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24/10/2022 | FRANCE | N°22/02861

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 24 octobre 2022, 22/02861


N°22/3738



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU vingt quatre Octobre deux mille vingt deux





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/02861 - N° Portalis DBVV-V-B7G-ILEY



Décision déférée ordonnance rendue le 22 Octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous

, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine SA...

N°22/3738

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU vingt quatre Octobre deux mille vingt deux

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/02861 - N° Portalis DBVV-V-B7G-ILEY

Décision déférée ordonnance rendue le 22 Octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [Z] [S]

né le 13 Août 1982 à [Localité 1] (PALESTINE)

de nationalité Palestinienne

Actuellement retenu au CRA d'[Localité 2]

Retenu au centre de rétention d'[Localité 2]

Comparant et assisté de Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [Y], interprète assermenté en langue arabe.

INTIMES :

LE PREFET DE LA GIRONDE, avisé, absent,

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 22 octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative de présentée par le préfet de la Gironde

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de [Z] [S] régulière,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [Z] [S] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 22 octobre 2022 à 12 heures 50.

Vu la déclaration d'appel motivée formée par le conseil de [Z] [S], reçue le 22 octobre 2022 à 16 heures 53.

****

A l'appui de son appel, le conseil de [Z] [S] fait valoir, dans sa déclaration, deux moyens :

- premier moyen, selon lequel l'arrêté ministériel publié au journal officiel du 7 janvier 2017 stipule que les associations humanitaires habilitées, en application des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, pour accéder aux lieux de rétention n'étaient habilitées que pour une durée de cinq ans et que les dispositions de la directive dite retour ne sont plus respectées en ce qui concerne l'accès aux lieux de rétention des organisations et instances non gouvernementales depuis le 7 janvier 2022 du fait de l'inaction du ministre de l'intérieur pour délivrer les habilitations requises.

Il soutient que le juge des libertés et de la détention a cru devoir considérer qu'il ne pouvait pas être constaté que [Z] [S] n'avait pas été mis en mesure de contacter les associations dont les coordonnées ont été communiquées et a retenu qu'il appartiendrait à [Z] [S] d'exercer tout recours pour mettre l'Etat en demeure de renouveler l'habilitation ; que cependant les associations humanitaires dont s'agit sont à distinguer des personnes morales chargées de la mission d'aide à l'exercice effectif des droits ; qu'habilitées à intervenir, elles doivent garantir le traitement des personnes enfermées dans le respect de leurs droits fondamentaux ; que le juge des libertés et de la détention, garant des libertés individuelles, ne pouvait en réalité que constater que [Z] [S] n'était pas en état de faire valoir ses droits ; qu'il ne s'agit ainsi de quelque manquement à une règle de forme et le fait que ses droits en rétention n'étaient et ne sont plus conformes aux exigences du droit de l'Union européenne fait nécessairement grief à [Z] [S].

- second moyen, relatif à l'inexistence de perspectives d'éloignement, au motif que son renvoi vers la Palestine nécessite l'autorisation de la Jordanie et d'Israël et que ce dernier Etat, sollicité à plusieurs reprises lors de précédentes procédures d'éloignement, n'a jamais répondu aux autorités administratives françaises. Il est fait référence notamment à une décision rendue le 24 février 2022 par la Cour d'appel de Bordeaux, laquelle a ordonné la mainlevée d'une mesure de rétention prise à l'encontre de [Z] [S]. Il est enfin fait état de ce que à ce jour, seuls figurent à la procédure des justificatifs concernant la saisine des autorités consulaires palestiniennes, aucune démarche n'ayant été accomplie auprès des autorités israéliennes et jordaniennes.

Il demande en conséquence l'infirmation de la décision entreprise dans la mesure, pour irrégularité de la procédure et la remise en liberté de [Z] [S].

Ces moyens ont été soutenus à l'audience, par le conseil de [Z] [S].

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

1.Sur le premier moyen.

Il est soutenu que les conditions de rétention de [Z] [S] ne seraient pas conformes aux dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 16 de la Directive dite retour, 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du fait de l'expiration de l'habilitation des associations humanitaires pour pénétrer dans les lieux de rétention et il est, à cette fin, évoqué un arrêté ministériel publié au Journal Officiel du 7 janvier 2017, lequel n'est toutefois pas produit.

