JP/CS
Numéro 22/3521
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 4 octobre 2022
Dossier : N° RG 21/01247 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H227
Nature affaire :
Demande relative à d'autres contrats d'assurance
Affaire :
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
S.A.S. A LA MAISON
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 4 octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 04 Octobre 2022, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE
Assistée de Me Pascal ORMEN, avocat au barreau de Paris
INTIMEE :
S.A.S. A LA MAISON
[Adresse 2]
[Adresse 2] / FRANCE
Représentée par Me Jean philippe LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 16 MARS 2021
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
Monsieur [Y], représentant légal de la SAS A LA MAISON, ayant pour activité la restauration, a saisi le tribunal de commerce de PAU afin d'obtenir que son assureur, la compagnie AXA, prenne en charge le sinistre au titre de la garantie perte d'exploitation suite à l'arrêté gouvernemental du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus et particulièrement la fermeture des restaurants et débits de boissons.
Par ordonnance du 10 décembre 2020, le Président du tribunal de commerce de PAU, sur requête de la société A LA MAISON, a autorisé cette dernière à assigner à bref délai la société AXA FRANCE IARD devant le tribunal de commerce de PAU.
Par acte d' huissier du 11 décembre 2020, la SAS A LA MAISON, a assigné la SA AXA FRANCE IARD devant le tribunal aux fins de juger non écrite la clause d'exclusion de garantie litigieuse prévue au contrat multirisque professionnelle et à titre subsidiaire prononcer la nullité de la clause et en conséquence condamner la SA AXA FRANCE IARD à prendre en charge le sinistre et à lui verser les sommes demandées sur le fondement d'un rapport de son expert-comptable outre indemnisation de son préjudice moral.
Par jugement contradictoire du 16 mars 2021 le tribunal a :
Vu l'article 858 alinéa 1er du CPC,
Vu l'article L 113-1 du code des assurances,
Vu 'l' article 1170 du code civil,
Vu l'article 1171 du code civil
Vu l'article 1104 du code civil
Vu les pièces versées aux débats
- Jugé non écrite la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat multirisque professionnelle ci-après :
sont exclues :
- 'les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture , au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.'
- Condamné la société AXA France IARD à prendre en charge le sinistre au titre de la garantie perte d'exploitation du contrat multirisque professionnelle pour les périodes de fermetures administratives et de couvre-feu suivantes :
* du 14 mars au 8 juin 2020
* du 23 octobre au 29 octobre 2020
* du 30 au 31 octobre 2020
* pour les mois de novembre et décembre 2020
- Ordonné à la société AXA France IARD de verser à la société A LA MAISON la somme de 10 000 euros fa titre de Provision,
- Donné acte à la société A LA MAISON qu'elle ne s'oppose pas à la mesure d'expertise proposée par la société AXA France IARD aux frais avancés de cette dernière,
- Ordonne une mesure d'expertise judiciaire du calcul de l'indemnité,
Désigne en qualité d'expert:
Monsieur [S] [R]
Expert- comptable
Du cabinet EXAS CONSULTANT
ACTIPARC
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Tel [XXXXXXXX01]
avec pour mission de :
- se faire communique: tous documents et pièces qu'il estimera utiles à
l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'expoitation sur les trois dernières années ;
- entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite des opérations ;
- examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois ;
- donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives et la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires-charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées ;
- donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture.
- Fixe à la somme de 3 600€ le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, à consigner au greffe du Tribunal par la SA AXA France IARD dans le délai maximum d'un mois à dater du présent jugement à peine de caducité de la désignation de l'expert,
- Dit que l'expert adressera aux parties un pré-rapport leur laissant le temps nécessaire pour
présenter leurs remarques, observations et/ou pièces complémentaires.
