AC/JD
Numéro 22/3467
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/09/2022
Dossier : N° RG 20/00354 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HPQ7
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[F] [O]
C/
S.E.L.A.R.L. EKIP', Association CGEA DE [Localité 2] DELEGATION AGS
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 11 Avril 2022, devant :
Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Madame SORONDO,Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [F] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Comparant assisté de Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. EKIP', ès qualité de Mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL GROUPE LBN
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître LAGUNE loco Maître ESTRADE, avocat au barreau de PAU
Association CGEA DE [Localité 2] DELEGATION AGS
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître CAMESCASSE de la SCP CAMESCASSE-ABDI, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 21 JANVIER 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 19/00264
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [F] [O] a été embauché le 3 septembre 2013 par la société Les Bâtisseurs de Navarre, en qualité de conducteur de travaux, niveau I, position 1, coefficient 200., suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des entreprises d'architecture.
En octobre 2017, le contrat de travail a été repris par la société Groupe LBN.
À compter de 2017, des difficultés de paiement des salaires sont survenues. Des discussions entre le salarié et l'employeur ont eu lieu avec l'intervention de l'inspection du travail.
Le 5 décembre 2018, la société Groupe LBN a demandé à M. [F] [O] de restituer son matériel.
Le 11 janvier 2019, M. [F] [O] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 23 janvier suivant et mis à pied à titre conservatoire.
Le 17 janvier 2019, M. [F] [O] a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaire.
Le 8 février 2019, il a été licencié pour faute grave.
Au cours de l'instance de référé, la société Groupe LBN a versé à M. [F] [O] la somme de 2'713,49'€.
Par jugement du 26 mars 2019, le tribunal de commerce de Pau a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Groupe LBN.
Par ordonnance du 12 avril 2019, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Pau s'est déclarée incompétente et a invité les parties à se pourvoir au fond.
Le 30 septembre 2019, M. [F] [O] a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 21 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment':
- dit que le licenciement a été prononcé pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave,
- dit que la procédure de licenciement a été respectée,
- dit qu'il convient d'appliquer le salaire minimum conventionnel,
- fixé la créance de M. [F] [O] à valoir sur la liquidation judiciaire de la société Groupe LBN aux sommes de :
* 2'703,8l € en net au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 3'983,52 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 398,35 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 3'879,16 € net à titre de rappel de salaire sur les années 2016 à 2019, outre la somme de 387,92 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 1'203,30 € brut à titre de rappel de salaire sur la classification existante, outre la somme de 120,33'€ brut au titre des congés payés y afférents,
* 1'838,55 € brut à titre de rappel de salaire non perçu pour mise à pied conservatoire,
outre la somme de 183,85 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 1'500 € à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive sur le fondement des articles L.'1222-l du code du travail et 1231-l du code civil,
- condamné la relapse EKIP' es qualité de mandataire liquidateur de la société Groupe LBN à remettre à M. [F] [O] les bulletins de salaire rectifiés au titre du rappel de salaire sur la classification de base, et l'attestation Pôle emploi rectifiée,
- rappelé que l'ouverture d'une procédure collective interrompt le cours de tous les intérêts,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les condamnations de remise de documentsque l'employeur est tenu de délivrer et celles en paiement de créances salariales ou assimilées dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (art. R.'1454-28 du code du travail),
- l'a ordonnée pour le surplus,
- condamné la Selarl EKIP' es qualité de mandataire liquidateur de la société Groupe LBN à verser à M. [F] [O] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [F] [O] de ses autres demandes et prétentions,
- déclaré le jugement opposable aux AGS.
- condamné la Selarl EKIP' es qualité de mandataire liquidateur de la société Groupe LBN aux dépens d'instance et frais éventuels d'exécution.
