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20/10/2022 | FRANCE | N°20/00600

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 20 octobre 2022, 20/00600


JN/SB



Numéro 22/3715





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 20/10/2022







Dossier : N° RG 20/00600 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQE5





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse









Affaire :



Société [5]



C/



[6]









Grosse délivrée le

à :








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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code ...

JN/SB

Numéro 22/3715

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/10/2022

Dossier : N° RG 20/00600 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQE5

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

Affaire :

Société [5]

C/

[6]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Septembre 2022, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame [G], en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître VANHAECKE de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

[6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Comparante en la personne de Madame [F], munie d'un pouvoir régulier

sur appel de la décision

en date du 17 JANVIER 2020

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 18/00180

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 septembre 2016, M.[E] [D] (le salarié), embauché en qualité de maçon au sein de la société [5] (l'employeur), a adressé à la [6] (la caisse ou l'organisme social) une demande de reconnaissance de maladie, faisant état d'une « tendinopathie calcifiante épaule gauche, capulete rétractive », accompagnée d'un certificat médical initial du 22 août 2016 établi par le Docteur [Z] faisant mention d'une « tendinopathie calcifiante sous scapulaires et sus épineux épaule gauche + suspicion de capsulite rétractile épaule gauche. Complément IRM prévu. Impotence totale bras gauche ».

Le 20 octobre 2016, la caisse a notifié à l'employeur son refus de prendre en charge la maladie du salarié au titre de la législation sur les risques professionnels, inscrite au tableau n°57A, sous la dénomination de « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ».

Par courrier du 21 décembre 2016, la caisse informait l'employeur de l'ouverture d'une nouvelle instruction, faisant valoir qu'elle avait été saisie le 8 décembre 2016, d'une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée du certificat médical indiquant rupture coiffe rotateur gauche.

L'employeur observait notamment, par un courrier du 5 janvier 2017, par lequel il émettait les plus expresses protestations et réserves, que le certificat médical initial qu'avait joint la caisse à son envoi du 21 décembre 2016, contrairement aux termes de cet envoi, était celui établi le 22 août 2016 à l'occasion de déclaration de maladie professionnelle du 2 septembre 2016, et qu'il ne constatait aucune « rupture de coiffe ».

Le 31 mai 2017, la caisse, estimant que la maladie « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, instruite au visa de l'article L461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, relevait du tableau 57 des maladies professionnelles, a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de cette décision ainsi qu'il suit :

- le 26 juillet 2017, devant la commission de recours amiable ([7]) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu,

- le 24 avril 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, en contestation de la décision implicite de rejet de la [7].

Par jugement du 17 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours de l'employeur,

- déclaré opposable à l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée le 2 septembre 2016 par le salarié,

- condamné l'employeur à verser à la caisse la somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'employeur aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.

Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 26 janvier 2020.

Le 21 février 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur en a régulièrement interjeté appel.

Selon avis de convocation du 3 novembre 2021, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 17 mars 2022, renvoyée à leur demande au 8 septembre 2022, à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions responsives et récapitulatives visées par le greffe le 4 août 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [5], appelante, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et ,statuant à nouveau, demande à la cour de :

- débouter la partie adverse de l'ensemble de ses demandes,

- juger que lui est inopposable la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie du 22 août 2016 déclarée par le salarié sous la référence 162822332,

En toute hypothèse :

- condamner la caisse au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon ses conclusions visées par le greffe le 28 février 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, la [6], intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré, au débouté de l'employeur de l'ensemble de ses prétentions, et à sa condamnation à lui payer 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter l'employeur les dépens.

