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07/07/2022 | FRANCE | N°19/03798

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 07 juillet 2022, 19/03798


AC/DD



Numéro 22/2727





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 07/07/2022









Dossier : N° RG 19/03798 - N°Portalis DBVV-V-B7D-HN4J





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SASU NEWREST GROUP INTERNATIONAL



C/



[T] [L]















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les ...

AC/DD

Numéro 22/2727

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 07/07/2022

Dossier : N° RG 19/03798 - N°Portalis DBVV-V-B7D-HN4J

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SASU NEWREST GROUP INTERNATIONAL

C/

[T] [L]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 Mars 2022, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller

assistés de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SASU NEWREST GROUP INTERNATIONAL

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU, et Maître FABRE BOUTONNAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [T] [L]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Maître DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 04 NOVEMBRE 2019

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 14/00210

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [L] a été embauché le 2 septembre 2010 en qualité de chef cuisine, pour un poste en rotation sur un rythme de 4 semaines de travail puis de 4 semaines sans travail, suivant lettre d'engagement de la société Newrest Group International précisant qu'un contrat de travail local en droit angolais serait régularisé.

La société Newrest Group International expose qu'un contrat de droit local a été conclu entre M. [T] [L] et la société Newrest Angola le 20 mai 2013.

Les 24 et 26 février 2014, M. [T] [L] a été convoqué à un entretien.

Le 3 mars 2014, une nouvelle affectation lui a été proposée.

Le 7 mars 2014, il a refusé cette nouvelle affectation.

Le 12 mars 2014, la société Newrest Angola l'a licencié pour faute rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Le 21 mai 2014, il a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 20 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment :

- débouté le défendeur de l'exception d'attribution soulevée et dit que c'est bien la loi française qui s'applique,

- débouté le défendeur de l'exception territoriale soulevée et se déclare territorialement compétent pour connaître du litige,

- réservé les dépens.

Le 30 avril 2015, la société Newrest Group International a formé contredit de ce jugement.

Par arrêt du 15 septembre 2016, la cour a notamment :

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence au profit de la Cour de Luanda en Angola soulevée par la société Newrest Group International et s'est déclaré compétent ;

- renvoyé l'affaire et les parties devant le conseil de prud'hommes de Pau pour qu'il soit statué sur les points restant à juger ;

- condamné la société Newrest Group International aux dépens du contredit et à payer à M. [T] [L] un montant de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les motifs de la décision de la cour d'appel, qui a autorité de la chose jugée, sont les suivants :

« Les règles de droit interne ne sont pas applicables pour la détermination de la compétence internationale du juge saisi d'un litige d'ordre international intra-communautaire, soumis aux dispositions du Règlement CE n° 44-2001 entré en vigueur le 1er mars 2002.

En l'espèce et bien que le litige oppose un salarié français domicilié en FRANCE à une société dont le siège se situe en FRANCE, la convention sur laquelle Monsieur [T] [L] fonde sa demande est la lettre d'engagement du 2 septembre 2010 rédigée par la Société NEWREST GROUP INTERNATIONAL stipulant l'exécution du contrat en ANGOLA.

Le lieu d'exécution du travail détermine le caractère international du litige et l'application du Règlement CE n° 44-2001, qui s'impose au juge français au regard :

-de la date de signature du contrat (postérieure à l'entrée en vigueur du règlement)-de son champ matériel d'application.

Or selon l'article 19 de ce Règlement, un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un État membre, peut être attrait devant les tribunaux de l'État membre où il a son domicile soit en l'occurrence devant les juridictions françaises.

Il en découle que, la Société NEWREST GROUP INTERNATIONAL dont le siège est situé en France, ayant été attraite devant une juridiction de l'Etat où se situe son siège social, n'est pas fondée à invoquer la compétence spéciale du lieu d'exécution du contrat de travail pour revendiquer la compétence du tribunal de LUANDA.

Elle ne l'est pas davantage à se prévaloir, pour contester la compétence de la juridiction saisie, du contrat de travail liant prétendument Monsieur [T] [L] à la SA NEWREST ANGOLA et de la qualité prétendue de cette société africaine d'employeur exclusif de Monsieur [T] [L] alors que l'objet du litige se limite à la portée de la lettre d'engagement du 2 septembre 2010, entre Monsieur [T] [L] et la Société NEWREST GROUP INTERNATIONAL, la SA NEWREST ANGOLA n'étant pas même partie à la procédure.

