AC/DD
Numéro 22/3468
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/09/2022
Dossier : N° RG 20/02297 - N°Portalis DBVV-V-B7E-HU3U
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
C/
[U] [M]
[K] [O]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 15 Juin 2022, devant :
Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, Greffière.
Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4],
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Maître SANS, avocat au barreau de TARBES
INTIMÉS :
Monsieur [U] [M]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Non Comparant et non représenté
Maître [K] [O]
Es qualité de mandataire liquidateur de la SAS LGJA LE MODERNE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Maître KLEIN de l'AARPI KLEIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 15 SEPTEMBRE 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES
RG numéro : 18/00203
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [U] [M] a été embauché le 17 juillet 2018 par la société LGJA Le Moderne en qualité de cuisinier, niveau V, échelon 1, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale hôtels, cafés, restaurants.
Le 22 septembre 2018, la société LGJA Le Moderne a rompu le contrat de travail.
Le 23 novembre 2018, M. [U] [M] a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 15 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Tarbes a statué comme suit :
- requalifie la « prise d'acte » en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
note : il s'agit d'une rupture de période d'essai et non d'une prise d'acte,
- fixe au passif de la société LGJA le moderne, représentée par Maître [K] [O], mandataire judiciaire, la créance de M. [U] [M] aux sommes de :
* 3 184,02 € au titre du préavis,
* 318,40 € au titre des congés payés sur préavis,
* 3 184,02 € au titre du défaut de procédure,
* 3 184,02 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement SCRS,
- se déclare en partage de voix sur le restant des demandes,
- dit que l'affaire sera rappelée devant le juge départiteur à l'audience du lundi 16 novembre 2020 à 11h00.
Par ordonnance du 29 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Tarbes a procédé à une rectification d'erreur matérielle n'affectant pas le dispositif de ce jugement entrepris.
Le 7 octobre 2020, l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 30 octobre 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :
- reformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* requali'é la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* fixé au passif de la société LGJA le moderne, représentée par Maître [K] [O], les sommes de :
o 3184.02 € au titre du préavis,
o 318.40 € au titre des congés payés sur préavis,
o 3184.02 € au titre du défaut de procédure,
o 3184.02 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement SCRS,
- dire et juger que le contrat de travail de M. [U] [M] a été valablement rompu pendant la période d'essai,
- par conséquent, débouter M. [U] [M] de ses demandes relatives à ladite rupture du contrat de travail (préavis, congés payés sur préavis, DI pour défaut de procédure et DI pour licenciement sans cause réelle et sérieuse),
- en'n rappeler qu'elle n'est qu'un tiers mis en cause en intervention forcée et ne peut donc faire l'objet d'une condamnation directe, seule la décision à intervenir lui sera déclarée opposable dans les limites légales prévues en la matière, notamment aux articles L. 3253-8 et suivants du « Code du travail, décret d'application », sont exclues les créances non salariales telles qu'astreinte, frais irrépétibles, dépens, article 700 du NCPC, étant en outre rappelé que les plafonds de garantie résultent de l'application des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 novembre 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Me [K] [O] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* fixé au passif de la société LGJA le moderne, qu'elle représente, la créance de M. [U] [M] aux sommes de :
o 3 184,02 € au titre du préavis,
o 318,40 € au titre des congés payes sur préavis,
o 3 184,02 € au titre du défaut de procédure,
o 3 184,02 € au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- statuant à nouveau,
- à titre principal :
- dire que la rupture du contrat est intervenue pendant la période d'essai, en conséquence débouter M. [U] [M] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire :
- fixer au passif de la société LGJA le moderne, qu'elle représente, la créance de M. [U] [M] aux sommes de :
* 2 828,512 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 283 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payes sur préavis,
* 235 € au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter M. [U] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure,
- débouter M. [U] [M] du surplus de ses demandes.
Monsieur [M] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
En application de l'article L. 1221-23 du code du travail :
La période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
La période d'essai doit être fixée dans son principe et dans sa durée, dès l'engagement du salarié.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] et Maître [K] [O] soutiennent que la période d'essai a été valablement rompue le 22 septembre 2018.
Cependant, les parties s'accordent sur le fait que la relation de travail a débuté le 17 juillet 2018. Or, Maître [K] [O] verse un contrat de travail prévoyant une période d'essai signé le 19 septembre 2018 tandis que l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] verse aux débats un contrat ayant le même contenu mais non daté et comportant une signature légèrement différente de l'employeur, ce dont il se déduit qu'il s'agit d'un original différent du même contrat.
La date de conclusion du contrat le 19 septembre 2018 qui est étayée par l'un des exemplaires du contrat n'est pas contestée.
Il est donc établi que la période d'essai a été prévue après le début de l'exécution du contrat de travail, après plus de deux mois.
La période d'essai n'a donc pas été valablement prévue.
En conséquence, la rupture unilatérale et sans justification de la période d'essai par l'employeur constitue un licenciement qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a requalifié la rupture de période d'essai, qualifiée à tort de prise d'acte dans son dispositif, en licenciement sans cause réelle et sérieuse et infirmé s'agissant de cette erreur de qualification dans le dispositif.
Sur les indemnités liées à la rupture
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, en application de l'article 30-2 de la convention collective nationale hôtels, cafés, restaurants, M. [U] [M] peut prétendre à un préavis d'un mois.
Son salaire mensuel contractuel de 2 828,51 € correspond à une base mensuelle de 151,67 heures alors que son contrat de travail prévoit une durée de travail hebdomadaire de 39 heures, soit une base mensuelle de 169 heures par mois.
En application de l'article 4 de l'avenant conventionnel n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail prévoyant une majoration de 10 % pour les heures supplémentaires accomplies entre la 36 et la 39ème heure, sa rémunération mensuelle s'élève à 2 828,51 € + 2 828,51 € x (169 - 151,67) x 1,10 / 151,67 = 3 184,02 €.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la société LGJA Le Moderne la créance de M. [U] [M] aux sommes de :
- 3 184,02 € au titre du préavis,
- 318,40 € au titre des congés payés sur préavis.
S'agissant de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, Maître [K] [O] soutient à juste titre que cette indemnité ne peut, en application de l'article L. 1235-2 du code du travail, être prononcée en présence d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.
S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du non-respect des règles de procédure, du caractère abrupte de la rupture et des pièces contractuelles, le préjudice de M. [U] [M] doit être évalué à 2 200 €, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.
Il convient en conséquence d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de fixer la somme due au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle à 2 200 €.
Sur les demandes accessoires
Les dépens de la présente instance doivent être pris en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
- dit que c'est une prise d'acte qui doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixé au passif de la société LGJA Le Moderne la créance de M. [U] [M] aux sommes de :
* 3 184,02 € au titre du défaut de procédure,
* 3 184,02 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
L'infirme sur ces points,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Dit que la rupture du contrat de travail doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixe au passif de la société LGJA Le Moderne la créance de M. [U] [M] à la somme de 2 200 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [M] de sa demande d'indemnité pour défaut de procédure de licenciement,
Dit que la présente décision est opposable à l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 4] dans les limites de sa garantie et des plafonds résultant des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et D. 3253-1 et suivants du même code,
Dit que les dépens de la présente instance seront pris en frais privilégiés de procédure collective.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,