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17/11/2022 | FRANCE | N°20/01709

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 17 novembre 2022, 20/01709


AC/SB



Numéro 22/4056





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 17/11/2022







Dossier : N° RG 20/01709 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HTH3





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[U] [V]





C/



SOCIÉTÉ TOTALENERGIES

SE















Grosse délivrée le

à :































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisé...

AC/SB

Numéro 22/4056

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 17/11/2022

Dossier : N° RG 20/01709 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HTH3

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[U] [V]

C/

SOCIÉTÉ TOTALENERGIES

SE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Mai 2022, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, Greffière.

Madame [D], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame NICOLAS, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [U] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

SOCIÉTÉ TOTALENERGIES SE

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Maître MALTERRE de la SELARL MALTERRE - CHAUVELIER, avocat au barreau de PAU, et Maître ROTHOUX de la SELARL LHJ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 30 JUIN 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 19/00090

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [V] a été embauché le 13 novembre 2000 par la société Total, devenue la société Totalenergies, suivant contrat à durée indéterminée.

À compter du 1er mars 2010, il a occupé un poste d'agent technique de sécurité.

En mai 2018, il a formulé une demande de réexamen de la situation individuelle de sa rémunération.

Le 28 juin 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 10 juillet suivant et mis à pied à titre conservatoire.

Le 17 juillet 2018, il a été licencié pour motif disciplinaire.

Le 4 avril 2019, il a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 30 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment':

- retenu l'existence de la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif disciplinaire de M. [U] [V] notifié le 17 juillet 2018,

- retenu la réalité de déclaration d'heures supplémentaires fictives et la perception indue de rémunérations de ce fait,

- en conséquence,

- débouté M. [U] [V] de toutes ses demandes,

- condamné M. [U] [V] à verser à la société Total la somme de 8 092,89 € au titre des sommes indûment perçues,

- débouté la société Total de ses autres prétentions,

- dit que chaque partie assumera la charge de ses dépens.

Le 30 juillet 2020, M. [U] [V] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 28 mars 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [U] [V] demande à la cour de :

- annuler le jugement, les circonstances de l'espèce faisant objectivement naître un doute sur l'impartialité du conseil de prud'hommes, présidé par M. [C] [H] ayant, pendant 40 ans, effectué toute sa carrière au sein de la société Total,

- statuant à nouveau, sur le fond, sur la totalité des demandes,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- appliquer les principes consacrés par les traités de l'Union, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et la Charte sociale européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en écartant, en application du principe de primauté de la norme européenne, tout texte du droit interne et jurisprudence contraires, fut-ce une jurisprudence établie,

- avant dire droit : ordonner une mesure d'instruction en application du droit au procès équitable et des principes fondamentaux dégagés par la CEDH et la CJUE, ainsi que du droit à la preuve : se rendre sur le site de la société Total de [Localité 5], demander à accéder au logiciel SAP ainsi qu'à son ordinateur professionnel, demander à voir le fonctionnement du logiciel SAP, utilisé au moment des faits, pour la déclaration du temps de travail, constater la réalité du blocage du logiciel empêchant le pointage du temps de travail réel et interroger l'employeur sur le fonctionnement du service et du système de pointage, demander aussi à avoir copie de l'historique de compte rendu d'intervention sauvegardé sur le dossier informatique du service, historique permettant de justifier ses pointages, mener toute opération d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité, mesure d'instruction devant être effectuée, dans le respect du principe du contradictoire, en présence du salarié et des avocats des parties, demande formé sur le fondement du droit à la preuve et des articles 6 CEDH, 31 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne,

- sur le fond,

- constater que la société Total n'a pas mis en place un système objectif et fiable mesurant la durée du temps de travail journalier et hebdomadaire, le logiciel SAP étant bloqué à 10 heures par jour et la direction des ressources humaines obligeant les salariés à ne plus pointer à certaines périodes du mois et de l'année, en violation de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne,

- prononcer l'irrecevabilité ou l'inopposabilité des pièces adverses numéros 1, 2, 9, 18 à 21, 23 et 24, obtenues en violation du droit au procès équitable, du principe du contradictoire, des droits de la défense, du principe de loyauté de la preuve, et du droit à la protection des données personnelles, sur le fondement des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), et des articles L. 1121-1, L. 1222-4 et L. 2323-32 du code du travail,

- prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement disciplinaire, ce motif apparent ne constituant pas la véritable cause du licenciement, le grief de « sur-déclaration » étant, de plus, contesté, la fragilité de la procédure résultant notamment de l'abandon par l'employeur de la faute grave et même de la faute simple et d'absence de plainte pénale, les informations extraites du logiciel SAP et du serveur étant, au surplus, inopposables à l'appelant,

- prononcer la prescription de faits fautifs allégués, la société Total ne rapportant pas la preuve qu'elle n'a eu connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire, prescription qui n'est pas une demande mais un moyen, nécessairement recevable,

- condamner en conséquence la société Total à payer :

* 100'000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle en faisant une appréciation in concreto du préjudice et en écartant le barème Macron sur le fondement des articles 30 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 10 de la convention numéro 158 de l'OIT et 24 de la charte sociale européenne, d'une part, et sur le fondement du droit au procès équitable et du principe de la réparation intégrale du préjudice, d'autre part subsidiairement 68'003,55'€ sur le fondement de l'article L.'1235-3 du code du travail,

* 10'000'€ d'indemnité compensatrice relative aux repos compensateurs illicitement retenue dans le cadre du solde de tout compte, constituant une sanction pécuniaire illicite, que la cour annulera,

* 28'139,40'€ d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L. 8223-1 du code du travail et 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne,

* 15'000'€ de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail et pour non-respect des articles L.'3121-18, L.'3131-1 et L.'3132-2 du code du travail, des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, demande recevable comme n'étant pas nouvelle, celle-ci tendant aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, virtuellement comprise dans les demandes soumises en première instance en application des dispositions combinées des articles 565 et 566 du code de procédure civile,

* 35'000'€ de dommages-intérêts pour violation d'obligation d'exécution loyale du contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail,

* 624,09'€ correspondant à la note d'honoraires de l'huissier,

* 4'000'€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner également la société Total à rembourser les indemnités chômage à pôle emploi dans la limite de six mois,

- rejeter la demande reconventionnelle infondée, le salarié contestant toute « sur-déclaration » d'une part, les calculs de la société Total étant, d'autre part, faux et invérifiables en l'absence de système objectif et fiable de mesure du temps de travail, le logiciel SAP étant inadapté aux astreintes et verrouillé à 10 heures par jour, informations tirées du logiciel et du serveur au surplus inopposables à l'appelant en application des articles L. 1121-1, L. 1222-4 et L. 2323-32 du code du travail,

- frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Total aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 21 mars 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Totalenergies demande à la cour de':

- dire et juger que Monsieur [V] est irrecevable en ses prétentions nouvelles formulées en cause d'appel, à savoir en l'occurence les demandes suivantes :

- avant-dire droit, demande de mesure d'instruction tendant à se rendre sur le site de Total de [Localité 5], demander à accéder au logiciel SAP ainsi qu'à l'ordinateur professionnel de M. [V] ;

- constater que Total n'a pas mis en place un système objectif et fiable mesurant la durée du temps de travail journalier et hebdomadaire ;

- prononcer l'irrecevabilité ou l'innoposabilité des pièces adverses N°1,2,9,18 à 21, 23 et 24 ;

- prononcer la prescription des faits fautifs allégués, Total ne rapportant pas la preuve qu'elle n'a eu connaissance des faits fautifs que dans les 2 mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;

- condamner la société Total au paiement d'une somme de 10 000 € d'indemnité compensatrice relative aux repos compensateurs illicitement retenus dans le cadre du solde de tout compte ;

- condamner la société Total au paiement d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages et interêts pour violation de la durée maximale et pour non respect des articles L.3121-18, L.3131-1 et L.3132-2 du code du Travail ;

- condamner la société Total à rembourser les indemnités chômage à Pôle Emploi dans la limite de 6 mois ;

- rejeter la demande reconventionnelle de la société Total

- dire et juger M. [U] [V] mal fondé en son appel,

- en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- en tout état de caus l'en débouter,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le conseil déclarerait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [U] [V] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 100'000 €,