SUR QUOI LA COUR

La caisse a été saisie par le salarié, d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, selon déclaration du 2 septembre 2016, accompagnée d'un certificat médical initial du 22 août 2016 du Docteur [Z], et par décision notifiée à l'employeur le 20 octobre 2016, a refusé la prise en charge de la maladie de « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche », au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 21 décembre 2016, la caisse a informé l'employeur, de la transmission d'une déclaration de maladie professionnelle lui étant parvenue le 8 décembre 2016, accompagnée d'un certificat médical indiquant « rupture coiffe rotateur gauche », au vu d'une I.R.M. produite au dossier, et ayant donné lieu, après instruction, à une décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, notifié à l'employeur le 31 mai 2017.

L'employeur, conteste l'opposabilité à son égard, de cette décision de prise en charge en date du 31 mai 2017, pour divers motifs développés aux 45 pages de ses conclusions auxquelles il est expressément renvoyé, et tenant à :

- l'irrégularité du cadre réglementaire de la décision de la caisse et l'autorité de la chose décidée,

-l'absence de concordance de la pathologie prise en charge avec la pathologie visée par le tableau n° 57 A,

-l'absence d'exposition au risque du tableau n° 57 A,

-le caractère insuffisant de l'instruction diligentée par la caisse, demandant l'infirmation du premier juge, en ce qu'il a considéré que la caisse n'avait pas l'obligation de diligenter une enquête,

-l'absence de transmission des éléments du dossier préalablement à la clôture de l'instruction,

-l'absence de transmission exhaustive du dossier de M. [D], l'employeur reprochant à cet égard précisément et exclusivement par ses conclusions, l'absence de transmission du rapport de l'I.R.M.,

-le défaut de motivation de la décision de prise en charge du 31 mai 2017,

-le défaut de pouvoir du signataire de ladite décision.

Sur l'irrégularité du cadre réglementaire de la décision de la caisse et l'autorité de la chose décidée

L'employeur, en substance, soutient que la caisse n'a été saisie que d'une seule déclaration de maladie professionnelle, le 2 septembre 2016, ayant donné lieu à un refus de prise en charge, qui lui est acquis de façon définitive, si bien que la décision postérieure du 31 mai 2017, de prise en charge, lui serait inopposable, dès lors que la caisse n'avait pas la possibilité d'instruire un nouveau dossier, sans que le salarié n'effectue une nouvelle déclaration de maladie professionnelle, et que pour ce faire, la caisse a procédé à des « man'uvres », en invoquant la transmission d'un nouveau certificat médical initial le 8 décembre 2016, ne correspondant à aucune réalité.

Il fait valoir à ce titre, en substance, que :

- la décision de prise en charge litigieuse, se fonde sur les mêmes éléments que ceux initialement adressés à la caisse par le salarié, lequel n'a pas été établi de nouvelle déclaration de maladie professionnelle,

-la caisse ne lui a jamais adressé de nouvelle déclaration de maladie professionnelle,

- dans son courrier d'ouverture d'instruction en date du 21 décembre 2016, elle indique à l'employeur de manière erronée qu'un certificat médical initial faisant mention d'une rupture de la coiffe des rotateurs lui aurait été transmis le 8 décembre 2016 par le salarié, alors qu'il n'en est nullement justifié, et que l'analyse des écritures de la caisse, permet de retenir qu'il s'agit en réalité du certificat médical initial du 22 août 2016,

- l'instruction ouverte par la caisse, ne l'a été que sur la base de la même déclaration de maladie professionnelle du 2 septembre 2016 et sur la base du même certificat médical initial du 22 août 2016,

- à défaut de nouvelle déclaration de maladie professionnelle basée sur les résultats de l'I.R.M., les « man'uvres » de la caisse ne sauraient aboutir à une décision de prise en charge opposable à l'employeur.

