AC/SB
Numéro 22/2712
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 07/07/2022
Dossier : N° RG 20/00903 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQ7F
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[X] [C] veuve [G]
C/
[K] [V]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 23 Mai 2022, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame CAUTRES-LACHAUD, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente
Madame NICOLAS, Conseiller
Madame SORONDO,Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [X] [C] veuve [G]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU et Maître PELTIER, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
Madame [K] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître DEFOS DU RAU de la SELARL LANDAVOCATS, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 09 MARS 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE REFERE DE DAX
RG numéro : R19/00037
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [K] [V] a été embauchée en juin 2018 par Mme [B] [D] en qualité d'auxiliaire de vie.
Le 28 avril 2019, Mme [B] [D] est décédée.
Le 5 décembre 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Par ordonnance du 9 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Dax a statué comme suit :
- se déclare compétent ;
- dit recevables et bien fondées les demandes de Mme [K] [V] ;
- dit que la fin de la relation de travail, au décès de Mme [B] [D] n'a pas été formalisée ni par l'ayant droit, Mme [X] [G] ni par son mandataire, le notaire, Maître [O] et que la formalisation n'a pas une vocation exclusivement informative ;
- ordonne à Mme [X] [G], ayant droit de Mme [B] [D], de procéder au versement des salaires des mois d'avril à novembre 2019, à Mme [K] [V] sur la base du salaire de référence de 968,94'€ bruts, congés payés inclus, soit pour les huit mois, la somme de 7'751,52 € bruts ;
- ordonne à Mme [X] [G], ayant droit de Mme [B] [D], de remettre à Mme [K] [V] sous astreinte de 20 € par jour de retard pour l'ensemble des documents à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de présente décision, les documents sociaux suivants :
* la lettre de licenciement,
* les bulletins de salaire des mois d'avril à novembre 2019,
* le certificat de travail,
* l'attestation Pôle emploi,
* le solde de tout compte,
- déboute Mme [X] [G], ayant droit de Mme [B] [D], de l'ensemble de ses demandes ;
- ordonne à Mme [X] [G], ayant droit de Mme [B] [D], de payer à Mme [K] [V] la somme de 600'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne Mme [X] [G], ayant droit de Mme [B] [D], aux entiers dépens.
Le 25 mars 2020, Mme [X] [G] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 24 juin 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [X] [G] demande à la cour de :
- à titre principal :
- dire et juger que la formation des référés est incompétente sur la demande de Mme [K] [V] concernant le rappel de salaire après le préavis,
- si par extraordinaire il était reconnu la compétence de la formation des référés de la cour d'appel, à titre subsidiaire :
- dire et juger que le contrat de travail de Mme [K] [V] était ipso facto rompu du fait du décès de Mme [B] [D],
- dire et juger que le préavis court à compter de la date du décès du particulier employeur,
- dire et juger que la lettre de licenciement n'a que valeur informative,
- rejeter toute demande de rappel de salaire au-delà du préavis,
- astreindre Mme [K] [V] à la communication de ses bulletins de salaire des mois de janvier, février et mars 2019,
- ordonner le remboursement par Mme [K] [V] des sommes qui lui ont été versées au titre de la condamnation du jugement dont l'appel est assorti de l'exécution provisoire à savoir :
* 6 670,92 € correspondant au rappel des salaires du mois de mai à novembre 2019,
* 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre reconventionnel,
- condamner Mme [K] [V] au paiement de la somme de 1'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 2 septembre 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [K] [V] demande à la cour de':
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- condamner Mme [X] [G] au paiement de la somme supplémentaire de 1'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence du juge des référés et les mesures à ordonner
En application des articles':
- R. 1455-5 du code du travail':
Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
- R. 1455-6 du même code':
La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
- R. 1455-7 du même code':
Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En application des articles':
- L. 1111-1 du code du travail':
Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés.
- L. 1232-6 du même code':
Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
- L. 7221-1 du même code':
Le présent titre est applicable aux salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager.
Le particulier employeur emploie un ou plusieurs salariés à son domicile privé, au sens de l'article 226-4 du code pénal, ou à proximité de celui-ci, sans poursuivre de but lucratif et afin de satisfaire des besoins relevant de sa vie personnelle, notamment familiale, à l'exclusion de ceux relevant de sa vie professionnelle.
- L. 7221-2 du même code':
Sont seules applicables au salarié défini à l'article L. 7221-1 les dispositions relatives':
1° Au harcèlement moral, prévues aux articles L. 1152-1 et suivants, au harcèlement sexuel, prévues aux articles L. 1153-1 et suivants ainsi qu'à l'exercice en justice par les organisations syndicales des actions qui naissent du harcèlement en application de l'article L. 1154-2 ;
2° A la journée du 1er mai, prévues par les articles L. 3133-4 à L. 3133-6 ;
3° Aux congés payés, prévues aux articles L. 3141-1 à L. 3141-33, sous réserve d'adaptation par décret en Conseil d'Etat ;
4° Aux congés pour événements familiaux, prévues à la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie ;
5° A la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie.