- faire application des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail et ramener les prétentions indemnitaires de M. [U] [V] à de plus justes proportions,

- dire et juger M. [U] [V] mal fondé en sa demande au titre d'une indemnité compensatrice relative aux repos compensateurs,

- en conséquence,

- l'en débouter,

- débouter M. [U] [V] du surplus de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,

- condamner M. [U] [V] à lui régler une somme de 3'500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] [V] à prendre en charge les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles

Conformément à l'article 564 du Code de Procédure Civile « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Les articles 565 et 566 du Code de Procédure Civile précisent que :

les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent,

les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il convient de constater, après analyse des pièces du dossier et des textes applicables, les éléments suivants':

la procédure devant le conseil de prud'hommes, conformément à l'article R.1453-3 du code du travail, est orale,

l'article L.1454-1-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 prévoit que «'le bureau de conciliation et d'orientation , les conseillers rapporteurs désignés par le bureau de conciliation et d'orientation ou le bureau de jugement peuvent fixer la clôture de l'instruction par ordonnance dont copie est remise aux parties et à leurs conseil. Cette ordonnance constitue une mesure d'administration judiciaire'». En l'espèce cette ordonnance est intervenue le 18 décembre 2019 et a fixé l'audience au 28 janvier 2020 et a été notifiée aux parties le même jour. Il convient de constater que la clôture a été prononcée le 18 décembre 2019 alors même que le défenseur avait adressé de nouvelles écritures le jour même à 10 heures 17 par courriel,

Maître Santi, conseil de M. [V] a déposé des conclusions devant le conseil de prud'hommes le 20 décembre 2019,

si le conseil de prud'hommes a refusé, le 28 janvier 2020 de révoquer l'ordonnance de clôture aux fins de prendre en considération les écritures du demandeur du 20 décembre 2019, les notes d'audience du conseil de prud'hommes du 28 janvier mentionnent explicitement que le conseil de M. [V] a développé oralement ses demandes soit particulièrement celle tendant à voir ordonner une mesure d'instruction, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de somme au titre des repos compensateurs, du travail dissimulé, de la violation de la durée maximale de travail, de l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

que les «'demandes'» tendant à ce que certaines pièces soient écartées et que la prescription disciplinaire soit retenue n'est pas nouvelle pour la première en ce qu'elle est formulée au soutien des demandes antérieures relatives à la contestation de son licenciement et à la demande reconventionnelle de l'employeur en remboursement de sommes indûment payées au titre des heures supplémentaires et constitue un moyen et non une demande pour la seconde,

que la recevabilité de la «'demande'» relative à la condamnation au remboursement des indemnités de chômage n'est pas nouvelle car elle constitue la conséquence nécessaire de celle visant à faire déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement, étant de surcroît relevée que cette condamnation, qui doit être prononcée d'office par le juge dans l'hypothèse où il retiendrait que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [V] ne formule donc devant la cour de demandes nouvelles de sorte que ses demandes sont recevables.

L'intimée sera donc déboutée de sa demande.

Sur la demande au titre de la nullité du jugement du conseil de prud'hommes

L'exigence d'impartialité s'impose aux juridictions à l'encontre desquelles le grief peut être invoqué indépendamment de la mise en 'uvre des procédures de récusation ou de renvoi dès lors qu'il ne relève pas d'un des cas visés à l'article L. 1457-1 du code du travail.

En application de l'article L. 1457-1 du code du travail':

Le conseiller prud'homme peut être récusé :

1° Lorsqu'il a un intérêt personnel à la contestation, le seul fait d'être affilié à une organisation syndicale ne constituant pas cet intérêt personnel,

2° Lorsqu'il est conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, parent ou allié jusqu'au degré de cousin germain inclusivement d'une des parties,

3° Si, dans l'année qui a précédé la récusation, il y a eu action judiciaire, criminelle ou civile entre lui et une des parties ou son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou ses parents ou alliés en ligne directe,

4° S'il a donné un avis écrit dans l'affaire,

5° S'il est employeur ou salarié de l'une des parties en cause.

