PS/CD
Numéro 22/02577
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 28/06/2022
Dossier : N° RG 19/00976 -
N° Portalis DBVV-V-B7D-
HGM2
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
[P] [M],
[Z] [I]
épouse [M]
C/
[K] [C],
[D] [R],
SARL MINVIELLE ET CIE,
SA MAAF ASSURANCES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Mai 2022, devant :
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère faisant fonction de Présidente et Monsieur SERNY, Magistrat honoraire qui a fait le rapport,
assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière, présente à l'appel des causes,
Madame ROSA-SCHALL, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur SERNY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DUCHAC, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [P] [M]
né le 26 juillet 1971 à Dublin
1 Impasse Abadie
64420 ESPOEY
Madame [Z] [I] épouse [M]
née le 19 août 1971 à Dublin
1 Impasse Abadie
64420 ESPOEY
Représentés et assistés de Maître MARBOT, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [K] [C]
exerçant sous forme d'entreprise en nom personnel et sous l'enseigne entreprise [C]
1695 chemin du Bois
64530 GER
Représenté et assisté de Maître LEPLAT de la SELARL J & LAW, avocat au barreau de PAU
Monsieur [D] [R]
de nationalité Française
145 Boulevard du Cami Salié
64000 PAU
Représenté et assisté de Maître PENEAU de la SCP PENEAU-DESCOUBES PENEAU, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
SARL MINVIELLE ET CIE
2 rue du Couchant
64530 BARZUN
Représentée et assistée de Maître SIMOES de la SELARL LEXEO CONSEIL, avocat au barreau de PAU
SA MAAF ASSURANCES ès qualités d'assureur de la société MINVIELLE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Chaban
79180 CHAURAY
Représentée et assistée de Maître CORBINEAU de la SELARL INTERBARREAUX GARDACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 15 FEVRIER 2019
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
RG numéro : 16/01874
Vu l'acte d'appel initial du 21 mars 2019 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle ;
Vu le rapport d'expertise déposé le 10 avril 2015 par [W] [U], expert judiciaire désigné par une première ordonnance de référé du 30 janvier 2013 ;
Vu le jugement dont appel rendu le 15 février 2019 par le tribunal de grande instance de Pau qui a débouté les époux [M] de leur action en responsabilité civile décennale et réparation de désordres de l'immeuble d'habitation qu'ils occupent, qu'ils avaient acquis des époux [G] en 2009 ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 septembre 2019 par [K] [C] qui conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à une limitation de sa responsabilité à 10 % du montant des dommages, et qui sollicite 2.000 € en compensation de frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 décembre 2019 par les époux [M] qui poursuivent l'infirmation du jugement pour obtenir des indemnités réparant leur préjudice matériel, en augmentation par rapport à l'évaluation de l'expert, ainsi que leurs préjudices immatériels et moraux ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2020 par [D] [R] qui conclut :
- à titre principal, à la confirmation du jugement et au paiement de 3.000 € en compensation de frais irrépétibles, et ce en fixant au besoin la date de la réception au 24 juillet 2009 date à laquelle le vice était apparent,
- subsidiairement, à une répartition des responsabilités à hauteur de 85 % pour l'entreprise [C] et de 15 % pour lui-même ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 septembre 2019 par la SARL MINVIELLE qui poursuit la confirmation du jugement outre paiement de 3.000 € en compensation de frais irrépétibles, et à titre subsidiaire, à la limitation du montant des indemnités réclamées ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 octobre 2021 par la société MAAF, assureur de la SARL MINVIELLE qui poursuit la confirmation du jugement outre paiement de 5.000 € en compensation de frais irrépétibles, et à titre subsidiaire à la limitation du montant de la réparation au montant retenu par l'expert, à l'exclusion des autres préjudices ;
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 06 avril 2022 ;
Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.
MOTIFS
Les faits
Selon acte authentique du 05 août 2009 ayant été précédé par un acte sous seing privé du mois de mars 2009, les époux [M] ont acquis des époux [G] l'immeuble d'habitation que ces derniers avaient fait construire sous la maîtrise d'oeuvre de l'architecte [D] [R] en concluant des marchés de travaux avec l'entreprise en nom personnel de [K] [C] et avec la SARL MINVIELLE, assurée par la MAAF.
