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11/07/2022 | FRANCE | N°19/00879

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 11 juillet 2022, 19/00879


MM/CS



Numéro 22/2737





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 11 juillet 2022







Dossier : N° RG 19/00879 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HGFA





Nature affaire :



Recours formé par le constructeur entrepreneur principal contre un sous-traitant















Affaire :



SAS AQUITAINE MULTI SERVICES - A.M.S.





C/



S.E.L.A.R.L. EKIP'

SARL PAU SOLS

SOUPLES





































Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 juillet 2022, les part...

MM/CS

Numéro 22/2737

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 11 juillet 2022

Dossier : N° RG 19/00879 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HGFA

Nature affaire :

Recours formé par le constructeur entrepreneur principal contre un sous-traitant

Affaire :

SAS AQUITAINE MULTI SERVICES - A.M.S.

C/

S.E.L.A.R.L. EKIP'

SARL PAU SOLS SOUPLES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 9 mai 2022, devant :

Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SAS AQUITAINE MULTI SERVICES - A.M.S. prise en la personne de son Président, M. [Y], domicilié es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Julie CHATEAU de la SCP JEAN LUC SCHNERB - JULIE CHATEAU - ANCIENNEMENT DANIEL LACLA U, avocat au barreau de PAU

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. EKIP' ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AMS (SAS) intervenant forcé

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julie CHATEAU de la SCP JEAN LUC SCHNERB - JULIE CHATEAU - ANCIENNEMENT DANIEL LACLA U, avocat au barreau de PAU

SARL PAU SOLS SOUPLES

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Joëlle ANDRIGHETTO, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 29 JANVIER 2019

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

La Société Pau Sols Souples qui réalise des travaux de pose de sols souples, de type PVC, et de carrelage s'est vue con'er le lot carrelage-faïence du chantier de rénovation de la Mairie d'[Localité 5], suivant acte d'engagement du 16 mars 2015.

Le montant du marché était fixé à la somme de 13.504,32 €, soit 16.205,18 € ttc, pour réaliser une chape de 6 cm d'épaisseur sur isolant mousse de polyuréthane de 4 cm d'épaisseur, sur laquelle serait posé un carrelage.

La Sarl Pau Sols Souples a sous traité la réalisation de la chape et la pose d'iso1ant, à la Sas Aquitaine Multi Services, avec laquelle elle travaille régulièrement depuis plusieurs années.

Le devis n°2015-11 2693 soumis par la Sas Aquitaine Multi Services comprenait la réalisation d'une chape sur isolant surfacique de 40 mm, d'une épaisseur totale de 5 à 10 cm pour la somme de 3.560,40€ HT;

La chape a été coulée le 1er décembre 2015 et la SAS AMS a édité une facture n°2015/12/1699, le 9 décembre 2015, d' un montant de 2.665 € HT, portant référence au devis précédent, mais contenant une modification des postes facturés.

Seule la pose de l'isolant a été facturée, celui-ci étant fourni par l'entrepreneur principal. Quant au prix unitaire du m² de chape , il ressortait à 18 euros au lieu de 20,17 euros indiqué sur le devis initial, pour une épaisseur de chape comprise entre 5 et 7 cm.

La Sarl Pau Sols Souples a posé le carrelage.

Le 27 janvier 2016, M. [F] [C], Gérant de la Sarl Pau Sols Souples, a été destinataire d'un ordre de service n°2, de la part du maître de l'ouvrage, le convoquant à une réunion sur chantier, le 28 janvier 2016, pour assister aux mesures permettant de déceler un vice de construction (vice suspecté relatif à l'isolation sous chape non conforme au descriptif du CCTP) », en application de l'article 39 du CCAG( cahier des clauses administratives générales).

