PhD/ND
Numéro 22/4066
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 17/11/2022
Dossier : N° RG 20/01571 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HS2Z
Nature affaire :
Autres demandes relatives à un bail d'habitation ou à un bail professionnel
Affaire :
[L] [Z]
C/
[J] [R]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 26 Septembre 2022, devant :
Monsieur Phlippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marc MAGNON et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [L] [Z]
né le 24 Juin 1976 à [Localité 4]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Frédéric BELLEGARDE, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [J] [R]
né le 26 Mars 1985 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Antoine PAULIAN, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 25 JUIN 2020
rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE PAU
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
M. [L] [Z] est propriétaire de deux lots d'habitation d'une copropriété, située [Adresse 2], dont l'un, situé au deuxième étage, a été donné à bail à M. [O] [V] par contrat du 16 janvier 2014.
Suite à plusieurs incidents survenus au sein de la résidence, le syndic de copropriété a avisé M. [Z] de l'existence de troubles locatifs causés par ses locataires dont M. [V].
Lors de l'assemblée générale de la copropriété du 26 février 2016, M. [Z] s'est engagé à faire expulser ce locataire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 février 2016 M. [R], co-propriétaire résident, se plaignant des troubles de voisinages subis par sa famille, a également mis en demeure M. [Z] de faire cesser les troubles commis par son locataire.
Le 30 mars 2016, M. [Z] a donné congé au 31 janvier 2017 à son locataire pour motifs légitimes et sérieux fondés sur les troubles locatifs dénoncés par la copropriété et les résidents.
Le locataire s'étant maintenu en place, et suivant exploit du 29 mars 2019, M. [R] a fait assigner M. [Z] par devant le tribunal d'instance de Pau, devenu le juge des contentieux de la protection, aux fins de le voir condamner, sous astreinte, à engager une procédure de résiliation du bail le liant à M. [V].
Parallèlement, le 28 janvier 2019, M. [Z], au visa d'un commandement de payer les loyers, visant la clause résolutoire, délivré le 27 novembre 2018, avait saisi en référé le même juge qui, par ordonnance du 27 août 2019, a constaté la résiliation du bail et ordonné l'expulsion du locataire.
M. [R] s'est désisté de sa demande principale et a sollicité l'indemnisation de son préjudice du fait de l'engagement tardif de la procédure d'expulsion du locataire qui a pu se maintenir dans les lieux en poursuivant ses nuisances locatives.
Par jugement du 25 juin 2020, le juge des contentieux de la protection de Pau a, au visa des articles 1240 du code civil et 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 :
- constaté le désistement de M. [R] de sa demande sous astreinte
- condamné M. [Z] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts
- condamné M. [Z] aux dépens, outre le paiement d'une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 21 juillet 2020, M. [Z] a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 novembre 2021.
Les parties ont été avisées par message RPVA que la décision sera rendue par anticipation le 17 novembre 2022.
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Vu les dernières conclusions notifiées le 27 août 2020 par M. [Z] qui a demandé à la cour de réformer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter M. [R] de ses demandes et de le condamner au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Vu les dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2020 par M. [R] qui a demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris sur le principe de la responsabilité de M. [Z] du fait de son inaction fautive
- sur appel incident, infirmant le jugement, de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts
- condamner M. [Z] au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Le premier juge a exactement statué au visa des articles 1240 du code civil et 6-1 de la loi du 6 juillet 1989, dont il résulte que les tiers peuvent agir en responsabilité pour faute du bailleur qui, mis en demeure et sans motif légitime, n'utilise pas les droits dont il dispose pour faire cesser les troubles du voisinage causés aux tiers par les personnes qui occupent les locaux loués.
L'appelant fait grief au jugement d'avoir retenu sa responsabilité alors qu'il n'a pas fait l'objet de la mise en demeure prévue par la loi, que le locataire avait cessé les nuisances locatives depuis le congé délivré le 30 mars 2016, que les preuves des nuisances locatives étaient trop incertaines pour fonder une action en expulsion et que M. [R] ne justifie pas d'un préjudice personnel distinct de celui subi par la collectivité des copropriétaires.
Mais, en premier lieu, la lettre recommandée avec accusé de réception du 7 février 2016, parfaitement motivée sur la caractérisation de la nature et la réalité des troubles de voisinages reprochés au locataire du fait, outre des dégradations des parties communes, des tapages nocturnes et diurnes, des altercations bruyantes et alcoolisées et des insultes, auxquels sa famille a été exposée, et mettant en demeure le bailleur de faire cesser ces troubles, satisfait à la mise en demeure prévue à l'article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989.
Ensuite, le moyen tiré de la prescription des faits d'insultes et d'outrages est inopérant, comme le souligne justement l'intimé, qui n'agit pas contre le locataire mais contre le bailleur du fait de son inaction à compter du 7 février 2016.
Concernant le motif légitime tiré des aléas d'une action en résiliation du bail pour troubles de voisinage, ce moyen ne peut être regardé comme pertinent alors que, en dépit du caractère grave et répété des troubles régulièrement dénoncés entre 2014 et 2016, et de son engagement de faire expulser le locataire pris lors de l'assemblée générale du 26 février 2016, M. [Z], qui ne justifie même d'aucune mise en demeure contre son locataire, s'est borné à délivrer un congé à effet du 31 janvier 2017 pour troubles de voisinage.
Ce faisant, le bailleur a, d'abord, permis au locataire, auteur des troubles, de demeurer en jouissance pendant neuf mois, puis s'est abstenu d'agir en expulsion, en dépit même du nouveau signalement fait le 10 janvier 2017 par M. [R], au prétexte injustifié d'une incertitude sur les preuves des troubles de voisinage alors que, et sans préjuger de l'issue d'une action en justice, l'accumulation des faits constatés dans les plaintes et mains courantes, la pétition des résidents, les résolutions des assemblées générales, comme l'absence de toute protestation du locataire mis en cause, étaient de nature à fonder une action en résiliation du bail, sans attendre le terme d'un congé délivré pour les mêmes faits, et, au terme dudit congé, à engager une action en expulsion.
Or, M. [Z], atermoyant toute poursuite contre son locataire, s'est borné à délivrer un commandement de payer les loyers en novembre 2018, avant d'assigner, en janvier 2019, le locataire en référé-expulsion pour non-paiement des loyers.
Il résulte des constatations qui précèdent que M. [Z] a commis une faute en s'abstenant d'agir, dès le courant de l'année 2016 et, au plus tard, dès le début de l'année 2017, en résiliation du bail et expulsion du locataire.
S'il est exact que le comportement du locataire a connu une accalmie dans le courant de l'année 2017, l'inertie du bailleur a anormalement entretenu son voisin dans un climat d'insécurité nourri de l'agressivité et des excès passés du locataire.
L'indemnisation accordée par le premier juge, à concurrence de la somme de 2.000 euros, répare exactement le préjudice subi par M. [R].
Le jugement sera entièrement confirmé, y compris sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [Z] sera condamné aux dépens d'appel et à payer une indemnité complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris,
y ajoutant,
CONDAMNE M. [Z] aux dépens d'appel,
CONDAMNE M. [Z] à payer à M. [R] une indemnité complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,