La question de l'existence ou non d'un contrat de travail, entre Monsieur [T] [L] et la Société NEWREST GROUP INTERNATIONAL, qui relève des attributions du conseil de prud'hommes, est en conséquence une question de fond qui détermine le succès ou le rejet des prétentions du demandeur et non une question préalable à la détermination de la compétence de la juridiction saisie.

Le « domicile » de l'employeur déterminant seulement, au sens du Règlement CE n° 44-2001, les tribunaux de l'Etat membre devant lesquelles il peut être attrait (article 19 : Un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un État membre peut être attrait : 1) devant les tribunaux de l'État membre où il a son domicile, ou (...)') il y a lieu de faire application des règles du droit interne pour déterminer au sein de l'Etat membre où se situe le domicile de l'employeur, la juridiction précisément compétente pour statuer sur le litige.

En l'occurrence, lorsque le travail est comme en l'espèce, accompli « en dehors de toute entreprise ou établissement »,  l'article R. 1412-1 du code du travail ouvre une option au salarié au profit, notamment de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé son domicile. Il y a donc lieu de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté l'exception de compétence au profit de la Cour de LUANDA en ANGOLA, s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige et de renvoyer l'affaire et les parties devant le conseil de prud'hommes de PAU sur les points restant à juger ».

Par jugement du 4 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment :

- dit que l'employeur de M. [T] [L], est la société Newrest Group International sise et immatriculée au RCS de Toulouse,

- constaté le défaut de qualité de la société Newrest Angola pour prononcer le licenciement de M. [T] [L] salarié de la société Newrest Group International,

- dit et jugé que le licenciement prononcé à rencontre de M. [T] [L] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, faute de qualité pour agir du signataire de la lettre de licenciement,

- dit et jugé que la procédure de licenciement est irrégulière,

- condamné en conséquence la société Newrest Group International à verser à M. [T] [L] les sommes de :

* 3 166 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'entretien préalable à sanction disciplinaire,

* 2 374,50 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 20 000 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi selon l'article L. l235-3 du code du travail,

- ordonné à la société Newrest Group International de rembourser à Pôle emploi un mois d'allocations de chômage versées M. [T] [L] en application de l'article L. l235-4 du code du travail,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les condamnations de remise de documents que l'employeur est tenu de délivrer et celles en paiement de créances salariales ou assimilées dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (article R. 1454-28 du code du travail),

- dit qu'il y a lieu de l'accorder pour le surplus,

- dit que le salaire brut moyen de M. [T] [L] s'élève à 3 166 €,

- dit que les sommes allouées à M. [T] [L], porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en Justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 26 mai 2014) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts,

- débouté les parties des autres demandes,

- condamné la société Newrest Group International à payer à M. [T] [L] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Newrest Group International aux dépens d'instance et frais éventuels d'exécution.

Le 4 décembre 2019, la société Newrest Group International a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 23 décembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Newrest Group International demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- en conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter M. [T] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- dire et juger qu'elle n'était pas l'employeur de M. [T] [L], qu'il n'y a pas contrat de travail entre les deux parties, aucune preuve n'étant rapportée de l'existence d'un lien de subordination,

- en toute hypothèse, constater que le lieu d'exécution du contrat était en Angola,

- en conséquence, déclarer le droit du travail français inapplicable, au profit de la loi angolaise,

- débouter l'intimé de sa demande subsidiaire à son encontre en la déclarant irrecevable et en tout cas infondée,

- constater l'absence de mise en cause par l'intimé de la société Newrest Angola,

- à titre infiniment subsidiaire, constater que la rupture du contrat de travail de M. [T] [L] est régulière et fondée sur une cause réelle et sérieuse,

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [T] [L] à ce titre, dont la demande incidente de dommages intérêts, aussi injustifiée qu'infondée,

- le condamner à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de 1ère instance et d'appel,

- le condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 29 mai 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [T] [L] demande à la cour de :

- confirmant le jugement entrepris et, à titre principal,

- dire et juger que son employeur est la société Newrest Group International sise et immatriculée au RCS de Toulouse,

- constater le défaut de qualité de la société Newrest Angola pour prononcer son licenciement en sa qualité de salarié de la société Newrest Group International,

- en conséquence :

- dire et juger le licenciement prononcé dépourvu de toute cause réelle et sérieuse faute de qualité pour agir du signataire de la lettre de licenciement,