Monsieur [C] s'est rendu à cette réunion accompagné de Maitre [G], huissier de justice. La commune d' Uzan, maître de l'ouvrage représentée par son maire en exercice, avait elle même mandaté Maître [T] [D], huissier de justice, pour réaliser un constat des opérations. Au droit du sondage effectué, Maître [D] a mesuré une épaisseur d'isolant de 8 cm au total posé juste en dessous du carrelage, directement sur les gaines d'alimentation électriques et sur les gaines d'alimentation en eau, et une épaisseur de la chape de 3 cm au lieu des 6 cm minimum contractuellement prévus.

La Sarl Pau Sols Souples a tenu la SAS Aquitaine Multi Services informée de la situation et son gérant a convoqué la SAS Aquitaine Multi Services à un constat contradictoire sur site, le 02/02/2016.

La Sarl Pau Sols Souples a adressé une lettre recommandée à la SAS Aquitaine Multi Services, 1e 08/02/2016, rappelant les constats réalisés sur chantier le 02/02/2016, avec M.[W], chargé d'affaires de la SAS Aquitaine Multi Services.

La Sarl Pau Sols Souple a informé la Sas Aquitaine Multi Services, le 9 Mars 2016, qu'elle allait faire démolir les ouvrages non conformes par la Société Somac, et qu' elle pouvait venir constater sur site, jusqu' au 10 Mars 17 h, la qualité des travaux qu'elle avait réalisés.

Les travaux de démolition ont donné lieu à deux nouveaux constats de Maître [G] qui a établi un nouveau procès verbal.

La Sas Aquitaine Multi Services a refusé de reconnaître une quelconque responsabilité .

C'est dans ces conditions, que la Sarl Pau Sols Souples a fait assigner la SAS Aquitaine Multi Services devant 1e Tribunal de Commerce de Pau, par acte d'huissier en date du 23 Octobre 2017, aux fins de :

- Dire que la Sas Aquitaine Multi Services a manqué à son obligation de résultat dans la réalisation des travaux de sous-traitance qu' elle lui a con'és,

- Dire que la Sas Aquitaine Multi Services devra supporter le coût de la réparation intégrale des travaux de reprise des ouvrages,

- La Condamner au paiement de la somme de 22.504,05 euros TTC, suivant décompte suivant :

- Démolition de la chape par la société Somac 3922,88 euros TTC

- Réalisation de la nouvelle chape par [Z] [J] 8057,18 euros TTC

- Fourniture et pose de carrelage, plinthes, reprise des faïences par la Sarl Pau Sols Souples 8705,49 euros TTC

- Protection des plafonds et reprise des murs en peinture par la Sarl Pau Peintures 1580,00 euros TTC

- Reprise des pieds de cloisons par la Sarl Gomes 2640,00 eurosTTC

- Reprise des gaines de plomberie par SPEM 263,50 euros TTC

- Condamner la Sas Aquitaine Multi Services à lui payer la somme de 25.169,05 € TTC, de laquelle, et par compensation, il conviendra de déduire le montant de la facture émise par la Sas Aquitaine Multi Services pour la somme de 2665€ TTC,

- Condamner la Sas Aquitaine Multi Services à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la Sas Aquitaine Multi Services aux entiers dépens, y compris les frais d'huissier pour la somme de 670,24 € TTC.

Par jugement du 29 janvier 2019, le tribunal de commerce de Pau a, au visa de l' article 1147 du Code Civil:

- Dit que la Sas Aquitaine Multi Services a manqué à son obligation de résultat lors de la réalisation des travaux de sous-traitance con'és par la Sarl Pau Sols Souples,

- Dit que la Sas Aquitaine Multi Services devra supporter le coût total de reprise des ouvrages,

- Condamné la Sas Aquitaine Multi Services à payer à la Sarl Pau Sols Souple la somme de 20.924,05€ TTC,

- Condamné la Sas Aquitaine Multi Services à payer à la Sarl Pau Sols Souples, la somme de 600€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les Sociétés Aquitaine Multi Services et Pau Sols Souples de toutes leurs autres demandes,

- Condamné la Sas Aquitaine Multi Services aux entiers dépens y compris aux frais d'huissiers de Maitre [G] (370,24 € et 390 €) dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 66.70€ en ce compris l'expédition du jugement,

Par déclaration en date du 12 mars 2019 la Sas Aquitaine Multi Services a relevé appel de ce jugement.

