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29/09/2022 | FRANCE | N°20/02240

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 29 septembre 2022, 20/02240


AC / MS



Numéro 22/3485





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 29/09/2022







Dossier : N° RG 20/02240 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HUVR





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[N] [D]





C/



S.A.S GASCOGNE SACS















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Grosse délivrée le

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues ...

AC / MS

Numéro 22/3485

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 29/09/2022

Dossier : N° RG 20/02240 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HUVR

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[N] [D]

C/

S.A.S GASCOGNE SACS

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 15 Juin 2022, devant :

Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, Greffière.

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [N] [D]

né le 18 Septembre 1963 à BRIEY (54150)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Maître VILAIN-ELGART de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX

INTIMEE :

S.A.S GASCOGNE SACS Prise en la personne de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU,

Assistée de Maître DE MARNIX, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

sur appel de la décision

en date du 09 SEPTEMBRE 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 18/00088

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N] [D] (le salarié) a été embauché le 4 octobre 1993 par la société Gascogne emballage, devenue la société Gascogne sacs (l'employeur), en qualité de technico-commercial, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la transformation papier et des industries connexes.

En dernier lieu, il a occupé le poste de responsable unité sacs industriels, statut cadre.

Le 5 décembre 2017, la société Gascogne sacs lui a proposé un nouveau poste de responsable process sacs industriels assortie d'une baisse de rémunération.

Le 8 janvier 2018, il a refusé cette proposition.

Le 11 janvier 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 18 janvier suivant.

Le 26 janvier 2018, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Le 6 août 2018, il a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 9 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan a notamment :

- dit que M. [N] [D] a été licencié pour insuffisance professionnelle, cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [N] [D] de sa demande de 100 300 € brut pour licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société Gascogne sacs à verser à M. [N] [D] une indemnité égale à 6 mois de salaire brut soit la somme de 31.050 €,

- débouté M. [N] [D] de sa demande d'indemnité de 'n de carrière de 70800 €,

- débouté M. [N] [D] de sa demande de préjudice moral distinct de 35400€,

- condamne la société Gascogne sacs à verser à M. [N] [D] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté la société Gascogne sacs de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Gascogne sacs aux entiers dépens.

Le 30 septembre 2020, M. [N] [D] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 1er mars 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [N] [D] demande à la cour de :

- le recevoir en son appel,

- le déclarer bien fondé et y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris,

- en conséquence,

- dire et juger que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement abusif dénué de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence,

- dire et juger que son licenciement est abusif et injustifié,

- condamner la société Gascogne sacs au paiement des sommes suivantes :

* 100 300 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 70 800 € en réparation du préjudice subi pour perte de l'indemnité de fin de carrière,

* 35 400 € en réparation du préjudice moral distinct,

- en tout état de cause,

- condamner la société Gascogne sacs à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Gascogne sacs aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 10 février 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Gascogne sacs demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de M.[N] [D] bien fondé sur [une] cause réelle et sérieuse de licenciement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [N] [D] la somme de 31 050 € à titre de dommages et intérêts et débouter M. [N] [D] de sa demande en paiement de la somme de 100 300 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [N] [D] de sa demande en paiement de la somme de la somme de 35 400 € pour préjudice moral distinct,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [N] [D] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [N] [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais d'appel,

- à titre subsidiaire, si la cour estimait le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse, juger que M. [N] [D] se contente de réclamer une indemnité de principe sans aucunement justifier de sa demande,

- en conséquence limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 15525 € au visa des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Aux termes des dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement.

Cette énonciation du ou des motifs du licenciement doit être suffisamment précise pour que la réalité puisse en être vérifiée.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que si un doute subsiste, il profite au salarié conformément aux dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail.

L'insuffisance professionnelle consiste en l'inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle, sans qu'il soit nécessaire de caractériser l'existence d'une négligence ou d'une mauvaise volonté de sa part.

Pour caractériser une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle alléguée par l'employeur doit reposer sur des éléments concrets et avoir des répercussions négatives sur la bonne marche de l'entreprise. Elle doit être appréciée en fonction d'un ensemble de données, telles que la qualification du salarié lors de l'embauche, les conditions de travail, l'ancienneté dans le poste, la formation professionnelle reçue.

