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20/09/2022 | FRANCE | N°20/01533

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 20 septembre 2022, 20/01533


SF/SH



Numéro 22/03325





COUR D'APPEL DE PAU



1ère Chambre







ARRÊT DU 20/09/2022







Dossier : N° RG 20/01533 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSYM





Nature affaire :



Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente















Affaire :



[B] [T] [W] [K] veuve [J]

[Z] [J]

[F] [J]

[X] [N] [JK] [UB] épouse [J]





C/



[E] [J]<

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Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisé...

SF/SH

Numéro 22/03325

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 20/09/2022

Dossier : N° RG 20/01533 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSYM

Nature affaire :

Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente

Affaire :

[B] [T] [W] [K] veuve [J]

[Z] [J]

[F] [J]

[X] [N] [JK] [UB] épouse [J]

C/

[E] [J]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Juin 2022, devant :

Madame [R], en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport ;

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes,

et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame DE FRAMOND, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame [B] [T] [W] [K] veuve [J]

née le 13 Février 1954 à [Localité 9] (32)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Monsieur [Z] [J] pris en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [A] [G] [S] [J] décédé à [Localité 8] le 03.12.2009

né le 14 Juin 1972

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Madame [F] [J] prise en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [A] [G] [S] [J] décédé à [Localité 8] le 03.12.2009

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [X] [N] [JK] [UB] épouse [J]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés et assistés de Maître GIRAL de la SELARL BAQUE-GIRAL, avocat au barreau de TARBES

INTIMEE :

Madame [E] [J]

née le 12 Décembre 1953 à [Localité 6] (65)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Maître DUSSERT, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 26 MAI 2020

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES

RG numéro : 18/01419

Par acte notarié du 4 août 2000, [C] [P] née [J], a vendu à [A] [J], l'un de ses neveux (fils de son frère [I] [J]) et à son épouse [B] [J] une maison d'habitation située [Adresse 1].

Cet acte stipule une réserve de droit d'usage et d'habitation viager tant au profit de la venderesse qu'à son frère et sa belle-s'ur, [I] [J] et [X] [UB] épouse [J]. L'acte contient une clause de conversion du prix en obligation de soin viager incluant l'entretien, les courses, les soins médicaux, les visites plusieurs fois par an, et les démarches administratives.

[A] [J] est décédé le 3 décembre 2009, laissant pour recueillir sa succession, son épouse [B] [J] et leurs enfants, [Z] et [F] [J].

Selon acte d'huissier en date du 31 mars 2011, [C] [P] a fait délivrer assignation à [B] [J], à ses deux enfants ainsi qu'à [I] et [X] [J], son frère et sa belle-s'ur, devant le tribunal de grande instance de Tarbes aux fins de voir prononcer la résolution de la vente pour inexécution de leurs obligations par les acquéreurs et obtenir l'octroi de dommages et intérêts, Mme [P] résidant alors en EHPAD.

Le 19 octobre 2011, le juge de la mise en état a rendu une ordonnance constatant l'extinction de l'instance suite au désistement d'action de la demanderesse.

Par jugement du 18 juillet 2013, Mme [P] a été placée sous le régime de la curatelle renforcée et selon acte d'huissier du 4 août 2014, assistée de sa curatrice Mme [V], Mme [P] a fait délivrer assignation à [B] [J] et ses deux enfants [Z] et [F] [J], ainsi qu'à [I] et [X] [J] devant le tribunal de grande instance de Tarbes aux mêmes fins que la précédente assignation.

Selon jugement du 23 mars 2015, Mme [P] a été placée sous le régime de la tutelle, et elle est décédée le 8 avril 2017, laissant pour lui succéder sa nièce et légataire universelle, [E] [J].

Suite à la radiation administrative de l'affaire le 18 avril 2017, [E] [J] a signifié le 17 octobre 2018 des conclusions de réinscription de l'affaire et reprise de l'instance engagée par Mme [C] [P].

