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04/10/2022 | FRANCE | N°20/02840

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 04 octobre 2022, 20/02840


PS/MS



Numéro 22/03504





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 04/10/2022







Dossier : N° RG 20/02840 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HWHM





Nature affaire :



Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction







Affaire :



[P] [H] [E]

S.A.R.L AGENCE IMMOBILIERE [E]




C/



[A] [M]

S.A AXA FRANCEIARD, E.U.R.L JEAN LOUIS FAYE

(SELARL PHILAE) MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS







Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



...

PS/MS

Numéro 22/03504

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 04/10/2022

Dossier : N° RG 20/02840 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HWHM

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

[P] [H] [E]

S.A.R.L AGENCE IMMOBILIERE [E]

C/

[A] [M]

S.A AXA FRANCEIARD, E.U.R.L JEAN LOUIS FAYE

(SELARL PHILAE) MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Juillet 2022, devant :

Monsieur SERNY, magistrat honoraire chargé du rapport,

assisté de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,

Monsieur SERNY, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Monsieur SERNY, magistrat honoraire

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTES :

Madame [P] [H] [E]

née le 11 Novembre 1950 à [Localité 11] (65)

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 11]

AGENCE IMMOBILIÈRE [E] représentée par sa gérante en exercice

[Adresse 14]

[Adresse 13]

[Localité 11]

Représentées par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU

Assistées de Maître CAMBOT, de la SELARL CABINET CAMBOT, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

Maître [A] [M] es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] et de Madame [P] [H] [E]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Assigné

S.A AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentaux légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représenté par Maître IRIART, avocat au barreau de PAU

Assistée de Maître CACHELOU, avocat au barreau de BORDEAUX

E.U.R.L JEAN LOUIS FAYE représentée par la SELARL PHILAE (anciennement SELARL MALMEZAT -PRAT-LUCAS-DABADIE) es-qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL JEAN LOUIS FAYE

[Adresse 6]

[Localité 5]

Assignée

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assistée de Maître FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 09 OCTOBRE 2020

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES

RG numéro : 16/00948

Vu l'acte d'appel initial du 02 décembre 2020 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,

Vu le jugement dont appel rendu le 09 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de TARBES qui, faute pour elles de détenir un titre de propriété sur des lots de copropriété inachevés, a déclaré L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E] et [P] [H] [E], venderesse, toutes deux assistées de Maître [M], leur mandataire judiciaire commun, sans qualité et irrecevables dans leurs actions en responsabilité civile, respectivement quasi-délictuelle et contractuelle, visant d'une part, l'EURL JEAN LOUIS FAYE, maître d'oeuvre assuré auprès de la MAF d'autre part, la société IDBTP, entreprise de bâtiment assurée auprès de la compagnie AXA, à qui ils avaient confié les travaux de rénovation lourde d'un immeuble en copropriété affecté de malfaçons et non conformités et du chef duquel leur responsabilité a été recherchée et judiciairement consacrée ;

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juin 2022 par la MAF qui conclut :

- à titre principal à la confirmation intégrale du jugement ayant déclaré [P] [H] [E] et L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E] irrecevables en leurs demandes,

- subsidiairement, au caractère non décennal des dommages litigieux et, par voie de conséquence, à l'absence d'obligation de réparation par exécution du contrat d'assurance dont l'exécution est poursuivie,

- plus subsidiairement à l'application d'une réduction proportionnelle de l'indemnité pour absence de déclaration du chantier ayant donné lieu aux travaux dommageables,

- plus subsidiairement encore à sa non garantie pour absence de déclaration du risque assuré,

- encore plus subsidiairement à l'application de la clause de non solidarité figurant dans le contrat d'assurance qui limite toute obligation de réparation de l'assureur à la quote-part de responsabilité encourue par l'architecte,

- à être intégralement relevée de toute condamnation par la société AXA FRANCE IARD, assureur responsabilité de la société IDBTP,

- à la condamnation des appelantes à payer les dépens et à lui payer une somme de 6.000 euros en compensation de frais irrépétibles.

