa responsabilité contractuelle dans le cadre du domaine privé de la Commune,

- que la promesse de vente est indissociable de la vente immobilière intervenue entre les parties lors de laquelle la SCI LES ALOUETTES avait cédé un bien pour un montant de 250.000 € qui ne comprenait pas les frais exposés par la SCI pour la transformation de cet immeuble en résidence d'habitation,

- que selon l'article 1676 du code civil, l'action en rescision n'est plus recevable après l'expiration d'un délai de 2 ans à compter du jour de l'accord des volontés dans la vente, la Commune est prescrite en son action pour l'avoir soulevé pour la première fois par conclusions notifiées par RPVA le 2 octobre 2019.

La SCI LES ALOUETTES conteste également les man'uvres fautives ou pressions morales alléguées par la Commune [Localité 6] qui l'auraient conduite à signer la promesse de vente, au regard de sa qualité de collectivité publique et de la délibération en vue de signer l'acte ; en outre, la prescription de 5 ans pour la nullité de la vente court à compter de la signature de l'acte, même en cas de demande reconventionnelle et se trouve donc acquise, les causes de nullité n'étant en toutes hypothèses pas démontrées par la Commune [Localité 6] ; par ailleurs, l'avis des Domaines sur le prix de vente de son bien à la Commune, donné en 2009, n'est pas une preuve de l'absence de moins-value du bien lors de la vente réalisée en 2013, de même que les avis de deux agences immobilières. La commune s'est engagée envers la SCI LES ALOUETTES et aucune règle d'ordre public ne lui permet de rompre unilatéralement sa promesse. La SCI LES ALOUETTES soutient que l'article 1202 du code civil sur la contre-lettre n'est pas applicable à une convention explicite.

Par conclusions notifiées le 21 septembre 2022, la commune de [Localité 6], entend voir la cour :

- Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 07 septembre 2022 et prononcer la clôture de l'instruction à l'audience du 04 octobre 2022 ou, à défaut, écarter des débats les conclusions II de la SCI LES ALOUETTES communiquées par RPVA le 06 septembre 2022 à 19h38

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dax le 16 décembre 2020 en ce qu'il a débouté la SCI Les alouettes de l'ensemble de ses réclamations,

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la SCI Les alouettes et contraires aux présentes écritures,

- condamner la SCI LES ALOUETTES à verser à la Commune de [Localité 6] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance d'appel.

Au soutien de ses demandes, et sur le fondement des dispositions des articles 798 et 802 du code de procédure civile, des articles 1108, 1109, 1131, 1133, 1674 et 1321-1 anciens du code civil, la Commune de [Localité 6] fait valoir':

- qu'elle ne formule aucune autre prétention que la demande de confirmation du jugement et que ses défenses au fond échappent donc, selon la jurisprudence, aux délais de prescription que lui oppose la SCI LES ALOUETTES,

- que lors de la vente réalisée le 31 juillet 2013, ont été pris en compte les frais de commercialisation dépensés par la SCI LES ALOUETTES en acceptant de porter le prix du bien à 250.000 € au lieu de 233.000 € comme estimé par les Domaines,

- que la somme de 85.000 € mentionnée dans le compromis est étrangère à la valeur du bien considéré puisque fondée sur une moins-value pour la SCI LES ALOUETTES or, celle-ci avait en fait bénéficié d'une plus-value et non d'une moins-value lors de la première vente, la valeur réelle étant plutôt de 152.000 €,

- que la commune est lésée de plus de sept douzième dans le prix de l'immeuble, comme l'a justement retenu le 1er juge,

- que le consentement de la commune a été vicié par les man'uvres et la contrainte exercée par la SCI LES ALOUETTES pour signer la vente de ses parcelles en ce que la SCI LES ALOUETTES a exigé, avant de réitérer la vente, la signature du compromis litigieux, faisant pression sur la Commune, qui avait le besoin urgent d'agrandir ses locaux, exerçant ainsi un chantage constitutif d'une violence morale rendant nul le compromis de vente,

- enfin, que la cause subjective de ce compromis est illicite en ce qu'elle est contraire à l'ordre public pour viser la prise en charge par les deniers publics des pertes financières subies par la SCI LES ALOUETTES résultant de l'échec de son projet immobilier. Le compromis est donc sans effet,

- qu'en outre, il s'agit d'un acte dissimulé car non déclaré aux services fiscaux constituant une contre lettre sur le prix indiqué dans l'acte de vente du 31 juillet 2013, justifiant la non exécution de ce compromis par la Commune [Localité 6].

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En accord avec les parties à l'audience, il y a lieu de rabattre l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.

La cour rappelle que , en vertu de l'article 954 alinéa 3, selon lequel «La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif» les demandes contenues au dispositif des conclusions tendant à « constater », « dire et juger», ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions saisissant la Cour, mais des rappels de moyens.