Suivant jugement contradictoire en date du 26 mai 2020, le juge du tribunal judiciaire de Tarbes a, notamment :

- Déclaré recevable l'intervention volontaire et les demandes d'[E] [J] en qualité de légataire universelle de [C] [P],

- Prononcé la résolution de l'acte de vente dressé le 4 août 2000 par Maître [H], notaire à [Localité 9], entre d'une part, [C] [P] et d'autre part, [A] et [B] [J],

- Ordonné la réintégration dans le patrimoine de [C] [P] de l'immeuble cadastré commune de [Adresse 1], cadastré [Cadastre 10] ainsi que les meubles le garnissant,

- Ordonné la publication au service de la publicité foncière du jugement à intervenir concernant le bien désigné,

- Déclaré le jugement opposable à [X] [J],

- Condamné solidairement [B] [J], [Z] [J] et [F] [J] à payer à [E] [J] la somme de 20.000 € de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- Condamné solidairement [B] [J], [Z] [J] et [F] [J] à payer à [E] [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné solidairement [B] [J], [Z] [J] et [F] [J] aux dépens de l'instance,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le premier juge a constaté la publication, tant de l'assignation que des conclusions d'intervention volontaire et de réinscription, a relevé que le désistement d'action du 19 octobre 2011 ne fait pas obstacle à ce qu'une demande, formée entre les mêmes parties et ayant le même objet, puisse être ultérieurement présentée dès lors qu'elle invoque de nouveaux griefs et des faits survenus postérieurement au désistement, que cette action n'est pas destinée à défendre des droits extra-patrimoniaux et ne nécessitait donc pas l'autorisation du juge des tutelles, qu'elle avait été introduite du vivant de Mme [P] et avait donc été régulièrement transmise à [E] [J] en sa qualité de légataire universelle.

Le juge retient qu'en raison du désistement d'action constaté par ordonnance du 19 octobre 2011, [C] [P] ne peut plus se prévaloir des manquements imputables aux défendeurs avant cette date, mais que la demanderesse produit des pièces démontrant la violation des obligations contractuelles des acquéreurs postérieurement au 19 octobre 2011, et que s'agissant d'un manquement grave à une obligation essentielle du contrat, la résolution de la vente doit être prononcée, c'est-à-dire la réintégration dans le patrimoine de [C] [P] de l'immeuble ainsi que les biens le garnissant outre des dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel.

Mme [B] [J], M. [Z] [J], Mme [F] [J] et Mme [X] [J] ont relevé appel par déclaration du 16 juillet 2020, critiquant la décision dans l'ensemble de ses dispositions.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 12 avril 2021, Mme [B] [J], M. [Z] [J], Mme [F] [J] et Mme [X] [J] (ci après les consorts [J]), appelants, entendent voir la Cour':

- Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- Déclarer irrecevables les demandes adverses,

- Les dire sinon mal fondées,

- Débouter Mme [E] [J] de toutes ses demandes,

- Condamner Mme [E] [J] au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la phase de premier degré, que d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de premier degré et d'appel.

Au soutien leurs demandes et sur le fondement des dispositions des articles 30 et suivants du code de procédure civile et de l'article 475 du code civil, les consorts [J] indiquent que :

- Le désistement d'instance et d'action intervenu en 2011 rend irrecevables les demandes présentées par Mme [E] [J], s'agissant d'actions tendant aux mêmes fins, avec le même objet, la même cause et des demandes identiques,

- Les manquements invoqués sont les mêmes et ne peuvent être datés avec précision s'agissant d'une obligation à exécution successive, le désistement d'action valant donc pour l'avenir,

- La reprise d'instance par Mme [E] [J], intervenue selon conclusions de réinscription le 17 octobre 2018, est postérieure au décès de Mme [P],

- Le tuteur ne peut agir pour faire valoir des droits extra-patrimoniaux de la personne protégée qu'après autorisation du juge ou du conseil de famille, or, l'assignation portait à la fois sur des droits patrimoniaux et extra-patrimoniaux, notamment le préjudice moral allégué de la crédirentière

- Les manquements à l'obligation de soin ne sont pas avérés, Mme [C] [P] ayant choisi d'aller vivre en maison de retraite puis chez une amie.