Pour pouvoir justifier la rupture du contrat de travail, et qu'il puisse être considéré que leur non réalisation est imputable au salarié, l'insuffisance de résultats, au regard des objectifs fixés par l'employeur, doit résulter d'éléments concrets permettant, notamment, la comparaison avec les résultats obtenus par d'autres salariés, placés dans une situation identique, et être imputable personnellement au salarié et non à une situation conjoncturelle difficile.

Les objectifs fixés par l'employeur doivent par ailleurs être réalistes, raisonnables et compatibles avec le marché.

Sur ce,

La lecture attentive de la lettre de licenciement permet de relever qu'elle est suffisamment motivée et que l'insuffisance professionnelle du salarié est fondé sur plusieurs faits :

incapacité, dans le cadre de ses fonctions de responsable production, à assurer son rôle de manager, se concrétisant par un manque de pédagogie à l'égard de ses équipes et une absence d'investissement concret sur le terrain auprès d'elle pour expliquer et accompagner les changements attendus,

passivité,

faible niveau d'investissement,

difficulté à être force de proposition.

L'employeur produit notamment au dossier :

la lettre de licenciement,

la lettre du 5 décembre 2017 visée dans la lettre de licenciement,

le compte rendu V0-160524 de l'étude préalable du cabinet quaternaire présenté lors d'un séminaire des 20 et 21 mai 2016.

De son côté le salarié produit notamment les éléments suivants :

contrat de travail initial,

les avenants,

les évaluations ou synthèse d'entretiens pour les années 2004 à 2014, à l'exception de 2007,

différents organigrammes,

un slide 25 lié à l'audit du cabinet Quaternaire,

une documentation sur la formation « animation de la performance »

des bulletins de salaires,

des attestations d'anciens collègues,

A titre liminaire, la cour observe que les insuffisances soulevées par l'employeur dans la lettre de licenciement ne renvoient pas à des dates et faits précis, l'employeur ciblant toutefois la défaillance du salarié à son poste de responsable de production, soit le dernier poste occupé et s'appuie pour étayer sa position sur un chantier d'accompagnement de l'encadrement de production mis en place entre août 2016 et septembre 2017.

Il résulte de la lecture croisée des pièces du dossier que le salarié a été embauché le 4 octobre 1993 par son employeur en qualité de technico-commercial.

Le 1er janvier 2000, il a été promu en qualité de cadre, service fabrication et bénéficiait du statut cadre, relevant de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la production des papiers, cartons et celluloses. Son coefficient hiérarchique était porté à 350 points, auquel s'ajoutait un coefficient d'évolution de carrière de 5% selon la pièce 15 du dossier.

Aux termes de l'année 2004, laquelle au regard des évaluations professionnelles et synthèses d'entretiens a été réussie, l'employeur d'indiquer « Année 2004 très positive : [N] [D] a significativement développé ses qualités de manager et a su utiliser le nouveau cadre organisationnel pour progresser et faire progresser le secteur Sacs », la salarié a été promu, le 1er mars 2005, passant à un coefficient de 400 points. Son salaire mensuel était fixé à 4 339,57 €.

Le travail du salarié au cours des années 2005 et 2006 a donné également satisfaction à l'employeur, comme le confirment ses évaluations :

« Année 2005 positive. Performances en phase avec les objectifs fixés. Poursuite du développement du collaborateur en terme de prise d'autonomie, »

« Année 2006 positive. Le niveau d'atteinte des objectifs reflète imparfaitement la qualité du travail produit. Progression en autonomie et prise d'initiative. Maturité dans le poste reconnue »,

Le 1er novembre 2007, après un bilan d'orientation, lequel relève en page 2 que le salarié manage d'ores et déjà une centaine de personnes dont 3 responsables d'Ilots gérant eux mêmes 30/35 personnes chacun et fort de son management, le salarié est alors nommé au poste de « responsable supply chain », sous la responsabilité directe du Président, M. [C]. Le périmètre y est ainsi défini comme « l'ensemble des flux depuis nos fournisseurs à nos clients soit les services administration des ventes, expéditions, approvisionnements, planning production et fonctionnellement le planning impression ». Pour ce nouveau poste, le salaire mensuel brut s'élevait à la somme de 5 189,88 €, avec un coefficient porté à 450 points.

