JN/DD
Numéro 22/3712
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 20/10/2022
Dossier : N° RG 20/00824 - N°Portalis DBVV-V-B7E-HQVQ
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
S.A.S. [5]
C/
CPAM DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 08 Septembre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître CHAMAYOU, avocat au barreau de TARBES loco Maître ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
CPAM DES LANDES
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 07 FEVRIER 2020
rendue par le PÔLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 19/237
FAITS ET PROCÉDURE
Le 3 août 2018, la société [5] (l'employeur), société de travail intérimaire, a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) un accident du travail daté du 31 juillet 2018, concernant M. [V] [G] (le salarié), salarié intérimaire mis à la disposition de la société [7] (l'entreprise utilisatrice), en qualité d'ouvrier qualifié.
Selon cette déclaration, à laquelle était joint un courrier de réserves, le salarié « accrochait des câbles sur un muret. Sans rapporter de fait accidentel il aurait ressenti une douleur dans le genou gauche. ...lettre de réserves en annexe ».
Le certificat médical initial du 1er août 2018 du Docteur [M], fait état d'une « impotence fonctionnelle du genou gauche avec épanchement », au vu de laquelle il a été prescrit un arrêt travail jusqu'au 3 août 2018, ultérieurement prolongé.
Le 3 décembre 2018, la caisse, après instruction, a notifié à l'employeur, sa décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
L'employeur a contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge, ainsi qu'il suit :
- le 1er février 2019, devant la commission de recours amiable (CRA), laquelle n'a pas répondu,
- le 9 mai 2019, devant le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, saisi d'un recours contre la décision implicite de rejet de la CRA.
Par jugement du 7 février 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- constaté que c'est à bon droit que la caisse a pris en charge l'accident du travail du salarié dont il a été victime le 31 juillet 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels,
- déclaré opposable à l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident du travail dont a été victime le salarié le 31 juillet 2018,
- déclaré opposable à l'employeur les conséquences financières attachées à la prise en charge au titre de la législation professionnelle des arrêts de travail servis au salarié par la caisse à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 31 juillet 2018,
- débouté l'employeur de toutes ses demandes,
- condamné l'employeur aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 24 février 2020.
Le 4 mars 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 21 mars 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions, visées par le greffe le 5 juillet 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [5], appelante, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de prononcer l'inopposabilité à son égard de la décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident dont
a été prétendument victime le salarié le 31 juillet 2018, et de condamner la caisse aux dépens de l'instance.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 29 juillet 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la caisse, la CPAM des Landes, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré, et y ajoutant, à la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
SUR QUOI LA COUR
La contestation portée par l'employeur devant la cour, consiste désormais exclusivement à contester la réalité du fait accidentel invoqué par le salarié, et pris en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels.
Sur l'accident du travail
L'employeur conteste qu'il soit établi que le salarié ait été victime de l'accident du travail litigieux, faisant valoir, au soutien de sa position, au visa des dispositions de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que de nombreuses décisions jurisprudentielles, que :
-dans ses rapports avec l'employeur, il appartient à la caisse de rapporter la preuve de la matérialité de l'accident du travail,
-cette preuve ne saurait résulter des seules allégations du salarié non corroborées par des présomptions sérieuses, graves, précises et concordantes,
- au cas particulier, cette preuve n'est pas faite, dès lors que :
-l'accident daté par le salarié du 31 juillet 2018, n'a été déclaré par le salarié, que 2 jours plus tard, le 2 août 2018,
- le 31 juillet 2018, le salarié a continué à travailler pendant 6h30 jusqu'au terme de son horaire de travail,
-il n'a fait d'état d'aucun choc, coup ou collision traumatique, le salarié ne faisant état d'aucun fait soudain, précis et identifiable à l'origine de ses lésions,
-le témoin mentionné par la caisse, n'a pas vu personnellement l'accident se produire, et c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur cet élément pour retenir la matérialité de l'accident,
-l'entreprise utilisatrice n'a pas été informée de la survenance de ce prétendu sinistre,
-la combinaison de ces éléments, laisse supposer que le salarié s'est blessé dans des circonstances totalement indépendantes de son travail, et était manifestement atteint d'un état pathologique antérieur aux faits.