Par conclusions communiquées le 8 juillet 2021, Mme [E] [J], demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués':

- Dire et juger la demande recevable,

- Prononcer la résolution de l'acte de vente dressé le 4 août 2000 par Maître [H], notaire à [Localité 9], entre d'une part [C] [P] et d'autre part, [A] [J] et [B] [J],

- Ordonner la réintégration dans le patrimoine de [C] [P] de l'immeuble cadastré commune de [Adresse 1], cadastré [Cadastre 10] ainsi que les meubles le garnissant, avec toutes conséquences de droit,

- Ordonner la publication au service de la publicité foncière du jugement à intervenir concernant le bien désigné,

- Déclarer le jugement opposable à [X] [J],

Sur l'appel incident, statuant à nouveau,

- Condamner solidairement Mme [B] [J], M. [Z] [J] et Mme [F] [J] à payer à [E] [J] la somme de 100.000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, en réparation du préjudice moral et du préjudice matériel subis,

Y ajoutant,

- Condamner solidairement Mme [B] [J], M. [Z] [J] et Mme [F] [J] à payer à [E] [J] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamner solidairement aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, Mme [E] [J] indique, au visa des articles 384, 475 et 1654 du code civil que :

- L'assignation délivrée le 4 août 2014 se fonde sur des faits nouveaux et postérieurs au 19 octobre 2011,

- Le droit d'agir a été régulièrement transmis à [E] [J], en sa qualité d'ayant-droit, par l'effet dévolutif de la succession,

- La tutrice est valablement intervenue aux débats pour reprendre l'instance dont la demande principale consiste à voir prononcer la résolution de la vente, action patrimoniale,

- La procédure était déjà introduite lors du placement sous tutelle de Mme [P], et la demande de dommages-intérêts n'entre pas dans les dispositions de l'article 475 alinéa 2,

- Aucun des engagements souscrits n'a été respecté, le contrat doit être résolu faute pour l'une des parties d'avoir satisfait à ses engagements.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2022 .

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité des demandes de Mme [E] [J]':

Au regard du désistement d'action prononcé le 19 octobre 2011 sur l'assignation de Mme [C] [P]':

Celle-ci a engagé une action contre les consorts [J] par acte du 31 mars 2011, dont elle s'est ensuite désistée. Les défendeurs ont constitué avocat et ont acquiescé à la demande de désistement ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de désistement du juge de la mise en état du 19 octobre 2011 qui le mentionne expressément.

Selon l'article 398 du code de procédure civile a contrario, le désistement d'action emporte définitivement renonciation à toute action formée entre les mêmes parties, par elles et contre elles en la même qualité, si la demande est fondée sur la même cause et a le même objet.

Comme l'a retenu à juste titre le premier juge, ce désistement ne fait pas obstacle à ce qu'une demande, formée entre les mêmes parties et ayant le même objet, puisse être à nouveau présentée, dès lors qu'elle invoque de nouveaux griefs et des faits survenus postérieurement au désistement, ce qui est le cas en l'espèce puisque plusieurs pièces à l'appui de la nouvelle demande de Mme [E] [J] engagée le 4 août 2014 sont datées de 2012 à 2017. Contrairement à ce que soutiennent les consorts [J], ce désistement d'action n'avait pas d'effet pour l'avenir, car s'agissant d'un manquement allégué à l'obligation de soins et d'entretien la vie durant de la crédirentière, donc à exécution continue et successive, il ne suffit pas que les débiteurs aient respecté leurs obligations sur la période antérieure au désistement de 2011, ils y sont tenus jusqu'au décès de Mme [C] [P] survenu en 2017.

Par conséquent, cette fin de non recevoir est mal fondée et doit être rejetée au titre de sa qualité d'héritière, poursuivant l'action de Mme [C] [P].

L'action a été engagée le 4 août 2014 par Mme [C] [P] assistée de sa curatrice. Au décès de Mme [C] [P], l'instance a été suspendue dans l'attente du règlement de la succession et de l'intervention éventuelle des héritiers à la procédure.

Il ressort de l'acte du 8 novembre 2013 passé devant Maître [M] notaire associée à [Localité 7], que Mme [C] [P] a institué Mme [E] [J] sa légataire universelle par testament, et a exprimé le souhait que celle-ci poursuive la procédure d'annulation de la vente de sa maison. Celle-ci visant à prononcer la résolution d'un contrat de vente avec obligations de soins viagers, il s'agit d'une action patrimoniale transmise aux héritiers de la crédirentière ne nécessitant pas d'autorisation du juge des Tutelles. Par son décès, l'action de celle-ci a donc été transmise à son unique héritière, Mme [E] [J], qui a valablement repris par conclusions du 17 octobre 2018 la procédure qui était suspendue. Les dommages-intérêts consécutifs à l'inexécution du contrat de vente , fussent-ils pour préjudice moral, relèvent également d'une action patrimoniale de la défunte transmissible à ses héritiers.

La décision du 1er juge sur la recevabilité de l'action de Mme [E] [J] sera donc confirmée.