Par assignation en intervention forcée du 12 avril 2021, la SARL Pau Sols Souples a fait assigner la Selarl Ekip' mandataire liquidateur de la société Aquitaine Multi Services suivant jugement du tribunal de commerce de Pau du 31 mars 2020.

La Selarl Ekip' a constitué avocat.

Par ordonnance du 13 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a joint les deux instances sous le numéro 19-00879.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2022, l'affaire étant fixée au 9 mai 2022.

Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Vu les conclusions notifiées le 12 juin 2019 par la SAS Aquitaine Multi Services qui demande de :

Vu le jugement dont appel,

Vu les pièces visées,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

- Réformer la décision dont appel,

- Juger que la société AQUITAINE MULTI SERVICES n'a pas manqué à son obligation de résultat lors de la réalisation des travaux de sous-traitance confiés par la SARL PAU SOLS SOUPLES,

- Condamner la société PAU SOLS SOUPLES à payer à la société AMS la somme de 2 665 € au titre de la facture non réglée de cette dernière ;

- Condamner la société PAU SOLS SOUPLES au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

****

Vu les conclusions notifiées le 6 mai 2021 par la SARL Pau Sols Souples qui demande à la Cour, au visa des articles 555 du Code de procédure civile et 1147 du Code civil, de :

- Ordonner la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro RG 21/01274 à la présente procédure opposant la SARL PAU SOLS SOUPLES à la SAS AMS enrôlée sous le numéro RG 19/00879,

- Dire et juger que la SAS AMS a manqué à son obligation de résultat dans le cadre de la réalisation des travaux de sous-traitance confiés par la SARL PAU SOLS SOUPLES,

- Dire et juger que la SAS AMS doit supporter le coût de la réparation intégrale des travaux de reprises des ouvrages,

- Fixer la créance détenue par la SARL PAU SOLS SOUPLES à la liquidation judiciaire de la SAS AMS à la somme principale de 20924,05 € TTC,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Fixer la créance détenue par la SARL PAU SOLS SOUPLES à la liquidation judiciaire de la SAS AMS à la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel.

- Dire et juger l'arrêt à venir opposable à la SELARL EKIP', es qualité de liquidateur judiciaire de la Société AMS.

MOTIVATION:

Sur le rabat de l'ordonnance de clôture :

La société Aquitaine Multi Services et la Selarl Ekip', ès qualités, sollicitent le rabat de l'ordonnance de clôture pour permettre l'admission de conclusions déposées et notifiées le 13 avril 2022, après la clôture.

En application des dispositions de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, alors que le bulletin de fixation a été délivré le 13 octobre 2021, par le greffe, annonçant une ordonnance de clôture différée au 13 avril 2022, pour plaidoiries au 9 mai 2022, la société appelante et son liquidateur judiciaire ont conclu le 13 avril 2022 à 23H46, postérieurement à l' ordonnance de clôture notifiée le même jour à 9H41.

Il s'avère que ces conclusions développent de nouveaux moyens auxquels la société Sarl Pau Sols Souples n'a pas été mise en mesure de répondre.

L'initiative de l'une des parties qui décide de soulever de nouveaux moyens par conclusions tardives, en réplique aux conclusions de son adversaire notifiées 11 mois plus tôt et alors que la date de clôture différée était connue depuis 6 mois, ne constitue pas une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture.

Cette demande est en conséquence rejetée.

Les conclusions notifiées le 13 avril 2022 par la société AMS et son liquidateur sont déclarées d'office irrecevables.