Vu les dernières conclusions n°3 transmises par voie électronique le 24 juin 2022 par la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] et par [P] [H] [E] qui poursuivent la réformation du jugement et conclut au visa des articles 1147, 1382 et 1792 du code civil à :

- l'existence d'une réception tacite intervenue le 15 mai 2006

- la condamnation in solidum de la société IDBTP, de la société AXA qui l'assure, de L'EURL JEAN LOUIS FAYE en liquidation judiciaire et de la MAF qui l'assure à les relever et garantir d'une condamnation prononcées à leur encontre par un jugement rendu le 1er décembre 2015 par le tribunal de grande instance de TARBES,

- subsidiairement, à l'institution d'une expertise pour évaluer leur préjudice,

- à la condamnation in solidum de leurs adversaires au paiement d'une somme de 5.000 euros en compensation de frais irrépétibles ;

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 juin 2022 par la société AXA FRANCE IARD, assureur de la société IDBTP qui poursuit  :

- à titre principal à la confirmation du jugement dont appel et donc à l'irrecevabilité pour défaut de qualité des prétentions de [P] [H] [E] et de L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E],

- à titre subsidiaire, à l'irrecevabilité de leur action pour cause de prescription quinquennale de l'action en responsabilité contractuelle engagée postérieurement au mois de juin 2013,

- à l'inapplication de l'article 1792 du code civil en l'absence de réception de l'immeuble rénové, en l'absence d'impropriété à la destination,

- plus subsidiairement encore, pour le cas où la responsabilité décennale de son assurée serait retenue, à la non garantie du chef des postes de préjudice relevant d'une activité non garantie par le contrat d'assurance (ascenseurs et cloisons coupe feu),

- à l'opposabilité de la franchise contractuelle,

- au bien fondé de son action en garantie visant l'architecte et son assureur,

- à l'absence de toute responsabilité quasi-délictuelle envers L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E] avec laquelle elle n'a aucun lien de droit ,

- à la condamnation de [P] [H] [E] et de L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E], ou toute partie succombante, à payer les dépens de première instance et d'appel ainsi que 5.000 euros en compensation de frais irrépétibles ;

Vu le défaut de comparution de Maître [M], commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL IMMOBILIÈRE [E] et de [P] [H] [E] ;

Vu le défaut de comparution de L'EURL JEAN LOUIS FAYE, représentée par la SELARL PHILAE, son liquidateur judiciaire ;

Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 28 juin 2022, révoquée à l'audience et reportée à l'ouverture des débats sans opposition d'aucune des parties comparantes ;

Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.

MOTIFS

Les faits et les décisions antérieures cause de l'action récursoire de [P] [H] [E] et de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E]

A) les faits qui ont conduit à la condamnation de [P] [H] [E] et de la SARL AGENCE [E]

Le litige trouve son origine dans l'inachèvement des travaux de rénovation lourde d'un immeuble anciennement à usage d'hôtel (Hôtel de Bigorre) situé à [Localité 11] (65) acquis par [P] [H] [E] qui a contracté avec la société IDBTP pour les réaliser sous la maîtrise d'oeuvre de l'EURL JEAN LOUIS FAYE ; la lecture des origines de propriété figurant dans l'un des actes d'acquisition de l'un des copropriétaires acquéreurs de lots fournit des informations partielles ; la cour ne dispose pas du ou des actes par lesquels l'auteur de [P] [H] [E] lui a cédé ses droits ; elle ne dispose pas des références de publication des mutations de droits réels et ne peut donc reconstituer la chronologie ; elle ne dispose que de ce seul acte d'acquisition de lots reçu le 29 novembre 2005 (acquisition de lots par les époux [S]) ; la mention de publication de cet acte est inconnue et il ne renvoie lui-même qu'à des actes antérieurs encore en cours de publication (l'acquisition de droits immobiliers et actes constitutifs de copropriété).