Le contrat litigieux ayant été signé le 28 juin 2013, les dispositions applicables du code civil sont celles en vigueur à cette date, c'est-à-dire dans leur version antérieure au 1er octobre 2016.

Selon les articles 1131 et suivants du code civil , l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir d'effet. La cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes m'urs ou à l'ordre public.

En l'espèce, l'Établissement Public Foncier des Landes a acquis le 31 juillet 2013, par acte notarié passé devant Maître [G] [N], la propriété de la SCI LES ALOUETTES représentée par M. [U] pour le prix de 250.000 € constituée d'un bâtiment à usage d'atelier et d'une remise de 190m2 sur un terrain de 1465 m2 au total, cadastrée H [Cadastre 2], [Cadastre 3] et, [Cadastre 4].

La COMMUNE DE [Localité 6] avait, par délibération du 6 septembre 2012, délégué à l'EPFL ce pouvoir d'acquisition en son nom pour ce prix de 250.000 €.

Précédemment, la SCI LES ALOUETTES avait acquis ce bien de la SARL SEPT LIMITED le 26 mars 2009 pour le prix de 232.360 €.

Un avis des Domaines du 30 octobre 2009 mentionne que ce bien a une valeur comprise entre 210.000 et 230.000 €. Il est décrit comme constitué d'un bâtiment à usage commercial composé d'une grande pièce, d'un bureau et de toilettes et d'une dépendance. Le 17 décembre 2010, les Domaines évalue le même bien à 230.000 €.

Par acte administratif du 28 juin 2013, soit avant la réitération de la vente des parcelles H[Cadastre 2],[Cadastre 3] et [Cadastre 4] par la SCI LES ALOUETTES , la COMMUNE DE [Localité 6] promet de vendre à la SCI LES ALOUETTES au prix de 15.000 € un terrain à bâtir lui appartenant, de 1.000m2 minimum et entièrement viabilisé d'une valeur de 100.000 €.

Cette promesse de vente contient le motif de l'acte suivant: «'cette promesse fait suite à la vente par la SCI LES ALOUETTES à la COMMUNE DE [Localité 6] d'un immeuble situé à St-Martin de Hinx pour la somme de 250.000 € suivant l'acte passé entre l'Etablissement Public Foncier des Landes au titre de financeur d'une part de la Commune et M. [U] propriétaire vendeur de l'immeuble d'autre part. L'accord passé prévoit la mise à disposition d'un terrain communal par acte de vente à la SCI représenté par M. [U] pour la somme de 15.000 € HT courant 2013/2014.

Cette contribution financière de l'ordre de 85.000 € par la Commune constitue la compensation de la moins value enregistrée par M. [E] [U] lors de la vente de la SCI LES ALOUETTES de l'immeuble précité.

Les frais financiers engendrés par l'achat par la SCI de cet immeuble, notaire, bureau d'études, publicité, architecte pour la transformation de cet immeuble en résidence de logements (projet abandonné par la suite), justifient cette somme et dégagent la COMMUNE DE [Localité 6] de tout contentieux, intenté par la SCI LES ALOUETTES ou ses ayants droit.'»

Il s'agit donc, selon cet acte, de dédommager M. [U] des frais engagés par lui pour son projet de promotion immobilière et de commercialisation de logements, abandonné par lui.

Or, la cause de cette promesse de vente, en ce qu'elle consiste à faire prendre en charge par la Commune des frais de notaires, de bureau d'études, d'architecte, de publicité exposés par un particulier pour son compte personnel, sans que ces frais aient apporté une plus-value à l'immeuble vendu le 31 juillet 2013 encore dans le même état que lors de son acquisition en 2009, faute pour la SCI de démontrer la transformation ou l'amélioration de son bien, constitue une cause illicite rendant nulle et de nul effet une telle convention, une personne publique ne pouvant être condamnée, sur les fonds publics, à payer une somme qu'elle ne doit pas et en l'absence de tout service fait, en contravention avec les règles de la Comptabilité publique, et constituant en outre une violation du principe constitutionnel d'égalité devant la Loi et les charges publiques et de la protection de la propriété publique, interdisant aux personnes publiques de céder des biens en-deçà de leur valeur aux personnes privées poursuivant des fins d'intérêt privé.

Il s'en suit que c'est à bon droit que la COMMUNE DE [Localité 6] n'a pas exécuté cette convention illicite, et que la décision déférée, en ce qu'elle a rejeté les demandes de la SCI LES ALOUETTES doit être confirmée, mais pour ce motif substitué à ceux du 1er juge.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Le tribunal a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries';

Confirme le jugement rendu le 16 décembre 2020 en toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

Condamne la SCI LES ALOUETTES aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/03183
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;20.03183 ?
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