Sur le fond':

La demande de résolution du contrat de vente :

L'acte de vente passé le 4 août 2000 entre Mme [C] [J] veuve [P] et M. [A] [J] et [B] [K] épouse [J], avec réserve d'usufruit au profit de la première et au décès de celle-ci au profit d'[I] et [X] [J], concernant la maison [Adresse 1] au prix de 719.000 francs (soit 109.610,84 € ) prévoit la conversion du prix de vente en obligation pour les acquéreurs de':

Chauffer, éclairer, nourrir, entretenir, vêtir, blanchir, raccommoder et soigner le vendeur au domicile de ce dernier, et en général lui fournir tout ce qui est nécessaire à son existence en ayant pour lui les meilleurs soins et de bons égards,

Recevoir la venderesse à son domicile plusieurs fois par an lors de chaque fête de famille (mariage, naissance, communion etc.) et au minimum au moment des fêtes carillonnées,

De faire les courses du vendeur dans les magasins de son choix et aux frais du vendeur et les apporter au domicile de ce dernier,

En cas de maladie du vendeur, l'acquéreur devra lui faire donner tous les soins médicaux et chirurgicaux que sa position pourra réclamer et lui faire administrer tous les médicaments prescrits,

En ce qui concerne les frais médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques et d'hospitalisation, l'acquéreur n'aura à sa charge que la fraction de ces frais non remboursés au vendeur par la caisse de sécurité sociale, et éventuellement les mutuelles auxquelles il est affilié,

En cas d'hospitalisation de la venderesse, l'acquéreur devra lui rendre visite au moins une fois par semaine et s'occuper du blanchiment de son linge,

De plus l'acquéreur devra également s'occuper des démarches administratives du vendeur, de ses papiers et de le transporter avec son véhicule, dans tous les lieux ou administrations concernés,

Toutes ces prestations devront être fournies à partir de ce jour jusqu'au jour du décès du vendeur. En aucun cas la venderesse ne devra être placée en maison de retraite, les acquéreurs devront assumer toutes ses charges en la maintenant à son domicile jusqu'à son dernier jour.

En cas de décès de l'acquéreur avant le vendeur, il y aura solidarité et indivisibilité entre ses héritiers pour le service de ladite rente en soins.

L'acquéreur acquittera la totalité des impôts, des taxes foncières, à l'exception de la taxe d'habitation qui sera acquittée par le titulaire du droit d'usage et d'habitation au 1er janvier de l'année concernée.

S'agissant d'une vente sous condition résolutoire de soins et entretien à titre viager au profit du vendeur, l'action en résolution est recevable si l'acheteur n'exécute pas ses obligations, et il appartient à la venderesse, ou à ses ayants droit, de démontrer que les acheteurs n'ont pas respecté les obligations envers celle-ci auxquelles ils s'étaient engagés expressément dans le contrat de vente.

Ainsi que l'a justement relevé le 1er juge dont la Cour adopte les motifs, en raison du désistement d'action constaté par ordonnance du 19 octobre 2011, Mme [E] [J] venant à la suite de Mme [C] [P] ne peut plus se prévaloir des manquements imputables aux appelants à cette date, tel le fait d'avoir été contrainte de quitter son domicile pour séjourner en maison de retraite, cet événement étant survenu le 11 janvier 2010, ou encore l'enlèvement de certains biens mobiliers garnissant le domicile, constaté par huissier les 10 et 14 janvier 2011.

Sur les manquements postérieurs :

Il ressort de l'attestation de Mme [DG] [Y] datée du 21 novembre 2018 que Mme [C] [P] a été hébergée chez elle d'avril 2013 au 21 janvier 2014, qu'elle continuait cependant à régler tous les frais de sa maison, ses frais médicaux et d'entretien, ses frais de déplacement, et qu'elle ne recevait aucune visite ni nouvelles de [B] [J] ou de ses enfants. De même, Mme [L] [O] qui a également hébergée Mme [C] [P] du 21 janvier 2014 au 8 avril 2017 à son domicile, confirme l'absence de toute visite ou nouvelles de la part de la famille de Mme [C] [P] et sa prise en charge de tous ses frais médicaux, vêtements, assurance, salaires de la famille d'accueil.

