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20/06/2022 | FRANCE | N°19/01025

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 2, 20 juin 2022, 19/01025


DL/JB



Numéro 22/2417





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2







Arrêt du 20 Juin 2022







Dossier : N° RG 19/01025 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HGRP





Nature affaire :



Demande en partage, ou contestations relatives au partage







Affaire :



[G] [V] [S] [I]



C/



[L],[F],[E] [W],

[K], [H], [U] [I],

[S],[G], [T] [I]







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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de...

DL/JB

Numéro 22/2417

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 20 Juin 2022

Dossier : N° RG 19/01025 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HGRP

Nature affaire :

Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Affaire :

[G] [V] [S] [I]

C/

[L],[F],[E] [W],

[K], [H], [U] [I],

[S],[G], [T] [I]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 Mai 2022, devant :

Monsieur LAUNOIS, conseiller chargé du rapport,

assisté de Madame BARREAU, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur LAUNOIS, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Monsieur LAUNOIS, Conseiller,

Madame BAUDIER, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [G] [V] [S] [I]

né le 16 Novembre 1941 à [Localité 32]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 11]

Représenté par Me Marc AZAVANT, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

Madame [L], [F], [E] [W]

née le 28 Juillet 1955 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 16]

Monsieur [K], [H], [U] [I]

né le 11 Septembre 1984 à [Localité 35]

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 17]

Monsieur [S],[G], [T] [I]

né le 19 Mars 1987 à [Localité 35]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Localité 10]

Représentés par Me Stéphane LOUMAGNE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 07 DECEMBRE 2018

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

RG numéro : 13/02138

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [D] [I] est décédé le 21 septembre 2003, laissant pour lui succéder son épouse, Madame [Y] [M], et leurs deux enfants, [G] et [J] [I].

Par testament olographe du 22 août 1982, le défunt avait indiqué qu'il voulait donner à son fils [J], en plus de sa part, le tiers de sa succession dont il pouvait disposer.

Monsieur [J] [I] est décédé le 17 février 2008, laissant pour lui succéder son épouse, Madame [L] [W], et leurs deux enfants, Messieurs [K] et [S] [I].

Madame [Y] [M] veuve [I] est décédée à son tour le 09 mars 2008, laissant pour lui succéder son fils, Monsieur [G] [I], et, venant par représentation des droits de Monsieur [J] [I], pré-décédé, les enfants de celui-ci.

Par jugement du 20 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Pau a notamment :

- Homologué le testament du 22 aout 1982,

- Ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation-partage des successions de [B] [I] et de Madame [Y] [M] veuve [I],

- Désigné à cet effet, Me [A] notaire à [Localité 34] et Me [O] notaire associé à [Localité 29], et le juge commis,

- Homologué le rapport d'expertise de Monsieur [C] s'agissant de l'inventaire et de la valorisation des biens immobiliers de Monsieur [B] [I] et de Madame [Y] [M],

- Préalablement aux opérations de partage ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur [X] avec mission :

- De recenser et estimer les biens mobiliers et plus particulièrement les avoirs et comptes bancaires et les placements,

- De dire pour l'ensemble des biens mobiliers et immobiliers si un partage par lot peut s'opérer sans dépréciation des biens et dans l'affirmative d'en fixer la valeur,

- De fixer la valeur des mises à prix de la totalité des biens ou lots en cas de vente par licitation,

- De faire les comptes de l'indivision

- Condamné Monsieur [G] [I] au paiement immédiat d'une soulte de 10.700€ avec intérêts légaux à compter du 09 mars 2008.

Monsieur [G] [I] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement, produisant alors un testament attribué à son père, aux termes duquel des parcelles de terres, un immeuble bâti et un jardin lui étaient légués.

Par arrêt du 03 juin 2013, rendu en lecture du rapport d'une expertise graphologique ordonnée par le conseiller de la mise en état ayant retenu que le testament produit par l'appelant était un faux, cette cour a notamment :

- Confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Dit que Monsieur [G] [I] s'est rendu coupable de recel successoral,

- Dit qu'en conséquence de ce recel Monsieur [G] [I] est privé de tous ses droits sur les biens recelés tels que visés dans le testament jugé faux,

- Condamné Monsieur [G] [I] à payer à [L], [K] et [S] [I] la somme de 1.500€ de dommages et intérêts à chacun d'eux,

