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20/10/2022 | FRANCE | N°20/00982

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 20 octobre 2022, 20/00982


JN/SB



Numéro 22/3717





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 20/10/2022







Dossier : N° RG 20/00982 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HRGE





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse









Affaire :



Société [5]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE









Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues a...

JN/SB

Numéro 22/3717

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/10/2022

Dossier : N° RG 20/00982 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HRGE

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

Affaire :

Société [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Septembre 2022, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame [V], en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Société [5]

Zone d'activités Actitech

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître GALLARDO, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Comparante en la personne de Madame [H], munie d'un pouvoir régulier

sur appel de la décision

en date du 09 MARS 2020

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU

RG numéro : 18/00219

FAITS ET PROCÉDURE

'Le 30 juin 2017, la société [5] et [T] (l'employeur), a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne (la caisse ou l'organisme social), une déclaration d'accident du travail déclaré connu le 23 juin 2017, concernant un de ses salariés, M. [G] [Y] [N] ( le salarié), accompagné d'un certificat médical initial du 23 juin 2017, établi par le Docteur [Z] [D], faisant état d'une « périarthrite scapulohumérale (dite PASH) droite avec rupture transfixiante du sus épineux, et épanchement de la bourse séreuse et acromion « crochu » ».

Le 26 septembre 2017, la caisse a notifié à l'employeur, sa décision de refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, faute de preuve ou de présomption favorable précise et concordante, que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail.

Selon document daté du 1er août 2017 et reçu de la caisse le 3 octobre 2017, le salarié a adressé à la caisse une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, faisant état de la rupture du tendon sus épineux de l'épaule droite, accompagnée d'un certificat médical initial du 23 juin 2017, du Docteur [Z] [D], indiquant comme date de première constatation médicale de la maladie professionnelle, le 16 juin 2017, et au titre des constatations détaillées :

« périarthrite scapulohumérale (dite PASH) droite avec rupture du sus épineux. Demande de reconnaissance en maladie professionnelle faite car refus de prise en charge en accident du travail. Certificat rectificatif, fait le 11 août 2017, arrêt de travail depuis le 23 juin 2017. »

La caisse en a informé l'employeur le 4 octobre 2017, puis l'a informé, le 21 décembre 2017, du recours à un délai complémentaire d'instruction.

L'employeur a émis des réserves motivées le 22 décembre 2017.

Le 25 janvier 2018, la caisse, estimant que la maladie « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite », relevait du tableau n°57 des maladies professionnelles a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'employeur a contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge ainsi qu'il suit :

- le 7 mars 2018, devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu,

- le 5 juin 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Pau, en contestation de la décision implicite de rejet de la CRA.

Par jugement du 9 mars 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Pau a :

- débouté l'employeur de toutes ses demandes,

- déclaré opposable à l'employeur la décision de la caisse du 25 janvier 2018 reconnaissant le caractère professionnel de la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite présentée par le salarié le 16 juin 2018,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 23 mars 2020.

Le 22 avril 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur en a régulièrement interjeté appel.

Selon avis de convocation du 21 mars 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions visées par le greffe le 27 avril 2020, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [5], appelant, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour, comme devant le premier juge, de :

$gt; à titre principal,

- annuler la décision de la caisse du 25 janvier 2018, et le refus implicite de la CRA,

- constater l'absence de caractère professionnel de la maladie déclarée d'origine professionnelle par le salarié,

$gt; à titre subsidiaire, à supposer la reconnaissance de l'existence d'une maladie professionnelle, de lui inopposables déclarer la décision de la caisse en date du 25 janvier 2018 et le refus implicite de la CRA,

$gt; en toute hypothèse,

- annuler la décision de la caisse et le refus implicite de la CRA,

- constater l'absence de caractère professionnel de la maladie déclarée d'origine professionnelle par le salarié,

- déclarer la décision de la caisse et le refus de la CRA inopposable,

- condamner la caisse au paiement de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Selon ses conclusions visées par le greffe le 13 juillet 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, la CPAM de Bayonne, intimé, conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, sauf à condamner en outre l'appelante à lui payer 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR

Pour contester l'opposabilité à son encontre, de la maladie professionnelle reconnue par la caisse par une décision qui lui a été notifiée le 25 janvier 2018, l'employeur invoque des moyens tenant à l'irrégularité ou à des vices affectant la procédure d'instruction menée par la caisse préalablement à sa décision, ainsi que des moyens relevant du fond de l'analyse du dossier, estimant que les conditions du tableau n° 57, ne seraient pas remplies, au motif qu'il ne s'agirait ni d'une maladie, ni d'une maladie inscrite dans un tableau de maladies professionnelles, et qu'en outre, les conditions relatives au délai de prise en charge, et à l'exposition du salarié aux risques visés par le tableau n° 57, ne seraient pas remplies.

La caisse, par des réponses point par point, s'oppose à la position de l'appelant.

I/ Sur les moyens tenant à l'irrégularité ou aux vices de la procédure d'instruction menée par la caisse

Ces moyens, détaillés aux écritures de l'appelant, sont de façon générique les suivants :

-l'absence de signature de la décision de prise en charge du 25 janvier 2018,

-l'absence de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,

-l'absence du respect du principe du contradictoire, que l'appelant décline en 7 branches qui sont les suivantes :

-l'absence de transmission par la caisse, de l'enquête administrative,

-le caractère incomplet de la fiche du colloque médico- administratif transmis à l'employeur,

-la violation de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, sur lequel l'appelant reproche au premier juge de n'avoir pas répondu,

-l'insuffisance de motivation de la décision de prise en charge, sur lequel l'appelant reproche au premier juge de n'avoir pas répondu,

-les incohérences des certificats médicaux, et le caractère incomplet du dossier de déclaration,

-la violation des articles R441-13 et D 461-29 du code de la sécurité sociale,

-la violation de l'article L461-5 du code de la sécurité sociale,

-le caractère définitif de la décision de la caisse du 26 septembre 2017, de rejet de l'accident au titre de la législation professionnelle, faisant obstacle à ce que l'incident du 15 juin 2017, à l'origine de la lésion, et de nature accidentelle, ne soit considéré comme une maladie,

-la violation de l'article R465-1 du code de la sécurité sociale.

Ils seront examinés ainsi qu'il suit, selon l'ordre retenu par la cour.

I-1-Sur le caractère définitif de la décision de la caisse du 26 septembre 2017

Le 26 septembre 2017, la caisse a notifié à l'employeur, sa décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident déclaré le 30 juin 2017, et survenu selon le salarié le 15 juin 2016, au vu d'un certificat médical initial du 23 juin 2016.

Cette décision ne fait pas obstacle à ce que la lésion déclarée à l'occasion de cette procédure, et dont la cause accidentelle n'a pas été retenue, fasse l'objet d'une nouvelle déclaration au titre d'une maladie professionnelle.

En effet, elle ne se prononce pas sur l'origine accidentelle de la lésion déclarée.

En conséquence, c'est à tort, et par dénaturation, que l'employeur soutient que cette décision du 26 septembre 2017, dont il n'est pas contesté qu'elle lui est acquise, jugerait de façon définitive à son égard que la lésion déclarée à l'occasion de cette procédure serait d'origine accidentelle, que seul son caractère professionnel n'aurait pas été retenu, et qu'elle ferait obstacle à une déclaration de maladie professionnelle.

Le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée le 26 septembre 2017 n'est pas fondé et doit être rejeté, conformément à la décision déférée.

I-2-Sur l'absence de signature de la décision de prise en charge du 25 janvier 2018

Au visa de l'article L212-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'employeur fait valoir que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur, et qu'en l'absence de signature d'une décision de prise en charge d'un sinistre titre de la législation professionnelle, cette décision n'est pas régulière, faute d'avoir été prise par une autorité compétente, si bien qu'elle fait nécessairement grief.

Sur ce,

Aux termes de l'article R.122-3 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause « ...le directeur assure le fonctionnement de l'organisme...; il peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme... Il peut donner mandat à des agents de l'organisme en vue d'assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile. »

En l'espèce, il apparaît que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle litigieuse, notifiée à l'employeur le 25 janvier 2018, a été prise par Madame [I] [B], en sa qualité de « correspondant risques professionnels ».