- Dit que l'expert devra à la fin de ses travaux dresser un rapport écrit comprenant toutes annexes
explicatives utiles à déposer au greffe du Tribunal, dans le délai maximum de 3 mois, à compter de la date figurant sur l'avis de consignation de la provision sauf prorogation demandée au juge commis aux expertises,
-Dit que conformément aux dispositions de l'article I55, alinéa 2 du Code de procédure civile, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instructions suivra l'exécution de la présente mesure d'instruction.
- Dit que Monsieur [K] est nommé juge commis aux expertises ; qu'en cas de difficultés, il lui en sera référé.
- Dit que l'affaire sera appelée a l'audience du 22/06/2021 à 9 heures, date à laquelle les parties sont convoquées afin qu'elles puissent rendre compte au Tribunal de l'avancement de l'expertise, la présente décision tenant lieu de convocation.
- Condamne la société AYA France IARD à verser à la société A LA MAISON la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
- Dit que l'exécution provisoire est de droit et qu'il n'y a pas lieu de l'écarter.
- Condamne la SA AXA France IARD aux entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 63,36 € en ce compris l'expédition de la présente décision.
Par déclaration du 9 avril 2021, la SA AXA France IARD a interjeté appel de la décision.
La SA AXA France IARD conclut à :
Vu les articles 1103, 1170, 1171 et 1192 du Code civil,
Vu les articles L.113-1 et L. 121-1 du Code des assurances,
Vu la clause d'exclusion stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par l'assurée auprès d'AXA FRANCE IARD,
Vu les pièces produites aux débats,
Vu le jugement dont appel,
DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société AXA FRANCE IARD et, y faisant droit :
A TITRE PRINCIPAL
- INFIRMER le jugement du 16 mars 2021 du Tribunal de commerce de Pau en ce qu'il :
« Jugé non écrite la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat multirisque professionnelle ci-après :
sont exclues "les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique",
- Condamné la société AXA FRANCE IARD à prendre en charge le sinistre au titre de la garantie perte d'exploitation du contrat multirisque professionnelle pour les périodes de fermetures administratives et de couvre-feu suivantes :
' du 14/03 au 08/06/2020,
' du 23/10 au 29/10/2020,
' du 30/10 au 31/10/2020,
' pour les mois de novembre et décembre 2020,
- Ordonné à la société AXA FRANCE IARD de verser à la société A LA MAISON la somme de 10.000€ à titre de provision,
- Ordonné une mesure d'expertise judiciaire du calcul de l'indemnité
- Condamné la société AXA FRANCE IARD à verser à la société A LA MAISON la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du CPC,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
- Dit que l'exécution provisoire est de droit et qu'il n'y a pas lieu de l'écarter,
- Condamné la SA AXA FRANCE IARD aux entiers dépens de l'instance dont les frais de
greffe taxés et liquidés à hauteur de 63,36€ en ce compris l'expédition de la présente
décision. »
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté AXA FRANCE IARD de ses demandes
tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion ;
STATUANT A NOUVEAU
- DECLARER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion,
qui est applicable en l'espèce ;
- DECLARER que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L113-1 du Code des assurances ;
- DECLARER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance ;
En conséquence :
- DECLARER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de
garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour
cause d'épidémie ;
- DEBOUTER la société A LA MAISON de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'AXA FRANCE IARD et la condamner à lui restituer les sommes perçues au
titre de l'exécution du jugement du 16 mars 2021 ;
- ANNULER la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal de commerce de Pau;
A TITRE SUBSIDIAIRE
- INFIRMER le jugement du 16 mars 2021 en ce qu'il a jugé que les périodes d'indemnisation seraient les suivantes :
o du 14/03 au 08/06/2020,
o du 23/10 au 29/10/2020,
o du 30/10 au 31/10/2020,
o pour les mois de novembre et décembre 2020 ;
- INFIRMER le jugement du 16 mars 2021 en ce qu'il a fixé la mission de l'Expert judiciaire sans faire mention des aides et subventions perçues par l'Assurée ;
STATUANT A NOUVEAU
- JUGER que la période de couvre-feu ne constitue pas une mesure de fermeture administrative et que les périodes d'indemnisation s'étendent du 15 mars au 1er juin 2020 inclus puis du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 inclus ;
- COMPLETER la mission de l'expert désigné par le Tribunal de commerce de Pau comme suit :
' Evaluer le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'Assurée au cours des deux périodes d'indemnisation.