- Condamné Monsieur [G] [I] au paiement des dépens ainsi qu'à payer à [L], [K] et [S] [I] la somme de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'expert judiciaire remettait son rapport le 05 décembre 2016, et, par jugement du 07 décembre 2018, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le tribunal de grande instance de Pau a notamment :

- Renvoyé aux dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 03 juin 2013 pour les demandes relatives à l'exclusion de l'actif successoral et de la masse à partager de :

- La parcelle section BC [Cadastre 14] lieudit [Localité 28] évaluée à 20 000 euros

- La parcelle section BC [Cadastre 5] lieudit [Localité 37] évaluée à 260 000 euros

- La maison d'habitation sise [Adresse 36]

ainsi que les fruits et revenus de ces biens

SUR LA SUCCESSION DE [B] [I]

- dit que les 1918 parts de la SCI REBEC reçues par [J] [I] selon acte du 20 août 2002 seront rapportées à la succession de son père pour une valeur de 47.950€,

- dit que [G] [I] doit rapport, à la succession de son père de la donation du 20 août 2002 portant sur 1.918 parts de la SCI REBEC, pour une valeur de 47.950€,

- dit que la donation reçue par [G] [I] de ses deux parents, selon acte du 14 décembre 2000 et portant sur la parcelle AM [Cadastre 21] à [Localité 32], sera rapportée à hauteur de 50 % de sa valeur à la succession de [B] [I] soit à hauteur de 50.000€,

- dit que les 2.192 parts de la SCI REBEC reçues par [Y] [M] selon acte du 20 août 2002 seront rapportées à la succession de son époux pour une valeur de 54.800€,

- Fixe ainsi qu'il suit la valeur des donations non soumises à rapport, en considération des dispositions de l'article 922 du Code Civil,

' Reçues par [J] [I] :

- Pour la donation du 23 mars 1984 :

- parcelle AM [Cadastre 8] : 160.000€

- parcelle AM [Cadastre 9] : 150.000€

- Pour la donation du 12 février 1980 :

- 186.000€ dont il conviendra de déduire la valeur de la charge de soins, qui sera, si nécessaire, évaluée par le notaire.

' Reçue par [G] [I] la donation du 17 juin 1970 portant sur une parcelle cadastrée section BC n° [Cadastre 2] sis à [Localité 32] : 3.811€.

- Dit que seront prises en compte pour la moitié de la succession de [B] [I] les donations suivantes :

- En faveur de [S] [I] : donation d'un ensemble immobilier dépendant de la communauté situé [Adresse 7] cadastré section AM [Cadastre 19] par acte des 14 et 17 octobre 1998

- En faveur de [K] [I] : donation d'un ensemble immobilier dépendant de la communauté situé [Adresse 6] cadastré section AM [Cadastre 20] par actes des 14 et 17 octobre 1998

- En faveur d'[R] [I] : donation d'un terrain dépendant de la communauté situé [Adresse 4], cadastré section AM [Cadastre 22],

SUR LA SUCCESSION DE Mme [M]

- Dit que la donation reçue par [G] [I] de ses deux parents, selon acte du 14 décembre 2000 et portant sur la parcelle AM [Cadastre 21] à [Localité 32] sera rapportée à hauteur de 50% de sa valeur à la succession de [Y] [M], soit à hauteur de 50.000€,

- Dit que les donations suivantes :

- En faveur de [S] [I] : donation d'un ensemble immobilier dépendant de la communauté situé l [Adresse 18] cadastré section AM [Cadastre 19] par acte des 14 et 17 octobre 1998

- En faveur de [K] [I] : donation d'un ensemble immobilier dépendant de la communauté situé [Adresse 6] cadastré section AM [Cadastre 20] par actes des 14 et 17 octobre 1998,

- En faveur de [R] [I] : donation d'un terrain dépendant de la communauté situé [Adresse 27] cadastré section AM [Cadastre 22]

seront prises en compte pour moitié sur la succession de [Y] [M],

- Dit que les donations consenties par [Y] [M] à [S] [I] (30.000€), [K] [I] (30.000€), [R] [I] (20.000€) et [N] [I] (20.000€) ne sont pas supportables,

- Rappelé qu'il ressort de la mission du notaire d'effectuer le calcul lui revenant au titre de la créance de quasi usufruit de la succession de [Y] [M] du chef des fonds dont elle aurait eu la jouissance au décès de son époux, ces comptes ne pouvant être faits qu'après liquidation du régime matrimonial, et de la succession de [B] [I]