On apprend néanmoins que :

- l'immeuble à usage d'hôtel situé [Adresse 2] cadastré section AI n°[Cadastre 7] a fait l'objet d'un état descriptif de division et d'un règlement de copropriété sous-seing privé du 19 août 2005 déposé et authentifié par acte reçu le 13 octobre 2005 par Maître [D], notaire à [Localité 12] ; la date de publication n'est pas retraçable ;

- selon acte authentique du 13 octobre 2005 reçu par Maître [D], notaire à [Localité 12], [P] [H] [E] a acquis de [P] [L] [O] des droits immobiliers qui seront cédés aux époux [S], concernant dans cet immeuble à usage d'hôtel situé [Adresse 2] cadastré section AI n°[Cadastre 7] ; à cette date dans le règlement de copropriété que les actes d'acquisition des droits sur l'immeuble par [P] [H] [E] étaient en cours de publication sans que l'on reconstitue leur chronologie ;

- [P] [L] [O] avait toutefois obtenu le 13 mars 2014 une demande de permis de construire PC 6513804G0001 pour transformer le bâtiment à usage d'hôtel dont elle était propriétaire en une résidence de 19 logements ; ce permis sera transféré à [P] [H] [E] par acte administratif du 18 février 2006 lors de la commercialisation des lots constitués sur plans.

[P] [H] [E] devait donc réaliser les travaux de rénovation et livrer les lots et les parties communes aux copropriétaires acquéreurs et au syndicat des copropriétaires constitué.

Elle a été défaillante dans l'exécution de ces obligations.

La procédure au fond achevée le 1er décembre 2015 la condamne à payer le coût des travaux de finition au syndicat des copropriétaires et diverses indemnités aux copropriétaires qui réclamaient réparation de leurs dommages immatériels.

Les travaux de rénovation avaient été entamés en 2006 et confiés à la société IDBTP ; le chantier à pris fin au plus tard le 15 mai 2006 qui est la date que [P] [H] [E] entend faire qualifier de date de réception et qui, s'il n'y a pas réception, vaudra date de résiliation du marché (les deux notions n'étant pas exclusives l'une de l'autre à certaines conditions).

Une première expertise judiciaire va se dérouler entre [P] [H] [E] et la société IDTP, peu de temps après la fin des relations contractuelles ; réformant une ordonnance de référé rendue le 03 octobre 2006 rejetant la demande du maître de l'ouvrage, la cour, statuant entre [P] [H] [E] et la société IDBTP, a institué une expertise par arrêt du 18 décembre 2006 ; le rapport en a été déposé le 26 février 2008 en lecture duquel le syndicat des copropriétaires a assigné au fond [P] [E] devant le tribunal dès le 28 février 2008. Le libellé de la mission porte sur les comptes entre parties mais aussi sur la conformité des réalisations aux règles de l'art ; il résulte donc du libellé de la mission qui portait sur objet plus large que les comptes à faire, les assignations ont donc bien eu un effet interruptif des actions en responsabilités susceptibles de naître du contrat.

Ce rapport conclut ainsi

- l'entreprise IDBTP a réalisé 113.011,71 euros de travaux au tarif contractuel,

- elle a émis des factures à hauteur de 304.582,46 euros T.T.C

- elle a été payée à hauteur de 195.145 euros,

- par rapport aux travaux réalisés, l'entreprise IDBTP a donc encaissé un trop perçu de 195.145,00 - 113.011,71 = 82.133,29 euros

Le rapport transmis à la cour ne chiffre aucun préjudice pour malfaçons ou inexécutions.

Une seconde expertise judiciaire, ordonnée et étendue par le juge de la mise en état, va intervenir dans le cadre de la procédure au fond ayant abouti au jugement dont appel dans lequel ne figurait pas la société IDBTP. Parallèlement aux opérations d'expertise ordonnée en référé, le syndicat des copropriétaires et des copropriétaires agissant à titre personnel, ont saisi le tribunal d'actions en responsabilité visant [P] [H] [E], L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E] et le notaire qui avait reçu leurs actes d'acquisition.

Une expertise a été instituée par le juge de la mise en état le 13 janvier 2009 ; elle a été déclarée commune à l'ensemble de ces personnes par une décision du 05 mai 2009.

