PS / MS
Numéro 22/3470
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/09/2022
Dossier : N° RG 20/00873 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQ4K
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
C.P.A.M. DES LANDES
C/
S.A.S. [5]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Juin 2022, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame [X], en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame NICOLAS, Conseiller
Madame SORONDO, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
C.P.A.M. DES LANDES
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître MOULINIER loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
Zone industrielle
[Localité 4]
Représentée par Maître BODSON loco Maître DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 07 FEVRIER 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/00566
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 mars 2018, M. [M] [B], salarié au sein de la société par actions simplifiée [5] (l'employeur) depuis le 26 décembre 1979, en qualité de maçon puis de chef d'équipe à compter d'octobre 1990, a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Landes (la caisse ou l'organisme social) une déclaration de maladie professionnelle pour une presbyacousie bilatérale ; elle était accompagnée d'un certificat médical initial du 2 février 2018 faisant mention d'une « surdité neuro-sensorielle bilatérale ».
Le 7 août 2018, la caisse a, après instruction, notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge la maladie du salarié au titre de la législation professionnelle, inscrite au tableau n°42 des maladies professionnelles.
L'employeur a contesté le 5 octobre 2018 l'opposabilité de la décision de prise en charge devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu, puis il a saisi le 19 novembre 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, d'une contestation de la décision implicite de rejet de la CRA.
Par jugement du 7 février 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- déclaré inopposable à la société [5] la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée le 26 mars 2018 par le salarié, ainsi que toutes les conséquences qui en découlent,
- condamné la caisse aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de la caisse le 24 février 2020.
Le 12 mars 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, la caisse en a interjeté appel dans des conditions de régularité qui ne font l'objet d'aucune contestation.
Selon avis de convocation du 2 mars 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 9 juin 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions visées par le greffe le 7 juin 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM des Landes, appelante, demande à la cour de :
- de juger son appel recevable,
- d'infirmer le jugement querelle en toutes ses dispositions,
- Statuant a nouveau,
. de dire et juger opposable à l'employeur sa décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie déclarée le 26 mars 2018 par le salarié,
- de condamner l'employeur à lui payer la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 3 mai 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la société [5], intimée, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- Sur l'inopposabilité à son égard de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie du 2 février 2018 du salarié,
. de constater que la caisse ne rapporte pas la preuve que l'audiogramme lui ayant permis la prise en charge de la maladie professionnelle du 2 février 2018 figurait au dossier mis à sa disposition,
. de constater que la caisse ne rapporte pas la preuve de la réunion des conditions du tableau 42 qu'elle a retenu,
. de confirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu'il lui a déclaré inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie du 2 février 2018 déclarée par le salarié et de condamner la caisse au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- en tout état de cause,
. de débouter la caisse de son appel ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions y compris de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. de condamner la caisse à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
SUR QUOI LA COUR
Sur le respect du principe du contradictoire
La CPAM des Landes soutient que l'audiogramme est un élément de diagnostic qui ne peut, en raison du secret médical, être communiqué à l'employeur, tandis que la société [5] fait valoir qu'il s'agit d'un élément constitutif de la maladie inscrite au tableau n° 42 des maladies professionnelles qui n'est pas couvert par le secret médical et doit être mis à sa disposition.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.461-1 al 2 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
En application de l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R.441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier constitué conformément à l'article R.441-13.
Il ressort du tableau du tableau n° 42 des maladies professionnelles « atteinte auditive provoquée par des bruits lésionnels » que le diagnostic d'hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible est établi par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes, et, en cas de non concordance, par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel ; ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée avec un audiomètre calibré ; cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35dB ; ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz.
Il en résulte que les modalités de constat du déficit audiométrique sont un élément constitutif de la maladie inscrite au tableau n°42, de sorte que l'audiogramme est un élément faisant grief qui doit figurer au dossier constitué par la caisse en application de l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale, et soumis à la consultation de l'employeur en application de l'article R.441-14 du même code. L'audiogramme n'est donc pas soumis au secret médical et doit figurer dans le dossier constitué par la caisse étant observé que la communication de l'avis du médecin-conseil visant ledit audiogramme ne pallie pas sa carence dans le dossier soumis à la consultation de l'employeur, dès lors que celui-ci doit être en mesure de vérifier si les conditions médicales réglementaires dudit tableau sont respectées.
En l'espèce, il est constant que le dossier de clôture d'instruction ne comprenait pas l'audiogramme sur la base duquel la caisse a fondé sa décision de prise en charge.
Ainsi, il n'a pas été satisfait au principe du contradictoire et la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle doit être déclarée inopposable à l'employeur. Le jugement sera donc confirmé.
Sur les autres demandes
La CPAM des Landes sera condamnée aux dépens exposés en appel ainsi qu'à payer à la société [5] une somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 février 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan,
Y ajoutant,
Condamne la CPAM des Landes à payer à la société [5] une somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la CPAM des Landes aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,