- JUGER que le montant de l'indemnité d'assurance due à la société A LA MAISON serait, au regard du rapport d'expertise judiciaire, s'élèverait à 57.404€ ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- DEBOUTER la société A LA MAISON de toutes demandes, fins ou prétentions contraires au présent dispositif ;
- CONDAMNER la société A LA MAISON à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de
première instance et d'appel.
La SAS « A LA MAISON» agissant par son représentant légal [I] [Y] conclut à :
Vu l'article 858 alinéa 1 er du code de procédure civile,
Vu l'article L.113-1 du code des assurances,
Vu l'article 1170 du code civil,
Vu l'article 1104 du code civil,
Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Pau du 16 mars 2021,
Vu le rapport d'expertise,
Plaise à La Cour
À titre principal,
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Pau du 16 mars 2021
- JUGER non écrite la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat multirisque
professionnelle ci-après :
SONT EXCLUES :
- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE À LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ÉTABLISSEMENT ASSURÉ, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE. »
En conséquence,
- CONDAMNER la société AXA France IARD à prendre en charge le sinistre ;
- CONDAMNER la société AXA France IARD à verser à la société « A LA MAISON » la somme de 106.661 € au titre de la garantie perte d'exploitations du contrat multirisque professionnelle en couverture des pertes d'exploitation sur les périodes d'indemnisation suivantes :
o du 14 mars 2020 au 8 juin 2020
o du 23 octobre 2020 au 29 octobre 2020
o du 30 octobre 2020 au 31 octobre 2020
o pour les mois de novembre et décembre 2020 et janvier 2021
En tout état de cause,
- CONDAMNER la société AXA France IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise
- CONDAMNER la société AXA France IARD à verser à la société « A LA MAISON » la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
L'expert a déposé son rapport le 21 juin 2021.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2022.
SUR CE
[I] [Y] représentant légal de la SAS A LA MAISON a souscrit auprès de la SA AXA France IARD le 31 mai 2018, un contrat d'assurance multirisque professionnelle ayant pour objet d'assurer l'activité de « restaurant traditionnel » exploité sous l'enseigne A LA MAISON.
Le contrat comprend :
Des conditions générales AXA et des conditions particulières prévoyant notamment une protection financière pour «Perte d'exploitation suite à fermeture administrative.»
« Perte d'exploitation suite à fermeture administrative :
la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1- la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente extérieure à vous-même.
2-La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre d'un suicide d'une épidémie ou d'une intoxication.
Durée limite de la garantie :
La garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.
Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.
L'assuré conservera sa charge une franchise de trois jours ouvrés.
Sont exclues :
« Les pertes d'exploitation, lorsque à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique. »
Le 14 mars 2020 le ministre de la solidarité de la santé a pris en raison de la flambée du virus covid 19, un arrêté portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus et notamment la fermeture des restaurants et des débits de boissons.
Le 14 mars 2020 à minuit [I] [Y] a fermé son restaurant.
Le 8 juin, suite au décret du 31 mai 2020, autorisant la réouverture des restaurants dans le respect des conditions prévues par le texte, [I] [Y] a procédé à la réouverture de son restaurant après une réorganisation nécessaire pour respecter les règles édictées par le décret.
Le 18 juin 2020, n'ayant plus d'activité entre le 15 mars et le 8 juin 2020, il a déclaré le sinistre à son assureur et formulé une demande auprès de la compagnie d'assurances AXA aux fins de bénéficier de la garantie perte d'exploitation figurant au contrat.