Des décisions ultérieures de juin et août 2011 étendront les opérations à des constructeurs que personne n'avait encore appelé en cause à savoir le BUREAU VERITAS, le CABINET LIONEL DUBERNARD et la SARL ALLIANCE BÂTIMENT GÉNÉRAL.

Selon le jugement du 1er décembre 2015, le rapport d'expertise a été déposé le 28 février 2013 mais il n'est produit par aucune des parties.

B) les règles juridiques fondant la décision rendue le 01er décembre 2015 par le tribunal de grande instance de TARBES

La décision a été rendue entre :

- [P] [W] [E], venderesse,

- la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] par l'entremise de laquelle les lots ont été vendus, qui était actionnée sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle

- le syndicat des copropriétaires qui recherchait indemnisation pour réaliser des travaux permettant d'achever l'immeuble,

- le notaire instrumentaire des ventes de lots aux copropriétaires,

- 10 copropriétaires, dont [P] [L] [O], auteur de [P] [W] [E],

- L'EURL JEAN LOUIS FAYE, maître d'oeuvre et constructeur

- la SARL CABINET LIONEL DUBERNARD, dont le rôle ne peut pas être précisé d'après les pièces produites.

Le tribunal a constaté que les travaux dont [P] [H] [E] avait la charge n'avaient pas été réalisés, relevant que la cage d'ascenseur et les escaliers n'étaient pas réalisés ; il a statué au visa de l'article 1604 du code civil édictant l'obligation de délivrance du vendeur de droit commun.

Il relève que l'AGENCE IMMOBILIÈRE [E] s'était engagée pour une livraison au 15 décembre 2005, que les lots n'étaient pas livrés à la fin de la saison d'hiver 2006 et qu'en septembre 2007, [P] [H] [E] reconnaissait être dans l'impossibilité de livrer en imputant les retards à la société IDBTP qui n'est pas dans la cause.

Le jugement du 01er décembre 2015 porte :

- mise hors de cause du notaire, et mise hors de cause de l'architecte EURL JEAN LOUIS FAYE,

- condamnation de [P] [H] [E] et de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE DE BIGORRE à financer les travaux de mise en conformité et de remise en état des parties communes (409.041,28 + 34.768 euros), la somme allouée devant être réévaluées en fonction de l'indice de la construction ; la décision ne procède à aucune ventilation entre ces deux catégories de travaux et le rapport d'expertise judiciaire n'est versé au débat par aucune des parties

- condamnation de [P] [H] [E] et de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE DE BIGORRE à indemniser les troubles de jouissance subis à savoir 20.000 euros pour le syndicat des copropriétaires, 55.000 euros à [P] [L] [O], 79.200 euros à la SCIMR, 24.000 euros à [T] [I], 24.000 euros à la SCI DE BIGORRE, 24.000 euros à [F] [X] [G], 20.800 euros à [Z] [K], et 20.000 euros aux époux [B].

- condamnation de [P] [H] [E] et la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] à payer les dépens et diverses sommes en compensation de frais irrépétibles.

Sur la recevabilité de l'action introduite récursoire par [P] [H] [E] et par la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E]

Les actions de [P] [H] [E] et de la SARL AGENCE [E] ont pour objet d'obtenir une déclaration de responsabilité civile contre les deux constructeurs à savoir l'architecte et l'entreprise IDBTP que [P] [H] [E], en qualité de maître de l'ouvrage avait chargé de réaliser les travaux qui n'ont pas été menés à bien et pour l'inexécution desquels elle a été condamnée par le jugement rendu le 1er décembre 2015 par le tribunal de grande instance de TARBES. Ces actions présentent donc, par leur objet même, un caractère récursoire pour trouver leur objet dans l'objet des demandes initialement formées par les syndicat des copropriétaires et les copropriétaires ; elles se fondent cependant sur des régimes de responsabilités différents :

- faute de lien de contrat et de lien droit entre elle et les deux constructeurs dont la responsabilité est recherchée, l'action en responsabilité de la SARL AGENCE [E] présente un caractère extra-contractuel et se fonde sur l'article 1240 anciennement 1382 du code civil et suppose la démonstration d'une faute commise par les personnes visées ; ce texte est visé par les écritures ; les deux autres textes visés à savoir les articles 1147 (dans la rédaction en vigueur à la date des contrats) et 1792 du code civil ne sont pas applicables pour concerner la responsabilité contractuelle.

