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07/07/2022 | FRANCE | N°19/02391

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 07 juillet 2022, 19/02391


AC/DD



Numéro 22/2717





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 07/07/2022







Dossier : N° RG 19/02391 - N°Portalis DBVV-V-B7D-HKBP





Nature affaire :



Demande de requalification du contrat de travail









Affaire :



[C] [V]



C/



Association CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA),

Société LA BIGOUDENE M. [R],

S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES


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Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Juillet 2022, les parties en ayant été préalabl...

AC/DD

Numéro 22/2717

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 07/07/2022

Dossier : N° RG 19/02391 - N°Portalis DBVV-V-B7D-HKBP

Nature affaire :

Demande de requalification du contrat de travail

Affaire :

[C] [V]

C/

Association CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA),

Société LA BIGOUDENE M. [R],

S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 23 Mai 2022, devant :

Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame NICOLAS, Conseiller

Madame SORONDO,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [C] [V]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Maître SANCHEZ de la SELARL JURIDIAL, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉES :

Monsieur [R] [J] - Société La BIGOUDENE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me RODON, avocat au barreau de Pau

S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES es qualité de Liquidateur Judiciaire de Monsieur [R] exerçant sous l'enseigne LA BIGOUDENE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Non représentée

CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non représentée

sur appel de la décision

en date du 12 JUIN 2019

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT-DE-MARSAN

RG numéro : 18/00119

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [V] a été embauché le 9 janvier 2018 par M. [J] [R] en qualité de serveur, suivant contrat à durée déterminée régi par la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Des bulletins de paie ont été établis dans le cadre du dispositif titre emploi service entreprise.

Le 28 avril 2018, les parties ont résilié d'un commun accord le contrat de travail.

Le 8 novembre 2018, M. [C] [V] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 12 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan a notamment':

- débouté M. [C] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté M. [J] [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [C] [V] aux dépens.

Le 16 juillet 2019, M. [C] [V] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Par jugement du 7 février 2020, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a placé M. [J] [R] en liquidation judiciaire.

Les 12 et 13 janvier 2022, M. [C] [V] a assigné en intervention forcée l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 5] et la Selas Guerin et associées, ès qualités.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 mars 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [C] [V] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié la relation contractuelle entre les parties de contrat à durée indéterminée,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau,

- constater que M. [J] [R] n'a pas respecté les dispositions légales en vigueur en matière de TESE (article L. 1273-5, R. 1221-5, D. 1273-3 et D. 1273-4 du code du travail) lors de son embauche,

- ordonner la requalification de la relation contractuelle à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- qualifier la rupture du contrat de travail de M. [C] [V], de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence,

- ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de M. [J] [R] des sommes suivantes à son bénéfice :

* au titre de l'indemnité de requalification la somme de 1'189 €,

* au titre de son préjudice matériel la somme de 4'756 €,

* au titre de son préjudice moral la somme de 2'000'€,

* au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 1 189 €,

* au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis la somme de 119'€,

* au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3'500 €,

- ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de M. [J] [R] des entiers dépens,

- débouter M. [J] [R] de sa demande de le condamner à lui régler la somme de 2'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que le jugement à intervenir sera opposable à l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 5].

Le CGEA et la SELAS Guerin n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée

En application des articles

- L. 1242-12, alinéa premier, du code du travail':

Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

- L. 1242-13 du même code':

Le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche.

- L. 1245-1 du même code':

Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

- L. 1273-5 du même code':

L'employeur qui utilise le " Titre Emploi-Service Entreprise " est réputé satisfaire, par la remise au salarié et l'envoi à l'organisme habilité des éléments du titre emploi qui leur sont respectivement destinés, aux formalités suivantes :

1° Les règles d'établissement du contrat de travail, dans les conditions prévues par l'article L. 1221-1 ;

2° La déclaration préalable à l'embauche prévue par l'article L. 1221-10 ;

3° La délivrance d'un certificat de travail prévue à l'article L. 1234-19 ;

4° L'établissement d'un contrat de travail écrit, l'inscription des mentions obligatoires et la transmission du contrat au salarié, prévus aux articles L. 1242-12 et L. 1242-13 pour les contrats de travail à durée déterminée ;

5° L'établissement d'un contrat de travail écrit et l'inscription des mentions obligatoires, prévus à l'article L. 3123-6, pour les contrats de travail à temps partiel.