Selon les énonciations de cet acte authentique,
- le bien a été construit après délivrance d'un permis de construire du 10 avril 2001 portant la référence PC6421601Y1005 délivré par la commune d'Espoey, où il se situe,
- la déclaration administrative d'achèvement des travaux est intervenue le 24 juillet 2009 immédiatement avant sa revente,
- les vendeurs, qui ont la qualité de constructeurs au sens de l'article 1792 du code civil et sont débiteurs de la garantie décennale, ont déclaré ne pas avoir souscrit d'assurance dommages-ouvrage,
- les acquéreurs en ont pris acte mais ont obtenu la liste des autres constructeurs ayant passé contrat avec les vendeurs maîtres de l'ouvrage.
Dès avant la vente, les acquéreurs ont constaté des défauts de l'immeuble en constatant de l'humidité en sous-sol et une fuite d'eau sur la descente des eaux pluviales en façade. Ils n'ont pas rechercher la responsabilité décennale de leurs vendeurs.
Sur la responsabilité des constructeurs
A) le caractère inopérant des motifs du jugement et le moyen d'irrecevabilité soulevé à raison du caractère prétendument nouveau d'un débat sur la réception
Les vendeurs ne sont pas dans le procès ; le litige porte uniquement sur la responsabilité des constructeurs dont le régime dépend, selon leur nature et leur caractère apparent ou caché, de l'existence d'une réception ; la responsabilité décennale invoquée devant le premier juge exigeant que soit caractérisés une réception et un vice caché.
Expressément saisi sur le fondement de l'article 1792 du code civil, le premier juge devait nécessairement rechercher les éléments de fait pouvant caractériser une réception et un vice caché au moment d'une réception sur l'existence de laquelle il devait statuer ; et c'est à tort qu'il a refusé de déterminer le régime de responsabilité au motif que les parties ne développaient pas d'argumentation particulière sur ce point, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 26 du code de procédure civile ; à partir de données de fait versées au débat, il devait soit se prononcer positivement ou négativement sur l'existence ou non d'une réception, soit de rouvrir les débats pour poser la question d'une réception judiciaire.
Le jugement doit être infirmé et il sera statué à nouveau.
Comme le débat sur l'existence d'une réception était donc implicitement contenu dans les moyens soumis au premier juge, l'argumentation désormais explicitement développée sur ce point précis par les mêmes parties ne relève pas d'une demande nouvelle en appel ; les conclusions d'irrecevabilité prises en ce sens sont juridiquement inopérantes.
B) sur l'existence d'une réception et sur le régime de responsabilité applicable
L'assignation aux fins d'expertise ayant saisi le juge des référés a été délivrée à [K] [C] et à la SARL MINVIELLE entre les 06 et 08 novembre 2012, au contradictoire des vendeurs et d'autres constructeurs, mais non au contradictoire de l'architecte qui n'a été attrait aux opérations d'expertise qu'à la suite d'une assignation délivrée le 14 mai 2014.
[K] [C] expose que les travaux en cause qu'il a réalisés (décapage chemin d'accès, fourniture gravier, fouilles pour garage, fouilles pour mur de clôture, pose de buses et nivellement du sol) ont été facturés le 30 juin 2003 au prix de 4.066,40 € et concernent une opération de rehaussement du sol autour de l'immeuble encore en construction.
L'architecte [D] [R] a mis fin au contrat initialement signé le 17 juillet 2002, après avoir émis 7 notes d'honoraires, la dernière étant émise le 13 décembre 2005 pour un montant de 9.500 € HT représentant la quasi-totalité des honoraires forfaitairement convenus de 9.755 € HT, soit 11.666,98 € TTC. Ses propres pièces mentionnent qu'il a perçu 8.000 € HT d'honoraires sur le total facturé. Le contrat ne mentionne pas le détail des missions convenues ni le montant total des travaux ayant permis de fixer le montant des honoraires, mais précise que l'objet de l'opération est la construction d'une maison d'habitation, ce dont il se déduit que la valeur des travaux doit être présumée avoir été supérieur à 120.000 € quand on relève, par ailleurs, que l'architecte n'avait pas eu pour mission de déposer la demande de permis de construire.