Le 10 juillet, il a fait établir par son expert-comptable le calcul de la perte nette d'exploitation durant la période du 15 mars au 8 juin, évaluée à 62 032 €.
Par courrier du 24 juillet, la compagnie AXA a opposé un refus de prise en charge, invoquant la clause d'exclusion présente au contrat.
Par courrier du 28 août, [I] [Y] a justifié sa perte d'exploitation et contesté l'interprétation de la clause d'exclusion en proposant un règlement amiable du litige, courrier resté sans réponse.
Par décret du 23 octobre, le premier ministre mis en place une interdiction de déplacement entre 21 heures et 4 heures du matin, appliquée notamment au département des Pyrénées-Atlantiques contraignant [I] [Y] à fermer son restaurant plus tôt que d'habitude.
Par décret du 28 octobre, en raison de l'urgence sanitaire, un nouveau confinement a été mis en place entraînant la fermeture totale du restaurant A LA MAISON le 30 octobre au soir.
Par courrier du 2 novembre, la compagnie AXA a réitéré son refus de prise en charge.
Le 26 novembre, [I] [Y] a fait établir par son expert-comptable le calcul de la perte nette d'exploitation consécutive aux périodes de couvre-feu et de nouveau confinement évalué à :
3378 € pour les 30 et 31 octobre,
49 565 € pour les mois de novembre et décembre 2020.
Le tribunal de commerce, devant lequel il a assigné son assureur, a jugé non écrite la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat multirisque professionnelle et a ordonné une expertise avant dire droit sur l'évaluation de son préjudice.
L'expertise a été déposée le 21 juin 2021. Les parties n'ont pas pris de nouvelles conclusions écrites avant l'ordonnance de clôture mais ont débattu oralement des conclusions de l'expertise à l'audience de ce jour devant la Cour .
Il convient d'apprécier l'opposabilité par l 'assureur de la clause d'exclusion de garantie pour perte d'exploitation suite à fermeture administrative.dans le contexte de l'épidémie du covid 19 et si cette clause d'exclusion de garantie est valide et conforme aux dispositions de l'article L 113-1 du code des assurances, c'est-à-dire n'est pas sujette à interprétation et ne vide pas de sa substance l'obligation de l'assureur.
L'article L 113-1 du code des assurances prévoit que : « Les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. »
Il incombe à l'assureur qui invoque cette exclusion, de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.
- L'exigence d'une clause d'exclusion de garantie formelle :
La compagnie d'assurances AXA fait valoir que la lecture de la clause d'exclusion ne souffre d'aucune interprétation et n'est pas de nature à créer un doute sur la portée de l'exclusion comme l'ont souligné de nombreuses juridictions dont les cours d'appel d'Aix-en-Provence de Bordeaux ou de Lyon. Elle considère que cette clause respecte donc le caractère formel exigé par l'article L 113-1 du code des assurances.
La société A LA MAISON considère qu'une fermeture administrative d'établissement pour épidémie concerne nécessairement d'autres établissements puisque par définition une épidémie ne peut concerner un seul établissement sur un même territoire, nonobstant« les curieux exemples fournis par AXA».
Elle en veut pour preuve le fait qu'AXA, dans un avenant au contrat d'origine, lui a proposé à la signature, le 17 septembre 2020, d' une clause d'exclusion précisant que n'étaient pas garanties les pertes d'exploitation consécutives à une maladie infectieuse ainsi que les dommages consécutifs aux mesures administratives, aux mesures sanitaires, à la fermeture totale ou partielle, aux retraits d'autorisation administrative consécutifs à une épidémie à une pandémie ou à une épizootie.
Selon elle, AXA a dû reprendre la substance de la clause d'exclusion qui n'était ainsi ni claire ni dépourvue d'ambiguïté.