Le 4 février 2020, M. [F] [O] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 janvier 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [F] [O] demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel à l'encontre du jugement rendu le 21 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Pau,
- à titre principal, infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé la créance à la liquidation judiciaire de la société Groupe LBN à la somme de 3'879,16 € net à titre de solde de rappel de salaire sur les années 2016 à 2019, outre la somme de 387,92 € net à titre de congés payés y afférents, et en ce qu'il a fixé la créance à la somme 1'500 € à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive sur le fondement des articles L.'1222-1 du code du travail et 1231-1 du code civil,
- statuant à nouveau,
- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dire et juger qu'il devait bénéficier de la classification suivante : chargé de projet 1 ' niveau I ' coefficient 400,
- en conséquence,
- fixer son salaire moyen mensuel au salaire de 3'593,05 € brut,
- fixer sa créance à la procédure de liquidation judiciaire de la société Groupe LBN, aux sommes suivantes :
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse':
o 25'000 € si la cour écartait le barème fixé par l'ordonnance Macron du 22 septembre 2017, dans le cadre d'une analyse in concreto,
o 21'558,3 € si la cour faisait application de ce même barème,
o 4 877,56 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 10'779,15€ brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1'077,91 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 60 434,21 € brut à titre de rappels de salaires sur classification, outre la somme de 6'043,42 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 347,43 € brut à titre de repos compensateur obligatoire, outre la somme de 34,74 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 2'902,15 € brut à titre de rappel de salaire non perçu pour mise à pied conservatoire, outre la somme de 290,15 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 2'962,61 € brut à titre de solde d'indemnité de congés payés (24,50 jours),
* 6'000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé sa créance à la procédure de liquidation judiciaire de la société Groupe LBN, aux sommes suivantes :
* 2'703,81 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 3'983,52 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 398,35 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 3'879,16 € net à titre de solde de rappel de salaire sur les années 2016 à 2019, outre la somme de 387,92 € net à titre de congés payés y afférents,
* 1'838,55 € brut à titre de rappel de salaire non perçu pour mise à pied conservatoire, outre la somme de 183,85 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 1'876,85 € brut à titre de solde d'indemnité de congés payés (24,50 jours)
* 1'500 € à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive sur le fondement des articles L.'1222-1 du code du travail et 1231-1 du code civil,
- à titre subsidiaire, réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [F] [O] de sa demande de fixation de ses créances aux sommes suivantes :
* 11'950,56€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 6'000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
* 1'375,05 € brut à titre de rappels de salaires sur classification, outre la somme de 137,5 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 192,59 € brut à titre de repos compensateur obligatoire, outre la somme de 19,26 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 2'100 € au titre de l'indemnité de transport,
- en tout état de cause,
- enjoindre à la Selarl EKIP', es-qualité, de lui remettre ses bulletins de salaire des 12 derniers mois rectifiés selon la décision à intervenir, ainsi qu'une attestation Pôle emploi rectifiée,
- fixer la créance à la liquidation judiciaire de la société Groupe LBN à la somme de 2'500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance y compris les éventuels frais d'exécution forcée.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 27 juillet 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la Selarl EKIP' demande à la cour de :
- dire et juger que le licenciement de M. [F] [O] est fondé sur une faute grave,
- dire et juger que M. [F] [O] est mal-fondé à solliciter des rappels de salaires,
- dire et juger que M. [F] [O] est mal-fondé à solliciter des dommages et intérêts pour « réticence abusive »,
- en conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit que le licenciement a été prononcé pour une cause réelle et sérieuse et non pour faute grave, et condamné la société Groupe LBN aux sommes suivantes :
o 2'703,81'€ au titre de l'indemnité légale de licenciement,
o 3'983,52'€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 398,35'€ de congés payés afférents,
o 1'838,55'€ à titre de rappel à titre de rappel de salaires non perçus pour mise à pied conservatoire, outre 183,35'€ de congés payés afférents,
* fixé au passif de la société Groupe LBN les sommes suivantes :
o 3'879,16'€ à titre de rappel de salaires sur les années 2016 à 2019 outre 387,92'€ de congés payés afférents,
o 1'203,30'€ à titre de rappel de salaires sur la classification existante, outre la somme de 120,33'€ de congés payés afférents,
* fait droit à la demande de dommages et intérêts du salarié à titre de « réticence abusive » à hauteur de 1'500'€,
- débouter M. [F] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires sur ces chefs de jugement,
- constater que les demandes de M. [F] [O] sont infondées et injustifiées,
- en conséquence,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner M. [F] [O] à lui payer, ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Groupe LBN, une indemnité de 3'000'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [F] [O] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel avec distraction au profit de Me Camille Estrade en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 24 juillet 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 2] demande à la cour de :