- à titre infiniment subsidiaire dans l'hypothèse où la cour par extraordinaire considérerait que le licenciement a été décidé et notifié valablement par la société Newrest Angola,

- dire et juger le licenciement prononcé abusif en ce qu'il est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

- en tout état de cause et par confirmation,

- dire et juger la procédure de licenciement irrégulière en ce qu'aucun entretien préalable à une sanction disciplinaire n'a été organisé par l'employeur,

- condamner en conséquence la société Newrest Group International au paiement d'une somme de 3 166 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'entretien préalable à sanction disciplinaire,

- dire et juger que la procédure de licenciement est irrégulière en ce que l'employeur n'a pas respecté le délai légal entre la convocation à l'entretien et la date de l'entretien,

- condamner en conséquence la société Newrest Group International au paiement d'une somme de 3 166 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'entretien préalable à sanction disciplinaire,

- condamner société Newrest Group International au paiement des sommes suivantes :

* 2 374,50 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- dire que les sommes qui lui seront allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts,

- y rajoutant :

- condamner société Newrest Group International au paiement de la somme de 57 000 € (18 mois) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif du licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 (ancien) du code du travail,

- dire et juger qu'il y a lieu à l'application la plus large (6 mois) des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

- condamner la société Newrest Group International à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance y compris ceux les éventuels frais d'exécution forcée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un contrat de travail entre M. [L] et la société Newrest Group International

Attendu que la cour d'appel de Pau, par arrêt en date du 15 septembre 2016, a :

-confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 20 avril 2015 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence au profit de la Cour de Luanda en Angola soulevée par la Société Newrest Group International et s'est déclaré compétent ;

-renvoyé l'affaire et les parties devant le conseil de prud'hommes de PAU pour qu'il soit statué sur les points restant à juger ;

Que contrairement aux dires du conseil de prud'hommes la question de la loi applicable au fond du litige n'a pas été tranchée par la cour d'appel qui s'est contentée de statuer, dans son dispositif, sur la seule compétence territoriale ;

Attendu qu'il convient de relever que la société Newrest Group International, dans ses écritures, conclut, concernant l'existence d'un contrat de travail, en vertu des dispositions de la loi française et en particulier en invoquant l'application de l'article 1315 ancien du code civil ;

Attendu que sur ce point aucune des parties ne discute l'application de la loi française ;

Attendu qu'il résulte de l'article L.1221-1 du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Que l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui revendique la qualité de salarié ;

Attendu qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence ;

Que toutefois, en présence d'un contrat de travail apparent, c'est à celui qui en conteste l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ;

Attendu que M. [L] produit au dossier, à l'appui de sa demande tendant à voir juger l'existence d'un contrat de travail le liant à la société Newrest Group International les éléments suivants :

une lettre d'engagement en date du 2 septembre 2010 libellée comme suit « pour faire suite à nos différents échanges, nous avons le plaisir de vous confirmer notre proposition d'intégration au sein de nos équipes au poste de chef cuisine affecté à l'exécution du contrat sur la barge African Lifter.

Les différents éléments financiers et avantages liés à vos fonctions sont :

-pays : Angola ; Luanda ;

-contrat : local angolais avec une période d'essai de 3 mois renouvelable ;

-poste en rotation 4 semaines on et 4 semaines off ;

-salaire annuel brut : 50 400 dollars, bonus mensuel brut sur les périodes travaillées : 0 à 500 dollars en fonction des performances et de la satisfaction  ;

-prise en charge de l'assurance rapatriement sanitaire, du logement et de la nourriture pendant les semaines on, des billets aller-retour dans le cadre de la rotation, de la protection frais médicaux à hauteur de 50%, d'une partie des contributions aux différentes caisses d'assurance vieillesse française-CFE, retraite complémentaire selon votre choix ;

-date de prise de fonction : au plus tôt après obtention de votre visa ».

Il convient de relever que ce document a été signé par M. [L] dès le 5 septembre 2010 avec la mention « bon pour accord ».

Ce courrier d'engagement, extrêmement précis quant à l'affectation, la rémunération, les conditions de prise en charge  constitue bien une promesse d'embauche validée en toutes ses conditions par le salarié ;

un projet de contrat élaboré par la SA Newrest Angola en date du 20 mai 2013

non signé par le salarié ;

l'ensemble des bulletins de salaire à entête de la société Newrest Angola ;

un grand nombre de courriers de l'organisme bancaire de M. [L] mentionnant « nous vous informons avoir reçu en votre faveur d'ordre Newrest Group International, [Adresse 3] par l'intermédiaire de la BNP Paribas USA, New York une somme... ».