Le travail du salarié dans ces nouvelles fonctions, qu'il va exercer du 1er novembre 2007 à fin février 2012 continue de donner satisfaction à l'employeur, dès lors que les évaluations font état :

pour l'année 2008 : « 2008 marque la progression de cette nouvelle fonction ; une partie du chemin est réalisée on est sur la bonne voie pour être pleinement efficicace »,

pour l'année 2010 : « en moins de 2 ans la fonction supply chain a trouvé sa place dans l'entreprise. C'est une fonction carrefour à forte valeur ajoutée pour l'entreprise »,

lors de l'entretien du 7 février 2011 :« cette fonction créée par l'évalué il y a trois ans est devenue incontournable ce qui montre la réussite. Le poste a été en 1ère ligne dans la période chahutée du 2ème trimestre 2010 ; il a prouvé son efficacité pour passer ce cap. De plus l'évalué ne manque pas d'idées pour faire progresser cette fonction ; gage d'avenir »,

lors de l'entretien du 9 mars 2012, soit pour l'évaluation de 2011, le bilan de l'année écoulée montre pour les évaluations des catégories « PERF performance », « TPOS Tenue de poste/ standardisation formats square », « TPOS Tenue de poste/ amélioration service royal canin » des taux d'évaluation de 100 %, 80 % étant attribué pour la catégorie « TPOS/ accidents / amélioration de 20 % du TF1 VS 2010 ».

En ce sens également, le 1er juillet 2011, le salarié se voit attribuer un véhicule de fonction.

Il résulte des précédents développements qu'à minima depuis son entrée dans l'entreprise et jusqu'au 1er mars 2012, date du dernier changement de fonction avant licenciement, le salarié a donné pleinement satisfaction à son l'employeur, tant d'un point de vue managérial qu'en terme d'implication et d'investissement.

« Homme clé » de l'entreprise selon les news diffusées au sein de l'entreprise, il est alors nommé à compter du 1er mars 2012 responsable unité sacs industriels. Il s'agit de la dernière fonction exercée par le salarié avant son licenciement pour insuffisance professionnelle. A cette date son salaire mensuel brut, hors ancienneté était porté à 5020€, avec contractualisation d'un bonus brut de 4 808 €.

Aucune fiche de fonction n'est produite pour permettre d'apprécier les missions du salarié, notamment sur le volet managérial.

A l'exception du courrier du 5 décembre 2017, l'employeur ne produit aucun autre élément qu'il aurait adressé au salarié (évaluations, avertissements ou courrier) corroborant son affirmation selon laquelle le salarié était défaillant quant aux griefs de licenciement retenus.

Dans le courrier de licenciement, l'employeur, pour justifier sa position, s'appuie sur un chantier d'accompagnement de l'encadrement de production mis en place entre août 2016 et septembre 2017, mené avec la collaboration du cabinet Quaternaire.

Le salarié, qui ne conteste pas l'existence de ce programme d'audit, considère toutefois qu'il ne s'agit pas pour lui d'une formation et que les difficultés de management évoquées dans les conclusions de l'employeur ne le concerne pas mais concerne un un chef d'équipe, M. [N] [P], aux mêmes initiales que lui.

Au soutien de son argumentation, l'employeur produit le compte rendu V0-160524 de l'étude préalable du cabinet quaternaire présenté lors d'un séminaire des 20 et 21 mai 2016.

Ce document témoigne en page 6, comme le soutien l'employeur, que le salarié a bien été associé à la mise en place de ce programme, le salarié de produire également l'attestation de M. [R], lequel relève expressément : « il a lancé la nouvelle méthode de travail avec Quaternaire pour faire progresser l'entreprise ».

Cependant, il ne ressort pas expressément de ce document que la fonction de management du salarié, lequel ne doit pas être confondu avec le chef d'équipe, pose difficulté. Il est en outre constant que ce document contrairement à ce que soutient l'employeur ne concerne pas uniquement le pôle production, mais touche également aux pôles maintenance et qualité et amélioration continue.

Le slide 25, issu de cette réunion des 20 et 21 mai 2016 relatif au diagnostic des pratiques de management opérationnel, ainsi que la formation dispensée par le cabinet quaternaire (pièce 78), documents produits par le salarié, ne visent que les chefs d'équipe et agents de maîtrise et non les cadres, responsable ou responsable adjoints.

