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25/10/2022 | FRANCE | N°20/02321

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 25 octobre 2022, 20/02321


MARS / MS



Numéro 22/03741





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 25/10/2022







Dossier : N° RG 20/02321 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HU5P





Nature affaire :



Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction















Affaire :



SA GENERALI IARD





C/



[D] [M],



[Z] [W],



SARL AD CONSTRUCTION











Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l...

MARS / MS

Numéro 22/03741

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 25/10/2022

Dossier : N° RG 20/02321 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HU5P

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

SA GENERALI IARD

C/

[D] [M],

[Z] [W],

SARL AD CONSTRUCTION

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 Septembre 2022, devant :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame de FRAMOND, Conseillère

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrates du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA GENERALI IARD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assistée de Maître BILLEBEAU de la SCP BILLEBEAU-MARINACCE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame [D], [C] [M]

née le 03 février 1971 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Monsieur [Z], [E] [W]

né le 07 décembre 1962 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentés et assistés de Maître [R], avocat au barreau de PAU

SARL AD CONSTRUCTION

[Adresse 3]

[Localité 6]

Assignée

sur appel de la décision

en date du 31 AOUT 2020

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 16/02093

Mme [D] [M] et M. [Z] [W] ont entrepris la construction d'une maison d'habitation sur leur propriété à [Localité 12] et ont confié les travaux de maçonnerie à la SARL AD Construction, assurée auprès de la SA Generali IARD, suivant devis du 9 juillet 2007.

Ces travaux comprenaient notamment la réalisation des fondations.

Postérieurement à leur achèvement, divers désordres sont apparus qui ont été dénoncés par Mme [M] et M. [W] à la SARL AD Construction.

Faute de réponse, ils l'ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise.

Par ordonnance en date du 18 août 2015, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à Mme [Y] épouse [G].

Le rapport a été déposé le 7 août 2016.

Par actes en date des 13 et 26 octobre 2016, Mme [D] [M] et M. [Z] [W] ont fait assigner la SARL AD Construction et son assureur la SA Generali IARD devant le tribunal de grande instance de Bayonne, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 31 août 2020, le tribunal, devenu tribunal judiciaire de Bayonne a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Mme [M] et M. [W] et déclaré leur action recevable,

condamné in solidum la SARL AD Construction et son assureur, la SA Generali IARD à régler à Mme [M] et M. [W] la somme de 302 432,11 € TTC en réparation de leur préjudice matériel,

dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement, en application de l'article 1153-1 du code civil,

condamné in solidum la SARL AD Construction et la SA Generali IARD à régler à Mme [M] et M. [W] la somme de 1 126,66 € au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure de suspension des prêts immobiliers,

condamné in solidum la SARL AD Construction et la SA Generali IARD à régler à Mme [M] et M. [W] la somme de 2 500 € en réparation de leur préjudice moral,

condamné in solidum la SARL AD Construction et la SA Generali IARD, aux dépens en ce compris les frais d'expertise de référés, avec distraction au profit de Me Cousi-Lete,

condamné in solidum la SARL AD Construction et la SA Generali IARD à payer à Mme [M] et M. [W] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties du surplus de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que la SA Generali IARD devra garantir et relever indemne la SARL AD Construction de toutes les condamnations ci-avant prononcées à son encontre, et au besoin l'y a condamné,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La SA Generali IARD a relevé appel par déclaration du 09 octobre 2020, critiquant toutes les dispositions de la décision.

Par conclusions n° 3 du 3 août 2022, la SA Generali IARD, demande au visa de l'article 1792 du code civil, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de juger :

- vu les conclusions adverses du 26 juillet 2022 rabattre l'ordonnance de clôture,

- irrecevables les demandes des consorts [W] [M] qui ne justifient pas de la qualité de maître d'ouvrage et, en conséquence, de leur qualité et intérêt à agir au titre de la garantie décennale,

- que la réception des travaux de la société n'a pas été prononcée, que ce soit expressément ou tacitement,

- de rejeter les demandes formées contre Generali sur les dispositions des articles 1792 et suivants, de même que toutes autres demandes,