SUR LES COMPTES D'INDIVISION

- Dit que [L] [W] veuve [I] dispose d'une créance de 9.835,10€ au titre des dépenses nécessaires à la conservation des biens indivis,

- Déboute [L] [W] veuve [I], [K] [I] et [S] [I] de leur demande au titre des « sommes qui pourraient avoir été perçues pour l'occupation de la parcelle ZB n°[Cadastre 15] à [Localité 33] depuis le décès de Mme [M] »,

SUR LES DEPENS DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné [L] [W] veuve [I], [K] [I] et [S] [I] ensemble d'une part, et [G] [I] d'autre part à supporter la moitié des dépens de la présente décision, en ce compris les frais d'expertise.

- Ordonné le remploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Par acte du 25 mars 2019, Monsieur [G] [I] a interjeté appel de cette décision.

Vu les dernières écritures de Monsieur [G] [I], transmises par RPVA le  25 Juin 2019 ;

Vu les dernières écritures de Madame [L] [W] veuve [I] et de Messieurs [K] et [S] [I], transmises par RPVA le 05 mai 2022 ;

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 mai 2022, et l'affaire était fixée à l'audience de plaidoiries du 16 mai suivant.

MOTIVATION

1 - Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

L'article 802 du code de procédure civile précise notamment que :

« Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. »

Ces dispositions sont applicables devant la cour en vertu des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile.

Il apparaît cependant en l'espèce que les parties s'entendent sur la révocation de l'ordonnance de clôture prise le 02 mai 2022 et sur le prononcé d'une nouvelle clôture à la date des plaidoiries, afin que les dernières conclusions des intimées soient utilement versées en procédure.

En l'état de cet accord entre les parties, et eu égard à la nature et à la portée des nouvelles conclusions produites, il y a lieu de faire droit à cette demande et partant de révoquer l'ordonnance de clôture du 02 mai 2022 et de fixer la clôture de l'instruction au 16 mai 2022.

2 ' Sur les donations

Monsieur [G] [I] sollicite l'infirmation du jugement critiqué et demande à la cour de :

« Dire que la donation selon acte du l4/12/2000 reçue par M. [G] [I] sur la parcelle AM [Cadastre 21] à [Localité 32] doit être qualifiée de donation préciputaire et hors part et donc dispensée de rapport à la succession tant de M. [B] [I] que de Mme [Y] [M].

Dire que la donation reçue par M. [J] [I] par acte du 12/02/1980, donation de d'une parcelle de terrain située à [Localité 32] cadastrée initialement AN [Cadastre 1] et désormais [Adresse 26], a été faite en avancement d'hoirie et par conséquent soumise a rapport.

Dire que la donation reçue par M. [G] [I] selon acte du 17/06/1970 d'une parcelle cadastrée section BD n° [Cadastre 2] sise a [Localité 32] devra être évaluée par le notaire liquidateur en considération du caractère non constructible des parcelles.

Dire que les donations portant sur les biens communs faites au bénéfice des enfants de M. [J] [I] seront rapportables à la succession tant de [B] [I] que de Mme [M] ».

A l'appui de ses demandes l'appelant fait valoir que :

- s'agissant de la donation de la parcelle AM[Cadastre 21] à [Localité 31], le premier juge s'est basé sur le rapport d'expertise pour retenir qu'il s'agissait d'une donation en avancement d'hoirie. Selon Monsieur [G] [I], la qualification de cette donation « ne saurait résulter d'une expertise judiciaire ». Il ajoute qu'en application de l'article 843 du code civil, « toutes donations sont réputées faites hors part successorale ».

- s'agissant des donations du 12 février 1980 et du 23 mars 1984, les intimés ne justifient pas qu'elles doivent être dispensées de rapport.

- s'agissant de la donation du 17 juin 1970, l'estimation retenue de 3.811€ est excessive, s'agissant d'un terrain agricole non constructible.

- s'agissant des donations consenties aux enfants de [J] [I], ceux-ci viennent à la succession du donateur de sorte que les donations reçues sont soumises à rapport.

Madame [L] [W] veuve [I] et Messieurs [K] et [S] [I] sollicitent en la matière la confirmation de la décision entreprise.