Cependant, cette argumentation n'est pas pertinente et la proposition d'avenant ne saurait être retenue comme preuve accréditant l'absence de clarté de la clause d'exclusion acceptée par les parties s'agissant d'apprécier une situation au moment où le contrat s'est formé à la date du 31 mai 2018. Le fait de proposer postérieurement un avenant au contrat initial ne peut être interprété comme un aveu d'inopposabilité du contrat originaire, tout assureur étant en droit de faire évoluer sa politique et sa pratique de souscription et d'acceptation de risque.
En l'espèce,Il résulte de la lecture des conditions particulières de l'assurance multirisque professionnelle souscrite par la société A LA MAISON sous la rubrique : « Protection financière »
une garantie complémentaire intitulée :
'PERTE D'EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE'
La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.
La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.
SONT EXCLUES
LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE,A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.»
L'article L 112-3 du code des assurances impose d'une façon générale que le contrat d'assurance soit rédigé en caractères apparents.
L'article L 112-4 dernier alinéa du code des assurances dispose que : « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. »
Dans sa présentation, la clause d'exclusion respecte bien les dispositions légales puisqu'elle apparaît en lettres majuscules et donc en caractères très apparents suivant les exigences légales spécifiques de l'article L 112-4 dernier alinéa du code des assurances.
En faisant figurer cette clause d'exclusion en lettres majuscules contrairement aux autres dispositions du contrat rédigées en lettres minuscules, l'attention de l'assuré était nécessairement attirée sur l'importance de cette clause .
L'objectif de ce formalisme est en effet de permettre à l'assuré de connaître l'étendue de la garantie et de savoir dans quels cas et dans quelles conditions il n'est pas garanti.
L'obligation de formalisme impose également, au-delà de la présentation de la clause, que l'assuré sache avec certitude dans quel cas et dans quelles conditions il n'est pas garanti.
L'article 1192 du Code civil interdit l'interprétation par le juge lorsque la clause est claire et précise.
Suivant jurisprudence de la Cour de cassation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée.
Dans un arrêt du 20 novembre 2020 la Cour de cassation a rappelé que le seul fait d'avoir à interpréter une clause d'exclusion pour en déterminer l'applicabilité à un dommage contrevenait aux dispositions de l'article L 113-1 du code des assurances.
La société A LA MAISON rappelle que les contrats doivent être négociés formés et exécutés de bonne foi et que cette disposition est d'ordre public en application de l'article 1104 du Code civil.
Elle estime que cette bonne foi n'est pas caractérisée dès lors que l'exclusion de garantie interviendrait en cas d'épidémie alors que la garantie complémentaire est précisément prévue pour cette hypothèse qui ne peut concerner un seul établissement de par la notion même d'épidémie.
L'assuré soutient que le terme d'épidémie évoque une maladie contagieuse diffusant au sein d'une population et non des cas d'infection limités à quelques personnes. Il cite la définition du Larousse pour lequel il s'agit du « développement et propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse dans une population. » En deuxième lieu pour le dictionnaire médical on parle d'épidémie pour toute affection devenant par sa fréquence un problème de santé publique. Quand une épidémie se répand sur tout un continent voire le globe, elle devient une pandémie. »
La compagnie d'assurances soutient au contraire que le seul critère de distinction pour l'application de la clause d'exclusion est le périmètre de la fermeture administrative et que les termes employés dans la clause d'exclusion sont parfaitement compréhensibles et ne permettent aucune incertitude sur l'absence de couverture d'une fermeture administrative dite « collective » qui n'entre pas dans le périmètre des risques inhérents à l'activité développée par l'assuré.
En l'espèce, l'expression« cause identique» employée dans la clause d'exclusion de garantie renvoie à celle visée dans la clause de garantie pour perte d'exploitation en cas de fermeture administrative, à savoir la maladie contagieuse, le meurtre, le suicide, l'épidémie ou l'intoxication.
Il n'est pas discuté par les parties que le COVID 19 correspond au terme d' épidémie stipulé au titre des garanties complémentaires.