Au demeurant, en page 60 du compte rendu produit par l'employeur, l'audit cible une « répartition des rôles entre [O] et [N] pas très lisible », soit une répartition peu lisible entre les fonctions du responsable du salarié et le salarié, qui à compter de 2015 ne va plus être, dans les organigrammes, le N-1 du directeur mais son N-2, M. [O] [E] étant nommé responsable et N-1 du directeur, le salarié occupant la fonction d'adjoint du responsable.

Le compte rendu produit par l'employeur ne pointe pas de responsabilité particulière du salarié.

En outre, alors que l'employeur évoque un chantier d'accompagnement de plus d'un an, entre août 2016 et septembre 2017, il n'apporte aucun autre élément que le seul compte rendu réalisé en mai 2016, soit en amont de l'accompagnement soutenu.

Par ce seul compte rendu, l'employeur n'apporte donc pas d'élément de nature à montrer une éventuelle insuffisance du salarié dans l'exercice de ses fonctions, qu'il s'agisse de management ou d'implication.

Ce compte rendu ne permet pas non plus d'établir que le salarié a fait l'objet d'une formation spécifique au management, ce dernier soutenant avoir uniquement réalisé trois formations au cours de son exercice professionnel, celle de 2013 « conduire un entretien professionnel » pouvant s'assimiler expressément à du management.

Au soutien du licenciement, l'employeur vise expressément dans la lettre un courrier qu'il a adressé au salarié le 5 décembre 2017. Cette lettre fait suite à un entretien réalisé le 27 juillet 2017, non contesté par le salarié, au cours duquel lui été déjà reproché: une relation d'autorité à l'égard des équipes sans jamais faire preuve de pédagogie ou d'ouverture, ainsi que sa passivité et son absence d'implication pour trouver des solutions aux difficultés opérationnelles. Si les faits reprochés sont abordés de manière plus précise que dans la lettre de licenciement et que le courrier vise une nouvelle fois l'intervention du cabinet Quaternaire, il n'en demeure pas moins que :

par la seule production du compte rendu du cabinet Quaternaire, un an et demi avant la fin de son accompagnement, l'employeur ne rapporte ni la preuve de la mise en place d'une nouvelle politique managériale, de nouveaux outils de pilotage et de communication, ni l'incidence de cette nouvelle politique sur les fonctions du salarié, ni une éventuelle insuffisance de ce dernier,

l'employeur ne démontre pas non plus en quoi ces éventuelles insuffisances auraient une incidence négative sur le fonctionnement de la société, étant rappelé qu'il résulte des précédents développements que le management et le comportement du salarié, menés depuis son entrée dans l'entreprise et plus particulièrement depuis ses responsabilités de cadre jusqu'au 27 juillet 2017, convenaient parfaitement à l'entreprise, laquelle l'a fait évoluer considérant lesdites capacités et compétences professionnelles,

ce courrier confirme a contrario l'absence de mise en place d'un processus d'accompagnement du salarié face aux insuffisances reprochées. En ce sens, alors que dès le 27 juillet 2017, date d'un premier entretien, ce dernier se voit déjà reprocher son management, l'employeur, qui ne démontre pas que l'audit externe ait pu intéresser le salarié, envisage exclusivement un changement de poste du salarié au poste suivant : « Pilote du processus « référentiel données techniques » sous réserve d'étude préalable. Dès le mois d'août 2017 l'employeur a relevé l'impossibilité de nommer le salarié audit poste compte tenu de son insuffisance managériale, mais ne justifie pas jusqu'en décembre d'un quelconque accompagnement du salarié pour pallier les insuffisances reprochées, la proposition d'un nouveau poste en janvier 2018 ne pouvant s'assimiler à un accompagnement.

L'ensemble de ces éléments démontre que les insuffisances reprochées au salarié ne sont pas suffisamment caractérisées en leur matérialité et que l'employeur a précipité la rupture du contrat de travail sans mettre en 'uvre de processus d'accompagnement spécifique.

Le licenciement du salarié est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement déféré devant être infirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1253-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

Il en résulte notamment que cette indemnité, pour un salarié ayant 24 années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant au moins 11 salariés, est comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 17,5 mois de salaire brut.

En l'espèce le salarié, âgé de 54 ans au moment du licenciement, avait une ancienneté de 24 ans et 3 mois au jour de son licenciement.

Ce dernier justifie que, par notification du 9 mai 2018, il a été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (pièce 56) à compter du 27 avril 2018 (p63).