Le comparatif entre les sommes reçues sur le compte de M. [L] et les bulletins de salaire édités correspond au montant du salaire perçu en rémunération du travail accompli ;

Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments il existe bien un contrat apparent liant les parties ;

Attendu que dans ces conditions c'est à la société Newrest Group International de prouver le caractère fictif de ce contrat ;

Attendu que la société Newrest Group International ne produit aucun contrat signé entre la SAS Newrest Angola, mais seulement une copie de contrat daté du 20 mai 2013 ;

Attendu que ce contrat comporte un certain nombre d'erreurs, notamment quant à la domiciliation de M. [L] située à [Localité 6] ;

Attendu qu'il convient également de se questionner sur le fait que ce contrat non signé est à durée déterminée de 12 mois en qualité de technicien supérieur d'hôtellerie pour fournir des services entre Total & P. Angola et l'entreprise contractante ;

Que de la même façon :

si le traitement brut est identique, M. [L] ne bénéficie plus de bonus mensuel (alors même que les bulletins de salaire de toute la relation contractuelle mentionnent le versement de ce bonus) ;

il n'est nullement prévu de travail en rotation mais d'une durée hebdomadaire de travail de 44 heures ;

aucune mention ne figure sur l'assurance maladie et retraite alors même que les bulletins de salaire de toute la relation contractuelle mentionnent ces éléments ;  

Attendu que l'appelant produit également au dossier un certain nombre de courriels évoquant que les fonctions occupées par M. [L] laissaient à désirer en 2014 (lors de l'exercice de ses fonctions au sein du navire de Bourbon Sainte Hélène) ainsi qu'une lettre de licenciement émanant de la SA Newrest Angola faisant état de ces manquements ;

Que cependant ces seuls éléments sont totalement insuffisants pour établir le caractère fictif du contrat de travail apparent existant entre M. [L] et la société Newrest Group International ;

Attendu que les pièces produites par l'appelant mettent en lumière que la société Newrest Group International est demeurée juridiquement l'employeur de M. [L], salarié mis à disposition au service de la Newrest Angola, entreprise utilisatrice ;

Qu'au vu des pièces du dossier (lettre d'embauche, fiches de salaire et virement des sommes au titre des rémunérations) c'est bien la société Newrest Group International qui a assuré sa protection sociale et sa rémunération ;

Attendu que c'est donc par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que l'employeur de M. [T] [L], est la société Newrest Group International sise et immatriculée au RCS de Toulouse ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la loi applicable

Attendu que la cour d'appel de Pau, par arrêt en date du 15 septembre 2016, a :

-confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 20 avril 2015 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence au profit de la Cour de Luanda en Angola soulevée par la Société Newrest Group International et s'est déclaré compétent ;

-renvoyé l'affaire et les parties devant le conseil de prud'hommes de PAU pour qu'il soit statué sur les points restant à juger ;

Que contrairement aux dires du conseil de prud'hommes la question de la loi applicable au fond du litige n'a pas été tranchée par la cour d'appel qui s'est contentée de statuer, dans son dispositif, sur la seule compétence territoriale ;

Attendu qu'aux termes de l'article 8 du règlement CE n° 593-2008 dit Rome 1 du 17 juin 2008 le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l'article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article ;

Qu'à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou à défaut, à partir duquel, le travailleur, en application du contrat, accomplit habituellement son travail ;

Que si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur ;

Que s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, alors, la loi de cet autre pays s'applique ;

Attendu qu'en l'espèce, la société appelante entend se prévaloir d'une clause de la lettre d'engagement du 2 septembre 2010 suivant laquelle « un contrat local angolais avec une période d'essai de 3 mois renouvelable » serait conclu ;

Que toutefois aucun contrat angolais n'a jamais été conclu avec M. [L] comme prévu dans la lettre d'engagement ;

Attendu qu'il n'existe donc pas d'accord des parties pour soumettre leurs différends à la loi angolaise ;

Attendu que, par ailleurs, le contrat de travail a été signé en France le 05 septembre 2010, la société Newrest Group International a joué un rôle déterminant dans l'embauche du salarié en effectuant toutes les démarches préalables à cette signature.

