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20/10/2022 | FRANCE | N°20/01150

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 20 octobre 2022, 20/01150


JN/SB



Numéro 22/3703





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 20/10/2022







Dossier : N° RG 20/01150 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HRXW





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse









Affaire :



S.A.S. [4]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES









Grosse délivrée le

à

:





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au...

JN/SB

Numéro 22/3703

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/10/2022

Dossier : N° RG 20/01150 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HRXW

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

Affaire :

S.A.S. [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Septembre 2022, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître CHAMAYOU loco Maîtrer ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 15 MAI 2020

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 18/00542

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 mars 2018, la société [4] (l'employeur), société de travail intérimaire, a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) un accident du travail daté du 29 janvier 2018, concernant M. [T] [U] (le salarié), salarié intérimaire mis à la disposition de la société [7] (l'entreprise utilisatrice), en qualité d'ouvrier non qualifié.

Selon cette déclaration, à laquelle était joint un courrier de réserves, le salarié « repositionnait une feuille de placage sur une ligne de production. Selon ses dires une feuille aurait heurté son annulaire gauche. Feuille de placage. Voir courrier de réserves ».

Le certificat médical initial du 19 mars 2018, fait état de « doigt à ressaut 4ème doigt de la main gauche. Vu pour la première fois ce jour. Impotence fonctionnelle car perte de l'extension. Imagerie avant chirurgie de la main ».

Le 15 juin 2018, la caisse, après instruction, a notifié à l'employeur, sa décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'employeur a contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge, ainsi qu'il suit :

- devant la commission de recours amiable (CRA), laquelle n'a pas répondu, s'agissant d'un fait constant( saisine non produite),

- le 26 octobre 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, saisi d'un recours contre la décision implicite de rejet de la CRA.

Par jugement du 15 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :

- constaté que c'est à bon droit que la caisse a pris en charge l'accident du travail du salarié dont il a été victime le 29 janvier 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels,

- déclaré opposable à l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident du travail dont a été victime le salarié le 29 janvier 2018,

- débouté l'employeur de toutes ses demandes,

- condamné l'employeur aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.

Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 28 mai 2020.

Le 2 juin 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.

Selon avis de convocation du 21 mars 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions, visées par le greffe le 30 juin 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [4], appelant, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de prononcer l'inopposabilité à son égard de la décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident dont a été prétendument victime le salarié le 29 juin 2018.

Selon ses conclusions transmises par RPVA le 22 juillet 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la caisse, la CPAM des Landes, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré, et y ajoutant, à la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR QUOI LA COUR

Comme devant le premier juge, l'employeur, au soutien de sa demande d'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge, se prévaut du non-respect par la caisse, du principe du contradictoire, de même que du fait que les éléments produits par la caisse, seraient insuffisants à rapporter la preuve d'un accident du travail. Au titre de sa contestation au fond, il fait valoir que le certificat médical initial a été établi 49 jours après la survenance du prétendu accident, qu'aucun témoin oculaire n'a assisté au prétendu fait accidentel, que le salarié ne l'a déclaré que 49 jours plus tard, alors même qu'il a continué à travailler le jour du prétendu fait accidentel, jusqu'à 21 heures, et ensuite jusqu'au 19 mars 2018, que l'attestation retenue par le premier juge au soutien de sa décision, n'émane pas d'un témoin oculaire, et qu'il n'est pas permis de retenir que les lésions constatées médicalement, seraient dues à un accident qui se serait produit au temps et au lieu du travail, 49 jours plus tôt.

La caisse s'y oppose.

Sur l'inopposabilité pour non-respect du principe du contradictoire

Au visa de l'obligation de la caisse, de communiquer à l'employeur, avant de se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, les éléments susceptibles de faire grief à l'employeur, et des dispositions de l'article R441-13 du code de la sécurité sociale, l'employeur soutient que le dossier que la caisse lui a communiqué, ne contenait ni les différents certificats médicaux, ni le rapport de l'expert technique, et qu'elle a ainsi manqué à la bonne exécution de son obligation d'information et violé le principe du contradictoire.

La caisse s'y oppose, faisant valoir que :

-elle a satisfait à l'obligation d'information posée par l'article R441-14 alinéas 3 du code de la sécurité sociale, en l'avisant, par courrier en date du 28 mai 2018, de la fin d'instruction, de la date de prise de décision (15 juin 2018), et en l'invitant à venir consulter les pièces constitutives du dossier,

- dans ces conditions, peu importe qu'elle se soit déplacée dans les locaux de l'entreprise, et qu'à cette occasion, cette dernière ait pu prendre connaissance, le 12 juin 2018, de la déclaration d'accident du travail, du certificat médical initial, du questionnaire de l'assuré et du questionnaire du témoin,

- aucun élément ne vient démontrer que les certificats médicaux de prolongation ne figuraient pas au dossier offert à la consultation de l'employeur dans les locaux de la caisse,

-en toute hypothèse, les certificats médicaux de prolongation n'ont aucune incidence sur la décision de la caisse, de prendre en charge un accident du travail, et ne constituent donc pas des pièces susceptibles de faire grief.