Il en résulte que la qualité d'ancien salarié d'une partie ou d'une société appartenant au même groupe qu'une partie n'est pas en soi un motif de révocation prévu par l'article L. 1457-1 du code du travail. En conséquence, le défaut d'impartialité tenant à ces qualités peut être soulevé indépendamment de la mise en 'uvre des procédures de récusation ou de renvoi.

M. [V] sollicite l'annulation du jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 30 juin 2020 en raison du défaut d'impartialité des magistrats composant le conseil de prud'hommes.

Contrairement à ce que fait valoir l'employeur c'est à l'issue de la procédure de première instance que M. [V] a eu des doutes sur l'impartialité du juge prud'homal et il est donc inopérant de relever que celui-ci n'a pas mis en 'uvre la procédure de récusation prévue à l'article 342 du code de procédure civile.

Le constat d'huissier produit au dossier par M. [V] est en date du 3 juillet 2020 et démontre, ce qui n'est nullement contesté par l'employeur, que M. [H], président de la composition de jugement du conseil de prud'hommes, a été employé par la société Total ou des sociétés de ce groupe jusqu'en 2016 et qu'il a même été directeur des ressources humaines.

Cette qualité fait naître un doute légitime sur l'impartialité de la formation de jugement et contrevient en conséquence à l'exigence d'impartialité objective découlant notamment de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

De surcroît la chronologie de la procédure menée par le conseil de prud'hommes fait peser un sérieux doute sur l'impartialité de sa composition dans la mesure où le président, ancien salarié occupant un poste de cadre au sein du groupe Total, n'a pas respecté le principe du contradictoire en admettant les écritures de l'employeur le jour même de l'intervention de l'ordonnance de clôture sans permettre à M. [V] d'y répondre par écrit.

Il convient d'ailleurs de constater que l'exemplaire écrit des conclusions de l'employeur est parvenu au greffe le 19 décembre 2019 sans aucune mention de manuscrite de réception par courriel le 18 décembre 2019, comme en témoigne le cachet du greffe du conseil de prud'hommes, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture.

Le jugement entrepris doit en conséquence être annulé, conformément aux articles 455 et 458 du code de procédure civile. Il y a donc lieu, en application des articles 561 et 562 du même code de statuer sur l'entier litige.

Sur la demande au titre de l'irrecevabilité ou de l'inopposabilité de certaines pièces

En application de l'article L. 1222-4 du code du travail':

Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.

En application des anciens articles L. 2323-27, L. 2323-46 devenu l'article L.'2312-38, le comité d'entrepris puis le comité social et économique doivent être informé et/ou consulté sur tout système de traitement automatique des données ainsi que sur les moyens et techniques de contrôle de l'activité des salariés.

Si l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en 'uvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.

En application de la loi informatique et liberté et du règlement général de protection des données, l'employeur a notamment l'obligation de déclarer les systèmes de traitements automatisés de données à caractère personnel.

L'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions relatives à infiltration des salariés, l'information et/ou la consultation des représentants du personnel ainsi que celles relatives à la protection des données, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce M. [U] [V] reproche notamment aux pièces numéros 1, 2, 9, 18 à 21, 23 et 24 d'être illicites pour ne pas avoir fait l'objet d'une information et d'une consultation des représentants du personnel, d'une information individuelle des salariés, de ne pas avoir été déclaré à la CNIL et de ne pas respecter la protection attachée aux données à caractère personnel.

La société Totalenergies se borne à soutenir le contraire sans verser aux débats de pièces permettant notamment d'établir qu'elle a informé les représentants du personnel des différents moyens de contrôles de l'activité des salariés et déclaré ces systèmes de traitements automatisées des données à la CNIL.

Cependant les pièces visées concernent':

- pour la pièce 1': un extrait de kbis de la société Total,

- pour la pièce 2': des comptes rendus d'interventions dont le salarié sollicite une production plus complète,

- pour la pièce 9': un courriel de Me [F] au conseil de prud'hommes,

- pour les pièces 18 à 21': des pièces relatives à la procédure prud'homale,

- pour les pièces 23 et 24': une étude comparative des heures supplémentaires déclarées ainsi que la feuille de saisie des temps d'un des collègues du salarié.