La caisse, pour s'opposer à la position de l'employeur, fait valoir que :

-la déclaration de maladie professionnelle initiale (du 2 septembre 2016), ne comprenait pas l'I.R.M. du 22 septembre 2016,

- elle a fait l'objet d'une instruction sous le numéro de dossier 16082234,

l'instruction ayant porté sur la maladie de « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche », inscrite dans le tableau n° 57 des maladies professionnelles, et ayant donné lieu, à une décision de refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, notifiée à l'employeur le 20 octobre 2016 ,

- l'assuré lui a transmis une nouvelle demande de prise en charge, relative à une maladie différente, s'agissant de 2 dossiers différents,

- il n'existe pas dans le code de la sécurité sociale, d'obligation pour l'assuré d'établir à nouveau une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour chaque pathologie, ni l'obligation de faire établir à nouveau un certificat médical initial, ces documents étant utiles seulement pour le point de départ du délai d'instruction s'imposant à l'organisme, et en matière de prescription de la demande en reconnaissance,

-la caisse a respecté les dispositions de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale.

Sur ce,

Selon l'article L461-5 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause (en vigueur du 19 juillet 2005 au 1er juillet 2018), la victime d'une maladie professionnelle, doit en demander réparation à la caisse, dans un délai déterminé, la déclaration établie sur le formulaire réglementaire, faisant courir le délai imparti à la caisse pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie.

Selon l'article R441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause ( en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019) :

«

I (...)

II - La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. - En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès. ».

Il ressort de ces dispositions, une obligation d'information incombant à la caisse, comportant l'envoi à l'employeur, de la déclaration de maladie professionnelle.

Cette obligation doit être exécutée de façon loyale.

Au cas particulier, conformément aux explications de l'employeur, et alors même qu'il s'agit du point névralgique du désaccord, la caisse ne démontre pas, contrairement à ce qu'elle a écrit à l'employeur par son courrier d'information du 21 décembre 2016 (pièces n° 3 de la caisse et 7 de l'employeur), que l'assuré lui aurait transmis le 8 décembre 2016, une nouvelle demande de prise en charge d'une maladie professionnelle, ni qu'elle aurait reçu un « certificat médical indiquant « rupture coiffe rotateur gauche » ».

D'ailleurs, par un courrier du 27 mars 2017, produit par l'employeur sous sa pièce n° 14, la caisse, en réponse à une demande de réponse écrite de l'employeur en date du 27 février 2017, admet que postérieurement à la déclaration du 6 septembre 2016, aucune nouvelle demande de prise en charge ni certificat médical ne lui ont été adressés, mais que son service médical a reçu une I.R.M., ainsi qu'il résulte des termes du courrier de la caisse rappelés ci-dessous:

« Le 6 septembre 2016, M. [D] a fait une demande de maladie professionnelle en nous adressant un certificat médical initial sans examen associé mentionnant une tendinopathie calcifiante de l'épaule gauche qui a fait l'objet d'un refus le 20 octobre 2016 suite à la présence de calcifications.

Le service médical a par la suite réceptionné un I.R.M. de l'épaule gauche mentionnant une rupture de la coiffe des rotateurs, pathologie pour laquelle la présence de calcifications n'a aucune incidence sur une éventuelle prise en charge.

C'est le médecin-conseil qui précise la pathologie concernée' ».

Il s'en déduit que l'information délivrée par la caisse à l'employeur, le 21 décembre 2016, du fait de son caractère totalement inexact, ne consiste pas en une information loyale, et ne remplit donc pas les conditions de l'article R441 - 1 du code de la sécurité sociale.

Ce manquement à l'obligation d'information, suffit à permettre à l'employeur, de se prévaloir de l'inopposabilité de la décision du 31 mai 2017, par laquelle la caisse a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie de « rupture de la coiffe des rotateurs gauche ».

Le premier juge sera infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande d'allouer à l'employeur, la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse, qui succombe, supportera les dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 17 janvier 2020,

Et statuant à nouveau,

Déclare inopposable à la société [5], la décision du 31 mai 2017, par laquelle la caisse a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie de « rupture de la coiffe des rotateurs gauche » concernant M [D] [E],

Condamne la [6] aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la [6] à payer à la société [5], la somme de 800 €, et rejette le surplus des demandes à ce titre.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00600
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.00600 ?
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