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25/10/2022 | FRANCE | N°20/01912

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 25 octobre 2022, 20/01912


SF/CD



Numéro 22/03750





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 25/10/2022







Dossier : N° RG 20/01912 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HTYS





Nature affaire :



Autres demandes relatives à la vente















Affaire :



[R] [U]

veuve [G],



[P] [C]





C/



Commune de [Localité 6]












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Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième al...

SF/CD

Numéro 22/03750

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 25/10/2022

Dossier : N° RG 20/01912 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HTYS

Nature affaire :

Autres demandes relatives à la vente

Affaire :

[R] [U]

veuve [G],

[P] [C]

C/

Commune de [Localité 6]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 Septembre 2022, devant :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame de FRAMOND, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrates du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTES :

Madame [R] [U] veuve [G]

représentée par sa tutrice, Madame [P] [C]

née le 11 janvier 1938 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Madame [P] [C]

ès qualités de tutrice de Madame [R] [U] veuve [G], intervenante volontaire

Représentées par la SELARL DUALE - LIGNEY - BOURDALLE, avocats au barreau de PAU,

Assistées de Maître PEREZ, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

Commune [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Maître MIRANDA du CABINET ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 29 JUIN 2020

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 18/01899

Le 7 mai 2008, M. [K] [G] marié à Mme [R] [U] sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, a vendu à la Commune de [Localité 6] un immeuble lui appartenant en propre composé d'une maison d'habitation, un hangar, un gîte, leur terrain d'assiette et des terres d'une contenance totale de 9 ha 12 a 51 ca, à charge pour l'acquéreur':

d'effectuer des travaux de rénovation de la maison d'habitation pour une somme de 75 000 €

de verser une rente mensuelle viagère indexée de 1 000 € au cédant jusqu'à son décès, ramenée à 700 € en cas de décès de son épouse et avec stipulation d'une réversion à hauteur de 700 € si son épouse lui survivait,

de laisser aux époux [G] la jouissance de la maison et de son jardin de 1000 m² jusqu'au décès du survivant d'entre le cédant et son épouse.

Par acte du 19 mars 2010, la commune de [Localité 6] et les époux [G] ont signé un acte selon lequel le droit d'usage et d'habitation de ces derniers s'exercerait sur le gîte et le jardin qui l'entoure et non plus sur la maison et son jardin. Le préambule de cet acte précisait que les époux [G] avaient logé dans ce gîte pendant les travaux et que, ceux-ci étant terminés, ils ne souhaitaient pas quitter le gîte et abandonnaient leur droit d'usage et d'habitation sur la maison, autorisant la Commune de [Localité 6] à louer la maison d'habitation.

M. [G] est décédé le 4 novembre 2012.

Par acte en date du 23 novembre 2018, Mme [U] veuve [G] a fait assigner la commune de [Localité 6] devant le tribunal de grande instance de Bayonne, aux fins d'obtenir notamment l'annulation ou la résiliation du contrat de rente viagère du 7 mai 2008 et de l'acte modification du 19 mars 2010 aux torts de la Commune de [Localité 6], une expertise judiciaire pour évaluer ses préjudices, le versement d'une provision de 120 000 € à valoir sur son préjudice, et subsidiairement la réévaluation de la rente à 2 500 € par mois.

La Commune de [Localité 6] a opposé à Mme [G] son défaut de qualité à agir et la prescription de son action en nullité, et demandé à titre subsidiaire le rejet de ses demandes.

Par jugement contradictoire en date du 29 juin 2020, le juge de première instance a, notamment':

- déclaré Mme [U] veuve [G] irrecevable en sa demande d'annulation de la vente,

- débouté Mme [U] veuve [G] de ses autres demandes,

- condamné Mme [U] veuve [G] au paiement de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le juge de première instance a constaté :

- que l'action en nullité se transmet aux héritiers, que Mme [G] a donc bien qualité à agir mais que le délai de prescription de 5 ans de l'action en nullité a commencé à courir dès la conclusion de la vente le 7 mai 2008 dans la mesure où les conditions de paiement du prix par l'exécution de travaux étaient convenues dans le contrat, et le montant de la mise en location de l'immeuble d'habitation plusieurs années après la conclusion de la vente reste inférieur à celui de la rente ';

- sur la demande de réévaluation de la rente': que Mme [G] ne peut invoquer les dispositions de la loi du 25 mars 1949 prévue pour pallier les déséquilibres résultant de l'érosion monétaire pour obtenir une réévaluation de la rente et des dommages intérêts ;

- que Mme [G] et son époux avaient eux-mêmes renoncé expressément, sans contrepartie à occuper le logement que la commune avait restauré à leur intention pour un coût supérieur aux 75.000 € stipulés ;

- sur la demande de résiliation du contrat': que le défaut de paiement des arrérages de la rente (qui ont finalement été régularisés) n'autorise pas celui en faveur de qui elle a été constitué à demander le remboursement du capital ou à rentrer dans le fonds par lui aliéner.