Il est produit par Mme [E] [J] les factures d'électricité de l'année 2012 se rapportant à l'immeuble vendu [Adresse 1], adressées à Mme [C] [P] à la maison de retraite où elle résidait à cette date et qui ont été réglées par elle. De même, sont produits les factures de médicaments ou honoraires d'un chirurgien dentiste Docteur [U] pour l'année 2012 réglés également par elle, toujours adressées à sa maison de retraite.

A compter de 2014, Mme [E] [J] étant placée sous curatelle renforcée, sa curatrice a établi ses comptes de gestion montrant qu'elle a exposé des dépenses de frais médicaux arrondis à 1764 € en 2014 et 2015 et 1436 € en 2016 et 465 euros pour les 4 premiers mois de 2017, avant son décès.

Des frais d'habillement et de transports sur ces mêmes années 2014 à 2017 se sont élevés au total à 523 € payés par elle, ainsi que les taxes foncières et assurances habitation de l'immeuble vendu, pour 4.397 €, contrairement aux affirmations de M. [Z] [J] déclarant au Maire de [Localité 5] en décembre 2018 que les consorts [J] payaient la taxe foncière de l'immeuble mais n'en détenaient pas les clés.

Il est produit les relevés de compte de Mme [C] [P] démontrant la réalité de ses dépenses et l'absence de tout remboursement de celles-ci par les consorts [J] qui ne justifient, ni même n'allèguent, d'ailleurs avoir pris en charge d'une manière ou d'une autre les besoins matériels de Mme [C] [P] . Les seuls crédits de son compte bancaire correspondent à sa pension de retraite et la pension de réversion de son mari outre une aide du Conseil général pour sa perte d'autonomie.

Ainsi, il résulte de ces éléments que [B] [J] et ses deux enfants [Z] et [F] [J] n'ont respecté aucune des obligations qui leur incombaient du fait du contrat de vente, obligations essentielles puisqu'elles représentaient le prix de l'immeuble acquis. Il s'en suit que le contrat de vente doit être résilié, et l'immeuble restitué à Mme [E] [J] en sa qualité de légataire universelle de Mme [C] [P] venant aux droits de celle-ci.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [E] [J]':

Les propos recueillis par les personnes hébergeant Mme [C] [P] confirment que celle-ci ne voulait pas vivre en EPHAD, qu'elle a d'ailleurs quitté en 2013 pour être hébergée en famille d'accueil jusqu'à son décès. Son retour dans sa maison à cette date, compte tenu de son état de santé ayant conduit à son placement sous curatelle renforcée le 18 juillet 2013, n'était pas nécessairement possible, ce que confirme l'auxiliaire de vie Mme [D] qui l'a visitée entre 2011 et 2013 et rapporte qu'elle ne se sentait plus en sécurité notamment seule la nuit. Il est seulement établi que la maison était occupée par [F] [J] en janvier 2011 selon l'extrait des Pages Jaunes versé aux débats, et que des frais d'électricité démontrant une occupation de la maison par [Z] ou [F] [J] ont été payés par Mme [C] [P] jusqu'en 2013. Comme l'a estimé le premier juge, le défaut d'entretien du jardin de sa maison constaté en décembre 2014 et octobre 2019 ainsi que le révèlent les courriers du Maire de [Localité 5] ne peuvent pas être imputés aux acquéreurs de l'immeuble qui contestent avoir occupé celui-ci au-delà de 2013, et l'entretien du jardin incombant à l'usufruitière, même non occupante.

Par contre, le défaut de respect de leurs obligations par les acquéreurs envers Mme [C] [P] a causé à celle-ci un préjudice matériel et moral, aggravé au regard de son âge et de son état de santé par le désintérêt total des consorts [J], et l'absence de toute relation avec elle, attesté par les familles d'accueil où vivait Mme [C] [P].

Néanmoins à l'inverse du 1er juge, la Cour évalue ce préjudice à la somme de 10.000 € et les consorts [J] seront condamnés au paiement de cette somme. La décision sera donc infirmée sur ce seul point.

Le tribunal a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application. Les dépens d'appel seront mis à la charge des appelants.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 26 mai 2020 en toutes ses dispositions sauf sur le montant des dommages intérêts accordés à Mme [E] [J] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [B] [K] veuve [J], M. [Z] [J], Mme [F] [J] à payer à Mme [E] [J] la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi par Mme [C] [P]

Condamne Mme [B] [K] veuve [J], M. [Z] [J], Mme [F] [J] aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUELCaroline DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01533
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;20.01533 ?
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