La caisse justifie (sa pièce n° 18), d'une délégation écrite de signature consentie à cette dernière par le directeur de la CPA M de Bayonne, cette pièce étant inopérante dans la présente procédure, dès lors que la notification litigieuse est en date du 25 janvier 2018, que cette délégation de signature, est postérieure, puisqu'elle est en date du 8 juin 2018, et que les éléments du dossier ne permettent pas de retenir, comme le soutient la caisse, qu'il s'agirait de la reconduction d'une précédente délégation de signature.

L'employeur ne conteste pas que la personne signataire de cette décision, est bien un « agent » de la caisse (étant observé à cet égard, que c'est cette même personne, en cette même qualité, qui a notifié à l'employeur sans contestation de celui-ci, le refus de prise en charge de l'accident du travail), mais se contente de soutenir que cet agent n'aurait pas « compétence ».

Cependant, le défaut de pouvoir d'un agent d'une caisse primaire de sécurité sociale, signataire d'une décision de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, ne rend pas cette décision inopposable à l'employeur, qui conserve la possibilité d'en contester tant le bien-fondé que les modalités de mise en oeuvre au regard des obligations d'information et de motivation incombant à l'organisme social.

Ce moyen n'est pas fondé et doit être rejeté, conformément à la décision déférée.

I-3- Sur l'absence de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles

Au visa des dispositions de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, l'employeur estime que la caisse ne pouvait reconnaître l'origine professionnelle de la maladie qu'après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, au motif que le médecin-conseil de la caisse n'a pas pu s'assurer que les conditions du tableau étaient remplies.

Or, contrairement à ce que soutient l'employeur, la caisse produit, sous sa pièce n° 6, le colloque médico administratif, par lequel son médecin-conseil, le 3 octobre 2017, a donné son accord sur le diagnostic figurant sur le certificat médical initial, a considéré que la maladie litigieuse, était inscrite à un tableau des maladies professionnelles, s'agissant de la « rupture coiffe droite », au vu d'une I.R.M., en date du 2 août 2017.

Il résulte par ailleurs, de ce document, que le médecin-conseil l'a complété en 2 fois, la première, en date du 3 octobre 2017, s'agissant des mentions qui viennent d'être rappelées, ce document ayant fait l'objet d'une communication à l'employeur, et la seconde, le 18 décembre 2017, par apposition de sa signature et d'un nouveau cachet, en y ajoutant des précisions sur la preuve de l'exposition au risque, ainsi que sur le respect du délai de prise en charge de la durée d'exposition et de la liste limitative des travaux.

Il s'en déduit que ce moyen est également dénué de pertinence et doit être rejeté, conformément à la décision du premier juge.

I-4-Sur l'absence du respect du principe du contradictoire

1-4-1 Pour absence de transmission par la caisse, de l'enquête administrative et 1-4-2 pour violation de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale

L'employeur, au visa des articles R441 -13, D 461-9, et D 461-29 du code de la sécurité sociale, estime qu'au titre des documents que lui a communiqués la caisse, aurait dû figurer l'« enquête administrative », laquelle était mentionnée sur la propre liste établie par la caisse au titre de cette communication.

Or il soutient que cette enquête ne lui a pas été communiquée, et que le premier juge aurait statué « ultra petita », en estimant que cette enquête n'existait pas, allant ainsi selon l'employeur, au-delà des conclusions de la caisse, puisque selon lui, la caisse aurait toujours admis « en creux » détenir ce document.

Il fait valoir également que le délai de 10 jours francs prévu par le 3e alinéa de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, n'aurait pas été respecté par la caisse.