Mme [U], veuve [G] a relevé appel par déclaration du 21 août 2020, critiquant l'ordonnance en l'ensemble de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 26 août 2022, Mme [U] veuve [G], appelante, assistée de sa tutrice Mme [P] [C] intervenante volontaire ès qualités à la procédure, entend voir la cour':

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture pour admettre l'intervention volontaire de sa tutrice Mme [C] ;

Avant dire droit,

- ordonner une expertise judiciaire pour':

' évaluer les revenus issus du placement du capital représentant la valeur de l'immeuble à la date du 7 mai 2008 (date de la vente), à savoir, du terrain de 9 ha 12 a 51 ca dont la jouissance a été retirée à Mme [G] le 22 septembre 2014, le hangar de 250 m², la maison d'habitation avant et après travaux de 75 000 € et le jardin qui l'entoure, (à l'exception du gîte et le jardin qui l'entoure sur lequel Mme [G] a un droit d'usage et d'habitation mais l'expert constatera qu'eu égard à son niveau de dangerosité ce droit d'usage et d'habitation n'a aucune valeur pour les époux comme pour Mme [G]),

' évaluer le montant de son préjudice imputable à la faute de l'acquéreur correspondant à la perte de chance de percevoir des revenus locatifs consécutifs à la conclusion du contrat annulé sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

' déterminer la rente de «'marché'» avant et après les travaux sur les terres représentant 9 ha 12 a 51 ca dont la jouissance a été retirée à Mme [G] le 22 septembre 2014, la maison d'habitation et le jardin qui l'entoure, le hangar de 250 m² eu égard à l'âge des signataires au 7 mai 2008, au 19 mars 2010 et actualisée aujourd'hui étant précisé que le droit d'usage et d'habitation n'a jamais porté que sur le gîte et le jardin qui l'entoure à cause des travaux sur la maison d'habitation effectués par la commune,

' déterminer le loyer de «'marché'» avant et après les travaux que Mme [G] aurait pu percevoir si M. [G] n'avait pas vendu l'immeuble, à savoir, le terrain de 9 ha 12 a 51 ca dont la jouissance a été retirée à Mme [G] le 22 septembre 2014, le hangar de 250 m², la maison d'habitation et le jardin qui l'entoure à la commune à la date du 7 mai 2008, au 19 mars 2010 et actualisé aujourd'hui,

- à titre provisionnel, condamner la commune de [Localité 6] à indemniser Mme [G] à hauteur de 120 000 € au titre de la perte de chance de percevoir des revenus locatifs,

- ordonner la consignation de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert par la commune de [Localité 6], et à titre subsidiaire par Mme [G],

- ordonner à la commune de [Localité 6] de communiquer les quittances de loyers, les factures et devis des travaux et factures correspondant au bouquet sur la maison d'habitation et sur le jardin ainsi que les quittances de loyers sur les terres représentant 9 ha 12 a 51 ca dont la commune a la jouissance conforme à l'acte de vente en date du 7 mai 2008 et à son modificatif en date du 19 mars 2010.

Au fond,

- prononcer la nullité du contrat de rente viagère du 7 mai 2008 et l'acte modificatif du 19 mars 2010 aux torts de la commune de [Localité 6],

- condamner la commune de [Localité 6] à indemniser Mme [G] à hauteur de 120 000 € au titre de la perte de chance de percevoir des revenus locatifs consécutifs à la conclusion du contrat annulé (sauf à parfaire),

- dispenser Mme [G] de restituer la valeur des travaux de 75 000 € condamner la commune de [Localité 6] à 120 000 € de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité contractuelle.

A titre subsidiaire si la cour d'appel devait refuser d'annuler le contrat,

- résilier le contrat à la date du délibéré,

- condamner la commune de [Localité 6] à verser 120 000 € de dommages et intérêts représentant la rente que Mme [G] aurait dû percevoir du 7 mai 2008 à la date du délibéré,

- condamner la commune de [Localité 6] à 120 000 € de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité contractuelle.