De l'examen des dates de ces pièces, il se déduit que l'interruption du délai décennal par les assignations en référé est intervenue depuis moins de 10 ans après la réception des travaux litigieux qui ne peut être située antérieurement à la date du 13 décembre 2005, date d'émission de la dernière note de l'architecte ; aucune réception ne peut être en effet présumée être tacitement intervenue à cette date.
En droit, la date de déclaration d'achèvement des travaux n'est pas nécessairement indicative de la date de la réception qui marque l'achèvement du contrat et le point de départ des régimes de responsabilités légales des constructeurs. Elle peut n'être qu'une régularisation administrative intervenant tardivement après la cessation des relations contractuelles résultant soit d'une résiliation, soit d'une réception, étant précisé que ces deux notions ne sont pas exclusives l'une de l'autre quand l'ouvrage réalisé est suffisamment avancé pour être utilisé conformément à sa destination. A défaut d'écrit, il convient d'analyser les conditions dans lesquelles se sont achevés les contrats d'entreprise et d'architecte et les conditions d'occupation de l'immeuble par les vendeurs.
Tel est le cas en l'espèce, il y a eu occupation de l'immeuble par les vendeurs bien avant la vente aux époux [M]. Les entreprises dont la responsabilité est recherchée ne font état d'aucun refus des époux [G], maître de l'ouvrage, de prendre possession de l'immeuble. Il y a donc bien eu une réception tacite avant la vente à une date non précisée qui doit être fixée en considération des éléments de faits versés au débat. On relève :
- Le fait pour les vendeurs d'avoir régularisé la situation administrative en sollicitant une déclaration de conformité avant la vente prouve qu'ils avaient accepté d'occuper l'immeuble et donc procédé à une réception tacite de ce dernier.
- L'émission par l'architecte de factures pour un montant cumulé atteignant la quasi-totalité des honoraires convenus en 2002 pour la construction de la maison d'habitation ; cela constitue une présomption prouvant que l'immeuble avait atteint un stade suffisamment avancé pour être utilisé conformément à sa destination ; en entrant dans les lieux, fut-ce postérieurement, les maîtres de l'ouvrage ont tacitement procédé à une réception tacite de l'immeuble à cette période. La date peut en être fixée au 1er janvier 2006 quand bien même ils n'auraient pas payer l'architecte qui a cessé ses services.
Résiliation d'un contrat d'architecte et la réception de l'ouvrage ne sont pas juridiquement incompatibles ; en l'espèce, l'architecte fait certes valoir qu'il n'a pas achevé son contrat pour ne pas avoir été payé de tous les honoraires qu'il réclamait, sa dernière facture du 13 décembre 2005 n'ayant pas été payée ; comme le document démontre qu'il a exécuté la quasi-totalité de son contrat, et que le maître de l'ouvrage, en occupant les lieux, a accepté ce qui avait été réalisé sans jamais avoir signalé ni sur le moment ni après des inexécutions incompatibles avec l'utilisation de l'immeuble, la résiliation du contrat d'architecte en toute fin d'exécution de ses obligations ne démontre pas l'absence de réception ; il n'est fait état d'aucun élément qui renverse les présomptions de fait permettant à la cour de situer la réception à tacite à la date retenue.
La réception judiciaire est hors de droit car la réception tacite est démontrée ; la date en a également été également fixée.
C) sur la nature des désordres et leur régime de responsabilité applicable
L'article 1792 du code civil dispose que 'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
L'expert judiciaire mentionne deux désordres comme causes des infiltrations d'eau.
1) l'inefficacité de l'étanchéité des murs extérieurs - caractère décennal de ce vice - son imputabilité
La maison dispose d'un sous-sol enterré et d'un vide sanitaire ; les normes prévoient la mise en place d'une imperméabilisation des sols avec un système de protection, un drainage avec remblai en précisant qu'en considération de la nature du sol, la simple mise en place d'une émulsion bitumineuse ne suffit pas.