Il en résulte que seules les pièces 2, 23 et 24 sont illicites faute pour l'employeur de rapporter la preuve qui lui incombe qu'il a notamment respecté ses obligations d'information des représentants des salariés et de déclaration auprès de la CNIL.

Cependant, s'agissant de la pièce n° 2, le salarié sollicite une production plus complète des comptes rendus d'interventions de sorte qu'il ne peut valablement demander d'écarter cette pièce et que cette demande établit que l'utilisation de la pièce n° 2 est indispensable à l'exercice du droit à la preuve, que l'atteinte au droit à la vie personnelle est strictement proportionnée au but poursuivi consistant à établir les horaires réellement accomplis par le salarié et que cette production n'a pas porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.

Au demeurant, le fait que M. [U] [V] est l'auteur de ces comptes rendus d'interventions mis à disposition de son employeur corrobore l'absence d'atteinte excessive à ses droits et le caractère équitable de la procédure.

De même, s'agissant des pièces n° 23 et 24, la production de ces pièces illicites est indispensable à l'exercice de son droit à la preuve et l'atteinte ainsi portée à la vie privée des autres salariés est strictement proportionnée au but poursuivi dans la mesure où ces pièces contribuent à déterminer les heures réellement effectuées par le salarié et ses collègues, en permettant de répondre ainsi à ses propres prétentions.

En outre, l'utilisation de ces pièces ne porte pas atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble puisque M. [U] [V] a été en mesure de les critiquer utilement sur le fond et qu'il avait connaissance de l'existence du système de contrôle du temps de travail qu'il utilisait lui-même.

Il convient en conséquence de débouter M. [U] [V] de sa demande.

Enfin, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité des autres pièces versées aux débats par la société Totalenergies, ni sur «'l'enquête interne'» dont aucun compte rendu ou conclusion n'est versé aux débats, car M. [U] [V] ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions que ces pièces soient écartées ou déclarées inopposables.

Sur les mesures d'instruction

Il existe un doute sur la conservation des données informatiques visées sur lesquelles portent la demande d'instruction et les pièces versées aux débats permettent à la cour d'être suffisamment éclairée pour se prononcer.

En conséquence il n'y a pas lieu d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par M. [U] [V].

Il convient donc de débouter M. [U] [V] de sa demande.

Sur les heures réalisées

En applications des articles :

- L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail :

Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

- L. 3171-3 du même code :

L'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

- L. 3171-4 du même code :

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [U] [V] soutient qu'il a effectué les heures supplémentaires qui lui ont été rémunérées et qui sont mentionnées dans ses bulletins de salaire.

La société Totalenergies demande à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] [V] à lui verser la somme de 8 092,89 € au titre des sommes indûment perçues.

Les heures mentionnées dans les bulletins de salaire sont suffisamment précises pour permettre à l'employeur d'y répondre, étant ajouté que M. [U] [V] verse aux débats des consignes d'utilisation du logiciel de décompte du temps de travail dont il ressort que les temps déclarés doivent être validés par le supérieur hiérarchique.

La société Totalenergies verse aux débats notamment':

- des comptes rendus d'intervention, étant précisé que la société Totalenergies a refusé de communiquer l'historique de compte rendu d'intervention sauvegardé sur le dossier informatique du service et que rien ne permet d'assurer que les comptes rendus versés aux débats sont exhaustifs,

- des feuilles de saisie des temps de M. [U] [V] de janvier 2016 à mai 2018,

- une «'étude comparative des heures supplémentaires déclarées par les 4 ATS'»,

- des feuilles de saisie des temps des 4 ATS de janvier 2016 à décembre 2017,

- des «'mains courantes sûreté'», dont l'étude révèle cependant qu'hormis une page en format texte non datée et la dernière page permettant d'accéder au contenu des commentaires, aucune des pages de ce document ne permet d'accéder à des données susceptibles de concerner M. [U] [V], étant au demeurant relevé que rien ne garantit le caractère exhaustif des indications figurant dans ce document,

- un «'tableau récapitulatif des écarts constatés entre les heures saisies et les heures de présence sur site'»

- des tableaux précisant les «'autorisations d'accès week-end et accès sur site week-end entre le 16 mai 2016 et le 17 juin 2018'», étant relevé que rien ne permet de garantir l'authenticité et l'exactitude de ces tableaux,

- une attestation de M. [A] [K], chef d'établissement de [Localité 5], indiquant notamment que «'M. [V] a finalement reconnu avoir délibérément commis des erreurs et proposé de rembourser le trop-perçu de manière indue'».