A titre infiniment subsidiaire si la cour d'appel devait refuser de résilier le contrat de vente viager,

- réévaluer la rente à hauteur de 2 500 € mensuel en contrepartie de l'abandon du droit d'usage et d'habitation sur le gîte afin de tenir compte de la nécessité pour Mme [G] de trouver une maison de retraite,

- condamner la commune de [Localité 6] à verser 120 000 € de dommages et intérêts représentant la rente que Mme [G] aurait dû percevoir du 7 mai 2018 à la date du délibéré';

- condamner la commune de [Localité 6] à 120 000 € de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité contractuelle ;

En tout état de cause,

- condamner la commune de [Localité 6] à 120 000 € de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité contractuelle,

- condamner la commune de [Localité 6] à verser 120 000 € de dommages et intérêts représentant la rente que Mme [G] aurait dû percevoir du 7 mai 2018 à la date du délibéré,

- condamner la commune de [Localité 6] à verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens y compris les frais et honoraires d'expertise qui seront à la charge de la commune de [Localité 6],

- réformer le jugement du 29 juin 2020 du tribunal judiciaire de Bayonne en toutes ses dispositions défavorables à Mme [G],

- débouter la mairie de [Localité 6] de ses demandes, fins et conclusions,

- le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Afin de soutenir ses demandes, et sur le fondement des articles'1231-1, 1240, 1195, 605, 1131, 1976, 1591, 2262 du code civil et les articles 771, 1217 et 269 du code de procédure civile, Mme [U] fait valoir :

Sur les fins de non-recevoir':

- que la Commune de [Localité 6] ne peut dans ses dernières conclusions demander la réformation du jugement sur le défaut de qualité à agir de l'appelante au regard des délais prévus à l'article 909 du code de procédure civile ;

- que son action en nullité du contrat de vente est recevable, puisqu'elle est bien désignée comme crédit-rentière dans l'acte de vente et a donc qualité pour agir, et n'est pas prescrite, puisqu'elle n'est pas fondée sur la lésion du contrat de vente prévue à l'article 1674 du code civil, mais sur l'absence d'aléa du contrat selon l'article 1976 du code civil ce qui constitue une nullité absolue dont la prescription était de 30 ans en matière contractuelle au moment du contrat le 7 mai 2008, réduit à 5 ans ensuite mais qui ne court qu'à compter du jour où elle a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, or, le manque de sincérité et de transparence des pièces de la Commune de [Localité 6] n'a pas permis à Mme [G] de prendre conscience du manque d'aléa du contrat de vente et de son prix dérisoire dans les 5 ans précédant son assignation le 23 novembre 2018';

Sur la nullité du contrat de vente pour défaut d'aléa ou prix dérisoire (article 1976 du code civil), ou pour vice du consentement (article 1131 du code civil) :

- que les loyers mensuels perçus par la mairie pour la maison d'habitation qu'elle a rénovée et des terrains agricoles loués sont manifestement supérieurs à la rente mensuelle versée à Mme [G] (si l'on tient compte d'une espérance de vie de 10 ans du vendeur la rente totale versée est de 120 000 €, alors que le loyer de 1 500 € affirmé par la Mairie dans le conseil municipal du 9 octobre 2014' permet un revenu locatif de 180 000 € outre les revenus agricoles, alors que l'estimation des domaines pour l'immeuble était de 172 000 €) ; que le prix de vente total dont serait déduit le bouquet de travaux de 75 000 € ne figure pas dans le contrat, ni les modalités de calcul de la rente et ce sont les époux [G] qui les ont en réalité financés puisque ce prix de vente ne leur a pas été payé, travaux dont la réalité et le coût n'est pas justifié et qui ont été faits au seul profit de la Commune de [Localité 6] ; que leur durée a contraint les crédits-rentiers à renoncer à leur droit d'usage et d'habitation sur la maison, pour s'installer dans un gîte vétuste sans chauffage ni eau chaude, dangereux pour leur santé fragile (M. [G] étant diabétique et âgé de 81 ans) ; qu'ainsi le prix de vente était dérisoire ce dont M. [G] ne pouvait avoir conscience ni en 2008, ni en 2010 lors de l'avenant qui aurait dû conduire à une réévaluation de la rente, au regard de son état de santé et de leur manque de connaissance, ce qui constitue le vice de consentement permettant d'annuler la vente ;

- Mme [U] réclame donc une expertise pour établir la valeur locative exacte de l'immeuble au regard des comptes confus de la Commune de [Localité 6] et de ses pièces contradictoires sur les travaux, les loyers perçus, le règlement des rentes et l'estimation de l'immeuble.

Sur la conséquence de l'annulation du contrat de vente':

- La mairie doit réparer la perte de chance de Mme [U] de percevoir des revenus locatifs de l'immeuble évalués provisionnellement à 120 000 €, s'il n'avait pas été vendu';

- Par ailleurs, Mme [U] ne sera pas condamnée à restituer la valeur des travaux réalisés pour 75 000 €, ceux-ci ayant servi à enrichir davantage la commune du fait de la location de la maison et réalisés de toute mauvaise foi puisque relatifs aux grosses réparations à la charge de la commune au sens de l'article 605 du code civil et du contrat de vente ;

- une somme de 120 000 € de dommages intérêts est réclamée pour avoir laissé Mme [U] à l'âge de 80 ans vivre dans des conditions présentant un danger grave et immédiat pour sa santé après avoir supprimé son droit d'usage et d'habitation sur sa maison, ne pas lui avoir versé le bouquet de 75.000 € sur le prix de vente, pour la perception d'un loyer supérieur à la rente laissant Mme [U] en difficulté financière, et pour l'emprise sur la jouissance des terres agricoles.