- que les consorts [W] [M] ont intégralement conçu et organisé la construction de la maison lot par lot,

- qu'ils ont assumé la mission de maître d''uvre de conception et d'exécution ce qui va au-delà d'une simple immixtion,

- que leur implication et leur immixtion constante à tous stades a pour conséquence que quand bien même la réception aurait été prononcée, la société AD Construction serait exonérée de toute responsabilité,

- que le constructeur AD Construction et la compagnie Generali ne peuvent tenter de voir imputer la responsabilité et la prise en charge de désordres affectant des ouvrages qu'AD Construction n'a pas réalisés tels que la terrasse Nord,

- de rejeter l'ensemble des demandes des consorts [W] [M],

- de rejeter les demandes de la société AD Construction contre Generali,

- en tout état de cause, de juger que les consorts [W] [M] ne sauraient se voir imputer par le biais de la présente instance la prise en charge de travaux qu'ils se sont refusés à financer lors de la construction de la maison en 2007, tels que la stabilisation du talus, chiffrée dans le rapport d'expertise à 137 351,50 €,

- qu'ils ne sauraient imputer à la société AD Construction la prise en charge, du fait de leur caractère imprévisible lors de la réalisation des travaux de gros-'uvre, d'amélioration,

- de juger en conséquence que si la réception était retenue, toute discussion sur ces améliorations ne saurait excéder un quantum de 14 385 € comme chiffré dans le rapport de l'économiste de la Construction « Etudes & Quantum »,

- de rejeter toute demande dirigée contre la compagnie Generali,

- de rejeter les demandes formées par les consorts [W] [M] dans le cadre de leur appel incident, au titre des préjudices immatériels

- de juger qu'en toute hypothèse, Generali est fondée à opposer sa franchise au titre des préjudices immatériels à hauteur de 10 % des dommages allégués avec un minimum de 400 € et un maximum de 1 700 €.

- de condamner les consorts [W] [M] à payer à la société Generali la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Longin Mariol et associés,

- de condamner la société AD Construction à payer à la compagnie Generali la somme de 5 000 € en application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Longin Mariol et associés.

Par conclusions III du 26 juillet 2022, Mme [D] [M] et M. [Z] [W] demandent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré leur action recevable et a condamné in solidum la société AD Construction et la compagnie Generali à leur verser une somme de 302 432,11 € TTC en réparation de leur préjudice matériel, une somme de 1 126,66 € au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure de suspension des prêts immobiliers, une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Formant appel incident ils demandent :

- de dire que la somme de 302 432.11 € TTC sera indexée sur l'indice du bâtiment - BT 03 - « Maçonnerie et canalisation en béton », l'indice de référence étant celui en vigueur au 17 novembre 2015, date du dépôt du rapport d'expertise ;

- de condamner in solidum la société AD Construction et la compagnie Generali à leur verser une somme de 10 000 € en réparation de leur préjudice moral et une somme de 48 258 € en réparation de leur préjudice de jouissance. Ils sollicitent leur condamnation à leur verser une somme de 7 000 € au titre de leurs frais irrépétibles devant la cour et aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement sur la partie perdante par Maître Cousi-Lete conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SARL AD Construction n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture rendue le 3 août 2022, après accord des parties, a été rabattue à l'audience du jour et l'affaire à nouveau clôturée avant l'ouverture des débats.

Sur ce :

Sur la qualité à agir

Elle est contestée par la société Generali IARD au motif que Madame [D] [M] et Monsieur [Z] [W], qui ont divorcé, ne rapportent pas la preuve qu'ils sont toujours les propriétaires de l'immeuble.

Le premier juge après avoir constaté que la taxe foncière 2018 justifiait qu'ils étaient toujours propriétaires du bien, a exactement relevé que le fait que le divorce des époux [M] [W] ait été prononcé le 18 mars 2004 est sans effet sur leur qualité de copropriétaires indivis.

Devant la cour, Madame [M] et Monsieur [W] produisent les taxes foncières de l'année 2020 et 2021 dont il résulte que le bien immobilier litigieux est toujours leur propriété indivise et la copie d'une assignation en liquidation et partage de leur régime matrimonial devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bayonne signifiée le 7 mai 2021 à Monsieur [W].