Il justifie qu'à la date du 31 mars 2019, il a perçu 123 allocations journalières (pièce 56) lesquelles n'ont été versées qu'à compter du 29 novembre 2018 (pièce 64).

S'il justifie n'avoir perçu des allocations que jusqu'au 31 octobre 2019 (pièce 64), le 28 août 2020, il était encore en relation avec pôle emploi et s'entretenait avec ces services sur l'état de ses recherches d'emploi.

Si le salarié soutient avoir continué à bénéficier des indemnités chômage, il n'en justifie pas postérieurement au 31 octobre 2019, mais justifie de nombreuses recherches d'emploi et d'avoir du revoir sa demande salariale ainsi que sa mobilité, le département des [Localité 3] étant principalement composé de PME et PMI.

Le salarié démontre, par la production de sa déclaration de revenus 2017 laquelle met en évidence qu'il a deux enfants à charge, l'attestation de sa femme, laquelle atteste ne pas travailler et différentes factures de loyers et frais de scolarité desdits enfants, qu'il était le soutien financier de sa famille.

Le tableau produit met en lumière le manque à gagner du fait de son licenciement d'un montant de 75 500 €.

En tenant compte de son préjudice matériel caractérisé, de l'incidence certaine de sa perte d'emploi sur sa vie familiale et de son préjudice moral eu égard à la rupture injustifiée pour insuffisance professionnelle et de son salaire comprenant la prime d'ancienneté et le forfait jours, il y a lieu de lui allouer, sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail la somme de 100 000 €.

Sur l'indemnité de carrière et la prime de départ en retraite

Le salarié sollicite la somme de 70.800 € correspondant aux sommes qu'il aurait perçu au titre de l'indemnité de fin de carrière et de la prime de retraite s'il était resté en poste jusqu'à sa mise à la retraite à l'age de 60 ans.

Ces sommes représentent selon le salarié 12 mois de salaire.

Il résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi, en ceux compris les conséquences de cette perte d'emploi sur les droits à retraite.

En lecture des dispositions susvisées, les demandes au titre de la prime de retraite et de l'indemnité de carrière sont par suite rejetées, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral distinct

Le salarié sollicite la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 35 400 € en réparation de son préjudice distinct.

A l'appui de sa demande de préjudice distinct, le salarié évoque plusieurs faits : une sanction financière prohibée et vexatoire en proposant une réduction de rémunération, la perte de la mutuelle d'entreprise, l'impossibilité de se prévaloir de la mutuelle retraités gascogne en tant que demandeur d'emploi, un licenciement brutal, à un age avancé, malgré sa fidélité à l'employeur, et l'absence de retour à l'emploi et son statut de père de famille.

L'investissement du salarié au sein de l'entreprise, lequel justifie d'une implication constante à ses différents postes pendant plus de 24 ans ayant donné toute satisfaction à l'employeur pendant a minima 23 ans, en opposition à l'attitude de l'employeur, lequel ne justifie d'aucune démarche d'accompagnement pour tenter de pallier les insuffisances reprochées, et qui par des termes exagérément virulents, a rompu la relation contractuelle de manière brusque, à quelques années de la retraite du salarié, rendent les conditions entourant la rupture du contrat de travail brutales et vexatoires.

Le salarié justifie d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà indemnisé au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail, fixé à 10 000 €.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Il résulte des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail que lorsque le juge condamne l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du même code, il ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limité de six mois d'indemnités de chômage.

Il résulte des mêmes dispositions que lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le juge doit ordonner ce remboursement d'office, sans pour autant liquider le montant de la créance de l'organisme intéressé, dès lors que celle-ci n'est pas connue.

Il convient de condamner l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les sommes dues à ce titre, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer au salarié la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibérée, statuant publiquement par arrêt contradfictoire et en dernier ressort.

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mont de Marsan en date du 9 septembre 2020, sauf en ce qui concerne l'indemnité de fin de carrière et les dépens,

Et statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [N] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Gascogne sacs à payer à M. [N] [D] la somme de 100 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE M. [N] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour non paiement des indemnités de fin de carrière et prime de départ à la retraite,

CONDAMNE la société Gascogne sacs à payer à M. [N] [D] la somme de 10 000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

CONDAMNE la société Gascogne sacs à rembourser à Pôle Emploi les sommes dues au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE la société Gascogne sacs aux dépens d'appel et à payer à M.[N] [D] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02240
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;20.02240 ?
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