A défaut d'annulation du contrat, sur la demande de résiliation':

- l'exécution de celui-ci selon l'économie voulue par les parties étant devenue impossible du fait de l'absence d'entretien du gîte par la commune en dépit des dispositions de l'article 605 du code civil, le gîte présentant un état de dangerosité pour Mme [G], le droit d'usage et d'habitation étant réduit à la portion congrue, l'exécution du contrat est devenue excessivement onéreuse pour Mme [G], la résiliation du contrat de vente viagère du 7 mai 2008 et de l'acte modificatif du 19 mars 2010 est demandée sur le fondement de l'article 1195 du code civil aux torts de la commune de [Localité 6] qui en outre n'a pas payer 6 mois de rentes pour la somme de 4 220 € ;

- dans le cas de la résiliation du contrat, elle réclame également la somme de 120 000 € représentant les rentes qu'elle aurait dû percevoir alors qu'elle n'a perçu que 700 € par mois après le décès de son mari et 500 € quant il était en vie sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil (sauf à parfaire), et une somme de 120 000 € ;

- En cas de refus de résiliation, elle demande la réévaluation de la rente viagère, conformément au décret de la loi 49-420 du 25 mars 1949 permettant une majoration forfaitaire de 75'% maximum de la plus-value acquise par le bien ainsi que les mêmes dommages intérêts et compensations pour la rente sous-évaluée perçue depuis l'origine du contrat et le préjudice subi par elle, ces deux dernières sommes étant accordées même si le contrat est maintenu sans réévaluation.

Par conclusions déposées le 17 février 2021, la commune de [Localité 6], demande à la cour de':

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Bayonne du 29 juin 2020,

- débouter Mme [G] de toutes ses demandes contraires aux présentes écritures et dirigées à l'encontre de la commune de [Localité 6],

- condamner Mme [G] à verser à la commune de [Localité 6], une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses demandes, la commune de [Localité 6] fait valoir, sur le fondement des dispositions des articles 1968 et suivants et 1674 et suivants du code civil, 1131, 1147 et 1195 du code civil dans leur rédaction applicable à l''espèce que la Commune a offert d'acheter le bien appartenant en propre à M. [G] au regard de leurs conditions de vie précaires dans une maison sans chauffage, moyennant des travaux entièrement pris en charge par la Commune, selon l'estimation de l'immeuble faite le 29 novembre 2007 par les Domaines pour une somme de 172 000 €. Les travaux, pendant lesquels les époux [G] ont été logés dans le gîte situé sur la propriété, se sont finalement élevés à la somme de 94 094,90 €'; à l'issue des travaux, les époux [G] ont refusé de réintégrer la maison d'habitation, ce qui a donné lieu à l'avenant de 2010.

La Commune de [Localité 6] soutient, pour demander la confirmation de la décision déférée, sur l'irrecevabilité de l'action en nullité :

- que les deux fins de non-recevoir qu'elle soulève (défaut de qualité à agir et prescription) peuvent être présentées en tout état de cause en vertu de l'article 122 du code de procédure civile, et l'action en nullité est, d'une part, prescrite en vertu de l'article 1304 code civil dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 puisque le contrat fixant la rente date du 7 mai 2008, et sa modification du 19 mars 2010, elle rappelle, d'autre part, si les époux étaient mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, le bien n'a jamais fait partie du patrimoine de Mme [G] qui n'a donc pas qualité pour agir en nullité de la vente même si elle est désignée comme crédit-rentière au décès de son mari.

Sur le fond,

- que l'appelante fonde ses prétentions à la nullité de la vente sur l'insuffisance de la rente, ce qui est une action en rescision pour lésion prévue à l'article 1674 du code civil interdite dans les contrats aléatoires comme celui consenti contre une rente viagère,

- que M. [G] est décédé plus de 4 ans après la conclusion du contrat, cette durée ne saurait caractériser un défaut d'aléa ni la connaissance par la Commune de [Localité 6] de l'état de fragilité du vendeur,

- qu'il était convenu contractuellement que la somme convenue au bouquet servirait à effectuer les travaux, ce qui a été fait, et même au-delà des 75 000 €, le prix total du bien étant estimé par les Domaines à 172 000 € au moment de la vente, et la rente a tenu compte de l'espérance de vie du crédirentier de 10 ans.

- La commune a perçu moins de loyers depuis qu'elle a loué la maison en 2011 qu'elle n'a versé de rentes,

- La cause du contrat doit être appréciée au moment de sa conclusion, la cause subjective des parties était la nécessité pour M. [G] de voir son bien rénové pour améliorer ses conditions de vie.