À titre liminaire, il convient de relever que la société Totalenergies soutient à tort que pendant les astreintes seules les heures d'intervention sur site constituent du temps de travail et ne verse pas de pièces permettant de prendre en compte l'intégralité du temps de travail ni d'établir que les heures enregistrées par M. [U] [V] et ses collègues étaient validées sans vérification.

Il convient également de souligner que les feuilles de saisie des temps de travail des quatre salariés permettent également de constater que le logiciel de suivi du temps de travail ne permet de déclarer que des nombres entiers d'heures de travail, ce qui corrobore le fait que le suivi du temps de travail organisé par la société Totalenergies est par construction approximatif.

La confrontation des feuilles de temps de M. [U] [V] et de ses trois collègues et de l'étude comparative réalisée par la société Totalenergies révèle notamment que si M. [U] [V] déclare avoir accompli en moyennes plus d'heures de travail pendant ses astreintes, les maxima d'heures déclarées par mois ne sont pas anormaux par comparaison à ceux d'autres salariés, à l'instar de M. [G] [X] pour le mois de mai 2017.

Au demeurant, rien ne permet d'établir que M. [U] [V] n'accomplissait pas davantage d'astreintes que ces collègues ou n'était pas appelé en priorité en cas d'astreinte assurée en binôme, étant relevé qu'il n'est pas contredit lorsqu'il indique être le seul des quatre salariés comparés à ne pas avoir d'enfant et avoir en conséquence été plus disponible que ses collègues.

En outre les feuilles de saisie des temps de travail des quatre salariés révèlent que la durée de 10 heures journalières de travail est régulièrement atteinte en raison notamment d'heures de travail réalisées après des journées de 8 heures de travail pendant des astreintes. Or, alors que les interventions pendant les astreintes sont par nature imprévisibles, la durée de dix heures de travail n'est jamais dépassée. Si ce point ne peut assurément être reproché à la société Totalenergies qui doit respecter les durées maximales de travail, il fait naître un doute sur la fiabilité du logiciel de décompte et sur l'existence d'un blocage à 10 heures de travail par le biais d'un paramètre informatique. Pourtant, la société Totalenergies ne verse aux débats aucune pièce permettant d'indiquer le contraire ni d'expliquer par quelle organisation elle assure le respect de la durée maximale de travail malgré les astreintes accomplies en sus de journées de travail de 8 heures alors même que M. [U] [V] met en cause la fiabilité de ce logiciel et demande à ce qu'une mesure d'instruction soit ordonnée.

Compte tenu de ce qui précède, de la validation des temps de travail par le supérieur hiérarchique, de la durée de la période litigieuse couvrant plus de 3 années et de l'existence d'un service RH capable de suivre les heures déclarées par les salariés et rémunérées à ce titre, il est établi que le décompte du temps de travail se faisait en enregistrant au maximum 10 heures de travail par jour et en déclarant les heures accomplies au-delà sur d'autres jours, notamment sous la forme d'heures de travail accomplies pendant les astreintes.

Enfin, M. [A] [K] est chef d'établissement et salarié de l'employeur. Si cette qualité de M. [A] [K] ne justifie pas en soi d'écarter son attestation, cette attestation n'est pas suffisante, en l'absence d'autres pièces venant la corroborer, pour rapporter la preuve que M. [U] [V] a effectivement reconnu avoir déclaré plus d'heures de travail qu'il n'en a effectué et a proposé de rembourser le trop-perçu.

La société Totalenergies ne répond ainsi pas utilement aux éléments suffisamment précis apportés par M. [U] [V] quant aux heures qu'il soutient avoir réalisé et qui ont été validées par son supérieur hiérarchique.