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir.

Sur la réception

Aucun procès-verbal de réception n'a été signé.

La réception tacite retenue par le jugement est contestée par la SA Generali IARD qui fait valoir que Madame [M] et Monsieur [W] n'apportent pas la preuve du paiement intégral des travaux et qu'il ne peut pas y avoir de réception, dès lors qu'ils étaient insatisfaits des travaux réalisés.

Le premier juge a exactement rappelé, que la prise de possession par le maître de l'ouvrage et le paiement de l'intégralité ou de la quasi intégralité du prix crée une présomption de réception tacite, avec ou sans réserve.

Il est constant, par ailleurs, que l'achèvement des travaux et l'abandon de chantier, au demeurant, non soutenu par les parties, ne font pas obstacle à la réception lorsque sont réunies les conditions de la réception tacite.

Concernant le paiement des travaux correspondant au montant du devis établi le 9 juillet 2007, pour un montant net à payer de 114 363,10 €, il est établi que la société AD Construction a émis les factures suivantes :

- le 1er août 2007, d'un montant de 34 308,93 €, pour lequel il est justifié d'un paiement par chèque émis le 29 août 2007,

- le 19 septembre 2007, d'un montant net à payer de 39 726,39 € (déduction faite de l'acompte reçu de 34 308,93 €), pour lequel il est justifié, de 3 chèques à l'ordre de AD Construction de 10 000 € et de 14 000 € émis le 2 octobre 2007, puis de 15 726,39 € émis le 8 novembre 2007.

- Le 19 mars 2008, d'un montant net à payer de 22 645,11 € (déduction faite des acomptes de 74 035,32 €) pour lequel il est justifié de l'encaissement de ce chèque le 10 avril 2008.

Monsieur [W] et Madame [M] produisent également un relevé de compte qui fait mention d'un chèque de 33 931,42 €, encaissé le 12 juin 2008, dont ils indiquent qu'il correspond au solde des travaux.

Le 9 juillet 2007, un autre devis avait été signé pour un montant net à payer de 23 209,65 €, correspondant à du carrelage et à la réalisation de chapes au rez-de-chaussée et à l'étage.

La facture établie le 14 octobre 2008 démontre qu'un acompte avait été payé à hauteur de 16 246,75 € et le solde, soit la somme de 6 962,90 € a été payé par chèque du 4 novembre 2008.

La production des relevés de compte et des photocopies des chèques à l'ordre de AD Construction suffisent à démontrer la réalité des paiements à hauteur des factures qui ont été adressées à Madame [M] et Monsieur [W], ce d'autant qu'en première instance, la SARL AD Construction n'a pas contesté le paiement des travaux qu'elle a réalisés.

Il est par ailleurs établi, par la production de la facture EDF et de l'avenant au contrat EDF du 14 mai 2008 que Madame [M] et Monsieur [W] étaient bien domiciliés [Adresse 11], eux-mêmes ayant déclaré lors de la mise à jour des informations cadastrales qu'ils utilisaient effectivement le bien au mois de juin 2008.

L'expert judiciaire fait également observer, que le fait que les fondations Nord n'aient pas été enterrées et que le mur porteur n'ait pas été remblayé n'empêchait pas la prise de possession de l'immeuble.

Enfin, le manque de grilles d'aération et la non réalisation de la chape de finition du garage ne font pas obstacle à la réception tacite au mois de mai 2008 dès lors qu'il s'agit de simples finitions en lien avec le 2ème devis du 9 juillet 2007.

Compte tenu de ces éléments, c'est par des motifs exacts que le premier juge a retenu dans la motivation du jugement l'existence d'une réception tacite au mois de mai 2008.

Sur la responsabilité décennale de la SARL AD Construction et la garantie de la société Generali IARD

Il résulte du courrier en date du 29 septembre 2009 de Monsieur [W] à la société AD Construction, qu'ils avaient signalé l'apparition des fissures sur la façade et sur le doublage intérieur en placoplâtre de la façade Nord de la construction dès le mois de septembre 2008.

L'expert judiciaire a conclu que la profondeur des fondations est insuffisante par rapport à la nature du sol et à son relief.

