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24/10/2022 | FRANCE | N°22/02858

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 24 octobre 2022, 22/02858


N°22/3735



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU vingt quatre Octobre deux mille vingt deux





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/02858 - N° Portalis DBVV-V-B7G-ILES



Décision déférée ordonnance rendue le 21 Octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous

, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine SA...

N°22/3735

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU vingt quatre Octobre deux mille vingt deux

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/02858 - N° Portalis DBVV-V-B7G-ILES

Décision déférée ordonnance rendue le 21 Octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur [I] SE DISANT [Z] [N]

né le 09 Février 1995 à [Localité 2] (MONGOLIE)

de nationalité Mongole

Actuellement retenu au CRA d'[Localité 1]

Retenu au centre de rétention d'[Localité 1]

Comparant et assisté de Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE, avocat au barreau de Pau et de Madame [H] [K], interprète assermenté près la cour d'appel de Paris, en langue mongol.

INTIMES :

LE PREFET DE LA CORREZE, avisé, absent,

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 21 octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- ordonné la jonction du dossier n° RG 22/00696 au dossier 22/00700

- déclaré irrecevable la requête en contestation de placement en rétention administrative présentée par [N] [Z],

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative de présentée par le préfet de la Corrèze

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de [N] [Z] régulière,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [N] [Z] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 21 octobre 2022 à 17 heures 00.

Vu la déclaration d'appel motivée formée par le conseil de [N] [Z], reçue le 21 octobre 2022 à 19 heures 25.

****

A l'appui de son appel, le conseil de [N] [Z] fait valoir, dans sa déclaration, un unique moyen, selon lequel l'arrêté ministériel publié au journal officiel du 7 janvier 2017 stipule que les associations humanitaires habilitées, en application des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, pour accéder aux lieux de rétention n'étaient habilitées que pour une durée de cinq ans et que les dispositions de la directive dite retour ne sont plus respectées en ce qui concerne l'accès aux lieux de rétention des organisations et instances non gouvernementales depuis le 7 janvier 2022 du fait de l'inaction du ministre de l'intérieur pour délivrer les habilitations exigées.

Il rappelle que selon le Conseil constitutionnel, le juge judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de fait ou de droit l'exigent.

Il soutient qu'il n'était pas demandé au juge des libertés et de la détention de contrôler la légalité de la décision de placement en rétention mais de statuer sur la conformité des conditions de rétention aux normes fixées par la législation de l'Union Européenne et, en enfermant cette possibilité de contester les conditions de la rétention dans le délai prévu pour contester la légalité de la rétention, le juge a renoncé à remplir son office de gardien des libertés individuelles.

Il demande :

l'infirmation de la décision entreprise dans la mesure où les associations humanitaires habilitées, en application des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil (JOUE L348/98 à L348/107 du 24/12/2008), pour accéder aux lieux de rétention ont perdu leur habilitation le 7 janvier 2022 ;

la remise en liberté de [N] [Z].

Cet unique moyen a été soutenu à l'audience, par le conseil de [N] [Z], lequel a précisé que cela faisait nécessairement grief au retenu.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

Contrairement à ce qui est soutenu, le juge des libertés et de la détention n'a pas « enfermé » la possibilité de contester les conditions de la rétention dans le délai prévu pour contester la légalité de la rétention, et n'a pas renoncé à remplir son office de gardien des libertés individuelles. En effet, la lecture de l'ordonnance entreprise établit que si le premier juge a, à juste titre, déclaré irrecevable comme présentée hors délai la requête en contestation de la décision de placement en rétention, il a, sur la question de la régularité de la procédure, répondu au moyen, soulevé devant lui, relatif à l'expiration de l'habilitation des des associations humanitaires prévues par la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, qui permettaient à ces associations de pénétrer dans les lieux de rétention.

Par ailleurs, il est soutenu que les conditions de rétention de [N] [Z] ne seraient pas conformes aux dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'article 16 de la Directive dite retour, 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du fait de l'expiration de l'habilitation des associations humanitaires pour pénétrer dans les lieux de rétention et il est, à cette fin, évoqué un arrêté ministériel publié au Journal Officiel du 7 janvier 2017, lequel n'est toutefois pas produit.

Les paragraphes 4 et 5 de l'article 16 (relatif aux conditions de rétention) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2088 sont ainsi rédigés :

« 4.Les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention visés au paragraphe 1, dans la mesure où ils sont utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers conformément au présent chapitre. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation.

5.Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4. ».

Les dispositions de la directive 2008/115/CE ont été transposées en droit interne par la loi 2011-572 du 16 juin 2011, dont l'article 67disposait que « un décret en conseil d'état détermine les conditions d'exercice du droit d'accès des actions humanitaires aux lieux de rétention ». Ces conditions ont été déterminées par le décret 2014-676 du 24 juin 2014 relatif à l'accès des associations humanitaires aux lieux de rétention. Elles figurent aux articles R744-27 à R744-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La lecture intégrale du journal officiel du 7 janvier 2017 fait apparaître qu'a été publié ce jour là un seul arrêté, en date du 30 décembre 2016, fixant la liste des associations humanitaires habilitées à proposer des représentants en vue d'accéder aux lieux de rétention.

L'article 1er de cet arrêté est ainsi rédigé :

« Sont habilitées à proposer des représentants en vue d'accéder aux lieux de rétention les associations humanitaires suivantes :

Forum Réfugiés-Cosi ;

France Terre d'asile.

Cette habilitation est valable pour une durée de cinq ans à compter de la date de publication du présent arrêté. ».

Ainsi donc cet arrêté porte uniquement sur l'habilitation de deux associations pour proposer des représentants qui pourront accéder aux lieux de rétention. Il ne porte pas sur l'habilitation d'autres associations telles que Médecins Sans Frontières par exemple. En tout état de cause, il n'est pas démontré par l'appelant qu'il n'existe plus à ce jour aucune association détentrice d'une telle habilitation.

En outre, sur l'imprimé dit « de notification des droits au centre de rétention » remis le 19 octobre 2022 à [N] [Z], figurent les coordonnées, notamment téléphoniques de FRANCE TERRE d'ASILE, de FORUM REFUGIES COS, du DEFENSEUR DES DROITS, du CONTROLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE et de MEDECINS SANS FRONTIERES, ce qui a mis le retenu en mesure de contacter, s'il le souhaite, notamment les associations humanitaires.

Il s'ensuit que les conditions de rétention de [N] [Z] sont conformes aux dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, étant en outre rappelé qu'au titre de l'aide à l'exercice des droits, telle qu'organisée par l'article R 744-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la CIMADE est présente dans les locaux du centre de rétention de [Localité 1].

En conséquence, la procédure étant par ailleurs régulière, ainsi que l'a souligné le premier juge, et [N] [Z] faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion en date du 12 octobre 2022 notifié le 17 octobre 2022 et ne remplissant pas les conditions requises par l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au juge judiciaire d'envisager une mesure d'assignation à résidence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l'appel recevable en la forme.

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Corrèze.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt quatre Octobre deux mille vingt deux à

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUSCécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 24 Octobre 2022

Monsieur [I] SE DISANT [Z] [N], par mail au centre de rétention d'[Localité 1]

Pris connaissance le :À

Signature

Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE, par mail,

Monsieur le Préfet de la Corrèze, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 22/02858
Date de la décision : 24/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-24;22.02858 ?
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