- ces deux articles 1792 et 1147 du code civil, visés dans les écritures des appelantes concernent donc exclusivement [P] [H] [E] qui a la qualité de maître de l'ouvrage cocontractante de la société IDPT et de L'EURL JEAN LOUIS FAYE ; l'application du premier de ces articles qui édicte une responsabilité légale d'ordre public soumis à assurance obligatoire se substituant à un régime de responsabilité contractuelle, suppose cependant la preuve que le contrat a pris fin par un acte de réception ; la responsabilité contractuelle conserve alors un domaine d'application mais il est réduit à s'appliquer à des désordres dénoncés lors de la réception ou à des vices cachés lors de cette réception qui ne répondent pas aux critères de la responsabilité légale (désordres dits intermédiaires).

1- sur la qualité pour agir

[P] [H] [E] a été condamnée pour manquement à son obligation contractuelle de délivrance ; les motifs du jugement rendu le 01er décembre 2015 visent expressément l'article 1604 du code civil. Elle n'a pas été condamnée elle-même en qualité de vendeur d'immeuble à construire, débiteur de la garantie décennale des constructeurs ; si elle avait eu cette qualité, et indépendamment de savoir si ce régime de responsabilité légale trouve ou non à s'appliquer, elle aurait été en mesure de justifier d'une assurance décennale personnelle et/ou d'une assurance dommage-ouvrage ; tel n'est pas le cas.

[P] [H] [E] ne détient aucun droit de propriété sur les lots qu'elle a vendus, ne justifiant pas être demeurée, ni même redevenue copropriétaire d'un des lots inachevés qu'elle avait vendus. Elle n'est donc pas fondée à agir en qualité de propriétaire, agissant à titre principal contre les constructeurs, sur le fondement d'actions en responsabilité légales ou contractuelles cédés comme accessoire de la chose.

Toutefois, condamnée envers les parties à laquelle elle a cédé ses droits de propriété, [P] [H] [E] conserve qualité pour agir à titre récursoire pour être relevée et garantie des condamnations mises à sa charge en raison de faits générateurs de responsabilité contractuelle ou légale qu'elle impute aujourd'hui aux deux cocontractants qu'elle considère comme coauteurs des préjudices à la réparation desquels elle a été elle-même condamnée.

Il résulte de la lecture du jugement rendu le 1er décembre 2015 que ces actions récursoires n'ont pas été exercées durant la procédure à laquelle ce jugement mettait un terme ; la société IDBTP n'y a pas été attraite ; L'EURL JEAN LOUIS FAYE y figurait comme partie, mais attraite seulement par un copropriétaire qui s'est ensuite désisté ; il n'a pas été statué dans les relations entre [P] [H] [E] et L'EURL JEAN LOUIS FAYE et la société AXA ne soulève pas l'autorité de chose jugée entre eux.

La SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E], dont le tribunal a retenu la coresponsabilité quasi-délictuelle envers le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires, in solidum avec [H] [E], se trouve dans la même situation ; pour avoir été condamnée envers les syndicat des copropriétaires et divers copropriétaires, elle a qualité pour rechercher la coresponsabilité des entreprises IDBTP et de L'EURL JEAN LOUIS FAYE. Là encore, Il résulte de la lecture du jugement rendu le 1er décembre 2015 que ces actions récursoires n'ont pas été exercées durant la procédure à laquelle ce jugement mettait un terme ; la société IDBTP n'y a pas été attraite ; L'EURL JEAN LOUIS FAYE y figurait comme partie, mais attraite seulement par un copropriétaire qui s'est ensuite désisté ; il n'a pas été statué dans les relations entre l'agence IMMOBILIÈRE [E] et L'EURL JEAN LOUIS FAYE et la société AXA ne soulève pas l'autorité de chose jugée entre eux.