Les désordres manifestés par la présence de plusieurs lézardes structurelles compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination. Il a également souligné que ces désordres pouvaient rapidement évoluer si rien n'était fait.

La réception tacite étant fixée au mois de mai 2008, le caractère non apparent des désordres que constituent ces fissures n'est pas discutable dès lors qu'ils sont apparus au mois de septembre 2008.

Pour s'opposer à la mise en 'uvre de la garantie décennale de son assurée, la société Generali IARD fait notamment valoir que Madame [M] et surtout Monsieur [W] ont intégralement conçu la maison, qu'ils ont assumé l'entière maîtrise d''uvre et n'ont pas produit d'étude de sol préalable aux travaux réalisés par la société AD Construction.

Il est constant cependant :

- que la garantie décennale instaure une présomption d'imputabilité à l'encontre de la SARL AD Construction tenue de cette garantie légale ;

- que tenue d'une obligation de résultat, dès lors que le dommage entrait dans sa sphère d'intervention, ce qui est le cas dans l'espèce puisqu'elle était chargée de l'ensemble des fondations de l'ouvrage, elle ne peut être exonérée de cette présomption de responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère.

En l'espèce, l'immixtion du maître d'ouvrage qui est alléguée ne peut être retenue que si elle est fautive et si le maître d'ouvrage a une compétence notoire, précise, de la technique du bâtiment. Le premier juge a exactement rappelé, que ces conditions sont cumulatives.

Monsieur [Z] [W] est certes diplômé de l'EBTP de [Localité 13] mais les attestations de la société SOGEA l'Île-de-France et de la société Suez établissent sa spécialisation dans le domaine de la gestion de l'eau et de l'assainissement en sorte que le premier juge a exactement retenu que l'examen de son parcours professionnel et de son curriculum vitae ne permettaient pas de considérer qu'il avait une compétence notoire en matière de construction de maison individuelle, spécialement dans le domaine de la maçonnerie objet du présent litige.

Par ailleurs, le fait de ne pas recourir à un maître d''uvre pour la phase de l'exécution des travaux ne constitue en aucune façon une faute du maître de l'ouvrage, et en l'absence de maître d''uvre, la SARL AD Construction, professionnelle de la construction, devait s'assurer de la nature du sol sur lequel elle avait accepté de réaliser les fondations de l'immeuble.

Le cas échéant, il lui appartenait d'informer les maîtres de l'ouvrage sur la nécessité de réaliser une étude de sol quand bien même les travaux de terrassement avaient été réalisés par une autre entreprise, ou sur les conséquences éventuelles de la modification du projet par la suppression du sous-sol.

Il n'est pas contesté que la SARL AD Construction n'a communiqué aucune information de ces chefs aux maîtres d'ouvrage, ni attiré leur attention sur ce qu'elle aurait considéré comme constituant des risques pour la réalisation des travaux dont elle a accepté la réalisation.

Enfin, il n'est aucunement démontré que Monsieur [W] se soit chargé de la stabilisation du talus.

En conséquence, c'est par de justes motifs que le premier juge a retenu que la preuve de l'existence d'une cause d'exonération de la responsabilité de la SARL ADD Construction n'était pas rapportée et l'a déclarée responsable des désordres sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

La SARL Generali IARD conteste également devoir sa garantie en indiquant que son assurée n'a pas réalisé la totalité des terrasses extérieures, mais uniquement une terrasse de 58,72 m² et que le périmètre de son intervention n'était pas clairement défini.

S'agissant de ce dernier moyen, la lecture du devis DV 348 du 9 juillet 2007 démontre que les travaux étaient au contraire très clairement énoncés dans leur désignation, leur quantité et leur prix, y compris pour l'option de la terrasse extérieure RDC pour une surface de 58,72 m².

Ce devis fait expressément référence aux fondations de béton et à ses modalités de mise en 'uvre, or, c'est précisément l'insuffisance de profondeur des fondations que l'expert retient comme étant la cause des désordres ce qu'il qualifie de défaut de conception.

Il n'est pas contesté, que les maîtres d'ouvrage ont décidé de faire construire la terrasse en cours de chantier.