- Que la demande d'expertise est infondée, l'appelante s'appuyant sur des chiffres confus et non démontrés.

Sur les demandes accessoires au titre de la perte de chance de percevoir des loyers, dès lors qu'elle n'a jamais été propriétaire du bien, cette demande ne peut prospérer, que la demande de communication de pièces est injustifiée, pour la même raison, la Commune ayant loué le bien à partir de la fin du droit de jouissance du vendeur qui ne voulait plus l'occuper et y a renoncé contractuellement.

Enfin, sur la révision du contrat réclamée à titre subsidiaire sur le fondement du nouvel article 1195 du code civil, Mme [G] ne démontre pas les circonstances imprévisibles qui auraient rendu l'exécution du contrat particulièrement onéreux pour elle.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 août 2022 et a été rabattue à l'audience de plaidoirie pour prendre en compte l'intervention volontaire de Mme [C], tutrice de Mme [G].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le litige porte sur un contrat signé le 7 mai 2008 et son avenant du 19 mars 2010, soit avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du code civil sur les obligations. Ce sont donc les textes du code civil dans leur version en vigueur antérieurement au 1er octobre 2016 qui seront visés ci-dessous.

Sur la recevabilité de l'action en nullité de Mme [G] :

Sur la qualité à agir de Mme [G]':

La Commune de [Localité 6] a demandé la confirmation pure et simple de la décision de première instance, qui a déclaré irrecevable l'action en nullité engagée par Mme [G]. Elle ne formule donc aucune demande d'infirmation de la décision en exposant à nouveau les moyens d'irrecevabilité soutenus devant le 1er juge, peu important le moyen admis finalement par celui-ci, qui ne figure pas dans le dispositif, la Cour est bien saisie de la confirmation de l'irrecevabilité de la demande de nullité et doit donc en examiner tous les moyens soutenus devant elle-même ceux écartés par le 1er juge.

Si Mme [G] n'était pas propriétaire du bien vendu à la Commune de [Localité 6], elle figure expressément comme partie à l'acte de vente ainsi qu'il ressort de l'acte notarié du 7 mai 2008 en qualité de crédirentière et a signé cet acte qui l'engage, tout comme son mari, dont elle est par ailleurs l'héritière. Elle a donc bien qualité à agir.

Sur la prescription de l'action en nullité du contrat de vente du 7 mai 2008 et de son modificatif du 19 mars 2010 :

L'article 1976 du code civil dispose que la rente viagère peut être constituée au taux qu'il plaît aux parties contractantes de fixer. La jurisprudence donne au juge le pouvoir souverain d'apprécier la vileté du prix ou l'absence d'aléa au contrat, considérés au jour de signature de l'acte, pouvant entraîner la nullité du contrat.

Pour déterminer le point de départ de la prescription, il faut déterminer quand Mme [G] a pu avoir connaissance de l'absence d'aléa du contrat ou du prix dérisoire de l'acte signé par elle le 7 mai 2008 et de celui signé le 19 mars 2010. Or, même si le prix de l'immeuble vendu n'est pas indiqué dans l'acte de vente (évalué par les Domaines en 2007 à la somme de 172 000 € ainsi qu'il résulte de la délibération du Conseil municipal de la Commune de [Localité 6] affiché le 18 décembre 2007, juste avant la signature de l'acte de vente), tous les éléments de sa détermination y figurent.

Ainsi l'acte de vente indique que le prix se compose':

- du versement d'une somme de 75 000 €, convertie en importants travaux de rénovation de la maison d'habitation ;

- du versement d'une rente mensuelle indexée de 1 000 € au profit de M. [G], alors âgé de 79 ans (pour être né le 30 octobre 1929), réversible à hauteur de 700 € à son épouse âgée de 70 ans en juin 2008 (pour être née le 11 janvier 1938) si elle lui survivait.

- de l'usufruit sur la maison d'habitation et son jardin au profit des vendeurs jusqu'au décès du dernier d'entre-eux.

Le bouquet de 75 000 € n'a donc pas été versé aux époux [G] parce qu'il a été converti en travaux à la charge de la Commune de [Localité 6] portant sur la rénovation de la maison d'habitation (consistant en la reprise des enduits, toiture, tuiles et zinguerie, peintures extérieures et peintures intérieures, électricité et chauffage, plâtrerie, plomberie, sanitaire et VMC, faïence, salle de bains).

Ces travaux n'étaient pas de grosses réparations à la charge du nu-propriétaire en ce qu'ils ne portaient pas sur les gros murs, les voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures et les murs de soutènement et de clôtures définis par l'article 606 du code civil. Ils étaient néanmoins contractuellement pris en charge par la Commune de [Localité 6] et constituaient donc bien une partie du prix de vente contrairement à ce que soutient Mme [G], les époux [G] étant déchargés de ces travaux qui leur incombaient en leur qualité d'usufruitiers de cette maison d'habitation.