Ils soutiennent que :

- en application des dispositions de l'article 843 du code civil, la donation de la parcelle AM[Cadastre 21] à [Localité 31] est soumise à rapport, Monsieur [G] [I] ne pouvant se prévaloir d'aucune dispense,

- s'agissant des donations du 12 février 1980 et du 23 mars 1984, les actes mentionnent expressément qu'elles ont été consenties hors part et qu'elles ne sont pas soumises au rapport,

- s'agissant des donations consenties à Messieurs [K] et [S] [I] et qui relèvent de la succession de Monsieur [B] [I], elles ont été stipulées hors part successorale et sont de par la volonté des donateurs non soumises à rapport,

- s'agissant des donations consenties à Messieurs [K] et [S] [I] et qui relèvent de la succession de Madame [Y] [M] épouse [I], il n'y a pas lieu à rapport, faute de disposition contraire du donateur conformément aux dispositions de l'article 846 du code civil,

- s'agissant de la donation du 17 juin 1970, l'estimation proposée et retenue par le tribunal correspond à la valeur du bien telle que mentionnée dans l'acte de donation, et l'appelant ne produit aucun élément permettant de la remettre en cause.

Sur ce,

' sur la donation consentie par acte du l4 décembre 2000 et reçue par Monsieur [G] [I]

Le premier alinéa de l'article 843 du code civil prévoyait en son premier alinéa, dans sa version applicable à l'espèce, que « tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport ».

Selon le second alinéa du même texte, ce sont les legs fait à un héritier qui sont réputés faits par préciput et hors part, sauf expression d'une volonté contraire du testateur.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, les donations ne sont pas réputées faites hors part successorale.

Il ressort de la procédure que Monsieur [G] [I] a reçu de ses deux parents un terrain sis à [Localité 31], cadastré Section AM N°[Cadastre 21], selon acte du14 décembre 2000.

S'agissant d'une donation entre vifs, la présomption de rapport instituée par l'article précité s'applique.

Toujours en application de ce texte, ce n'est que si la donation a expressément été faite « par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport » que le gratifié peut retenir le don reçu. Il incombe alors au donataire d'établir que le donateur entendait le dispenser de rapport.

Or, la cour ne peut que constater que Monsieur [G] [I], qui ne verse aucune pièce à l'appui de ses prétentions, ne démontre pas plus en cause d'appel que devant le premier juge que la donation litigieuse a expressément été consentie « par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport ».

En conséquence, à défaut pour l'appelant de renverser la présomption de rapport prévue à l'article 843 du code civil, la décision du premier juge concernant le sort de cette donation ne pourra qu'être confirmée.

' sur les donations des 12 février 1980 et 23 mars 1984

La cour constate en premier lieu que si Monsieur [G] [I] soutient dans les motifs de ses écritures que les intimés ne démontrent pas que la donation du 23 mars 1984 n'est pas soumise au rapport, il n'a toutefois présenté aucune prétention à ce titre dans le dispositif de ses conclusions.

Il ressort des actes versés aux débats par les intimés que ces donations ont été consenties par Monsieur [B] [I] à son fils [J], aux dates précédemment indiquées et par actes notariés.

Ces actes comportent respectivement, et notamment, les mentions suivantes :

« Monsieur [B] [D] [I], susnommé, fait DONATION ENTRE VIFS à titre de PRECIPUT ET HORS PART et en conséquence avec dispense de rapport à sa succession, à Monsieur [J] [P] [K] [I], son fils qui accepte... »

« PAR CES PRESENTES, Monsieur [B] [D] [I] ci-après dénommé dans le corps de l'acte sous le vocable « LE DONATEUR », déclare faire donation entre vifs par préciput et hors part et par suite avec dispense de rapport à sa succession... »

Monsieur [G] [I] n'articule aucune motivation permettant de contredire ces mentions claires et dénuée de toute ambigüité.

Ces dispositions attestent de la volonté du donateur et écartent expressément la présomption de rapport prévue à l'article 843 du code civil.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que ces donations ne sont pas soumises à rapport, et sa décision ne pourra qu'être confirmée.

' sur les donations consenties à Messieurs [K] et [S] [I] par leurs grands parents

Monsieur [G] [I] prétend que la dispense de rapport retenue par le tribunal contrevient aux dispositions de l'article 847 du code civil.

Ce texte disposait, dans sa version applicable à l'espèce, que :

« Les dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible à l'époque de l'ouverture de la succession sont toujours réputés faits avec dispense du rapport.

Le père venant à la succession du donateur n'est pas tenu de les rapporter. »

Aucun rapport des donations litigieuses n'est dû en application de ce texte s'agissant de la succession du donateur, laquelle s'est ouverte du vivant de Monsieur [J] [I].