L'expert a noté lors de la réunion du 17 novembre 2015, que la terrasse Nord-Ouest qui borde les façades Nord et Ouest présente des fissures verticales et une lézarde oblique.

Si une distinction est faite par l'assureur de la SARL AD Construction entre une terrasse Ouest et une terrasse Nord, le premier juge a relevé - cela résulte de l'examen des dires, page 14 du rapport d'expertise et du compte rendu du 17 novembre 2015 versé aux débats par les intimés -que Monsieur [I] - gérant de la SARL AD Construction - avait bien admis lors de la première réunion d'expertise qu'il avait coulé la terrasse Nord ainsi que les autres en une seule fois et qu'il n'avait pas fourni les matériaux, tous ceux nécessaires, coffrage, béton et ferraille, ayant été fournis par Monsieur [W]. Il avait admis avoir procédé au coulage du béton et à l'ancrage du ferraillage « pour rendre service à Monsieur [W] ». Par ailleurs, la SARL AD Construction est intervenue à 2 reprises pour tenter de réparer lézardes au moyen d'agrafes.

Selon l'expert, la réalisation tardive de cette terrasse a ajouté une faiblesse supplémentaire à la construction.

En conséquence, c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que l'intervention matérielle de la SARL AD construction dans la réalisation de cette terrasse a été retenue par le premier juge nonobstant le dépassement du devis initial et l'absence de facturation au-delà de la surface de 58,70 m².

Sur les préjudices

La société Generali IARD fait notamment valoir que les maîtres de l'ouvrage sont responsables du découpage des lots et des prestations et que la société AD construction ne saurait supporter le paiement des sommes qu'ils n'ont pas voulu exposer en 2007 lors de la construction de la maison, par souci d'économie.

Elle conteste, en se basant notamment sur le rapport de la société « études & quantum », que soient imputés à son assurée le coût de la stabilisation des talus - 137 351,50 € -, le coût afférent à la terrasse Nord et les travaux d'embellissement excédant une construction standard - par exemple la mise en place d'un plancher chauffant à circulation d'eau et d'un parquet en chêne massif là où aurait pu être posé un simple carrelage -. Le cas échéant et propose de fixer le montant de ces améliorations à la somme de 14 385 €.

Elle soutient également que les embellissements ne participent en rien aux travaux nécessaires à la solidité de l'ouvrage ou à sa destination et que le paiement de travaux qui n'étaient pas initialement prévus entraîneraient un enrichissement du maître de l'ouvrage.

Madame [D] [M] et Monsieur [Z] [W] font valoir que le rapport de la société « études & quantum » n'a pas été établi contradictoirement et que son chiffrage n'est pas motivé et sollicitent la confirmation du jugement.

Il a été statué ci-dessus, sur l'imputabilité de l'insuffisance des fondations à la société AD Construction et sur la réalisation de l'ensemble des terrasses.

En application du principe de réparation intégrale du dommage, l'assurance dommages ouvrage garantit le paiement de la totalité des travaux de reprise des désordres de nature décennale, le maître de l'ouvrage n'ayant pas à supporter la charge des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination pour empêcher la réapparition des désordres.

Par ailleurs la réfection complète de l'ouvrage doit être indemnisée, quand bien même les désordres n'en affectent qu'une partie si la reprise intégrale s'impose dès lors que l'assureur est tenu de garantir l'efficacité et la pérennité des travaux de reprise.

La société Generali IARD, qui conteste la prise en charge des frais de stabilisation du talus chiffrés par l'expert à 137 351,50 € TTC a communiqué le rapport « études & quantum » dont il résulte que cette prestation n'a pas été contestée lors de la vérification, seul le montant étant minoré à la somme de 124 865 € HT sans toutefois qu'aucun devis ne soit produit pour permettre une comparaison avec celui du rapport d'expertise.

Concernant les embellissements, le rapport « études & quantum » ne remet en cause, ni la pose du parquet ni celle du plancher chauffant dont seuls les montants sont minorés, sans pour autant qu'aucun devis ne soit produit au soutien de ses chiffrages.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SARL AD Construction et son assureur, la SA Generali IARD à régler à Mme [M] et M. [W] la somme de 302 432,11 € TTC en réparation de leur préjudice matériel.