- D. 1273-3 du même code':

Préalablement à l'utilisation du titre emploi-service entreprise, l'employeur remplit un volet d'identification du salarié, délivré par le centre national de traitement compétent pour le secteur professionnel auquel il appartient, et le renvoi à ce centre dans le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 1221-5 du code du travail.

Le volet d'identification du salarié comporte les mentions suivantes :

1° Mentions relatives au salarié prévues aux 2° et 3° de l'article R. 1221-1, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Mentions relatives à l'emploi :

a) La nature du contrat de travail : contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée, avec, dans ce cas, indication du motif de recours et de la date de fin de contrat ;

b) La durée du travail ;

c) La durée de la période d'essai ;

d) La catégorie d'emploi, la nature de l'emploi et, le cas échéant, le niveau d'emploi (niveau hiérarchique et coefficient) ;

e) L'intitulé de la convention collective applicable, le cas échéant ;

f) Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris, s'il en existe, les primes et accessoires de salaire ;

g) Les particularités du contrat de travail s'il y a lieu ;

h) Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles si plusieurs taux sont applicables dans l'établissement ;

i) La pratique éventuelle d'un abattement sur l'assiette ou le taux des cotisations ;

j) Le taux de cotisation pour la prévoyance, s'il est spécifique au salarié ;

k) L'assujettissement au versement de transport s'il y a lieu ;

l) L'indication, le cas échéant, d'une première embauche dans l'établissement ;

3° Signature de l'employeur et du salarié.

- L. 1245-2 du même code':

Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié tendant à ce que son contrat de travail soit requalifié en un contrat à durée indéterminée, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Il résulte des articles L. 1242-12, L. 1273-5 et D. 1273-3 du code du travail que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée. Il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

En l'espèce, le volet d'identification prévoyant que le contrat de travail est à durée déterminée n'est pas signé par M. [C] [V] et aucun autre contrat de travail n'est versé aux débats. Il n'est en outre ni soutenu ni établit que M. [C] [V] a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

En conséquence il convient de requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et d'inscrire au passif de M. [J] [R] la somme de 1'189'€ à titre d'indemnité de requalification.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture du contrat de travail est soumise aux seules règles applicables aux contrats de travail à durée indéterminée.

En application des articles':

- L. 1231-1 du code du travail':

Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.

- L. 1237-11 du même code':

L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. ;

Il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second relatif à la rupture conventionnelle. À défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail':

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

Ancienneté du salarié dans l'entreprise

(en années complètes)

Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)

Indemnité maximale

(en mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

En l'espèce, le contrat de travail a été rompu par l'effet de la conclusion d'une convention de rupture amiable sans que la procédure prévue par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail n'ait été respectée.

En conséquence, la rupture intervenue le 28 avril 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de la réparation du préjudice subi, M. [C] [V] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe ni de la brutalité des circonstances de la rupture ni de son préjudice distinct de celui découlant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il ne peut dès lors prétendre qu'à une indemnisation unique au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de sa rémunération mensuelle brute de 1'198,14'€, à laquelle s'ajoutent des avantages en nature dont le montant est variable et dont le contenu n'est précisé ni par les pièces versées aux débats ni par les conclusions du salarié, de son ancienneté de moins de 4 mois, de sa situation de recherche d'emploi justifiée pour les périodes du 5 décembre au 4 février 2019 et d'août 2019, il convient d'inscrire au passif de M. [J] [R] la somme de 1'198,14'€ à titre de dommages et intérêts.

Il convient également de fixer au passif les créances suivantes dont le quantum n'est pas contesté': 1'189'€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 118,9'€ au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ces points.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de la présente instance seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau et y ajoutant';

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée';

Dit que la rupture amiable s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse';

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 5] dans la limite légale de sa garantie';

Fixe au passif de M. [J] [R] les créances suivantes de M. [C] [V]':

- 1'189'€ à titre d'indemnité de requalification,

- 1'189'€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 118,9'€ au titre des congés payés y afférents,

- 1'198,14'€ au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les entiers dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02391
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.02391 ?
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