Concernant la succession de la donatrice, décédée après son fils [J], il convient d'appliquer les dispositions de l'article 846 du code civil lequel précise, dans sa version applicable à l'espèce, que le donataire qui n'était pas héritier présomptif lors de la donation, mais qui se trouve successible au jour de l'ouverture de la succession, doit le rapport, à moins que le donateur ne l'en ait dispensé.

Or, il ressort des actes versés aux débats par les intimés que les donations litigieuses ont été consenties par Monsieur [B] [I] et Madame [Y] [M] épouse [I] à leurs petits fils, [S] et [K], les 14 et 17 octobre 1998, et les actes notariés comportent tous deux la même mention selon laquelle le notaire « a reçu le présent acte authentique, contenant DONATION ENTRE VIFS PAR PRECIPUT ET HORS PART ».

Monsieur [G] [I] n'articule aucune motivation permettant de contredire ces mentions claires et dénuée de toute ambigüité.

Ces dispositions attestent de la volonté des donateurs et écartent expressément tout rapport dans l'une ou l'autre des successions.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que ces donations ne sont pas soumises à rapport, et sa décision ne pourra qu'être confirmée.

' sur la valorisation de la donation du 17 juin 1970

Monsieur [G] [I] soutient que l'estimation de ce bien, telle que retenue par le tribunal, serait excessive, s'agissant d'un terrain agricole non constructible.

Il apparaît cependant que cette évaluation est exactement conforme à celle mentionnée par le donateur et le donataire dans l'acte authentique de donation.

En outre, la cour ne peut que constater que Monsieur [G] [I] ne verse aucune pièce permettant de contredire l'estimation de ce bien, de sorte qu'il apparaît en fait qu'il procède uniquement par voie d'affirmation sans étayer son propos par la moindre preuve.

En conséquence, la décision du tribunal ne pourra qu'être confirmée sur ce point.

3 ' Sur les comptes d'indivision

Monsieur [G] [I] sollicite l'infirmation du jugement frappé d'appel en ce que le tribunal a retenu que Madame [L] [W] veuve [I] dispose d'une créance de 9.835,10€ au titre des dépenses nécessaires à la conservation des biens indivis.

Selon lui, le jugement doit être réformé sur ce point, « faute de preuve des justificatifs de sa prétendue créance ».

Monsieur [G] [I] n'a articulé aucune motivation concernant la demande des intimés au titre des loyers perçus.

Madame [L] [W] veuve [I] et Messieurs [K] et [S] [I] sollicitent l'infirmation du jugement entrepris s'agissant du montant de la créance au titre des dépenses nécessaires à la conservation des biens.

Ils exposent que malgré les injonctions des communes concernées, l'appelant n'a pas réalisé les travaux d'entretien pourtant nécessaires, lesquels ont dû être financés par Madame [L] [W] veuve [I]. Les intimés demandent à la cour de :

« Juger que la créance de Mme [W] sur l'indivision pour les dépenses engagées de 2009 à 2016 est de 12 215 €

Juger que Mme [W] dispose d'une créance de 4350 € sur l'indivision au titre des dépenses engagées de 2017 à 2019 

Juger que M. [G] [I] devra réaliser les travaux qui seraient exigés par les communes pour les années postérieures et à défaut autoriser Mme [W] à employer des fonds indivis pour déférer aux injonctions futures des mairies de [Localité 32] et [Localité 30]».

Madame [L] [W] veuve [I] et Messieurs [K] et [S] [I] demandent en outre à la cour de condamner l'appelant à leur rembourser la somme de 26.186€ au titre des loyers perçus sur la maison sise [Adresse 24]. Ils indiquent que l'immeuble est concerné par le recel qui a été commis par Monsieur [G] [I], et à ce titre, l'appelant ne peut percevoir aucun fruit provenant de ce bien. Or, selon les intimés, l'intéressé a perçu depuis le décès de son père les revenus locatifs de cet immeuble, et il convient qu'ils disposent d'une décision obligeant Monsieur [G] [I] à restituer les fonds.

Sur ce,

' sur les dépenses de conservation

L'article 815-13 du code civil précise que :

« Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute. »

Les dépenses nécessaires de conservation doivent figurer au passif de l'indivision, même si elles n'ont pas eu pour effet d'améliorer le bien.