Au fond:

sur la responsabilité :

A hauteur d'appel, la société AMS soutient, concernant la chape, que son épaisseur moyenne est de 5,6 cm, en prenant en compte le volume de béton livré par rapport à la surface de la dalle. Elle ajoute que l'épaisseur d'une chape n'est jamais uniforme et que certaines contraintes du support nécessitent de s'adapter, notamment en fonction des écarts de planéité et des remontées et croisements de gaines.

A cet égard, elle ajoute que le sondage réalisé lors du premier constat qui a relevé une épaisseur de chape de 3 cm était localisé dans le coin d'une pièce en pied de remontées de câbles électriques ce qui ne signifie pas que la chape n'a pas été faite dans les règles de l'art.

Elle considère que la reconstitution de l'isolant autour des encastrements de gaines, avec de la mousse de polyuréthane extrudée répond parfaitement aux règles de l' art et ne nuit en rien à la tenue et à la performance thermique de l'ouvrage.

Elle soutient que l'isolant fourni par la société Pau Sols Souples est un isolant en polystyrène et non en polyuréthane, non conforme aux exigences du maître de l'ouvrage et au matériau facturé par l'entrepreneur principal, ce que réfute cette dernière.

Elle affirme qu'elle n'était pas au courant des prescriptions du marché et a réalisé en toute confiance les travaux demandés par la société Paul Sols Souples.

Enfin, elle estime que les seuls malfaçons du lot carrelage faïences sont imputables à l'ouvrage réalisé par la société Pau Sols Souples.

L'intimée soutient au contraire que la société AMS a manqué à son obligation de résultat, sans qu'il soit nécessaire de démontrer une quelconque faute. Elle ajoute que le sous-traitant, en sa qualité de spécialiste, est astreint à une obligation de conseil et de mise en garde, s'il estime que la solution technique est insuffisante ou inefficace.

Elle relève notamment la non conformité de la pose de l'isolant avec insertion des gaines et/ou canalisations dans le matériau lui-même, contrairement à la norme technique en la matière, et une épaisseur de chape en dessous de celle contractuellement prévue.

Elle rappelle notamment que la concluante a été convoquée par la maîtrise d'ouvrage en raison d'un motif de suspicion de vice caché dans la mise en 'uvre de l'isolant sous chape, motif étranger à de prétendues malfaçons invoquées par la société AMS.

Elle ajoute que la société AMS ne fournit aucune explication quant à l'absence de chape de ravoirage qu'impose justement le DTU 52-10, et indique que l'isolant qu'elle a fourni répond bien aux spécifications minimales du cahier des charges, avec un indice de résistance thermique même supérieur.

En droit, la responsabilité du sous-traitant, à l'égard de l'entrepreneur principal, est fondée sur le droit commun des obligations contractuelles. Le sous-traitant est tenu, envers son donneur d'ordre, de livrer un ouvrage exempt de vice, obligation de résultat dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère ou en démontrant la faute de l'entrepreneur principal, ce qui est cependant exclu lorsque le sous-traitant a manqué au devoir de conseil et de mise en garde auquel il est tenu envers son donneur d'ordre.

Si il n'est pas nécessaire de démontrer la faute du sous-traitant, encore faut-il que les désordres soient imputables à son intervention, l'obligation de résultat du sous-traitant étant limitée à l'exécution de son propre ouvrage et à la réalisation de sa propre prestation contractuelle.

En l'espèce, il ressort du cahier des clauses techniques particulières du lot carrelage-faïence que le titulaire de ce lot devait poser le carrelage de sol sur une chape mortier avec « treilles maille 5x5 » de 6 cm d'épaisseur et réaliser au préalable l'isolation du sol par mise en place d'un isolant mousse polyuréthane isotrie projetée de 40mm d'épaisseur ou similaire.

La société Pau Sols Souple, attributaire du lot carrelage faïence, a sous-traité à la société Aquitaine Multi Services la réalisation de la chape et de l'isolation, selon devis du 6 novembre 2015 modifié à une date et selon des modalités non déterminées, puisque l'isolant qui devait, selon le devis initial, être fourni par le sous traitant a été fourni par l'entrepreneur principal, et que la cote d'épaisseur de chape et le tarif unitaire du m² ont été modifiés.