Sur ce,

Selon l'article R441-14 alinéas 3 et 4 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause, en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019 :

« Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief ».

Selon les dispositions de l'article R 441-13 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause(en vigueur du 10 juin 2016 au 01 décembre 2019) :

« Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1°) la déclaration d'accident ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire».

Au cas particulier, il n'est pas contesté que la caisse a bien informé l'employeur de sa possibilité de consultation du dossier au moins dix jours francs avant de prendre sa décision devant intervenir le 15 juin 2018, par courrier du 28 mai 2018, reçu de l'employeur le 30 mai 2018, ainsi qu'il en est justifié aux pièces du dossier.

Les parties sont contraires, sur la forme de la consultation adoptée par l'employeur, et dont il est établi par les pièces du dossier, qu'elle a eu lieu le 12 juin 2018, (dans les locaux de la caisse selon l'employeur, alors que la caisse conteste un tel déplacement, et fait valoir qu'un de ses agents, sans y être obligé, se serait déplacé dans les locaux de l'entreprise).

La position de l'employeur, est reprise par les termes d'un courrier qu'il a adressé dès le 13 juin 2018 à la caisse, et par lequel il indique « nous sommes venus consulter les pièces du dossier' cependant, nous n'avons pu avoir accès aux différents certificats médicaux, aux constats faits par la caisse primaire, aux éléments communiqués par la caisse régionale, ainsi qu'au rapport de l'expert technique, nous ne pouvons ainsi anticiper votre décision' », avant de développer à nouveau les diverses réserves déjà émises sur le caractère professionnel des lésions présentées par le salarié.

La caisse produit en pièce n° 8, un document à son en-tête, intitulé « consultation du dossier », signé de l'employeur, dont il résulte que cette consultation effectuée le 12 juin 2018, à [Localité 6], n'a porté que sur les éléments suivants :

-déclaration d'accident du travail,

-certificat médical initial,

-questionnaire assuré,

-questionnaire témoin ou première personne avisée.

Ce document daté du 12 juin 2018 indique à la fois nominativement, le représentant de l'employeur qui a opéré la consultation, de même que l'agent de la caisse, qui l'a reçu et opéré communication, de même encore que le lieu de cette consultation ([Localité 6]), s'agissant de la commune de domiciliation de la société employeur.

Pour autant, aucun élément ne permet d'établir que la caisse ne dispose pas d'un point d'accueil à [Localité 6], où aurait pu être organisée la consultation.

Il n'est donc pas permis de retenir, comme le soutient la caisse, qu'il s'agirait d'une communication informelle, à laquelle elle n'était pas tenue, si bien qu'aucun grief ne pourrait lui être reproché à ce titre.

Au vu de ces éléments, la cour retient que les pièces communiquées par la caisse, sont celles désignées dans le document du 12 juin 2018 intitulé « consultation du dossier », et que cette communication est intervenue au titre de son obligation d'information, posée par les articles R441-14 et R441- 13 du code de la sécurité sociale.

Cette obligation d'information doit être conforme aux dispositions de l'article

R441-13 du code de la sécurité sociale, et à ce titre, doit comprendre les « divers certificats médicaux détenus par la caisse », en ce compris les certificats de prolongation, dont il est constant qu'ils existaient et étaient détenus par la caisse lors de la consultation par l'employeur, la durée de l'arrêt de travail étant de nature à faire grief à l'employeur, dès lors que celui-ci se voit imputer sur un compte, les conséquences financières de l'accident du travail.

Or, le document du 12 juin 2018, par lequel la caisse a listé les éléments communiqués, et a recueilli la signature de l'employeur, au titre de la consultation opérée, démontre que les certificats médicaux de prolongation, n'ont pas été communiqués à l'employeur.

Il est ainsi établi un manquement de la caisse aux dispositions combinées des articles R441-14 et R441-13 du code de la sécurité sociale, ce manquement étant sanctionné par l'inopposabilité à l'employeur de la décision prise par la caisse.

Le jugement sera infirmé.

$gt; Sur les dépens

La caisse qui succombe supportera la charge des dépens et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 15 mai 2020,

Et statuant à nouveau,

Juge inopposable à l'employeur, la société [4], la décision par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie des Landes lui a notifié le 15 juin 2018, la prise en charge de l'accident survenu à M. [T] [U], le 29 janvier 2018, au titre de la législation sur les risques professionnels,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Landes aux dépens

La déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01150
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.01150 ?
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