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10/11/2022 | FRANCE | N°20/02360

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 10 novembre 2022, 20/02360


ME/SB



Numéro 22/3952





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 10/11/2022









Dossier : N° RG 20/02360 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HVAJ





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[I] [K]



C/



Association ADAPEI 64















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa d...

ME/SB

Numéro 22/3952

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 10/11/2022

Dossier : N° RG 20/02360 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HVAJ

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[I] [K]

C/

Association ADAPEI 64

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Septembre 2022, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [I] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître MARCO de la SELARL SAGARDOYTHO-MARCO, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

Association ADAPEI 64

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître BLANCO, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 14 SEPTEMBRE 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : 19/00006

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [I] [K] a été embauchée le 1er août 2014 par l'association ADAPEI 64 en qualité d'aide-soignante, suivant contrat à durée indéterminée.

Le matin du 16 juillet 2018, elle a préparé un médicament dans la chambre d'un autre résident que celui auquel le médicament était destiné. Ce médicament a été administré au mauvais résident par un autre salarié. Ce résident est décédé au cours de la nuit.

Le 18 juillet 2018, Mme [I] [K] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 25 juillet et mise à pied à titre conservatoire.

Le 30 juillet 2018, elle a été licenciée pour faute grave.

Le 9 janvier 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 14 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment':

- dit que le licenciement de Mme [I] [K] en date du 30 juillet 2018 doit être qualité de faute grave ;

- en conséquence débouté Mme [I] [K] de l'ensemble de ses prétentions ;

- débouté l'association ADAPEI 64 de sa demande déposée au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- dit que chaque partie supportera ses propres dépens

Le 13 octobre 2020, Mme [I] [K] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 8 décembre 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [I] [K] demande à la cour de :

- en la forme,

- recevoir son appel,

- au fond,

- infirmer le jugement entrepris,

- statuant de nouveau,

- dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement,

- condamner l'association ADAPEI 64 à lui verser les indemnités suivantes :

* indemnité mise à pied injustifiée : 621,95 €,

* indemnité compensatrice de préavis : 3.922 €,

* congés payés sur préavis : 392,20 €,

* indemnité conventionnelle de licenciement : 3.922 €,

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9.805 €,

* article 700 du code de procédure civile : 4.000 €,

- condamner l'association ADAPEI 64 aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 12 février 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, l'association ADAPEI 64 demande à la cour de':

- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale,

- subsidiairement, confirmer le jugement prud'homal et débouter l'intimée de toutes ses demandes,

- la condamner au versement d'une somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le sursis à statuer':

En l'état des dispositions de l'article 378 du code de procédure civile et de l'article 4 du code de procédure pénale, le sursis à statuer ne s'impose pas au juge civil lorsqu'une plainte ou une information judiciaire est ouverte, cela, même si la décision au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procès civil'; au cas particulier, l'ADAPEI ne fournit aucune précision sur l'information qui serait en cours. En conséquence la demande de sursis est rejetée.

Sur le licenciement pour faute grave':

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motifs.

La faute grave dont la preuve incombe à l'employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à Mme [I] [K] le 30 juillet 2018 fait état des griefs suivants :

Le 16 juillet 2018 en début de matinée, à la maison Vignemale, vous avez accompagné comme il se doit le résident M. [P] dans la prise de son traitement';

Dans la chambre de M. [P], vous avez encore déblistérisé les médicaments destinés à M. [Y] occupant une chambre voisine, incorporés ceux-ci dans une compote et laissé cette préparation sur la commode de L.R avant de quitter la pièce';

(Un aide-soignant remplaçant étant après votre départ entré dans la chambre de M.[P] apercevait la compote qu'il faisait consommer à celui-ci)';

Vous avez par la suite rejoint la chambre de M. [Y]';

Vous y avez émargé la fiche individuelle d'aide à la prise de traitements de l'intéressé.

Cette circonstance même prise isolément constitue nécessairement une faute particulièrement inqualifiable puisque vous n'avez très manifestement pas été en situation de distribuer à M. [Y] une médication laissée en déshérence dans la chambre de M.[P] et consommée par ce dernier';

A aucun moment, vous n'avez cherché à savoir ce qu'était devenue la compote contenant le traitement de M.[Y]

Cette seconde circonstance constitue encore, même prise isolément, un manquement radicalement inadmissible à vos obligations professionnelles les plus élémentaires.

C'est ainsi à 10 heures 30 (et non de surcroît à 9 heures 30 comme indiqué par vous-même sur la «'feuille d'erreur'» établie par la suite) qu'un éducateur, ayant constaté l'état de somnolence extrême de M. [P] (lequel décédait la nuit suivante à 1 heure 30), devait donner l'alerte et c'est encore à ce moment-là que l'aide-soignant remplaçant déclarait avoir fait consommer par M.[P] la compote trouvée sur la commode de l'intéressé où vous l'aviez laissée.

Devant le conseil des prud'hommes et dans ses écritures tant en première instance qu'en appel, Mme [I] [K] a admis qu'en effet, après avoir aidé M.[P] à prendre ses médicaments dans sa chambre, elle était demeurée dans la pièce et avait amalgamé à une compote un médicament destiné à un autre résident M.[Y], puis qu'elle avait été interpelée par des collègues de sorte qu'elle avait effectivement laissé la compote dans la chambre de [P].

