PS / MS
Numéro 22/03501
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 04/10/2022
Dossier : N° RG 20/01714 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HTIH
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
[O] [E]
C/
SARL ADIOME
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 04 Juillet 2022, devant :
Monsieur SERNY, magistrat honoraire chargé du rapport,
assisté de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,
Monsieur SERNY, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DUCHAC, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, magistrat honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [O] [E]
née le 02 avril 1974 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
Assistée de Maître PECASSOU de la SELARL PECASSOU-CAMEBRAC et Associés, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
SARL ADIOME
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU
Assistée de Maître FRANCOIS de la SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
sur appel de la décision
en date du 06 JUILLET 2020
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 19/00353
Vu l'acte d'appel initial du 30 juillet 2020 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle ;
Vu le jugement dont appel rendu le 06 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Bayonne qui a condamné la SARL ADIOME, entreprise chargée d'établir des diagnostics d'immeubles avant leur vente, à payer à [O] [E], en lecture d'une expertise judiciaire, une indemnité d'un montant principal de 34'829,76 euros destinée à réparer les dégâts causés à l'immeuble vendu par les termites qui l'ont infesté dont elle n'avait pas détecté la présence, outre 10.000 euros en compensation du trouble de jouissance, 943,20 euros au titre du coût de l'expertise et 4.000 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu l'ordonnance du 03 mars 2021 instituant nouvelle expertise, confiée à l'expert initialement désigné, rendue en cause d'appel par le magistrat de la mise en état en considération d'éléments nouveaux faisant état d'une évolution défavorable du bien ;
Vu le second rapport d'expertise ainsi déposé par [X] [G] le 23 septembre 2021 qui, portant une nouvelle appréciation de la situation par rapport aux conclusions de sa précédente expertise déposée le 06 décembre 2018, estime que l'immeuble s'est irrémédiablement dégradé, qu'il faut le détruire et le reconstruire moyennant un coût de reconstruction de 229.704,25 euros augmenté du coût de la maîtrise d'oeuvre et auquel s'ajoutent des préjudices immatériels de déménagement et relogement estimés à 4 mois ;
Vu les dernières conclusions en lecture de ce rapport, transmises par voie électronique le 13 octobre 2021 par [O] [E] qui en sollicite l'homologation, poursuit la confirmation partielle du jugement limitée à deux postes indemnitaires, mais conclut essentiellement à sa réformation du jugement et l'allocation des indemnités suivantes :
- une indemnité de 253.122,40 euros T.T.C en réparation du préjudice matériel de reconstruction, maîtrise d'oeuvre comprise,
- une indemnité de 2.137,83 euros de frais inutiles,
- une indemnité de 2.904,096 euros T.T.C pour frais de mesures provisoires,
- une indemnité mensuelle de 1.590 euros compensant les frais de relogement,
- une indemnité de jouissance mensuelle de 1.000 euros pour la période postérieure au jugement,
- une indemnité de 2.743,20 euros T.T.C représentant le coût de deux factures ([W] en 2019 et CRYOBOIS en 2017),
- 9.600 euros TTC au titre du coût de déménagement, de garde meubles et réaménagement,
- 2.904,09 euros TTC à titre de mesures conservatoires,
- une somme de 10.000 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 07 février 2022 par la SARL ADIOME qui, sans contester sa responsabilité, sollicite la confirmation du jugement, soutient que l'indemnité réparatrice ne pourrait s'élever à plus de 139.992,94 euros T.T.C, estime injustifiées les autres demandes indemnitaires, sollicitant reconventionnellement la somme de 2.800 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 01 juin 2022.
Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.
MOTIFS
Le jugement a fait une exacte application des règles de droit en condamnant la société ADIOME à réparer l'entier préjudice auquel sa négligence à exposé [O] [E], acheteuse de l'immeuble infecté par des termites non détectés, lequel préjudice consiste dans le coût de sa remise en état à l'identique en respectant les règles de l'art à appliquer lors des travaux de réparation ou reconstruction.
S'agissant des indemnités, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à [O] [E] la somme de 943,20 euros (facture cryobois de 2017) ; les conclusions d'appel en réclament par erreur une seconde fois le montant ; la cour écarte cette réitération de la demande qui procède d'une erreur de rédaction.
Le jugement a alloué la somme de 4.196,96 euros pour effectuer le traitement à venir, mais ce préjudice n'a pas à être indemnisé puisqu'il est aujourd'hui procédé à la reconstruction de l'immeuble ; d'autres dépenses s'y sont en revanches substituées :
- ainsi, l'expertise privée [W] réalisée en 2019 a servi de justification à l'institution de la seconde expertise par la cour ; son coût de 1.800 euros T.T.C entre dans le préjudice indemnisable ;
- ainsi encore, le coût de l'étaiement réalisé durant la seconde expertise pour un montant de 2.904,09 euros T.T.C a été avancé par [O] [E] et constitue un poste de préjudice indemnisable ;
- malgré sa défaillance, la structure a néanmoins été traitée à nouveau après le jugement et avant que ne soit décidée la nouvelle expertise ; le coût vainement exposé de 2.137,83 euros T.T.C entre dans le préjudice indemnisable.