Dès la signature du contrat de vente, le montant de la rente viagère indiquée, compte tenu de leur espérance de vie respective (9 ans pour Monsieur en 2008 puis ensuite encore plus de 10 ans pour Madame) selon la même table de mortalité non critiquée versée au débat par la Commune de [Localité 6]) leur permettaient de connaître le capital représenté par cette rente pour le comparer à la valeur supposée de l'immeuble au jour de la vente.

Outre cette rente, les époux bénéficiaient également d'un usufruit sur la maison d'habitation, qui allait être entièrement rénovée grâce aux travaux effectués par la Commune, et représentant 30 et 40'% de la valeur de l'immeuble compte tenu de leurs âges respectifs'; leur renonciation à cet usufruit le 19 mars 2010 est sans incidence sur l'existence de l'aléa et sur la réalité du prix qui avait été consenti entre les parties le 7 mai 2008 au jour de la vente.

L'aléa du contrat de vente avec rente viagère réside précisément dans la durée de vie effective des crédits-rentiers, qui n'est pas connue au jour de la vente. Si M. [G] était certes diabétique en 2008 et suivi médicalement, il n'est décédé qu'en 2012, soit 4 ans après la vente, et l'attestation du médecin traitant de M. [G] ne permet pas de conclure que son état de santé précaire le plaçait en incapacité de comprendre les actes qu'il signait que ce soit en 2008 ou en 2010 ni que son décès était proche et prévisible surtout pour la Commune de [Localité 6]. De même que Mme [G] ne justifie pas avoir eu un discernement altéré lors de sa propre signature, alors qu'elle était âgée de 60 ans en 2008 et de 62 ans en 2010.

C'est donc bien à compter du 7 mai 2008 qu'a commencé à courir le délai de prescription quinquennal pour agir en nullité de la vente, au regard des éléments connus ou déterminables du prix de vente de l'immeuble dans son état à cette même date, et à compter du 19 mars 2010 pour ce qui concerne l'acte de modification portant sur le transfert de l'usufruit du bien.

Rien n'empêchait les époux [G] de faire estimer leur bien par une agence immobilière en 2010 afin de vérifier la valeur vénale et locative de celui-ci lorsqu'ils renonçaient à leur droit d'usufruit sur l'immeuble rénové, et renonçaient expressément, aux revenus qu'ils pouvaient en tirer. Vivant sur les lieux et ayant pu constater les travaux réalisés dans leur maison, ils étaient à même d'apprécier la plus-value apportée à l'habitation dont ils devaient garder la jouissance leur vie durant mais qu'ils choisissaient d'abandonner au profit de la Commune.

Le délai de prescription s'achevant le 30 juin 2013 pour l'acte initial, et le 19 mars 2015 pour l'acte modificatif, c'est donc à juste titre que le 1er juge a déclaré prescrite l'action en nullité engagée par Mme [G] contre l'acte de vente et son acte modificatif par son assignation du 23 novembre 2018 devant le tribunal judiciaire de Bayonne. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande subsidiaire de résiliation du contrat de vente

fondée sur la faute contractuelle de la Commune de [Localité 6]

Selon l'article 1134 ancien du code civil, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article 1184 ancien du code civil, la résolution du contrat peut toujours être demandée en cas d'inexécution par une des parties de ses obligations.

Le contrat de vente signé le 7 mai 2008 prévoit, au titre des charges de la Commune, que celles-ci s'oblige à exécuter toutes les grosses réparations qui deviendront nécessaires sur l'immeuble selon l'article 605 du code civil, et définies par l'article 606 du code civil, à savoir, portant sur les gros murs, les voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures et les murs de soutènement et de clôtures.

Toutes les autres réparations sont à la charge de l'usufruitier, c'est-à-dire à la charge des époux [G] s'agissant des biens dont ils conservaient la jouissance, à savoir, sur le gîte et son jardin à compter du 19 mars 2010.

Il a été rappelé plus haut que la Commune devait entreprendre des travaux de rénovation de la seule maison d'habitation, ce qu'elle a fait pour un montant total de 84 374,30 € en 2009 d'après le Grand Livre de compte des dépenses de la Commune, au-delà donc de ce à quoi elle était obligée et qui devaient profiter aux époux [G] qui devaient réintégrer leur maison'; des travaux ont continué en 2010 et 2011 pour 19 097 €, puis en 2013 et 2015 des travaux de clôtures et d'ensemencement des terrains qui avaient été laissés à la jouissance Mme [G] depuis la vente selon son souhait, contrairement aux mentions de l'acte transférant immédiatement à la Commune la jouissance du terrain, excepté le jardin autour de la maison.