Soupçonnant un défaut de pose de l'isolant, la commune d'Uzan, maître de l'ouvrage, a convoqué la société Pau Sols Souples sur chantier pour assister aux mesures permettant de déceler un vice de construction.

Il ressort du sondage exécuté sous le carrelage posé sous le tableau électrique, au constat de maître [D], huissier de justice, que de l'isolant polystyrène en deux épaisseurs de 4 cm superposées, soit 8 cm au total, a été posé juste en dessous du carrelage , l'isolant étant lui même posé directement sur les gaines d'alimentation électrique et sur les gaines d' alimentation d'eau, pose contraire aux préconisations de la norme NF DTU 52.10 P1-1 qui fixe les règles de l'art et directives techniques en la matière.

Le constat d'huissier a également montré des malfaçons de pose du carrelage et de finition imputables à l'entreprise Pau Sols Souples (défaut d'alignement des carreaux, joints non alignés et carreaux saillants, angles de plinthes non coupés à 45°, absence de silicone sous les plinthes) et un défaut d'alignement au droit de certaines cloisons dû à un léger biais des doublages périphériques Nord Ouest et Sud Ouest des murs, imputable au titulaire du lot correspondant.

Les constats effectués par Maître [G], les 10 mars et 16 mars 2016, à la demande de la société Pau Sols Souples, ont permis de confirmer la non conformité de la chape et de l'isolation réalisées par la SAS AMS.

En effet, il ressort du procès verbal de constats établi par cet huissier de justice que l'isolant a été entaillé aux endroits nécessitant le passage de gaines pour permettre l'insertion desdites tuyauteries, l'espace ainsi évidé étant rebouché au moyen de mousse expansive «PU» pour isoler et combler la saignée (partie accueil et salle de repos).

Un isolant additionnel blanc de 2 cm d' épaisseur a été accolé à la chape sur l'ensemble du sol de la salle de rangement.

Un autre, de couleur gris clair, marqué Polyfoam, en polystyrène extrudé, a été posé par l'entreprise AMS, à la place ou en complément de l' isolant fourni par la société Pau Sols Souples( salle de réunion), en deux couches de 4 cm chacune superposées pour compenser les 6 cm de l'isolant fourni par la société Pau Sols Souples, réduisant d'autant l'épaisseur de la chape. En effet, au dessus de cet isolant doublé, la chape avait une épaisseur comprise entre 3 et 5 cm.

Dans le bureau du maire, l'huissier a prélevé un morceau de chape et mesuré une épaisseur de 4 cm.

Ainsi, il est établi que la chape coulée par la société AMS ne respectait pas l'épaisseur minimale contractuellement prévue de 5 cm, ni d'ailleurs l'épaisseur de 6 cm prévue par le CCTP qu'il appartenait à l'entreprise sous-traitante de réclamer avant de réaliser les métrés de son devis ; de même qu'il lui appartenait, avant de réaliser les ouvrages sous-traités, de vérifier la compatibilité du support existant avec les normes techniques et les règles de l'art applicables à la pose d'isolant et aux chapes fluides, et avec les préconisations du CCTP.

En effet, la présence de gaines ou conduites de fluides courant sur la dalle nécessitait la réalisation d'une chape de ravoirage conformément au DTU52-10 P1-1 article 7, chape qui n'a pas été prévue par l'entreprise sous traitante, mais qui s'imposait à elle en raison de cette norme technique et des règles de son art, quand bien même elle n'aurait pas été prévue par le CCTP, ni demandée par le donneur d'ordre.

La société AMS devait donc nécessairement se renseigner sur l'état du support et la présence de conduites ou canalisations non encastrées dans la dalle et proposer une chape de ravoirage ou toute solution équivalente, ou formuler toute réserve ou mise en garde sur la conformité et la tenue de l'ouvrage, à défaut pour le donneur d'ordre d'accepter cet chape supplémentaire.