Il est donc établi que M. [U] [V] a accompli les heures supplémentaires qui lui ont été rémunérées.

Il convient en conséquence de débouter la société Totalenergies de sa demande.

Sur le travail dissimulé

M. [U] [V] qui demande à ce que la société Totalenergies soit condamnée au titre de travail dissimulé ne formule aucune demande relative au paiement d'heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été rémunérées et ne seraient pas mentionnées dans les bulletins de paie. De plus, il n'apporte aucun élément relatif à l'existence de telles heures.

En outre, le blocage à 10 heures quotidiennes de travail n'implique pas en soi que le nombre d'heures indiquées sur les bulletins de salaires sont fausses dès lors qu'il a été établi, conformément à ce que soutient le salarié, que ces heures ont bien été enregistrés et payées au titre de jours suivants.

Enfin et surtout, M. [U] [V] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'élément intentionnel du travail dissimulé, lequel ne peut résulter d'un simple décalage du paiement et de la mention dans les bulletins de salaire de certaines heures sur le mois suivant.

Il convient en conséquence de débouter M. [U] [V] de sa demande.

Sur l'indemnité compensatrice relative aux repos compensateurs

M. [U] [V] soutient qu'une somme de 10 000 € aurait été retenue sur la somme versée au titre des repos compensateurs en compensation des heures de travail que la société Totalenergies conteste.

Cependant ni le bulletin de salaire du mois d'août 2018 ni le solde de tout compte ni aucune autre pièce versée aux débats ne permettent d'établir l'existence d'une pareille retenue.

En outre, M. [U] [V] n'établit pas que la somme de 8 262,36 € qui lui a été versée au titre des repos compensateurs le mois d'août 2018 ne l'a pas intégralement rempli de ces droits.

Il convient en conséquence de le débouter de sa demande.

Sur le respect des durées maximales de travail et minimales de repos

La société Totalenergies à qui incombe la preuve du respect des durées maximales de travail et minimales de repos ne rapporte pas cette preuve, étant précisé qu'il a été établi que le décompte du temps de travail ne permet pas d'enregistrer plus de 10 heures par jours, que seule l'amplitude horaire est enregistrée et que pour certaines semaines, à l'instar de celles du 16 et du 23 janvier 2017, la société Totalenergies a validé un décompte faisant apparaître un travail pendant 12 jours d'affilée et 63 heures de travail pendant la première semaine.

Compte tenu de son ampleur, le non-respect des durées maximales de travail et minimales de repos a causé à M. [U] [V] un préjudice que la société Totalenergies doit être condamnée à réparer par le versement d'une indemnité de 4'000 €.

Sur l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail

Il a été établi que M. [U] [V] n'était pas en mesure d'enregistrer plus de 10 heures de travail par jours, ce qui constitue un manquement de la société Totalenergies à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail.

En outre, alors qu'il n'est pas contesté qu'il a découvert le corps d'un collègue s'étant suicidé sur son lieu de travail en 2015 et a dû faire face au suicide d'un second collègue en 2017, la société Totalenergies se borne à invoquer les messages qu'elle a adressés collectivement aux salariés pour les informer de l'existence d'une cellule de soutien psychologique et la présence d'un psychologue. Ces mesures générales qui n'ont été organisées qu'en 2017, soit à l'occasion du second suicide, sont certes utiles mais très insuffisantes et traduisent un manque de considération et une déloyauté particulièrement grave puisque M. [U] [V] n'a fait l'objet d'aucune mesure en 2015 après avoir découvert le corps d'un collègue s'étant suicidé au travail.

M. [U] [V] justifie de l'existence d'une consultation «'souffrance au travail'» réalisée le 17 décembre 2018 avec une spécialiste «'souffrance et travail'» faisant état de symptômes de troubles post traumatiques et indiquant qu'un traitement adapté serait nécessaire pour l'aider à sortir de cette impasse.

Ces manquements graves de la société Totalenergies ont causé à M. [U] [V] un préjudice qu'elle doit être condamnée à réparer par le versement d'une indemnité de 8'000 €.

