PS/EL
Numéro 22/02708
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 07/07/2022
Dossier : N° RG 20/00550 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQGT
Nature affaire :
Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit
Affaire :
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE SANTE AU TRAVAIL
C/
[J] [K]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 02 Mai 2022, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame SORONDO, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE SANTE AU TRAVAIL
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par de Me DELBERGUE de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME :
Monsieur [J] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 10 JANVIER 2020
rendue par le POLE SOCIAL du Tribunal Judiciaire DE BAYONNE
RG numéro : 19/0274
FAITS ET PROCEDURE
Le 2 novembre 2018, la Carsat Aquitaine a reçu une demande de retraite personnelle souscrite par M. [J] [K], en date du 10 octobre 2018, mentionnant une date de départ en retraite le 1er juillet 2018. Par courrier en date du 7 novembre 2018, elle lui a notifié l'attribution d'une retraite personnelle à compter du 1er décembre 2018.
Par courrier en date du 12 novembre 2018, M. [K] a saisi la commission de recours amiable de la Carsat d'une contestation portant notamment sur la date d'entrée en jouissance de la pension, laquelle a été rejetée par décision du 14 mai 2019 notifiée le 15 mai 2019.
Par courrier reçu le 10 juillet 2019, M. [K] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Bayonne, ensuite devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne, et qui, par jugement du 10 janvier 2020, a :
- dit que la date d'effet de la pension de retraite de M. [J] [K] doit être fixée au 1er juillet 2018,
- condamné en conséquence la Carsat à verser à M. [K] l'arriéré de ses droits à pension depuis le 1er juillet 2018,
- dit que les éventuels dépens seront à la charge de la Carsat.
Ce jugement a été notifié par courrier recommandé réceptionné le 20 janvier 2020 à la Carsat Aquitaine qui en a interjeté appel par courrier réceptionné au greffe de la cour le 18 février 2020.
Selon avis de convocation du 16 novembre 2021, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l'audience du 2 mai 2022 à laquelle elles ont comparu.
PRETENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions visées par le greffe le 15 avril 2022, reprises oralement à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé, la Carsat Aquitaine, appelante, demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- statuer à nouveau,
- dire et juger qu'en fixant au 1er décembre 2018 la date d'entrée en jouissance de la pension de M. [J] [K], la Carsat Aquitaine a fait une juste application de l'article R.351-37 du code de la sécurité sociale,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 14 mai 2019,
- débouter M. [J] [K] de sa demande tendant à solliciter rétroactivement l'entrée en jouissance de sa pension au 1er juillet 2018,
- débouter M. [J] [K] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,
- plus généralement, débouter M. [J] [K] de l'ensemble de ses demandes.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 12 novembre 2021, reprises oralement à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé, M. [J] [K], intimé, demande à la cour de :
- rejeter les prétentions, fins et conclusions de la Carsat,
- confirmer le jugement déféré,
- condamner la Carsat à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Carsat aux entiers dépens d'appel.
SUR QUOI LA COUR
La Carsat fait valoir :
- qu'en application de l'article R.351-37 du code de la sécurité sociale, la date d'effet des pensions ne peut être antérieure au premier jour du mois qui suit le dépôt de la demande ;
- que contrairement aux allégations de M. [K], le courrier en date du 19 juin 2018 de la société [5] qu'il invoque, portait, non demande de liquidation de la retraite, mais demande d'envoi d'un imprimé afin d'établir une telle demande ;
- qu'en application de l'article R.351-34 du code de la sécurité sociale, la demande de retraite doit être déposée par le biais d'un imprimé réglementaire.
M. [K] fait valoir :
- qu'il a présenté une demande de liquidation de ses droits le 19 juin 2018, à la suite de quoi la Carsat lui a adressé un relevé de carrière erroné pour l'année 1999, établi sur la base des DADS de l'employeur ; compte tenu de la période estivale, il a eu des difficultés pour retrouver ses bulletins de paie et rétablir sa rémunération pour 1999 ; son avocat a sollicité la production des DADS par télécopie du 27 septembre 2019 restée sans réponse ; il est anormal de reporter la date d'entrée en jouissance alors que le retard est dû à une erreur de lecture et de report de la Carsat ;
- que les articles R.351-34 et R.351-37 du code de la sécurité sociale ne conditionnent pas la date d'effet des droits à la retraite au dépôt d'un imprimé réglementaire ; suivant un arrêt de la cour de cassation du 30 mars 2017, la date d'entrée en jouissance doit être fixée au regard de la demande de pension (non réglementaire) et non du dépôt de l'imprimé venant régulariser la demande initiale.
Sur ce,
Suivant l'article R.351-54 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, les demandes de liquidation de pension sont adressées à la caisse dans les formes et avec les justifications déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
Selon l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale, chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande (2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-23.346, 2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 16-15.154). Si cette demande peut être régularisée par l'imprimé réglementaire (2e Civ., 30 mars 2017, pourvoi n°16-13.308, Bull. 2017, II, n° 71) et ne saurait en conséquence être subordonnée à son envoi, il importe cependant que celle-ci soit formulée et déposée auprès des services de la caisse. L'entrée en jouissance de la pension ne peut pas être fixée, même à titre de sanction d'un défaut d'information, à une date antérieure à celle du premier jour du mois suivant la date de la réception de la demande de pension (2e Civ., 4 février 2010, pourvoi n° 09-65.079, Bull. 2010, II, n° 27).
En l'espèce, au vu des pièces produites :
- un courrier en date du 19 juin 2018, «'envoyé par fax et par courrier'», a été adressé par la société [5], mandatée par M. [K], à la Carsat, qui l'a reçu, puisqu'elle déclare y avoir donné suite le 26 juin 2018, mais sa date de réception n'est cependant établie par aucun élément ; ce courrier mentionne pour objet «'demande de dossier de liquidation de retraite au 01/07/2018'», et est ainsi rédigé «'M. [K] nous a mandatés pour l'assister dans la reconstitution de sa carrière et pour l'étude de ses futurs droits à la retraite. M. [K] souhaite faire valoir ses droits à la retraite avec effet au 01/07/2018. Nous vous prions de bien vouloir lui adresser les imprimés nécessaires à la constitution du dossier de demande de retraite. Nous vous précisions que M. ne désire pas de rendez-vous et qu'il souhaite recevoir ses imprimés par voie postale'» ;
- d'après les termes de son courrier en date du 12 novembre 2018, et ainsi qu'admis par la Carsat, M. [K] a eu un rendez-vous avec cette dernière le 20 juillet 2018, date à laquelle il lui a été remis un imprimé de demande de retraite personnelle ;
- la caisse a été rendue destinataire de la demande de retraite personnelle souscrite par M. [K] le 2 novembre 2018.
Il ressort de ces éléments que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la Carsat a été destinataire d'une demande d'imprimé de demande de retraite («''demande de dossier de liquidation'»... «lui adresser les'imprimés nécessaires à la constitution du dossier de demande de retraite'»), qui, si elle mentionnait certes le choix d'une date d'entrée en jouissance le 1er juillet 2018, ne s'analyse pas en une demande de retraite, laquelle date du 10 octobre 2018 et a été réceptionnée le 2 novembre 2018.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré.
Sur les autres demandes
M. [K] sera condamné aux entiers dépens et débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne,
Statuant de nouveau,
Rejette la demande de M. [J] [K] tendant à voir fixer au 1er juillet 2018 la date d'entrée en jouissance de la retraite personnelle servie par la Carsat,
Déboute M. [J] [K] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [J] [K] aux entiers dépens.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,