Elle ajoutait que l'aide-soignant remplaçant avait fait ingérer cette comporte sans aucune directive donnée par elle-même.

L'ADAPEI a transmis au Conseil l'instruction relative à l'aide à la prise de médicaments ainsi que la fiche individuelle d'aide à la prise des traitements concernant M. [P].

À cet égard, la cour relève qu'en réalité, c'est la fiche d'aide à la prise des traitements concernant M. [Y] qui était intéressante puisque c'est l'un des griefs qui est formulé à l'encontre de Mme [I] [K] à savoir attester par apposition de ses initiales sur la fiche qu'elle avait aidé M. [Y] à prendre ses médicaments.

Par suite, la motivation du conseil sur la signature de la fiche concernant M. [P] est sans emport sur la solution du litige,'aucune faute n'étant reprochée à Mme [I] [K] concernant la prise de ses propres médicaments par M. [P].

En revanche, l'ADAPEI a également produit aux débats, ainsi qu'elle y était invitée par le Conseil des prud'hommes, l'instruction en vigueur dans cette maison d'accueil spécialisé et afférente à l'aide à la prise quotidienne des médicaments.

Ce document était connu de l'appelante, cette dernière ayant, dans son contrat de travail reconnu expressément avoir pris connaissance de la nature de son travail et des obligations qui en découlait ainsi que des dispositions de la convention collective et du règlement intérieur.

Dans cette instruction, le déroulé de l'aide à la prise des médicaments dans le cadre d'un acte de la vie courant est fixé comme suit':

Une seule et même personne réalise l'aide à la prise des médicaments et des laxatifs pour tous les résidents de la maison':

-se positionne devant la chambre du résident, avec le charriot «'sécurisé'»

-prend le pilulier du résident concerné

-compte les médicaments présents dans le pilulier en lien avec la fiche individuelle de traitement du résident

-rentre dans la chambre, installe le résident

-prépare la collation (compote ou yaourt) et y ajoute le traitement, donne le traitement au résident

-émarge la fiche individuelle d'aide à la prise

-en fin de distribution, l'accompagnant range les piluliers dans le placard fermé à clé

Mme [I] [K] qui était un professionnel chevronné pour travailler dans cette MAS depuis quatre ans a effectivement procédé, dans la chambre d'un résident M. [P], à la préparation du médicament destiné à un autre résident M. [Y] alors qu'elle aurait dû se livrer à cette préparation dans la chambre même de M. [Y] et lui donner immédiatement à la suite son médicament.

Au surplus, elle a quitté la chambre de M. [P] en laissant sur la commode cette préparation destinée non pas à [P] mais à [Y].

En outre, le fait que le ou les médicaments étaient amalgamés à une compote, n'empêchait toute personne pénétrant dans la chambre de M. [P], de se rendre compte immédiatement qu'il y avait, mélangé à la compote, un médicament.

Mme [I] [K] était au moment des faits visés dans la lettre de licenciement et à la lecture de son contrat de travail, aide-soignante dans une MAS c'est-à-dire une maison d'accueil spécialisé.

Ce type d'établissement offre un hébergement permanent à des adultes handicapés qui ne peuvent réaliser les actes de la vie courante. Ce n'est pas un établissement de soins.

En conséquence, une aide-soignante peut aider un résident à prendre ses médicaments, ce geste s'analysant en une aide à un acte de la vie courante.

Il ne s'agit pas de la préparation et de l'administration des médicaments.au sens des dispositions de l'article R4311-5 du code de la santé publique et de l'article R 4311-4 du même code qui relèverait de la compétence et de la responsabilité d'une infirmière.

Ainsi Mme [I] [K], au mépris des instructions connues d'elle et qui lui imposait d'aider individuellement chaque résident à prendre ses médicaments a préparé, dans la chambre d'un résident, un médicament destiné à une autre personne, puis a laissé sur la commode ce mélange sans le donner immédiatement à M. [Y] alors même que l'amalgame effectué ne permettait pas de s'apercevoir d'emblée qu'il s'agissait,non pas d'un banal aliment,mais d'un médicament incorporé à une compote pour faciliter son ingestion.

La cour relèvera que les instructions données à Mme [I] [K] étaient destinées à éviter tout risque de confusion de personnes et de médicaments et que ce risque n'était nullement hypothétique puisqu'il est constant qu'une personne entrant dans la chambre de M. [P] l'a aidé à prendre ce qui apparaissait une simple compote, peu important que cette personne, l'aide-soignant stagiaire, ait agi de son propre mouvement sans attendre des instructions particulières de l'appelante. En effet, les médicaments ne pouvaient, en stricte application des instructions rappelées plus haut, qu'ils soient dans leur forme galénique d'origine ou mêlés à un yaourt ou une compote, que concerner M. [P] et non un autre résident.

La faute est avérée et suffit à elle seule, les autres fautes énoncées dans la lettre de licenciement n'étant pas documentées, à rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.

En conséquence, la cour confirmera par substitution de motifs la décision entreprise.

Sur l'indemnité de procédure':

Aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens':

Mme [I] [K] qui échoue dans son recours, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort

Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer

Confirme, par substitution de motifs, le jugement

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel

Condamne Mme [I] [K] aux dépens d'appel

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02360
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;20.02360 ?
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