Mme [G] ne démontre pas quelles grosses réparations incombaient contractuellement à la Commune de [Localité 6] sur le gîte qu'elle occupait d'abord avec son mari, puis seule, puisque, ayant choisi en 2010 d'être usufruitiers de ce gîte plutôt que de la maison, les travaux d'entretien et de rénovation leur incombaient désormais en vertu de l'article 606 du code civil précité.

En effet, la Commune de [Localité 6] produit une attestation signée par les deux époux le 1er février 2010 où ils affirment ne pas vouloir réintégrer la maison d'habitation entièrement rénovée par la Commune et indiquent accepter de régulariser le transfert de leur droit de jouissance de cette maison d'habitation sur le gîte situé derrière la maison où ils souhaitent demeurer. Ils ajoutent accepter que la Commune mette en location la maison rénovée. Leur signature est précédée de la mention manuscrite Lu et approuvé.

Un acte en la forme administrative signé un mois plus tard le 19 mars 2010 entre les époux [G] et la Commune de [Localité 6] régularise ce transfert de jouissance sans contrepartie, mentionnant expressément que les crédits-rentiers ont refusé de réintégrer la maison d'habitation rénovée, ne voulant pas quitter le gîte qu'ils occupent.

La Commune a mis la maison d'habitation en location à compter de 2011.

Il ressort d'un échange entre la Commune de [Localité 6] et le neveu de Mme [G] par mail du 16 juillet 2014 que le gîte où ont choisi de rester vivre les époux [G] en 2010 manquait de confort et qu'il ne disposait pas de chauffage. Le Maire avait proposé à Mme [G] que la Commune prenne en charge les frais d'installation du chauffage dans le gîte, ou sinon de lui permettre de réintégrer la maison d'habitation, une fois le locataire parti, et de reprendre ainsi son droit d'usage et d'habitation initial dans une maison confortable, ou encore de s'installer dans un logement fourni par la Mairie au c'ur du Bourg, toutes solutions pour améliorer ses conditions de vie qu'elle a expressément refusées malgré l'insistance du Maire ainsi qu'il ressort du procès-verbal du 9 octobre 2014 du Conseil Municipal en page 3.

Les neveux de Mme [G] confirment d'ailleurs, dans leur courrier adressé au Maire le 30 juillet 2014, que leur tante refuse de revenir habiter la maison [B] rénovée, et d'occuper un appartement proposé par la Mairie.

Il n'est donc pas démontré que la Commune de [Localité 6] a manqué à une de ses obligations contractuelles à l'égard du vendeur puis de son épouse quand ils ont choisi, en 2010, étant sur place, de renoncer sans contrepartie à occuper une maison d'habitation confortable et rénovée au profit d'un gîte situé juste à côté, vétuste et sans chauffage où ils vivaient depuis plusieurs mois, choix confirmé par Mme [G] en 2014.

Mme [G] produit un certificat médical du Dr [X] attestant l'avoir examiné le 10 avril 2017 et indiquant qu' «'elle vit dans des conditions très précaires, pas d'isolement (comprendre isolation) pas d'eau chaude, conditions sanitaires déplorables'».

Mais Mme [U] était âgée de 72 ans en 2010, il n'est justifié d'aucun trouble mental ou cognitif avéré, elle ne peut donc aujourd'hui reprocher à la Commune sa propre obstination à demeurer dans ce logement vétuste.

Le fait que son état de santé nécessite en 2017 qu'elle soit logée dans un établissement de soins, et donc qu'elle renonce à son droit de jouissance et d'habitation sur le gîte qu'elle occupe de son plein gré depuis 7 ans malgré l'insistance de la Mairie pour son relogement, ne saurait créer une nouvelle obligation pour la Commune de [Localité 6], qui continue à lui verser la rente viagère contractuellement prévue et indexée (s'élevant à 772,39 € par mois en décembre 2018) et a rempli toutes les autres obligations du contrat de vente.

La Commune de [Localité 6] justifie ainsi que depuis l'acquisition du bien des époux [G] en 2008, elle leur a versé les rentes contractuellement prévues, avec indexation selon les décomptes versés au débat, pour un total arrêté au jour de l'assignation en novembre 2018 à la somme de 110 990,46 €, et depuis 2011, date de mise en location de la maison, ces rentes ont représenté la somme de 78 784€, c'est-à-dire des sommes supérieures aux revenus locatifs perçus par la Commune pour la maison d'habitation sur la même période (58 781 €).

Si la Commune de [Localité 6] a pu avoir des retards de paiement de quelques rentes en 2012 et 2013, cette dette a été régularisée depuis longtemps ainsi que l'a reconnu Mme [U] devant le 1er juge, et ces retards remontant à plus de 5 ans ne constituent pas une faute grave justifiant de résilier le contrat de rente viagère.