On se trouve donc en présence d'une demande de 1.800 + 2.904,09 + 2.137,83= 6.841,92 euros T.T.C correspondant à des dépenses exposées après le jugement et en cours de procédure d'appel.
Pour réduire à 139.922,94 euros T.T.C le montant de l'indemnité à verser au titre des travaux de réparation, la société ADIOME, sans contester les évaluations de l'expert, fait valoir que certains travaux importants (dont la réfection de la charpente) ne relève pas des travaux de réparation et qu'il n'y a pas lieu de la reconstruire ; elle entend ainsi déduire une valeur de 115.260,69 euros T.T.C de l'indemnité réclamée. L'argument est contraire aux affirmations techniques de l'expert dont le rapport rappelle que l'infestation est si profonde que les ruptures des éléments attachés ont conduit à de nombreux endroits à la fissuration des plâtres, que les planchers sont à refaire et que la charpente l'est également puisqu'il constate que se sont affaissés les faux plafonds en placoplâtre accrochés aux éléments de calage situés sous la charpente, ce qui est le signe d'une défaillance généralisée de ladite charpente.
Les conclusions techniques de la seconde expertise ne sont pas utilement contestées ; elles donnent la mesure de l'étendue du préjudice matériel de reconstruction que sera évalué à un montant de 253.122,40 euros T.T.C incluant la maîtrise d'oeuvre indispensable ; il s'agit d'une évaluation valable à la date du dépôt du rapport d'expertise.
Sur la base des justificatifs produits, l'indemnité pour relogement sera évaluée ce jour à la somme demandée de 1.590 euros T.T.C à payer chaque mois pendant toute la période de déroulement du chantier (de la DROC ou équivalent, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception écrite à intervenir) ;
L'aggravation de l'état de l'immeuble a nécessairement augmenté le préjudice de jouissance par rapport à l'appréciation qu'en a faite le premier juge, laquelle n'est pas remise en question, puisque [O] [E] se borne à chiffrer ce préjudice à un montant supérieur uniquement pour la période postérieure au jugement et à la constatation de l'impossibilité d'appliquer la solution technique du premier rapport d'expertise judiciaire ; c'est à bon droit que [O] [E] réclame une indemnité réparatrice en hausse pour la période postérieure au jugement dont appel ; mais l'indemnisation ne saurait atteindre le montant qu'elle réclame et équivaut à un loyer ; elle est en effet demeurée dans les lieux et n'a pas été obligée de les quitter jusqu'à ce jour ; elle ne paye donc pas de loyer à des tiers qui aggraveraient sa situation financière ; la situation reste néanmoins psychologiquement lourde à supporter, et elle justifie que lui soit allouée mensuellement une somme de 200 euros depuis le 1er juillet 2020 et jusqu'à la date à laquelle elle libérera les lieux pour la durée des travaux.
Le coût des expertises judiciaires entre dans les dépens et non dans les indemnités réparant le préjudice.
Le réclamer à ce titre n'est pas justifié.
L'équité commande d'allouer à [O] [E] une somme supplémentaire de 6.000 euros en compensation de frais irrépétibles exposés en cause d'appel et incluant le suivi d'une seconde expertise judiciaire ordonnée par la cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort :
* confirme le jugement dans ses dispositions portant :
- déclaration de responsabilité à l'encontre de la SARL ADIOME,
- condamnation de la société ADIOME à payer à [O] [E] le coût de l'expertise privée CRYOBOIS pour 943,20 euros T.T.C,
- condamnation de la société ADIOME à payer 10.000 euros en compensation du préjudice de jouissance subi jusqu'à sa date,
- sur les dépens et frais irrépétibles de première instance,
* le réforme pour le surplus en considération de l'évolution du litige concernant l'évaluation du préjudice à réparer,
* en réparation du préjudice matériel causé par des dépenses exposées après le jugement, condamne la SARL ADIOME à payer à [O] [E] une somme de 6.841,92 euros en principal,
* en réparation du préjudice matériel consistant à restituer un immeuble habitable, enjoint à la SARL ADIOME de payer à [O] [E] une somme de 253.122,40 euros en principal (évaluation à la date de dépôt du rapport d'expertise),
* en réparation des préjudices immatériels, enjoint à la SARL ADIOME de payer à [O] [E],
- pour frais de relogement une indemnité mensuelle de 1.590 euros T.T.C à courir entre la date de début du chantier (DROC ou autre document) et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception de l'immeuble après reconstruction,
- en compensation des frais de déménagement liés à ce déplacement temporaire, une somme de 9.600 euros T.T.C,
- en compensation du préjudice de jouissance depuis le 1er juillet 2020, une indemnité mensuelle de 200 euros à courir jusqu'à la date de la libération des lieux pour engager les travaux de reconstruction,
* en l'absence de demande spécifique concernant les intérêts de droit, renvoie les parties à appliquer les règles légales lors de l'exécution en tenant compte des exécutions partielles déjà effectives et des règles d'imputation des paiements,
* condamne la SARL ADIOME aux dépens d'appel
* la condamne à payer à [O] [E] une somme de 6.000 euros en compensation de frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBONCaroline DUCHAC