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il retenu comme moyen d'irrecevabilité le défaut de qualité pour agir des appelants contre l'entreprise IDBTP et de L'EURL JEAN LOUIS FAYE, et étendu ce défaut de qualité pour agir aux actions directes visant leurs assureurs respectifs.

Il faut examiner les autres moyens d'irrecevabilité.

2- sur le moyen de prescription des actions en responsabilités contractuelles de [P] [H] [E] (hors dommages intermédiaires supposant un vice caché lors de la réception)

Les actions dont la cour connaît aujourd'hui ont été introduites devant le premier juge par actes des 27 avril, 04 mai et 10 mai 2016.

En préalable, il importe de préciser que ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription et instituant dans son article 1792-4-3 un régime spécifique de responsabilité contractuelle des constructeurs à compter, non de la constatation de la survenance du dommage, mais de la date de réception des travaux (si elle est caractérisée) ; les relations contractuelles entre [P] [H] [E] et la société IDPT ont cessé avant l'entrée en vigueur de cette loi, ainsi que cela résulte des informations qu'elle a elle-même données à ses acquéreurs ; par conséquent, qu'il y ait eu ou non, en 2007, réception concomitante à la résiliation du contrat (les deux notions ne sont pas exclusives l'une de l'autre), la date de fin du contrat ne peut pas avoir fait courir le délai de 10 ans institué par cette loi avant qu'elle n'entre en vigueur ; sauf du chef du régime applicable à d'éventuels désordres intermédiaires, la responsabilité contractuelle des constructeurs (IDBTP et EURL JEAN LOUIS FAYE) envers le maître de l'ouvrage est restée soumise à compter du 17 juin 2008 au régime de responsabilité des actions en responsabilité contractuelle de droit commun de tous les contrats, sans se trouver soumise au régime spécifique décennal spécifiquement introduit pour les constructeurs par cette nouvelle loi.

A l'égard de la société IDBTP, le délai de prescription pour agir en responsabilité contractuelle a été interrompu par l'assignation en référé du printemps 2006 sollicitant une expertise (portant sur la non conformité des réalisations) rejetée par le premier juge mais ordonnée par l'arrêt d'appel infirmatif du 18 décembre 2006. Le délai de prescription était alors de 30 ans ; ce délai trentenaire a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008. À la date de l'entrée en vigueur de cette loi, non seulement le rapport avait été déposé depuis le 28 février précédent, mais encore le syndicat des copropriétaires avait depuis le 28 février 2008 assigné [P] [H] [E] en responsabilité devant le tribunal statuant au fond, faisant partir le délai légal pour agir à titre récursoire contre ses cocontractants.

L'action en responsabilité contractuelle visant la société IDBTP sur le fondement de l'article 1147 du code civil, aurait donc du être introduite avant le 18 juin 2013 mais elle ne l'a été qu'en 2016, étant rappelé que la société IDBTP n'était pas partie à l'instance au fond achevée par le jugement du 1er décembre 2015.

C'est par conséquent à bon droit que la Sté AXA, assureur de la société IDBTP, soulève la prescription quinquennale en défense à l'action en responsabilité qui la vise sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

La prescription est donc acquise au bénéfice de la société IDBTP et de son assureur.

A l'égard de l'EURL JEAN LOUIS FAYE, a été attraite dans la procédure au fond achevée le 1er décembre 2015, la solution doit être la même ; selon le rappel des faits et les motifs du jugement, elle n'y a été visée que par l'action principale d'un copropriétaire qui s'est ensuite désisté de son action. Ni L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E], ni [P] [H] [E] n'ont conclu contre L'EURL JEAN LOUIS FAYE dans cette procédure (conclusions tardives rejetées) de sorte que le tribunal n'a pas statué sur une action récursoire dont il aurait été saisi et formulée par voie de conclusions ; la question de l'autorité de la chose jugée ne se pose donc pas, qui eut exigé une réouverture des débats, mais de ces constatations, il se déduit que le délai de prescription de l'action contractuelle de [P] [H] [E] alors en cours le 17 juin 2008 et ramené à 5 ans à compter de cette date, n'a pas été interrompu avant le 18 juin 2013. Faute de demande, les opérations d'expertise n'ont pu avoir l'effet suspensif qu'attribue de prescription créé par la loi du 17 juin 2008.