- L. 772-2 ancien du même code':
Les dispositions des articles L. 122-46, L. 122-49, L. 122-53, L. 222-5 à L. 222-8, L. 226-1 L. 771-8 et L. 771-9 sont applicables aux employés de maison.
La recodification étant intervenue à droit constant, il en résulte que la liste des dispositions applicables au salarié du particulier employeur définie par l'article L.'7221-2 n'est pas limitative.
L'article L. 1232-6 du code du travail est applicable au salarié du particulier employeur.
En application de l'article 13 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999':
Le décès de l'employeur met fin ipso facto au contrat de travail qui le liait à son salarié.
Le contrat ne se poursuit pas automatiquement avec les héritiers.
La date du décès de l'employeur fixe le départ du préavis.
Sont dus au salarié :
- le dernier salaire ;
- les indemnités de préavis et de licenciement auxquelles le salarié peut prétendre compte tenu de son ancienneté lorsque l'employeur décède ;
- l'indemnité de congés payés.
L'article 13 de la convention collective stipulant que le contrat de travail prend fin du fait du décès de l'employeur n'exonère pas les héritiers de l'obligation de notifier le licenciement en application de l'article L. 1232-6 du code du travail qui est d'ordre public': le décès du particulier employeur constitue un motif valable de rupture du contrat de travail mais ne rompt pas le contrat de travail.
L'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition.
En application de l'article 1353 du code civil, il incombe à l'employeur qui se prétend libéré de l'obligation de payer la rémunération du salarié de démontrer que ce dernier avait refusé d'exécuter son travail ou ne s'était pas tenu à sa disposition.
Mme [X] [G] soutient que les demandes de Mme [K] [V] se heurtent à des contestations sérieuses et que la condition d'urgence n'est pas établie.
Mme [K] [V] demande à ce que la cour confirme l'ordonnance entreprise.
Contrairement à ce que soutient Mme [X] [G], seule la notification du licenciement met fin au contrat de travail, or celle-ci n'est intervenue que le 19 mars 2020, soit postérieurement à la période au titre de laquelle des provisions sur salaire sont sollicitées et à l'ordonnance entreprise.
En outre, Mme [X] [G] ne soutient pas que Mme [K] [V] a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenue à sa disposition pendant les mois d'avril à novembre 2019, étant d'ailleurs précisé que les parties s'accordent sur le fait que la salariée a travaillé au mois d'avril.
Le fait que Mme [K] [V] n'a pas répondu à certaines demandes, directes ou indirectes, relatives à ses coordonnées ou à la transmission de certains documents ne la prive pas de son droit de demander le paiement de son salaire dès lors qu'il n'est pas contesté que Mme [X] [G] dispose aujourd'hui des informations suffisantes pour effectuer ce paiement.
Mme [X] [G] est donc tenue, en sa qualité d'ayant droit de l'employeur, de verser les salaires de Mme [K] [V] des mois d'avril à novembre 2019.
Le quantum des sommes dues n'est pas contesté.
La demande de Mme [K] [V] ne se heurte donc pas à des contestations sérieuses. En outre, la condition d'urgence ne s'impose pas pour l'application de l'article R. 1455-7 du code du travail. Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [X] [G] à verser des provisions sur les salaires des mois d'avril à novembre 2019, à Mme [K] [V] sur la base du salaire de référence de 968,94'€ bruts, congés payés inclus, soit pour les huit mois, la somme de 7'751,52 € bruts.
Partant, Mme [X] [G] doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes afférentes à l'infirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point, dont celle tendant à ce qu'il soit dit que le préavis court à compter du décès du particulier employeur.
Concernant la question de la remise des documents visés par la décision déférée, celle-ci doit être confirmée sur ce point pour garantir les droits de la salariée.
S'agissant de la demande de Mme [X] [G] tendant à ce qu'il soit enjoint à Mme [K] [V] de lui verser ses bulletins de salaires des mois de janvier à mars 2019, cette dernière verse aux débats ses bulletins de salaires des mois de janvier à mars 2019 de sorte que cette demande, qui n'est au demeurant pas justifiée, est manifestement mal fondée.
L'ordonnance entreprise doit donc être confirmée sur ces points.
Sur les demandes accessoires
Les dépens de la présente instance doivent être supportés par la partie qui succombe, Mme [X] [G].
Il n'est pas inéquitable de condamner cette dernière à verser à Mme [K] [V] une somme de 600'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile tout en la déboutant de sa propre demande formée sur le fondement des mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et spécialement en ce qu'elle s'est dite compétente et a ordonné à Mme [X] [G], ayant droit de Mme [B] [D] de procéder au versement de provisions sur salaires des mois d'avril à novembre 2019, à Mme [K] [V] sur la base du salaire de référence de 968,94'€ bruts, congés payés inclus, soit pour les huit mois, la somme de 7'751,52'€ bruts ;
Et y ajoutant';
Condamne Mme [X] [G] aux dépens d'appel et à verser à Mme [K] [V] la somme de 600'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,