Les paragraphes 4 et 5 de l'article 16 (relatif aux conditions de rétention) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2088 sont ainsi rédigés :

« 4.Les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention visés au paragraphe 1, dans la mesure où ils sont utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers conformément au présent chapitre. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation.

5.Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4. ».

Les dispositions de la directive 2008/115/CE ont été transposées en droit interne par la loi 2011-572 du 16 juin 2011, dont l'article 67disposait que « un décret en conseil d'état détermine les conditions d'exercice du droit d'accès des actions humanitaires aux lieux de rétention ». Ces conditions ont été déterminées par le décret 2014-676 du 24 juin 2014 relatif à l'accès des associations humanitaires aux lieux de rétention. Elles figurent aux articles R744-27 à R744-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La lecture intégrale du journal officiel du 7 janvier 2017 fait apparaître qu'a été publié ce jour là un seul arrêté, en date du 30 décembre 2016, fixant la liste des associations humanitaires habilitées à proposer des représentants en vue d'accéder aux lieux de rétention.

L'article 1er de cet arrêté est ainsi rédigé :

« Sont habilitées à proposer des représentants en vue d'accéder aux lieux de rétention les associations humanitaires suivantes :

Forum Réfugiés-Cosi ;

France Terre d'asile.

Cette habilitation est valable pour une durée de cinq ans à compter de la date de publication du présent arrêté. ».

Ainsi donc cet arrêté porte uniquement sur l'habilitation de deux associations pour proposer des représentants qui pourront accéder aux lieux de rétention. Il ne porte pas sur l'habilitation d'autres associations telles que Médecins Sans Frontières par exemple. En tout état de cause, il n'est pas démontré par l'appelant qu'il n'existe plus à ce jour aucune association détentrice d'une telle habilitation.

En outre, sur l'imprimé dit « de notification des droits au centre de rétention » remis le 20 octobre 2022 à [Z] [S], figurent les coordonnées, notamment téléphoniques de FRANCE TERRE d'ASILE, de FORUM REFUGIES COS, du DEFENSEUR DES DROITS, du CONTROLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE et de MEDECINS SANS FRONTIERES, ce qui a mis le retenu en mesure de contacter, s'il le souhaite, notamment les associations humanitaires.

Il s'ensuit que les conditions de rétention de [Z] [S] sont conformes aux dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, étant en outre rappelé qu'au titre de l'aide à l'exercice des droits, telle qu'organisée par l'article R 744-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la CIMADE est présente dans les locaux du centre de rétention de [Localité 2].

2.Sur le second moyen.

A ce stade de la procédure, s'agissant d'une première prolongation de la mesure de rétention administrative pour une durée de vingt-huit jours, il ne peut être valablement soutenu qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement de [Z] [S] en direction de la Palestine au seul motif que les différentes mesures prises antérieurement n'ont pas permis cet éloignement faute de réponse de l'Etat d'Israël, dès lors que le consul de la délégation Palestinienne en France a déjà entendu le 21 octobre 2022 [Z] [S], qui est bien palestinien et a confirmé son souhait de retourner dans son pays, que la demande de laisser-passer consulaire est en cours de traitement. Une réponse favorable reste envisageable pendant la durée de la rétention, de même qu'une autorisation de transit en Jordanie ou en Israël, même sir la procédure ne contient pas de justificatifs de demandes d'ores et déjà faites en ce sens.

En conséquence, la procédure étant régulière, ainsi que l'a souligné le premier juge, [Z] [S] faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans, en date du 18 février 2022 et notifiée le 19 février 2022, et ne remplissant pas les conditions requises par l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au juge judiciaire d'envisager une mesure d'assignation à résidence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l'appel recevable en la forme.

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Gironde.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt quatre Octobre deux mille vingt deux à

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUSCécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 24 Octobre 2022

Monsieur X SE DISANT [Z] [S], par mail au centre de rétention d'[Localité 2]

Pris connaissance le :À

Signature

Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE, par mail,

Monsieur le Préfet de la Girdonde, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 22/02861
Date de la décision : 24/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-24;22.02861 ?
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