Il s'ensuit que Mme [G] ne démontre aucune faute contractuelle de la Commune de [Localité 6] justifiant de résilier le contrat de vente passé le 7 mai 2008 ou son avenant du 19 mars 2010 ni d'accorder des dommages intérêts et la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur la résiliation fondée sur un changement de circonstances imprévisibles rendant l'exécution du contrat onéreux pour Mme [U] (1195 nouveau code civil)

Il a été rappelé ci-dessus que le contrat ayant été signé le 7 mai 2008 et son acte modificatif le 19 mars 2010, ils restent donc régis par les dispositions du code civil relatives aux obligations dans leurs versions antérieures au 1er octobre 2016 (selon l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016), lesquelles ne permettaient pas la révision judiciaire du contrat pour imprévision.

Ce moyen n'est donc pas fondé.

Sur la réévaluation de la rente viagère sur le fondement de la loi n° 46-420 du 25 mars 1949 modifiée par la Loi du 24 février 1963':

Selon l'article 2 bis de cette loi, le crédirentier peut obtenir du tribunal, à défaut d'accord amiable, une majoration supérieure à la majoration forfaitaire de plein droit prévue à l'article 1er (majoration constituée par l'application d'une indexation annuelle fixée par la loi n° 51-695 du 24 mai 1951), s'il apporte la preuve que le bien reçu en contrepartie ou à charge du service de la rente a acquis entre les mains du débirentier, par comparaison avec la valeur de ce bien lors de la constitution de la rente ou lors du décès du testateur, telle que cette valeur résulte du prix ou de l'estimation indiqué dans l'acte ou la déclaration de succession, un coefficient de plus-value, résultant des circonstances économiques nouvelles, supérieur au coefficient de la majoration forfaitaire.

Selon l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'expertise ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

L'immeuble de M. [G] a été évalué par les Domaines en 2007 à la somme de 172 000 €, (selon son état avant travaux puisqu'ils ne seront effectués qu'après l'achat).

Mme [G] n'apporte aucun élément probant contestant cette valeur du bien dans son état en 2008.

La rente viagère fixée le 7 mai 2008, rente mensuelle indexée de 1 000 € qui était prévue pour M. [G] représentait en théorie, selon l'espérance de vie des époux (10 ans pour monsieur, 20 ans pour madame), un capital de plus de 100 000 € dans un premier temps puis ensuite étant reversée à son épouse pour une rente mensuelle de 700 €, un capital complémentaire potentiel de plus de 70 000 €.

Ainsi la totalité de la rente calculée sur l'espérance de vie théorique des crédits-rentiers représentait bien en 2008 un prix de plus de 170 000 € correspondant à la valeur indiquée par les Domaines lors de la vente, à laquelle s'ajoutait l'usufruit des vendeurs sur le bien, de 30 et 40'% de sa valeur (en fonction de l'âge de chacun des usufruitiers en 2008). Le fait que les époux [G] aient renoncé en 2010 à cet usufruit ne modifie pas le calcul du prix initial de vente du bien dépassant très largement la valeur donnée par les domaines.

Or, Mme [G] s'appuie sur la valeur locative du bien estimée de 1 000 à 1 500 € par le conseil municipal de la Commune de [Localité 6] du 9 octobre 2014 (et effectivement loué à 1 200 € par mois depuis 2011 selon les relevés de la Commune de [Localité 6]), après que celle-ci a effectué plus de 100.000 € de travaux de rénovation dans l'immeuble (103 471,28 € selon le Grand Livre de compte de la Commune entre 2008 et 2011). Elle verse une estimation de l'ensemble de la propriété faite le 3 septembre 2018 par un agent immobilier pour un prix de 500 000 €. Mais ni la valeur locative du bien en 2014 après de très nombreux travaux, ni la valeur vénale du bien en 2018 ne peuvent être comparées avec ces mêmes valeurs locatives et vénales en 2008 pour le bien dans son état initial.

En produisant une seule attestation d'une agence immobilière qui évalue le bien 10 ans plus tard alors que la maison d'habitation principale a été entièrement rénovée en 2009 et 2010 et les terres entretenues à partir de 2014 par la Commune et les agriculteurs qui les ont eu en fermage, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, Mme [G] n'établit pas l'existence même d'une plus-value de l'immeuble en 2018 en considérant celui-ci selon son état en 2008 abstraction faite des travaux effectués entre 2008 et 2010 sur le bien par la Commune de [Localité 6] au lieu et place des époux [G].

Au regard de ce qui précède, la demande d'expertise judiciaire n'est pas fondée et la demande de réévaluation de la rente doit être rejetée de même que la demande de communication de pièces, la Cour ayant trouvé aux dossiers les preuves suffisantes pour rendre sa décision.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Le tribunal a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;

Donne acte à Mme [C] de son intervention volontaire en qualité de tutrice de Mme [R] [U] veuve [G] ;

Confirme le jugement rendu le 29 juin 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] [U] veuve [G] aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBONCaroline DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01912
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.01912 ?
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