Que le contrat de travail a été élaboré par les instances du siège social de [Localité 7] et les rémunérations et la protection sociale ont été réalisées par la société Newrest Group International ;

Que ce contrat présente donc des liens plus étroits avec la France qu'avec l'Angola où le salarié a accompli habituellement son travail ;

Attendu que par ailleurs l'appelant se prévaut des dispositions de l'article 5 du code du travail maritime et d'un arrêt de la cour de cassation de 1993 ;

Que cependant ces dispositions, à supposer qu'elles soient applicables au présent litige (en l'absence de tout élément au dossier de l'employeur sur la nature des activités du navire mentionné dans le contrat de travail), permettent aux parties de choisir la loi applicable au contrat de travail ;

Qu'ainsi qu'il a été dit plus haut que les parties n'ont pas choisi de loi applicable au contrat de travail, ni explicitement, ni implicitement ;

Attendu en conséquence qu'en vertu des alinéas 3 et 4 de l'article 8 du règlement CE n° 593-2008 du 17 juin 2008 sus-énoncés, la loi française doit donc s'appliquer dans les relations entre M. [L] et la société Newrest Group International en ce qui concerne la rupture du contrat de travail ;

Sur le licenciement

Attendu que conformément à l'article L.1232-6 du code du travail lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ;

Attendu qu'il ressort de la lecture attentive de la lettre de licenciement adressée à M. [L] qu'elle émane de la SA Newrest Angola, le signataire de celle-ci étant le directeur général de la société ;

Que le licenciement de M. [L] a donc été prononcé par une personne morale qui n'était pas l'employeur du salarié ;

Attendu qu'il ressort d'un document produit par le salarié que la SA Newrest Angola constitue une filiale du groupe Newrest et possède donc une personnalité juridique autonome de la société Newrest Group International ;

Attendu que faute pour M. [L] d'avoir été licencié par la seule personne morale compétente, soit la société Newrest Group International, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

-Sur l'indemnité de licenciement

Attendu que les premiers juges, au vu des pièces salariales du dossier et de l'ancienneté du salarié, a fait une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce ;

Que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Newrest Group International à payer à M. [L] la somme de 2 374,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

-sur l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement

Attendu que M. [L] justifie aux débats, sans que ces pièces ne soient contredites par d'autres éléments du dossier, qu'il a été convoqué par mail le 24 février 2014 pour un entretien devant se dérouler le lendemain ;

Que cette convocation avait pour but de proposer une réaffectation sur un autre site (base Sonils), comme le démontre le courriel en date du 3 mars 2014 émanant de M. [P] ;

Attendu que la lettre de licenciement du 11 mars 2014 est intervenue sans que M. [L] ne soit convoqué à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement ;

Que le salarié n'a donc pu aucunement faire valoir ses droits dans la procédure de licenciement, ni être assisté de la personne de son choix ;

Attendu que c'est donc par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité ;

Attendu que le non respect des dispositions des articles L.1232-2 et suivants du code du travail s'il peut causer un préjudice à M. [L] se doit d'être indemnisé dans le cadre du caractère abusif du licenciement ;

Que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point, le salarié devant être débouté de sa demande distincte de ce chef ;

-sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Attendu que c'est l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce qui doit trouver application ;

Qu'en effet M. [L] avait plus de deux ans d'ancienneté et la société Newrest Group International comprenait, au moment du licenciement, plus de 11 salariés ;

Attendu que compte tenu de son âge, de sa situation sociale et de famille justifiée au dossier, de sa perspective de retrouver un emploi, il y a lieu d'allouer à M. [L] la somme de 26 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Que le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail que lorsque le juge condamne l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du même code, il ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limité de six mois d'indemnités de chômage ;

Qu'il résulte des mêmes dispositions que lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le juge doit ordonner ce remboursement d'office, sans pour autant liquider le montant de la créance de l'organisme intéressé, dès lors que celle-ci n'est pas connue ;

Attendu qu'il convient de condamner l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les sommes dues à ce titre, dans la limite de un mois d'indemnités ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur les intérêts

Attendu que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que la société Newrest Group International, qui succombe, doit supporter les entiers dépens y compris ceux de première instance ;

Attendu que l'équité commande de condamner la société Newrest Group International à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 4 novembre 2019 sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédure irrégulière ;

Et statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

DIT que la loi française est applicable au contrat de travail ;

CONDAMNE la SASU Newrest Group International à payer à M. [T] [L] la somme de 26 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE M. [T] [L] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

CONDAMNE la SASU Newrest Group International aux dépens d'appel et à payer à M. [T] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03798
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.03798 ?
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