Sur le licenciement

Il a été établi que M. [U] [V] a accompli les heures supplémentaires qu'il a enregistrées sur le logiciel de suivi des temps et qui lui ont été rémunérées.

En outre, il ne peut lui être reproché d'avoir déclaré certaines heures sur d'autres jours que ceux de leur accomplissement puisque c'est la société Totalenergies qui s'est rendue responsable de ces inexactitudes en ne mettant pas le salarié en mesure de déclarer ses heures de travail au-delà de la limite de 10 heures par jour.

Partant, et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner la prescription disciplinaire, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires relatives au licenciement

S'agissant du préjudice économique subi par M. [U] [V], celui-ci justifie avoir perçu 592 allocations journalières de chômage entre le 23 septembre 2018 et le 4 mars 2022 sans indication relatives aux causes ayant justifiés que seulement 592 allocations journalières aient été versées sur cette période.

S'agissant du préjudice moral, la lettre de licenciement est fondée sur sa duplicité tenant à des déclarations fictives d'heures de travail. Or il a été établi que ce grief n'était pas caractérisé. Compte tenu de la gravité des griefs reprochés à tort au salarié, son préjudice moral est établi.

Compte tenu de ce qui précède et des documents salariaux, le préjudice subi par M. [U] [V] du fait de son licenciement injustifié s'élève à la somme de 51'000 €.

Compte tenu de son ancienneté de 17 ans, et non de 18 ans comme il le soutient, et de son salaire mensuel de 4'689,90'€, lequel n'est pas contesté et ressort des documents salariaux, l'article L. 1235-3 du code du travail qui permet en l'espèce une indemnisation maximale de 65'658,60'€ ne fait pas obstacle à l'octroi d'une indemnisation adéquate du licenciement conformément à l'article 24 de la charte sociale européenne révisée et à l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT.

En conséquence, la société Totalenergies doit être condamnée à verser à M. [U] [V] la somme de 51 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient en outre, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, de condamner la société Totalenergies à rembourser les indemnités de chômage versées à M. [U] [V] dans la limite de 6 mois.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes ayant une nature salariale ou assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes tandis que les intérêts des créances de nature indemnitaire courent à compter de la décision qui les déterminent.

En application de l'article 1342-3 du même code, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt.

S'agissant de la demande de M. [U] [V] au titre des honoraires d'huissier qu'il a engagés pour établir le parcours professionnel du président de la composition de jugement du conseil de prud'hommes, ces frais constituent des frais irrépétibles qui ne peuvent donner lieu à condamnation que dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient en conséquence de débouter M. [U] [V] de cette demande formulée distinctement mais de tenir compte de cette dépense dans le cadre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la présente instance doivent être supportés par la partie qui succombe, la société Totalenergies.

Il n'est pas inéquitable de condamner cette dernière à verser à M. [U] [V] une somme de 3'600'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile tout en la déboutant de sa propre demande formée sur le fondement des mêmes dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

Déclare recevables les demandes formulées par M. [U] [V],

Annule le jugement entrepris pour défaut d'impartialité objective,

Et statuant sur l'entier litige,

Déclare recevables les pièces versées aux débats par la société Totalenergies,

Déboute M. [U] [V] de ses demandes':

- de mesures d'instruction,

- au titre du travail dissimulé,

- au titre d'une retenue sur l'indemnité compensatrice relative au repos compensateur,

- au titre de la note d'honoraires de l'huissier,

Déboute la société Totalenergies de sa demande de remboursement des sommes indûment perçues au titre des heures supplémentaires,

Dit que le licenciement de M. [U] [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Totalenergies à verser à M. [U] [V] les sommes suivantes':

- 4'000 € au titre du non-respect des durées maximales de travail et minimales de repos,

- 8'000 € au titre de l'obligation de loyauté,

- 51 000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes tandis que les intérêts des créances de nature indemnitaire courent à compter de la décision qui les déterminent,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts,

Condamne la société Totalenergies à verser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [U] [V] dans la limite de 6 mois d'indemnités ,

Condamne la société Totalenergies aux entiers dépens et à verser à M. [U] [V] la somme de 3'600'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01709
Date de la décision : 17/11/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.01709 ?
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