3- sur l'existence d'une réception et la responsabilité de constructeurs pour vices cachés lors de la réception (garantie décennale ou dommages intermédiaires), action exercée par [P] [H] [E]

Les relations contractuelles se sont achevées le 15 mai 2006 puisque c'est à cette date que [P] [H] [E] entend faire juger qu'il y eu réception. Les travaux sont alors inachevés et il y a rupture des relations contractuelles ; il y a eu résiliation des marchés en cours, la question étant de savoir s'il y a eu aussi réception à cette même date, les deux notions n'étant pas incompatibles.

Le procédure achevée par le jugement dont appel a été introduite par [P] [H] [E] et par la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] par des assignations au printemps 2016 entre le 27 avril 2016 et le 10 mai 2016 ; à quelque jours près, le délai d'épreuve décennale n'était donc pas expiré.

L'action en responsabilité décennale et l'action en responsabilité contractuelle en raison de dommages intermédiaires, qui se prescrivent par 10 ans à compter de la réception, ne sont pas prescrites.

4- sur la prescription de l'action quasi délictuelle de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E]

Les actions de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] sont des actions en responsabilité extra-contractuelle dont le délai de prescription, selon l'article 2270-1 du code civil en vigueur jusqu'au 17 juin 2008, était fixé à 10 ans ; ce délai a été ramené à 5 ans à compter du 17 juin 2008.

L'EURL JEAN LOUIS FAYE qui a été attraite dans la procédure au fond achevée le 1er décembre 2015 ; selon le rappel des faits et les motifs du jugement, elle n'y a été visée que par l'action principale d'un copropriétaire qui s'est ensuite désisté de son action. Ni L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E], ni [P] [H] [E] n'ont conclu contre L'EURL JEAN LOUIS FAYE dans cette procédure (conclusions tardives rejetées) de sorte que le tribunal n'a pas statué sur une action récursoire dont il aurait été saisi et formulée par voie de conclusions ; la question de l'autorité de la chose jugée ne se pose donc pas, qui eut exigé une réouverture des débats, mais de ces constatations, il se déduit que le délai de prescription de l'action quasi-délictuelle de L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E] alors en cours le 17 juin 2008 et ramené à 5 ans à compter de cette date, n'a pas été interrompu avant le 18 juin 2013. Faute de demande, les opérations d'expertise n'ont pu avoir l'effet suspensif qu'attribue la prescription créée par la loi du 17 juin 2008.

Les actions en responsabilité quasi-délictuelles de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] sont donc prescrites.

Sur le fond

Seuls sont recevables à être examinées au fond, les actions en responsabilité introduites par [P] [H] [E] en raison de vices cachés lors de la réception qu'elle invoque et susceptibles, selon leur nature, de relever de la responsabilité légale de l'article 1792 ou de la responsabilité civile pour désordres intermédiaires demeurés cachés lors de cette réception, et imputables à une faute du cocontractant poursuivi.

Les marchés passés avec IDBTP ont été résiliés puisque le chantier a cessé à la date du 15 mai 2006 sans jamais reprendre ; le contrat de maîtrise d'oeuvre est censé avoir été également résilié concomitamment. Il faut rechercher si la cessation des relations contractuelles par résolution des marchés intervenue à cette date peut aussi être qualifiée de réception, puisque la dite réception est une condition de fond indispensable à l'application des régimes de responsabilité invoqués.

Réception et résiliation ne sont pas incompatibles en droit ; il est toujours possible de procéder à la réception d'un ouvrage inachevé si les parties ne s'entendent plus ; cependant la reconnaissance de cette réception à cette occasion suppose soit un accord exprès passé sans fraude entre les parties (avec l'accord de l'assureur), soit à défaut, l'existence d'un ouvrage suffisamment avancé pour être utilisable conformément à l'objet pour lequel il avait été réalisé.

Les travaux de rénovation lourde tels que ceux en litige constitue des ouvrages susceptibles de relever des régimes de responsabilités légales décennale et biennale.