En l'espèce, la société AMS ne justifie pas avoir proposé une chape de ravoirage et a surmonté la difficulté technique posée par la présence de gaines courant sur la dalle en les encastrant dans le matériau isolant découpé et en comblant les découpes par de la mousse expansive polyuréthane.

Or, le DTU 52-10 prohibe formellement cette solution en spécifiant : «les sous-couches isolantes (en un ou deux lits) ne doivent, en aucun cas, être découpées en vue d'incorporer d'éventuels fourreaux, canalisations ou conduits».

En outre, la société appelante n'établit pas le cas de force majeur ou la faute de l'entrepreneur principal qui l'aurait empêchée de couler une dalle d'au minimum 6 cm d'épaisseur sur toute sa surface et de réaliser une chape de ravoirage pour encastrer les gaines et conduites.

A cet égard, il convient de relever que l'entreprise Pau Sols Souples justifie, factures à l'appui et attestation d'enlèvement par le sous traitant, établie par le fournisseur, que l'isolant remis à la société AMS était bien un matériau en polyuréthane conforme aux exigences minimales du CCTP.

La société AMS qui a manqué à son obligation de résultat a ainsi engagé pleinement sa responsabilité contractuelle et doit indemniser la société Pau Sols Souples du coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage non conforme et de pose d'un nouveau revêtement.

' Sur l'indemnisation du préjudice :

C'est par une appréciation exacte des seules factures soumises à son appréciation et du droit des parties, que la cour fait sienne, que le tribunal a évalué à 23589,05 euros TTC le coût des travaux de reprise supportés par la société Pau Sols Souples et déduit de cette somme le montant de la facture de la Sas Aquitaine Multi Services, d'un montant de 2665,05 euros TTC.

La société AMS ayant depuis été placée en liquidation judiciaire , la cour fixera à la somme de 20924,05 euros TTC la créance de la société Pau Sols Souples au passif de la liquidation judiciaire de la société AMS.

' sur les demandes annexes :

La société AMS qui succombe en totalité supportera la charge des dépens de l'entière procédure qui seront fixés au passif de sa liquidation judiciaire, de même que le coût des constats d'huissier établis par Maître [G], à hauteur de 370,24 euros et 300,00 euros,

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité justifie de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AMS, à la somme de 600,00 euros, la créance de la société Pau Sols Souples au titre des frais non compris dans les dépens de première instance et à la somme de 1400,00 euros, sa créance correspondant aux frais non compris dans les dépens d'appel, le tout en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture formée par la Sas Aquitaine Multi Services et la Selarl Ekip', son liquidateur judiciaire,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par la Sas Aquitaine Multi Services et son liquidateur judiciaire, postérieurement à la clôture,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la Sas Aquitaine Multi Services a manqué à son obligation de résultat lors de la réalisation des travaux sous-traités par la Sarl Pau Sols Souples et dit qu'elle devra supporter le coût total de reprise des ouvrages.

L'infirme sur les condamnations prononcées,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aquitaine Multi Services, la créance de la société Pau Sols Souples, au titre des travaux de reprise des ouvrages, à la somme de 20924,05 euros TTC,

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aquitaine Multi Services les dépens de première instance, comprenant les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 66,70 euros,

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aquitaine Multi Services, la créance de la société Pau Sols Souples, au titre du coût des constats d'huissier de Maître [G], aux sommes de 370,24 euros et 300,00 euros

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aquitaine Multi Services les dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aquitaine Multi Services, la créance de la société Pau Sols Souples, au titre des frais non compris dans les dépens de première instance, à la somme de 600,00 euros

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aquitaine Multi Services, la créance de la société Pau Sols Souples, au titre des frais non compris dans les dépens d'appel, à la somme de 1400,00 euros,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 19/00879
Date de la décision : 11/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-11;19.00879 ?
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