La caisse, pour s'y opposer, rappelle que :

- l'article D461-9 du code de la sécurité sociale, n'est pas applicable au cas particulier, puisqu'il ne s'applique qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, en application des alinéas 3 à 5 de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale,

-en application des articles R441-13 et R441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au cas d'espèce, la seule obligation incombant à la caisse, est de permettre aux parties la consultation du dossier qu'elle a constitué,

-l'employeur a été invité à venir consulter les éléments du dossier et s'il s'était déplacé dans les locaux de la caisse, il aurait pu attester que le dossier était complet,

-elle a cependant dans une volonté de transparence et de neutralité, envoyé à l'employeur une copie du dossier, en dehors de toute obligation, si bien que l'employeur ne serait pas fondé à soutenir que la décision lui serait inopposable au motif que la communication serait incomplète,

-en outre, l'enquête administrative a bien été communiquée, et comprenait le descriptif du poste de travail effectué par le salarié, le même document effectué par l'employeur, ainsi que les réserves de l'employeur.

Sur ce,

Selon l'article R441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la cause, en vigueur du 10 juin 2016 au 1er décembre 2019 :

« Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1°) la déclaration d'accident ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire. »

Selon l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause du 1er janvier 2010 1er décembre 2019, alinéas 3 :

« Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11(note de la cour : où une enquête a été ouverte), la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13. »

Par un courrier du 27 décembre 2017 (pièce n° 9 de la caisse), dont l'avis de réception est signé de l'employeur le 2 janvier 2018, la caisse a informé l'employeur que « l'instruction du dossier est maintenant terminée », et que préalablement à la prise de décision qui interviendra le 16 janvier 2018, il a la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier, l'invitant à prendre rendez-vous à cette fin auprès de ses services.

Les pièces du dossier (cf.n° 10 et 11 de la caisse,19 a à 19 o de l'employeur), par leur combinaison, et rapportées aux écritures des parties, permettent à la cour de retenir que :

- l'employeur ne s'est pas déplacé pour venir consulter les pièces du dossier mises à disposition dans les locaux de la caisse, ainsi que la caisse l'affirme dans ses écritures, sans la moindre contestation de l'employeur,

-la caisse, sur demande de l'employeur, lui a adressé à la fois par courrier daté du 5 janvier 2018, mais posté le 2 janvier 2018 (selon avis d'envoi avec accusé de réception), mais également par courriel, le 5 janvier 2018, à 15h40, une copie des pièces constitutives du dossier, accompagnée s'agissant du second envoi, d'une « liste des pièces transmises », la caisse ayant sollicité de l'employeur, de lui retourner le bordereau d'envoi joint à son courrier de communication,

- l'employeur, par un courrier du 10 janvier 2018, reconnaît ainsi avoir consulté les pièces du dossier le 5 janvier 2018, et dont les pièces du dossier établissent qu'il les a reçues à 15h40,

- par ce courrier du 10 janvier 2018, l'employeur réitère diverses réserves et contestations, mais il y ajoute le fait que sur la liste des pièces transmises, il n'a pas reçu l'enquête administrative.

Ainsi, il n'est pas contesté, contrairement à l'analyse du premier juge, qu'une enquête administrative a bien été effectuée par la caisse préalablement à la clôture de l'instruction du dossier.

En application des dispositions de l'article R441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale applicable à la cause, et rappelées ci-dessus, la caisse avait une obligation d'information à l'égard de l'employeur.

Bien que ces dispositions ne mettent pas à la charge de la caisse, l'obligation de faire droit à une demande de l'employeur, de communication du dossier, la caisse doit, s'il elle procède cependant comme au cas particulier, à une telle communication, et en vertu de son obligation d'information :

-communiquer l'entier dossier à l'employeur,

- s'assurer du respect du délai de 10 jours francs laissé à l'employeur, lequel court

à compter du jour où l'employeur a la possibilité d'en prendre connaissance, sur place ou par voie postale, et non à compter de sa communication sur demande de l'employeur .

Par ailleurs, c'est sur la caisse, débitrice de l'obligation d'information, que repose la charge de la preuve du respect de la bonne exécution de cette obligation.

Au cas particulier, la condition relative au délai de 10 jours francs, est remplie, dès lors que le courrier d'information a été reçu de l'employeur le 2 janvier 2018, et que la décision est du 16 janvier 2018, selon courrier de la caisse du 27 décembre 2017, non contredit, même si la décision a été notifiée à l'employeur le 25 janvier 2018.

