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17/11/2022 | FRANCE | N°20/01260

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 17 novembre 2022, 20/01260


PS/SB



Numéro 22/4053





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 17/11/2022







Dossier : N° RG 20/01260 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSBD





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse









Affaire :



S.A.S. SOCIETE [5]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES









Grosse délivrée ler>
à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions ...

PS/SB

Numéro 22/4053

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 17/11/2022

Dossier : N° RG 20/01260 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSBD

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

Affaire :

S.A.S. SOCIETE [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 Septembre 2022, devant :

Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame SORONDO, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE [5]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Maître DAGHER-PINERI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

[Adresse 2]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 15 MAI 2020

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 16/0780

FAITS ET PROCÉDURE

M. [J] [F], salarié en qualité de chef de chantier depuis le 1er mars 2003 par la société [5], a été en arrêt maladie à compter du 24 décembre 2015.

Le 16 février 2016, il a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (CPAM des Landes ou la caisse) une déclaration de maladie professionnelle pour «'une atteinte de la coiffe des rotateurs épaule droite'». Elle était accompagnée d'un certificat médical initial du docteur [O] du même jour qui mentionnait «'douleur épaule droite, mécanique, chez un travailleur manuel avec à l'IRM une atteinte distale de la coiffe'» et faisait état d'une première constatation de la maladie le 24 décembre 2015.

Par courrier en date du 23 février 2016 réceptionné le 26 février 2016, la caisse a transmis à la société [5] la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial.

Elle a procédé à une instruction sur les conditions de travail du salarié en adressant un questionnaire à ce dernier et à l'employeur.

Le salarié a retourné le questionnaire renseigné en date du 3 mars 2016.

Suivant colloque médico-administratif du 29 mars 2016, le médecin conseil a conclu que le salarié était atteint de la maladie tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de l'épaule droite objectivée par IRM du 2 février 2016, avec une date de première constatation médicale le 24 décembre 2016.

Par courrier en date du 11 avril 2016, l'employeur a émis des réserves sur la reconnaissance d'une maladie professionnelle.

Par courrier du 13 avril 2016 réceptionné le 15 avril 2016, la caisse a informé la société [5] que l'instruction était terminée et de sa possibilité de consulter les pièces constitutives du dossier avant sa décision à intervenir le 3 mai 2016 sur la maladie professionnelle «'tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite'» inscrite au tableau n° 57 des maladies professionnelles.

Par courrier du 3 mai 2016 réceptionné le 9 mai 2016, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie «'tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite'» inscrite au tableau n° 57 des maladies professionnelles.

La société [5] a contesté l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge':

- par courrier du 22 juin 2016, auprès de la commission de recours amiable de la caisse, laquelle, par décision du 26 juillet 2016, a rejeté sa demande,

- par courrier du 23 septembre 2016 réceptionné le 26 septembre 2016, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, devenu ensuite le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan.

Par jugement du 15 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a':

- constaté que c'est à juste titre que la CPAM a pris en charge la maladie professionnelle déclarée par M. [J] [F] le 16 février 2016,

- déclaré opposable à la société [5] la décision de la CPAM des Landes de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée le 16 février 2016 par M. [J] [F],

- condamné la société [5] aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.

Ce jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, reçue par l'employeur le 28 mai 2020.

Par courrier recommandé expédié au greffe de la cour le 12 juin 2020, la société [5] en a interjeté appel dans des conditions de régularité qui ne sont pas discutées.

Selon avis de convocation contenant calendrier de procédure en date du 23 mars 2022, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 19 septembre 2022 à laquelle elles ont comparu.

PRETENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions communiquées par RPVA le 25 avril 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la société [5], appelante, demande à la cour de :

- la recevoir en son recours et le dire bien fondé,

- infirmer le jugement déféré,

En conséquence,

- constater que le principe du contradictoire n'a pas été respecté,

- constater que le poste de M. [F] ne présente aucune opération de manutention, aucun geste répété des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules, aucune exposition aux vibrations des membres supérieurs, et tel que précisé par le médecin du travail,

- lui déclarer inopposable la décision de la caisse.

Selon ses conclusions communiquées par RPVA le 21 juin 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM des Landes, intimée, demande à la cour de :

Sur la forme

- voir statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

Sur le fond

- voir confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- y ajoutant, voir condamner la société [5] à lui payer une somme de 800 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile,

- voir condamner la société [5] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR QUOI LA COUR

Sur le respect du principe du contradictoire

La société [5] fait valoir':

- que les pièces du dossier constitué par la caisse lui ont été communiquées par courrier du 21 avril 2016 réceptionné le 27 avril 2016, et que n'en faisaient pas partie, ainsi qu'indiqué par elle par courrier du 28 avril 2016 réceptionné le 2 mai 2016, son courrier de réserves du 11 avril 2016 et le certificat de première constatation de la maladie du 24 décembre 2015';

- que la décision de prise en charge a été prise sans considérer sa lettre de réserves pourtant transmise pendant l'instruction, puisque la commission de recours amiable a indiqué que «'l'employeur n'ayant pas transmis sa lettre de réserves dans un délai respectable, il a de sa propre négligence obligé la caisse d'instruire cette demande de reconnaissance de maladie professionnelle avec les seuls éléments transmis par le demandeur'».