- déclarer M. [F] [O] irrecevable ou à tout le moins mal fondé et le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- en tout état de cause :
- rappeler le caractère subsidiaire de son intervention,
- dire et juger que le jugement lui est simplement opposable dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables,
- dire et juger qu'elle ne peut procéder à 1'avance des créances que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.'3253-8 du code du travail et L.'3253-17 et L.'3253-19 et suivants du code du travail,
- dire et juger que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- rappeler que les dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382, 1383, 1147, 1153 du code civil ne rentrent pas dans le champ de sa garantie,
- dire et juger que M. [F] [O] ne peut être admis que dans le cadre du plafond n°'6 de l'article D.'3253-5 du code du travail,
- dire et juger qu'elle ne saurait être tenue aux dommages et intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles et autres indemnités n'ayant pas le caractère de créances salariales,
- rappeler que l'ouverture d'une procédure collective interrompt le cours de tous les intérêts,
- condamner M. [F] [O] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande au titre des rappels de salaire
Sur la prescription
Attendu que conformément à l'article L. 3245-1 du Code du travail « L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »';
Attendu que compte tenu de la date de rupture du contrat de travail, soit le 8 février 2019, M. [O] est recevable à réclamer le paiement de salaire à compter du 8 février 2016';
Sur la classification
Attendu que la qualification professionnelle se détermine par les fonctions réellement exercées dont la preuve incombe au salarié, sauf accord non équivoque de surclassement';
Attendu que le salarié qui ne justifie pas exécuter les travaux correspondants au coefficient qu'il revendique ne peut qu'être débouté de sa demande ;
Attendu que M. [O] revendique la classification chargé de projet 1, niveau 1, coefficient 400 ;
Attendu que le contrat de travail signé par les parties prévoit explicitement que M. [O] a , à compter du 3 septembre 2013, la classification niveau 1, coefficient 200 en sa qualité de conducteur de travaux ;
Que la description de cette classification, au regard de la convention collective applicable, est la suivante: 'position d'accueil pour les non diplômés avec un contrôle permanent, sans expérience. Rend compte au chargé de projet' ;
Que l'article 3 du contrat de travail prévoit les fonctions suivantes :
- assurer le suivi des chantiers en cours, en traitant directement avec les clients et les artisans ;
- traiter ponctuellement les aspects commerciaux des chantiers en cours ;
Attendu que la classification revendiquée est explicitée de la façon suivante par la convention collective applicable :
' autonomie sous contrôle régulier. Chargé d'opérations simples ou de petites dimensions. Coordination simple d'intervenants spécialisés';
Attendu que M. [O] produit au dossier :
- un exemplaire en original de sa carte de visite au nom de la société mentionnant '[F] [O], chef de projet, agence de [Localité 6]' ;
- une attestation de M. [D] qui déclare 'j'atteste en tant que responsable de la société SIAM d'avoir travaillé qu'avec [F] [O] pour toutes les réalisations de menuiserie et de fermeture que nous avons faites avec le groupe LBN sur la période 2016 à 2018. Il s'est positionné comme mon unique interlocuteur pour l'appel d'offre, le passage de commande, validation des cotes et le suivi des chantiers' ;
- une attestation de M. [R] qui déclare ' j'atteste avoir fait construire mon pavillon avec la société Batisseurs de Navarre comme maître d'oeuvre. Avoir eu à faire avec M. [T] seulement pour la signature du contrat. Puis je certifie que M. [O] a pris en charge l'intégralité du contrat. Il a réalisé la proposition de plans de principe de la maison, le montage du dossier financier, le suivi des démarches administratives (permis de construire, envoi des situations à nous et aux entreprises, proposition des choix des entreprises et des matériaux), le suivi des travaux en tant que conducteur de travaux, réunion de chantier, coordination des différents corps d'état, les levées de réserve et réception de travaux' ;
- une attestation de M. [H] qui indique 'entre le 10 février 2017 et le 20 décembre 2018 j'ai confié la réalisation de mon projet de construction à la SARL Batisseurs de navarre qui deviendra entre temps le groupe LBN. M. [O] a participé à la réalisation de notre construction et avait pour mission: l'aide à la création d'avant projet, l'aide au dépôt de permis de construire,l'assistance à maîtrise d'ouvrage sur les postes suivants (terrassement, maçonnerie, crépis, charpente, couverture, zinguerie, menuiserie, fermeture, plâtrerie, isolation, , électricité, VMC, plomberie sanitaire, chauffage, carrelage, chape, isolant et parquet). Durant l'ensemble de ces activité M. [O] a été mon interloculteur privilégié pour correspondre avec les différents acteurs du chantier' ;
- différents courriels échangés entre M. [O] et différents interlocuteurs concernant des chantiers (chiffrages, contrats de marché de chantier, réception des travaux, descriptifs de projets, sur l'année 2017 et 2018 ;
Attendu que ces pièces démontrent que M. [O] a effectué une coordination simple d'interlocuteurs spécialisés et disposait d'une autonomie, sous le contrôle de sa hiérarchie à compter de 2016 ;
Attendu qu'il sera donc fait droit à sa demande de reclassification à compter du premier janvier 2016, sa créance salariale, compte tenu de la prescription, devant être fixée à la somme de 60 434,21 euros ainsi que celle de 6 043,42 euros au titre des congés payés afférents ;
Que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande de rappel de salaire
