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21/09/2022 | FRANCE | N°22/02556

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 21 septembre 2022, 22/02556


N°22/3357



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU vingt et un Septembre deux mille vingt deux





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/02556 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IKIS



Décision déférée ordonnance rendue le 19 SEPTEMBRE 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



N

ous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine...

N°22/3357

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU vingt et un Septembre deux mille vingt deux

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/02556 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IKIS

Décision déférée ordonnance rendue le 19 SEPTEMBRE 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur [E] SE DISANT [M] [I]

né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 6]-ALGERIE

de nationalité Algérienne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 5]

Comparant et assisté de Maître ROMAZZOTI, avocat au barreau de Pau substituant Maître Gabriel LASSORT, avocat au barreau de Bordeaux et de Monsieur [J], interprète assermenté en langue arabe.

INTIMES :

LE PREFET DE LA CORREZE, avisé, absent,

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 19 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- ordonné la jonction du dossier n°RG22/0608 au dossier n° RG22/610,

- déclaré recevable la requête de [M] [I] en contestation de placement en rétention,

- rejeté la requête de [M] [I] en contestation de placement en rétention,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Corrèze,

- rejeté les exceptions de nullité soulevées,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence

- ordonné la prolongation de la rétention de [M] [I] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 19 septembre 2022 à 18 heures 02,

Vu la déclaration d'appel motivée formée par le conseil de [M] [I], reçue le 20 septembre 2022 à 12 heures 24.

****

A l'appui de son appel, le conseil de [M] [I] fait valoir dans sa déclarations d'appel les moyens suivants, pour demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise et sa remise en liberté :

le Préfet de la Corrèze a entaché sa décision de placement en rétention administrative d'une illégalité externe caractérisée par le défaut de motivation et une non prise en compte de la situation de [M] [I].

la procédure de prolongation de la rétention administrative est irrégulière.

In limine litis il est soutenu que :

'

[M] [I] n'a bénéficié d'aucune audition administrative avant son placement en rétention.

'le recours à un interprète par téléphone est irrégulier.

'Le procureur de la République n'a pas été immédiatement avisé du placement enn rétention administrative de [M] [I].

'la requête en prolongation de la rétention administrative est irrecevable faute de production de la décision fixant le pays de renvoi.

Au fond, il est soutenu que :

Il y a eu absence d'examen de vulnérabilité,

une mesure d'assignation à résidence aurait pu être prise en faveur de £.

Enfin, [M] [I] sollicite la mise à la charge de la procédure de la Corrèze de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est demandé de :

déclarer l'appel recevable,

réformer l'ordonnance entreprise,

et

concernant le placement en rétention administrative,

in limine litis,

prononcer l'irrecevabilité et l'irrégularité de la requête en prolongation de la rétention administrative de [M] [I],

prononcer sa remise en liberté.

à titre principal,

constater que la requête en prolongation est irrégulière,

prononcer la remise en liberté de [M] [I].

en tout état de cause, condamner la préfecture de la Corrèze à payer à [M] [I] la somme de 1 000 euros.

Le conseil de [M] [I] a soutenu l'ensemble de ces moyens à l'audience.

[M] [I], qui a eu la parole en dernier, a indiqué qu'il souhaitait rester en France avec son enfant et sa compagne.

****

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

L'examen des pièces de la procédure fait apparaître que [M] [I], ressortissant algérien né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 6] (Algérie), a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux en date du 21 janvier 2021 à une peine de trois mois d'emprisonnement et à une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans.

Par la suite, il a été placé en détention provisoire le 30 juin 2021 dans le cadre d'une information judiciaire ouverte au Tribunal judiciaire de Bordeaux, puis renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné, par jugement du 22 janvier 2022 à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement, pour délits de tentative d'extorsion par violence, menace ou contrainte et arrestation, enlèvement ou séquestration arbitraire suivie d'une libération avant le 7ème jours. Écroué au centre pénitentiaire de [Localité 3]-[Localité 4], il a été transféré le 9 mars 2022 au centre de détention d'[Localité 8].