La CPAM des Landes soutient':

- qu'elle a respecté son obligation d'information dès lors qu'elle a avisé l'employeur de la fin de l'instruction, de la date de prise de décision et de la possibilité de consulter les pièces du dossier'; c'est sans y être obligée qu'elle a procédé à un envoi postal des pièces du dossier à l'employeur';

- que s'agissant de la lettre de réserves, l'employeur ne peut soutenir que son absence lui a causé grief alors qu'il en avait connaissance pour en être l'auteur';

- qu'elle a réceptionné la lettre de réserves le 18 avril 2016, après la clôture de l'instruction et pendant le délai de consultation du dossier';

- qu'elle a été avisée de son prétendu oubli par courrier du 28 avril 2016 reçu le 3 mai 2016, jour de la prise de décision';

- que s'agissant du certificat médical du 24 décembre 2015, il s'agit d'un élément de diagnostic qui n'a pas à être communiqué car couvert par le secret médical';

- qu'une lecture exhaustive de la décision de la commission de recours amiable permet de déterminer qu'elle a clôturé l'instruction le 13 avril 2016, sans retour du questionnaire employeur sollicité par courrier réceptionné le 26 février 2016, puis a pris sa décision le 3 mai 2016 en tenant compte de la lettre de réserves réceptionnée le 18 avril 2016.

Sur ce,

Suivant l'article R.441-11 III du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Suivant l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R.441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R.441-13.

Suivant l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre':

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

En l'espèce, la caisse a, de sa propre initiative, procédé à une instruction par envoi d'un questionnaire au salarié et à l'employeur, reçu par ce dernier le 26 février 2016, ainsi que justifié par la caisse, et auquel il n'a donné aucune suite. C'est cette carence qu'a relevée la commission de recours amiable en indiquant «'Il convient de rappeler toutefois qu'il n'a pas cru bon de faire diligence à la demande du rapport sollicité par la caisse en date du 23 février 2016 alors que cette demande mentionne que ce dernier «'doit être fourni dans le délai d'un mois'». Aussi, passé ce délai, la caisse a instruit la demande de l'assuré avec les éléments présents au dossier et ceux transmis par l'employeur qui n'a jamais envoyé ledit rapport'».

En application des dispositions de l'article R.441-14 al 3 du code de la sécurité sociale rappelées ci-dessus, la caisse, tenue d'une obligation d'information à l'égard de l'employeur, l'a bien informé par courrier du 13 avril 2016 réceptionné par ce dernier le 15 avril 2016, de la fin de la clôture de l'instruction, de sa possibilité de consulter le dossier et de la date de la décision à intervenir. Bien que ces dispositions ne mettent pas à la charge de la caisse l'obligation de faire droit à une demande de l'employeur de communication du dossier, la caisse doit, si elle procède à une telle communication, adresser l'intégralité du dossier.

Il est admis en l'espèce que la caisse a adressé les pièces du dossier à l'employeur par courrier du 21 avril 2016 qu'aucune des parties ne produit.

La pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial est couverte par le secret médical et n'est donc pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur (Cour de cassation 2ème chambre civile 12 novembre 2020 19-20145), et l'employeur, qui a été destinataire du colloque médico-administratif, a été informé que la date de la première constatation médicale retenue par le médecin conseil correspond à celle du certificat d'arrêt de travail du 24 décembre 2015.

En revanche, les réserves de l'employeur sont recevables pour avoir été reçues par la caisse, d'après ses indications, le 18 avril 2016, donc avant la date annoncée de la prise de décision. Alors qu'il lui appartient de justifier qu'elle a satisfait à son obligation d'information, elle ne démontre pas qu'elles faisaient partie du dossier adressé à l'employeur. Au contraire, en faisant valoir que la lettre de réserves et le courrier d'envoi des éléments du dossier se sont croisés, ce qui n'est pas le cas puisqu'elle a reçu la première le 18 avril 2016 et a expédié le second le 21 avril 2016, elle admet que le courrier de réserves ne faisait pas partie du dossier adressé à l'employeur. Ainsi, elle n'établit pas avoir satisfait à son obligation d'information, et au demeurant, dès lors que son courrier de réserves était absent du dossier communiqué, l'employeur est bien fondé à soutenir que la décision a été prise sans considération de celui-ci. La sanction de ce manquement est l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'employeur. Le jugement sera donc infirmé.

Sur les autres demandes

La CPAM des Landes, qui succombe, sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en appel et déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire';

Infirme le jugement rendu le 15 mai 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit inopposable à la société [5] la décision du 3 mai 2016 de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée le 16 février 2016 par M. [J] [F],

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Landes aux dépens exposés en première instance et en appel et la déboute de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseillère, par suite de l'empêchement de Madame NICOLAS, Présidente, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPECHEE

E. LAUBIE P. SORONDO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01260
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.01260 ?
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