Attendu que M. [O] sollicite la confirmation du jugement entrepris, soit le versement de salaires non réglés par l'employeur ;
Attendu que c'est à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté ses obligations, la seule délivrance de bulletins de paie étant insuffisante à caractériser de l'effectivité du paiement des salaires ;
Attendu que le mandataire liquidateur, es qualité fait valoir que le salarié a été rempli de ses droits, celui-ci disposant de plusieurs comptes bancaires ;
Attendu que cependant il est démontré par les pièces salariales du dossier, les relevés bancaires du salarié, les différentes demandes de M. [O] pour être payé de l'intégralité de ses salaires que les sommes réclamées sont dues, le mandataire liquidateur, es qualité, ne démontrant pas avoir respecté ses obligations sur ce point ;
Attendu que le a créance de M. [O] à ce titre sera fixée à la somme de 3 879,16 euros ainsi que celle de 387,92 euros de congés payés afférents, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre des repos compensateurs
Attendu que M. [O] apporte des éléments au dossier justifiant qu'ayant réalisé des heures supplémentaires hors contingent annuel, notamment quant aux tableaux effectués ;
Que le mandataire liquidateur, es qualité ne produit aucun élément de nature à justifier les heures effectuées par le salarié ;
Que conformément à la convention collective applicable en son article VII.2.4.5 il a droit de ce fait à la somme de 347,43 euros au titre des repos compensateurs non pris et à celle de 34,74 euros au titre des congés payés afférents ;
Attendu que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre du solde de l'indemnité de congés payés
Attendu que si le salarié fait état qu'il a été contraint de travailler durant certains jours de congés en produisant un seul tableau récapitulatif, la lecture du bulletin de salaire de décembre 2018 rédigé par l'employeur démontre la comptabilisation par l'employeur des congés de M. [O] ainsi que du versement de la somme de 3 061,13 euros au titre de l'indemnité de congés payés pour l'équivalent de 39,5 jours ;
Que compte tenu de ces éléments le salarié sera débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre de l'indemnité de transport
Attendu que le dispositif des écritures de l'appelant ne mentionne cette demande que dans son subsidiaire sur ce fondement, alors même que le corps des conclusions contiennent des développements sur ce point et qu'il a été fait droit à son principal';
Qu'il ne sera donc pas statué sur ce point';
Sur le licenciement
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de licenciement
Attendu qu'aucune des parties ne conteste que la convention collective applicable au présent litige est celle de de la convention collective nationale des entreprises d'architecture du 27 février 2003';
Attendu que conformément à l'article IV.2.1 de convention susvisée « Conformément à la procédure prévue par le code du travail, le licenciement est obligatoirement précédé d'un entretien au cours duquel l'employeur indique les motifs de la rupture envisagée et recueille les observations du salarié. Celui-ci a la faculté de se faire assister par la personne de son choix. Si la décision de licenciement est prise, l'employeur la notifie au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai maximum de 10 jours francs »';
Attendu que l'inobservation de ce délai, qui constitue une garantie de fond, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse';
Attendu qu'il résulte des documents produits au dossier que':
- par courrier en date du 11 janvier 2019 l'employeur a convoqué M.[O] à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 janvier 2019 à 9 heures';
- les parties ne contestent pas que cet entretien préalable s'est tenu à la date fixée dans le courrier de convocation';
- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8 février 2019 l'employeur a notifié le licenciement du salarié. Il est explicitement mentionné dans ce courrier « Nous vous avons reçu le 23 janvier 2019 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.'Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier'»';
Attendu que conformément aux articles 640 et suivants du code de procédure civile':
- lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir';
- lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas';
- tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures';
Attendu qu'il résulte des termes mêmes de la lettre de licenciement que c'est bien le jour de l'entretien préalable, soit le 23 janvier 2019, que l'employeur a pris la décision de licencier le salarié';
Qu'en notifiant le licenciement de M. [O] le 8 février 2019, l'employeur n'a pas respecté les dispositions conventionnelles susvisées';
Attendu que compte de l'ensemble de ces éléments le licenciement de M. [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';
Que le jugement déféré doit être infirmé sur ce point';
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
Attendu que le licenciement du salarié n'ayant pas de cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au paiement du salaire sur mise à pied conservatoire, s'étant déroulée du 11 janvier 2019 au 8 février 2019';
Que compte tenu de ce qui précède et des pièces salariales du dossier, la créance due à ce titre à M. [O] sera fixée à la somme de 2 902,15 euros';
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Attendu que compte tenu de la classification retenue et du salaire de M. [O] à ce titre, il convient de fixer à la somme de 10 779,15 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis' ainsi que celle de 1 077,91 euros au titre des congés payés afférents';
Que le jugement déféré sera infirmé sur le quantum des somme allouées à ce titre';
Sur l'indemnité de licenciement
Attendu que compte tenu de la classification retenue et du salaire de M. [O] à ce titre, il convient de fixer la somme de 4 877,56 euros' la créance de M. [O] au titre de l'indemnité de licenciement';
Sur les dommages et intérêts