Or, l'expert a constaté l'humidité du sous-bassement en maçonnerie et relevé l'absence de ventilation suffisante. S'agissant des murs extérieurs situés au-dessus du niveau du sol derrière lesquels se trouvent les locaux d'habitation, il conclut à l'existence d'une étanchéité suffisante qui empêche l'eau de remonter par capillarité au-dessus du niveau du plancher des volumes habitables mais il constate que le sous-sol n'est quant à lui pas protégé de ces phénomènes. La cause réside dans l'insuffisance du décalage en hauteur devant exister entre le niveau de l'arase d'étanchéité efficace située au niveau du plancher des pièces à vivre et le niveau du sol fini ; l'eau qui ruisselle ou éclabousse le pied du mur et pénètre en sous-face ; l'expert note la présence d'une membrane d'étanchéité DELTA MS, posée par l'entreprise MINVIELLE qui ne peut remplir son office parce que le sol a été surélevé après qu'elle a été posée, ce rehaussement permettant ainsi que les écoulements et éclaboussures passent par-dessus la membrane, ce qui ne se serait pas produit si ce rehaussement, réalisé par l'entreprise [C] n'avait pas été rendu nécessaire pour corriger une erreur de conception de l'ouvrage ; les murs enterrés sont donc imbibés ; l'eau migre vers l'intérieur du sous-sol sans pouvoir s'évaporer.
L'humidité se manifeste aussi à l'emplacement d'une poutre qui constitue un pont thermique.
Les premiers constats faisant état d'une humidité anormale précèdent la vente. Rien ne permet de signaler des infiltrations significatives déjà apparues au moment auquel la cour date la réception tacite. Par sa nature, le désordre présentait donc un caractère caché à la date que la cour retient comme date de réception.
Par sa nature également, le désordre présente un degré de gravité mettant en cause la solidité de l'immeuble et suffisant pour le rendre impropre à sa destination.
Si l'article 1792 du code civil sus-rappelé édicte une présomption de responsabilité sans faute, il n'édicte aucune présomption d'imputabilité ; la victime du dommage doit démontrer le fait qui rattache le dommage à l'exécution du contrat du constructeur qu'elle actionne en responsabilité.
L'imputabilité du dommage à l'architecte résulte de sa survenance puisqu'il exécutait sa mission de surveillance des travaux de réalisation des ouvrages déficients. [D] [R] est donc responsable du dommage.
[K] [C] ne peut pas davantage nier qu'il a participé à une surélévation des terrassements pour les porter à un niveau trop élevé ; le rehaussement du sol auquel il a procédé a facilité la pénétration d'eau dans les murs du sous-sol tel qu'il était positionné et ce, malgré l'existence d'un film de protection des murs déjà posé. Il reconnaît que les travaux de rehaussement du sol ont été faits par lui en 2003 alors que les films DELTA MS avaient déjà été posés par l'entreprise MINVIELLE. Quand bien même il n'aurait commis aucune faute, la seule déficience de l'ouvrage suffit à prouver l'imputabilité. [K] [C] est donc aussi responsable du dommage décennal caractérisé sans préjudice des conséquences d'un partage de responsabilité (qu'il ne réclame pas mais que sollicite l'architecte en soutenant qu'il a commis une faute).
S'agissant de l'entreprise MINVIELLE qui a posé des films d'étanchéité DELTA MS d'une hauteur insuffisante, le dommage lui demeure étranger puisque le rehaussement du sol réalisé après son intervention est la cause de l'infiltration et a eu lieu après l'exécution de ses obligations pour rectifier une erreur de conception dont [K] [C] fait état et que confirme le rapport d'expertise en précisant que la preuve d'une défaillance de ce film DELTA MS n'est pas prouvée là où il a été apposé. C'est donc à bon droit que la SARL MINVIELLE, comme la MAAF qui l'assure, font valoir que le dommage est extérieur à l'exécution du contrat souscrit par cet entrepreneur. La SARL MINVIELLE prouve ainsi le fait extérieur et sera mis hors de cause comme son assureur.
En conclusion, la SARL MINVIELLE et l'architecte [D] [R] seront déclarés coresponsable de ce dommage décennal.
Statuant sur le recours de l'architecte, la charge définitive de la réparation incombera pour 85 % à l'architecte et à 15 % à l'entreprise [C] (proportion inverse de celle proposée par l'architecte). En effet, la faute du maître d'oeuvre est prépondérante ; la nécessité de procéder à un rehaussement tardif du sol et sa surélévation procèdent d'une erreur de conception de l'immeuble, non détectée par l'architecte lors de l'exécution de la mission qui lui a été confiée. [K] [C] disposait de la compétence suffisante pour détecter le risque et émettre des réserves ; pour ne pas les avoir émises, il a commis une faute mais cette faute demeure vénielle par rapport à celle commise par le maître d'oeuvre.