S'agissant du contenu de l'envoi, les parties sont contraires sur son caractère complet, dès lors que la caisse, dans son courrier de transmission du 5 janvier 2018, adresse une copie des pièces constitutives du dossier, comprenant une « enquête administrative », qui selon l'employeur n'était pas jointe aux documents transmis.

L'employeur fait ainsi observer que la liste établie par la caisse elle-même, comporte expressément et de manière distincte une « enquête administrative », de même que les « informations parvenues à la caisse de chacune des parties (questionnaires), si bien que la caisse n'est pas fondée selon lui, à soutenir que ces questionnaires, constitueraient en réalité l'enquête administrative visée de manière autonome, alors même que la caisse n'a jamais contesté avoir ce document, bien au contraire.

La caisse, qui précise dans ses écritures devant la cour, qu'elle n'a jamais admis quoique ce soit « en creux », soutient que cette dénomination d' « enquête administrative », correspond en réalité à la réunion de 3 documents effectivement adressés à l'employeur, s'agissant du descriptif du poste de travail effectué par le salarié, de ce même descriptif effectué par l'employeur, ainsi que des réserves émises par l'employeur.

Les éléments du dossier ne permettent pas à la cour, de déterminer si, au dossier constitué par la caisse, figurait, en plus des questionnaires adressés et complétés tant par le salarié et que par l'employeur, et des réserves émises par l'employeur, une « enquête administrative ».

En revanche, les pièces produites par l'employeur, sous le n° 19, de la pièce 19a à la pièce 19o, sont, sans contradiction de la caisse, celles qu'il déclare avoir reçues de l'organisme social.

Or, si effectivement, les questionnaires remplis par le salarié et par l'employeur, figurent au titre des pièces que l'employeur reconnaît avoir reçues, sous les numéros 19f et 19i, force est de constater que ne figurent pas au nombre des pièces ainsi reconnues reçues, précisément listées et communiquées sans contestation à la présente procédure, les réserves exprimées par l'employeur.

Cette constatation, est contraire aux affirmations de la caisse, selon lesquelles l'enquête administrative aurait été transmise, et comprendrait les 2 questionnaires, mais également les réserves émises par l'employeur.

En résumé :

-la caisse a indiqué à deux reprises à l'employeur, tant par courrier écrit que par la liste des documents transmis par courrier électronique, qu'au titre des pièces transmises, figurent de façon distincte, une enquête administrative et les informations parvenues à la caisse de chacune des parties (questionnaires),

- à réception du courrier électronique, l'employeur a informé la caisse de l'absence de communication de l'enquête administrative,

- la caisse ne justifie pas avoir adressé de réponse à ce courrier,

-si la caisse affirme que l'enquête administrative ne serait en réalité constituée que des 2 questionnaires ainsi que des réserves émises par l'employeur, et que l'ensemble de ces pièces aurait été communiqué à l'employeur, les pièces du dossier établissent que l'intégralité desdites pièces n'a pas fait l'objet de la communication.

Dans ces conditions, la cour ne peut que constater, que la caisse n'établit pas avoir communiqué à l'employeur, l'enquête administrative visée par les documents de transmission, dès lors qu'il n'est pas permis de retenir comme le soutient la caisse, que cette enquête ne comprendrait que les questionnaires reçus des parties, outre les réserves de l'employeur, et qu'en outre, il n'est pas davantage établi, que lesdites réserves aient fait l'objet de la communication.

Le manquement à l'obligation d'information doit être retenu.

Il est de nature à rendre inopposable à l'employeur, la décision litigieuse de prise en charge de la maladie professionnelle.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La caisse, qui succombe, supportera les dépens exposés à compter du 1er janvier 2019,

L'équité ne commande pas de prononcer condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Pau en date du 9 mars 2020,

Et statuant à nouveau,

Déclare inopposable à la société [5], la décision notifiée par la caisse le 25 janvier 2018, de prendre en charge au titre de la maladie professionnelle, la maladie de « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite » déclarée, selon document daté du 1er août 2017 et reçu de la caisse le 3 octobre 2017, par M. [G] [Y] [N],

Condamne la caisse primaire d'assurance-maladie de Bayonne aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00982
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.00982 ?
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