Attendu qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail,'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis';
Que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous':
Ancienneté du salarié dans l'entreprise (en années complètes)
Indemnité minimale (en mois de salaire brut)
Indemnité maximale (en mois de salaire brut)
5
3
6
Attendu qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse';
Attendu qu'aux termes de l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée';
Attendu que les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations ente États et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne';
Qu'en effet la convention n°158 de l'OIT précise dans son article premier «'pour autant que l'application de la présente convention n'est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l'être par voie de législation nationale'»';
Attendu que selon la décision du conseil d'administration de l'OIT, ayant adopté en 1997 le rapport du comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l'inexécution par le Venezuela de la Convention n°158, le terme «'adéquat'» visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié et, d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi';
Attendu qu'à cet égard, il convient de relever qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article';
Que dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois';
Attendu que les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à la violation d'une liberté fondamentale, aux faits de harcèlement moral ou sexuel, au licenciement discriminatoire, au licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ou à une dénonciation de crime ou délit, au licenciement d'un salarié protégé en raison de l'exercice de son mandat et au licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L.1225-71 et 1226-13';
Attendu que par ailleurs, selon l'article L.1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L.1235-3 du même code, le juge ordonne, même en l'absence des organismes intéressés à l'instance, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé';
Attendu qu'il en résulte, d'une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi';
Attendu qu' il en résulte, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail';
Attendu que les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention susvisée et sont compatibles avec lesdites stipulations';
Attendu qu'il appartient donc à la cour d'apprécier seulement la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail';
Attendu que compte tenu de sa rémunération mensuelle brute perçue par M. [O] au vu de sa reclassification, de son ancienneté au sein de l'entreprise, de son âge, de sa situation personnelle et sociale justifiée au dossier il y a lieu de lui allouer la somme de 21 500 euros de dommages et intérêts à ce titre';
Que le jugement déféré sera infirmé sur ce point';
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires
Attendu que le salarié, au vu des pièces produites, démontre qu'il a subi un préjudice du fait du licenciement intervenu brutalement dans des conditions de non respect des dispositions conventionnelles';
Qu'il sera alloué de ce chef au salarié la somme de 2 000 euros, le jugement déféré devant être infirmé sur ce point'';
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Attendu qu'en l'espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance';
Qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de la demande.'
Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 1 500 euros la créance de M. [O] au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive';
Sur la remise des bulletins de salaires et documents de fin de contrat
Attendu qu'il convient d'enjoindre la Selarl Ekip', es-qualité, de remettre à M.[O] ses bulletins de salaire des 12 derniers mois rectifiés ainsi qu'une attestation pôle emploi rectifiée, tous ces documents devant être conformes à la présente décision';
Sur les demandes accessoires
Attendu que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective';
Attendu que l'équité ne commande pas de procéder à condamnation en l''espèce sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 21 janvier 2020 sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1222-1 du code du travail, le rappel de salaire sur les années 2016 à 2019, l'indemnité de congés payés, les dépens et l'article 700 du code de procédure civile';
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que M. [F] [O] doit faire l'objet d'une classification 'chargé de projet 1", niveau 1, coefficient 400, à compter du premier janvier 2016 ;
DIT que le licenciement de M. [F] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';
FIXE la créance de M. [F] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Groupe LBN aux sommes suivantes':
- 60 434,21 € brut à titre de rappels de salaires sur classification, outre la somme de 6043,42 € brut au titre des congés payés y afférents';
- 347,43 € brut à titre de repos compensateur obligatoire' outre la somme de 34,74 € brut au titre des congés payés afférents';
- 10 779.15€ brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1077.91 € brut au titre des congés payés y afférents';
- 2 902,15 € brut à titre de rappel de salaire non perçu pour mise à pied conservatoire, outre la somme de 290,15 € brut au titre des congés payés y afférents';
- 4 877,56 € au titre de l'indemnité légale de licenciement';
- 21 500 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- 2 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire';
DIT que la Selarl Ekip', es-qualité, devra remettre à M. [F] [O] ses bulletins de salaire des 12 derniers mois rectifiés ainsi qu'une attestation pôle emploi rectifiée, tous ces documents devant être conformes à la présente décision';
DECLARE le présent arrêt opposable au CGEA dans la limite légale de sa garantie';
DIT que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective et dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,