A sa levée d'écrou le 17 septembre 2022, en vue de la mise à exécution de la mesure d'éloignement, à savoir l'interdiction judiciaire du territoire français d'une durée de trois ans, [M] [I] a été placé en rétention administrative par arrêté du préfet de la Corrèze, qui aurait pris le même jour un arrêté fixant le pays de renvoi, lequel ne figure pas à la procédure.

La gendarmerie de [Localité 7] a été chargée de la notification de la mesure de rétention et des droits y afférents, ce qui a été réalisé entre 8 heures 29 et 8 heures 40, puis de conduire [M] [I] au centre de rétention d'[Localité 5], l'information des procureurs de la République de Tulle et de Bayonne ayant été réalisée par la préfecture elle-même, par courriels du 17 septembre 2022 à 9 heures 02.

Sur le moyen lié à l'irrégularité du recours à un interprète par téléphone lors des notification du 17 septembre.

L'article L 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que :

« Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ».

Il résulte notamment de ce texte que, lorsqu'il est prévu qu'une décision ou une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend par l'intermédiaire d'un interprète, cette assistance ne peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité.

Il est constant qu'il appartient au juge judiciaire de caractériser la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunications. (1ère civile 24 juin 2020, pourvoi n°A 18-22.543).

En l'espèce, l'unique procès-verbal dressé le 17 septembre 2022 par la gendarmerie de [Localité 7] ne mentionne aucun motif ayant nécessité que l'assistance de [M] [I] par un interprète soit assurée par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication. Il ne mentionne d'ailleurs pas le recours à un interprète. Seule figure, sur chacun des documents notifiés à [M] [I], à savoir l'arrêté de placement en rétention, la notification « de situation de rétention » avec mention d'un arrêté fixant le pays de renvoi et la notification des droits, la mention manuscrite suivante : « Mme [G] [H], Interprétariat par téléphone Studio Moretto ».

Par ailleurs, aucune autre pièce du dossier n'a trait à ce recours à un interprète et ne permet de justifier pourquoi, alors que [M] [I] était écroué à [Localité 8] depuis mars 2022 et avait déjà eu besoin d'un interprète le 30 août 2022, lors de la procédure contradictoire préalable à la mise à exécution de la mesure d'éloignement, il n'a pas été possible qu'un interprète soit présent pour l'assister lors de la notification du placement en rétention administrative, suite à sa levée d'écrou, à une date qui était connue de l'autorité administrative.

En outre, aucune indication ne figure à la procédure quant au fait que l'interprète qui est intervenu est inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. La langue utilisée n'est pas plus précisée, de sorte qu'il n'est pas possible de s'assurer que [M] [I] a bien eu droit à l'assistance d'un interprète dans une langue qu'il comprend.

Enfin, il convient de constater que [M] [I] n'a pas signé les documents qui lui étaient notifiés, ce qui peut comme le soutient son avocat s'expliquer par sa non-compréhension et qu'il a déjà soulevé ce moyen devant le premier juge.

Dès lors, il y a lieu de retenir que la procédure de placement en rétention est entachée d'une irrégularité en ce que le juge judiciaire n'est pas mesure de s'assurer que le droit de [M] [I] à l'assistance d'un avocat dans une langue qu'il parle et comprend a été respecté lors de la notification de son placement en rétention et rétention et des droits y afférents, ce qui cause grief au retenu, au sens de l'article L 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, d'infirmer la décision entreprise et d'ordonner la mainlevée de la mesure de rétention.

Enfin, l'équité ne commande pas en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de [M] [I]. La demande présentée à ce titre doit donc être rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable.

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bayonne du 19 Septembre 2022.

Déclarons irrégulière la procédure de placement en rétention de [M] [I].

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention et par voie de conséquence, la mise en liberté de [M] [I].

Rappelons que l'interressé a l'obligation de quitter le territoire français en application de l'article L 742-10 du CESEDA ;

Rejetons la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Corrèze et communiquée au Ministère Public ;

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt et un Septembre deux mille vingt deux à

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUSCécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 21 Septembre 2022

Monsieur [E] SE DISANT [M] [I], par mail au centre de rétention d'[Localité 5]

Pris connaissance le :À

Signature

Maître ROMAZZOTTI, par mail,

Maître LASSORT, par mail

Monsieur le Préfet de la Corrèze, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 22/02556
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;22.02556 ?
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