2) la déficience d'une descente d'eau pluviale
Les opérations d'expertise ont aussi établi qu'une partie des infiltrations avaient été causées par le mauvais emboîtement de deux éléments d'une conduite de descente des eaux pluviales.
Selon l'expert judiciaire, l'entreprise en charge des travaux, qui était partie à l'instance de référé, est intervenue en cours d'expertise pour mettre fin à ce désordre ; le rapport conclut à une réparation efficace et à la disparition de la cause du dommage.
Le locateur d'ouvrage concerné n'a pas été appelé dans la cause.
D) évaluation des préjudices
La répartition du préjudice matériel est évaluée à 8.000 € TTC par l'expert judiciaire mais les époux [M] sollicitent aujourd'hui une réparation d'un montant 10 fois plus élevée sans avoir jamais techniquement remis en cause ou sollicité de contre-expertise en temps utile en produisant deux devis 20181006 et 20181007 établi peu avant la date des débats sur le fond devant le premier juge. La cour se limitera à leur allouer une indemnité qui, compte tenu du temps écoulé depuis le rapport d'expertise, sera égale au montant du devis 20181006 qu'ils produisent et qui correspond aux travaux préconisés par l'expert soit 13.005,44 € HT outre le montant de la TVA au taux qu'appliquera l'administration fiscale. L'autre devis n'est pas suffisamment explicite pour être considéré comme probants de la réparation à mettre à la charge des responsables ; les époux [M] n'ont d'ailleurs demandé durant les deux instances sur le fond, ni que soit ordonnée une nouvelle expertise judiciaire, ni qu'un magistrat de la mise en état sollicite de l'expert des explications complémentaires concernant le rapport qu'il avait déposé.
Le préjudice immatériel, consistant dans l'impossibilité d'utiliser le sous-sol ou du moins, à n'en avoir qu'une utilité restreinte a commencé à être subi depuis aujourd'hui 13 ans ; les époux [M] ont acquis en connaissance de cause, puis ont attendu 4 ans avant de saisir le juge des référés ; ils ont encore attendu plus d'un an après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire pour saisir le juge du fond sans jamais solliciter de mesure judiciaire provisoire qu'il est toujours possible de solliciter et d'obtenir même si le fond est sérieusement discuté ; cela prouve qu'ils s'accommodaient de la situation sans subir d'inconvénient majeur ; ils obtiendront donc à ce jour une indemnité 2.600 €.
Aucun préjudice moral n'est caractérisé car les époux [M] ont acquis en ayant constaté l'humidité qui, lors de la vente, était devenue un vice apparent.
Sur les demandes annexes
Les dépens de première instance incluant les dépens de référé expertise et les dépens d'appel seront supportés par les deux coresponsables à proportion de leurs parts de responsabilité.
Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
* rejette le moyen d'irrecevabilité tiré d'une demande nouvelle formulée en cause d'appel ;
* infirme le jugement et statue à nouveau,
* exonère la SARL MINVIELLE de toute responsabilité et le met hors de cause, tout comme son assureur ;
* déclare l'architecte [D] [R] et [K] [C] coresponsables sur le fondement de l'article 1792 du code civil du préjudice résultant de la mauvaise réalisation de l'étanchéité du mur ;
* enjoint par conséquent aux deux coresponsables de payer in solidum aux époux [M] :
- en réparation du préjudice matériel une indemnité de 13.005,44 € HT outre la TVA applicable au taux que retiendra l'administration fiscale,
- en réparation du préjudice immatériel, une indemnité de 2.600 € ;
* dit que [D] [R] pourra recourir contre [K] [C] à hauteur de 15 % des indemnités totales en supportant à titre définitif 85 % de la charge finale des préjudices ;
* rejette la demande d'indemnisation du préjudice moral ;
* condamne [D] [R] et [K] [C] à payer in solidum les dépens de première instance et d'appel sauf à s'en répartir la charge définitive conformément au partage de responsabilité ;
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux degrés de juridiction.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBONCaroline DUCHAC