Doivent être considérées comme telles en l'espèce les dépenses engagées pour entretenir les terrains indivis, envahis de végétaux au point de représenter une source de nuisance pour le voisinage et pouvant même présenter des risques en cas d'incendie, ainsi qu'il a été relevé par les municipalités de [Localité 31] et [Localité 29]. Les services des mairies concernées ont adressé de très nombreux courriers faisant part tant des troubles de voisinage occasionnés que des problèmes de salubrité générés par le défaut d'entretien, et sollicitant voire exigeant qu'il soit remédié à la situation.

Il ressort des pièces versées par les intimés que Madame [L] [W] veuve [I] a fait réaliser des travaux, et elle justifie par la production de factures, devis et copie d'un chèque, des dépenses qu'elle a supportées.

Monsieur [G] [I], qui ne précise pas s'il a participé à l'entretien des lieux, ne verse aucune pièce permettant de contredire ou de relativiser les frais engagés dont il est justifié par les parties adverses.

La créance de Madame [L] [W] veuve [I] envers l'indivision à ce titre est parfaitement fondée.

Le total des dépenses dont il est justifié est de :

- 12.215,70€ entre 2009 et 2016, la créance de Madame [L] [W] veuve [I] sera arrêtée à 12.215€, conformément à sa demande ;

- 4.350€ entre 2017 et 2019

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens, le montant total de la créance de Madame [L] [W] veuve [I] envers l'indivision au titre des dépenses d'entretien étant de 16.565€.

Les demandes tendant à « dire que » Monsieur [G] [I] devra réaliser les travaux d'entretien ou que Madame [L] [W] veuve [I] sera autorisée à employer des fonds indivis pour les financer sont nouvelles pour ne pas avoir été soumises au premier juge, et elles ne pourront qu'être rejetées, en ce qu'elles ne sont pas fondées en droit. Il appartiendra au notaire d'actualiser le cas échéant la créance des successibles si de nouveaux travaux nécessaires étaient réalisés.

' sur les fruits de l'immeuble pour lequel Monsieur [G] [I] a été condamné au titre d'un recel successoral

Le tribunal a considéré à juste titre que la restitution des loyers considérés était la conséquence de la condamnation de Monsieur [G] [I] pour recel successoral, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de le condamner au remboursement.

En effet, il appartiendra au notaire, en exécution de la précédente décision définitive de cette cour, d'établir les comptes, lesquels incluront la créance de l'indivision envers Monsieur [G] [I] au titre des loyers qu'il a perçus de l'immeuble pour lequel la sanction du recel successoral lui a été appliquée.

Il convient donc de rejeter la demande de ce chef des intimés.

4 ' Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'article 696 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La décision du tribunal sur le sort des dépens de première instance sera confirmée, les parties n'ayant articulé aucune motivation justifiant qu'une solution différente soit retenue.

Succombant en ses prétentions devant la cour au terme d'un recours hasardeux sinon téméraire, Monsieur [G] [I] sera condamné aux dépens exposés en cause d'appel.

Il sera en outre condamné à verser la somme de 1.000€ à chacun des intimés, soit au total 3.000€, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

Les parties seront renvoyées devant le notaire désigné par le tribunal pour qu'il soit procédé aux opérations liquidatives conformément aux dispositions du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 02 mai 2022 et fixe la clôture de l'instruction au 16 mai 2022 ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que Madame [L] [W] veuve [I] dispose d'une créance de 9.835,10€ au titre des dépenses nécessaires à la conservation des biens indivis ;

et statuant à nouveau de ce chef :

Fixe à 16.565€ le montant de la créance de Madame [L] [W] veuve [I] envers l'indivision au titre des dépenses d'entretien engagées entre 2009 et 2019 ;

Rappelle qu'il appartiendra au notaire d'actualiser le cas échéant la créance des successibles s'il est justifié de la réalisation de nouveaux travaux nécessaires ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Monsieur [G] [I] au paiement des dépens exposés en cause d'appel ;

Condamne Monsieur [G] [I] à verser la somme de 1.000€ à chacun des intimés, soit au total 3.000€, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie les parties devant le notaire précédemment désigné pour qu'il soit procédé aux opérations liquidatives conformément aux dispositions du présent arrêt ;

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Bernard ETCHEBEST, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Bernard ETCHEBESTXavier GADRAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 2
Numéro d'arrêt : 19/01025
Date de la décision : 20/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-20;19.01025 ?
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