Les préjudices immatériels

La société Generali IARD ne développe aucun moyen pour contester le paiement de la somme de 1 126,66 € au titre des frais de justice exposés pour obtenir la suspension des prêts immobiliers.

Les intimés ne contestent pas le montant de cette indemnisation.

Ce chef du jugement sera donc confirmé.

Sur le préjudice moral,

Madame [D] [M] et Monsieur [Z] [W], formant appel incident, demandent que leur soit allouée la somme de 10 000 € en réparation de leur préjudice moral lié au différé de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux et aux difficultés financières que l'appel et l'impossibilité de faire les travaux aggravent.

La société Generali s'oppose à l'indemnisation du préjudice moral.

Le jugement déféré était assorti de l'exécution provisoire.

La société Generali IARD indique que la somme à laquelle elle a été condamnée a été payée.

En l'état de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice moral de Monsieur [W] et de Madame [M] à la somme de 2 500 € aucune aggravation de leur préjudice moral n'étant démontrée.

Sur le préjudice de jouissance,

Devant la cour, Monsieur [W] et de Madame [M] font valoir une perte de loyers dont ils demandent à être indemnisés à hauteur de la somme de 48 258 € expliquant qu'ils ne peuvent pas louer la maison.

La société Generali fait valoir que la preuve de ce préjudice, évoqué très peu de temps avant la clôture de l'instruction en appel, n'est pas rapportée.

Monsieur [W] et Madame [M] ne produisent aucune pièce démontrant qu'ils ont été dans l'impossibilité de louer le bien en raison des désordres objets du présent litige, alors même qu'ils allèguent le départ de locataires le 30 avril 2016.

Il s'ensuit que la réalité de ce préjudice de jouissance n'est pas démontrée. Ils seront déboutés de ce chef de demande qui n'avait pas été soumise au premier juge.

La société Generali IARD justifie que l'assurance souscrite par la société AD construction comportait s'agissant des dommages immatériels pour lesquels une garantie était souscrite pour un montant de 85 000 €, une franchise par sinistre de 10 % des dommages avec un minimum de 400 € et un maximum de 1 700 €.

Cette franchise est opposable à Monsieur [W] et Madame [M] qui n'ont, par ailleurs, fait aucune observation de ce chef.

Sur la demande d'indexer la somme de 302 432,11 € TTC sur l'index du bâtiment BT 03 maçonnerie et canalisations béton

La société Generali s'oppose à cette demande en faisant valoir que la somme a déjà été payée.

Dès lors que l'indemnité est appréciée au jour de la décision, il convient de faire droit à la demande et d'actualiser la somme allouée au jour de l'arrêt en fonction de l'évolution de l'indice du bâtiment BT 03 entre la date du rapport de l'expert, le 7 août 2016 et celle du présent arrêt.

Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Generali IARD qui succombe en son recours sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Madame [D] [M] et Monsieur [Z] [W] la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

La société Generali IARD sera condamnée aux dépens de l'appel.

Il sera fait droit à la demande d'application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me [R], le conseil de la partie perdante ne pouvant par contre pas bénéficier de ces dispositions.

Par ces motifs

La cour après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Dit que la somme de 302 432,11 € TTC sera actualisée au jour de la présente décision en fonction de l'évolution de l'indice du bâtiment BT 03 entre la date du rapport de l'expert, le 7 août 2016 et celle du présent arrêt ;

Déboute Madame [D] [M] et Monsieur [Z] [W] de leur demande au titre du préjudice de jouissance ;

Dit la SA Generali IARD est fondée à opposer à Madame [D] [M] et Monsieur [Z] [W] sa franchise au titre des dommages immatériels à hauteur de 10 % des dommages avec un minimum de 400 € et un maximum de 1 700 € ;

Condamne la SA Generali IARD à payer à Madame [D] [M] et Monsieur [Z] [W] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute la SA Generali IARD de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Generali IARD aux dépens de l'appel et autorise Me [R] à procéder au recouvrement direct des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBONCaroline DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/02321
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.02321 ?
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