Cependant, n'est pas versé au débat le rapport d'expertise judiciaire en lecture duquel le tribunal de TARBES a statué définitivement le 1er décembre 2015 pour prononcer des condamnations servant d'assiette aux actions récursoires qu'il a ultérieurement examinées dans son jugement dont appel ; le seul rapport d'expertise produit est celui établi par le premier expert désigné en référé en 2006 dont le rapport déposé le 28 février 2008 démontre que l'entreprise IDBTP avait encaissé bien plus que ce qu'avaient justifié ses réalisations (on ignore au demeurant comment [P] [H] [E] a exploité les conclusions de ce rapport) ; les réalisations étaient donc réduites et c'est d'ailleurs le sens des courriers adressés par [P] [H] [E] aux copropriétaires et au syndicat des copropriétaires qui ne pouvaient entrer dans les lieux et qui ont saisi le tribunal pour obtenir la condamnation, qu'ils ont obtenue, de leur cocontractante à les réaliser.

Ces circonstances sont donc incompatibles avec une réception intervenue entre le maître de l'ouvrage et ses cocontractants.

Ne peuvent donc être accueillies sur le fond, ni l'action en responsabilité décennale, ni l'action en responsabilité de droit commun pour désordres intermédiaires de [P] [H] [E] contre l'architecte et contre l'entreprise IDBTP ; les actions directes contre leurs assureurs respectifs ne peuvent davantage l'être.

Sur les demandes annexes

Le jugement sera confirmé dans ses dispositions concernant les frais irrépétibles et les dépens.

Les dépens d'appel seront à la charge in solidum de [P] [H] [E] et de la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] qui perdent leur procès.

En compensation de frais irrépétibles exposés en cause d'appel et s'ajoutant au condamnations confirmées prononcées par le premier juge, les condamne in solidum à payer :

- à la société AXA la somme de 5.000 euros,

- à la MAF, la somme de 5.000 euros

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

* déclare la décision commune à L'EURL JEAN LOUIS FAYE et à la SARL IDBTP prise en la personnes de leurs représentant légaux ;

* infirme le jugement en ce qu'il a fondé l'irrecevabilité des actions engagées par la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] et par [P] [H] [E] en raison d'un défaut de qualité ;

* statue à nouveau sur le tout,

* dit que [P] [H] [E] et la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] ont qualité pour agir à titre récursoire tant contre la société IDBTP et la compagnie AXA que contre L'EURL JEAN LOUIS FAYE et la MAF qui l'assure ;

* pour cause de prescription quinquennale acquise depuis 2013, déclare [P] [H] [E] irrecevable à agir en responsabilité contractuelle de droit commun (hors dommages intermédiaires) tant contre la société IDBTP et la compagnie AXA que contre L'EURL JEAN LOUIS FAYE et la MAF qui l'assure ;

* déclare [P] [H] [E] recevable mais mal fondée à agir en garantie décennale ou en responsabilité civile de droit commun pour dommages intermédiaires contre la société IDBTP et la L'EURL JEAN LOUIS FAYE ;

* pour cause de prescription quinquennale acquise depuis le 18 juin 2013, déclare la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] irrecevable à agir tant contre la société IDBTP et la compagnie AXA que contre L'EURL JEAN LOUIS FAYE et la MAF qui l'assure ;

* par voie de conséquence, rejette les demandes indemnitaires formées par voie d'action directe par [P] [H] [E] et par L'AGENCE IMMOBILIÈRE [E] contre AXA, assureur d'IDBTP et contre la MAF, assureur de L'EURL JEAN LOUIS FAYE ;

* confirme le jugement dans ses dispositions concernant les dépens et frais irrépétibles de première instance ;

* ajoutant au jugement, condamne [P] [H] [E] in solidum aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître MARIOL ;

* ajoutant encore au jugement, et par application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne [P] [H] [E] et la SARL AGENCE IMMOBILIÈRE [E] à payer in solidum une somme de 5.000 euros à la société AXA et une somme de 5.000 euros à la MAF.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/02840
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;20.02840 ?
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