Au contraire, l'organisme social, au visa de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, et de décisions jurisprudentielles, s'il ne conteste pas qu'il doit (dans ses rapports avec l'employeur) faire la preuve de la réalité de l'accident qu'il a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, et que cette preuve peut être établie par un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, au sens des articles 1353'et 1358 du code civil, estime qu'au cas particulier, la matérialité de l'accident du travail est établie, en présence d'éléments concordants, corroborant les déclarations de l'assuré, et non contredits, alors même que l'employeur n'apporte aucun élément pour établir que l'accident aurait une cause totalement étrangère au travail, ces éléments concordants étant constitués par :
-les circonstances de l'accident, telles que déclarées par le salarié, et non remises en cause par l'employeur,
- la concordance du siège des lésions déclarées, avec celles médicalement constatées dès le lendemain du fait accidentel,
-le témoignage de M. [F], lequel coïncide, avec les déclarations du salarié victime de l'accident, et les corrobore.
Sur ce,
Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale,
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »
Il est constant que constitue un accident du travail :
« un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle- ci ».
Ainsi, l'accident du travail se définit par trois critères :
- un événement ou une série d'événements survenus à une date certaine,
- une lésion corporelle,
- un fait lié au travail.
La lésion peut être une atteinte psychique, lorsque son apparition est brutale, et liée au travail, permettant ainsi de distinguer l'accident du travail de la maladie.
Si l'article L411-1 du code de la sécurité sociale institue une présomption, il s'agit d'une présomption simple qui ne vaut que jusqu'à preuve contraire.
Une affection pathologique qui s'est manifestée à la suite d'une série d'atteintes à évolution lente et progressive, et non en raison d'une action brutale et soudaine assimilable à un traumatisme, ne peut être considérée comme un accident du travail.
Dans ses rapports avec l'employeur, la caisse doit établir non seulement la matérialité de l'accident, la réalité de la lésion, mais aussi sa survenance au temps et au lieu de travail.
Le salarié, à l'occasion de l'enquête effectuée par l'organisme social, a indiqué que le 31 août 2018, au temps et au lieu de son emploi salarié, il effectuait une mission consistant à attacher des câbles à 1 m du sol, supposant des « fléchissements à plusieurs reprises » ; qu'à un moment, il a ressenti une douleur, et en a fait part à son collègue présent sur les lieux, M. [P] [F], mais a continué à travailler, pensant que ça allait passer ; que le soir, « ça avait légèrement gonflé », si bien que le lendemain, en allant au travail, il boitait légèrement, mais à 10 heures, il boitait très fort, a fini sa journée difficilement, car il avait une forte douleur, et est allé voir son docteur en suivant.
Ces déclarations sont corroborées par :
-le témoignage de M. [P] [F], collègue de travail, lequel confirme que le 31 juillet 2018, au matin, à l'occasion de sa mission professionnelle, consistant à accrocher des câbles, le salarié devait effectuer un mouvement répétitif de flexion des genoux, et que le salarié s'est plaint à lui, dès l'après-midi du 31 juillet 2018, de douleur, le témoin ayant personnellement constaté que le salarié semblait souffrir du genou gauche, de même que le témoin déclare avoir personnellement constaté, que le salarié boitait fortement le lendemain,
-le certificat médical initial établi le 1er août 2018, par le Docteur [S] [M], faisant état, au titre des constatations détaillées effectuées par le praticien, d'une « impotence fonctionnelle du genou gauche avec épanchement ».
Il se déduit de ce faisceau d'éléments concordants, que c'est bien au cours et à l'occasion de son travail effectué dans la matinée du 31 juillet 2018, qu'à l'occasion de flexions répétées des membres inférieurs destinées à lui permettre de procéder à la fixation de câbles à 1 mètre de hauteur, le salarié a ressenti une douleur, dont il s'est plaint le jour même à son collègue de travail, laquelle a provoqué de façon visible puisque constatée par le témoin le jour même, un état de souffrance localisée au genou gauche, puis le lendemain, une boiterie, ayant conduit au diagnostic médical posé dès le lendemain de « impotence fonctionnelle du genou gauche avec épanchement ».
Ainsi, le fait accidentel, est constitué par les mouvements de flexion des membres inférieurs, effectués par le salarié dans la matinée du 31 juillet 2018, au temps et au lieu de son travail, dont il est résulté une lésion corporelle médicalement constatée dès le lendemain, ayant nécessité une prise en charge médicale et des soins.
L'accident du travail est établi.
L'employeur n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les lésions médicalement constatées dans les suites de cet accident, et qui bénéficient de la présomption d'imputabilité au travail, issue de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, auraient une cause totalement étrangère au travail.
Le premier juge sera confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'employeur, qui succombe, supportera les dépens.
L'équité commande d'allouer à la caisse, la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 7 février 2020,
Condamne la société [5], à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Landes, la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [5], aux dépens.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,