Le mot « épidémie » n'est assorti d'aucune précision sur sa portée et doit donc considéré dans son sens général c'est-à-dire dans la globalité et l'entièreté de sa définition sans nécessité d' une interprétation.
Une épidémie au sens commun du terme est la propagation rapide d'une maladie infectieuse à un grand nombre de personnes le plus souvent par contagion.
Un tel phénomène peut parfaitement concerner un seul établissement, foyer de l'épidémie.
.L'article 1192 du Code civil interdit l'interprétation par le juge lorsque la clause est claire et précise.
Il est suffisamment démontré par la compagnie d'assurances que la clause d'exclusion de garantie emploie des terme suffisamment clairs et précis qui ne sont pas sujets à interprétation et les contestations émises de ce chef par La société A LA MAISON seront donc rejetées.
- L'exigence d' une cause d'exclusion de garantie limitée :
L'article 1170 du Code civil prévoit que toute clause d'un contrat qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.
Une clause est limitée lorsque sa formulation est suffisamment précise afin non seulement de permettre à l'assuré de connaître exactement le domaine de l'exclusion de garantie mais aussi de ne pas vider la garantie de sa substance comme l'a précisé la Cour de cassation en particulier dans un arrêt du 22 mai 2001.
Le juge a l'obligation après avoir constaté l'existence d'une clause d'exclusion de garantie, de préciser, pour en admettre la mise en 'uvre, l'étendue de la garantie subsistant après application de l'exclusion
S'agissant de l'épidémie de COVID 19, l'arrêté pris le 14 mars 2020 , avait interdit l'accueil du public sur l'ensemble des commerces non essentiels situés sur le territoire national.
La fermeture des commerces non essentiels a été été décidée par les autorités au titre d'une mesure générale et temporaire, afin d'éviter la propagation de l'épidémie qui touchait le territoire national.
La portée des mesures décidées par les autorités administratives suite à l'épidémie du COVID19 ne permet donc pas à l'assuré de bénéficier de la garantie prévue au titre des garanties complémentaires en cas d'épidémie, la clause d'exclusion de garantie devant s'appliquer.
La souscription de la garantie complémentaire permet par contre à cet établissement de restauration de bénéficier de la garantie lorsque son seul établissement est touché .en cas de fermeture administrative liée à une épidémie , une maladie contagieuse , une intoxication.
Elle permet ainsi à l'assuré de bénéficier de la garantie perte d'exploitation liés aux risques générés par son activité de restaurateur en particulier les intoxications alimentaires, maladies contagieuses épidémies susceptibles d'entraîner la fermeture de son établissement.
La clause d'exclusion de garantie ne prive donc pas de sa substance l'obligation de l'assureur en cas de fermeture administrative de l'établissement assuré, les termes employés dans le contrat au titre des garanties complémentaires étant suffisamment explicites puisqu'il est expressément mentionné que la garantie perte d'exploitation s'applique à la fermeture administrative provisoire totale ou partielle « de l'établissement assuré », la clause d'exclusion de garantie précisant s'appliquer en cas de fermeture« sur le territoire départemental » d'un autre établissement que celui « de l'établissement assuré».
Le jugement déféré sera donc infirmé et la clause d'exclusion de garantie invoquée par la SA AXA FRANCE IARD déclarée valide et opposable à l'assuré la SAS A LA MAISON.
La SAS A LA MAISON sera condamnée à payer à la SA AXA FRANCE IARD et pour elle son représentant légal la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Déclare la clause d'exclusion de garantie invoquée par la SA AXA FRANCE IARD valide et opposable à la SAS A LA MAISON.
Condamne la SAS A LA MAISON. et pour son représentant légal à payer à la SA AXA FRANCE IARD la somme de 1000 € sur l'article 700 du code de procédure civile.
Dit la SAS A LA MAISON tenue aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,