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31/05/2022 | FRANCE | N°20/00280

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 31 mai 2022, 20/00280


MM/ND



Numéro 22/2161





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRÊT DU 31/05/2022







Dossier : N° RG 20/00280 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HPJ3





Nature affaire :



Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat







Affaire :



[L], [O], [I] [M] épouse [P], [G], [N] [P]



C/



SELARL BALLY M.J., SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE









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Grosse délivrée le :

à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avis...

MM/ND

Numéro 22/2161

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRÊT DU 31/05/2022

Dossier : N° RG 20/00280 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HPJ3

Nature affaire :

Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat

Affaire :

[L], [O], [I] [M] épouse [P], [G], [N] [P]

C/

SELARL BALLY M.J., SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 Mars 2022, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l'appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame [L], [O], [I] [M] épouse [P]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 9] (64)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Monsieur [G], [N] [P]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentés par Me Francois DUFFAU, avocat au barreau de PAU

INTIMEES :

SELARLU BALLY M.J.

immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 821 325 941, ayant son siège social [Adresse 6], en qualité de mandataire liquidateur désigné par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 12 novembre 2017 et prononçant la liquidation judiciaire de la SAS NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ÉNERGIES DE FRANCE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 524 221 397

assignée

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

immatriculée au RCS de Paris sous le n° 542 097 902, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe BORDENAVE, avocat au barreau de PAU

Assistée de la SCP RAMAHANDRIARIVELO - DUBOIS -DEETJEN 'RED', avocat au barreau de MONTPELLIER

sur appel de la décision

en date du 16 DECEMBRE 2019

rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE D'OLORON-SAINTE-MARIE

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

A la suite d'un démarchage à domicile et selon bon de commande signé le 17 avril 2013 à [Localité 8], Monsieur [G] [P] a conclu un contrat avec la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, à l'enseigne Groupe Solaire de France, portant sur la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 3 Kwc au prix de 20100,00 euros TTC.

Par acte distinct du même jour, Monsieur [P] et son épouse, Madame [L] [P] née [M], ont signé une offre de crédit accessoire au contrat de vente auprès de la banque Solfea, partenaire de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France pour un financement de 20100,00 euros remboursable en 132 mensualités de 221,00 euros chacune, sans assurance, au TAEG fixe de 5,50 % et un différé d'amortissement de 11 mois à compter de la mise à disposition des fonds.

Invoquant le fait que le contrat qu'ils ont passé avec la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France est nul comme ne respectant pas un certain nombre de prescriptions impératives imposées par les dispositions du code de la consommation, cette nullité entrainant celle du contrat de crédit affecté, les époux [P] ont, par actes d'huissier en dates des 14 et 18 décembre 2018, fait assigner devant le tribunal d'instance d'[Localité 8] la SELARLU Bally MJ, en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France et la SA BNP Paribas Personal Finance , venant aux droits de la SA Banque Solfea, aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de fourniture et d'installation de la centrale photovoltaïque, et de crédit ou, à défaut, leur résolution.

Par jugement réputé contradictoire du 16 décembre 2019, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal d'instance d'[Localité 8] a :

- constaté que les actions fondées sur les irrégularités des contrats d'installation et de prêt sont prescrites,

- dit recevables et non prescrites les actions de Monsieur et Madame [G] et [L] [P] fondées sur le dol et sur l'absence de cause,

Au fond,

- les a rejetées,

- a débouté les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné Monsieur et Madame [G] et [L] [P] in solidum aux dépens.

Par déclaration en date du 28 janvier 2020, les époux [P] ont relevé appel de ce jugement.

La clôture est intervenue le 08 septembre 2021.

***

Vu les conclusions notifiées le 07 septembre 2021 par les époux [P] qui demandent de :

Infirmer le jugement,

Ordonner la nullité ou à défaut la résolution du bon de commande et du crédit affecté du 17 avril 2013,

Ordonner à la SELARLU Bally M.J., en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, d'effectuer aux frais de la liquidation la remise matérielle du domicile des époux [P] en l'état antérieur.

Condamner la SA BNP, venant aux droits de la SA banque Solfea, à rembourser aux époux [P] l'intégralité des sommes perçues en exécution du contrat de crédit affecté, soit 243,99 euros par mois à compter du 10 mai 2014 et jusqu'à parfait paiement.

Dire que la SA BNP, venant aux droits de la SA Banque Solfea, à supposer qu'elle rapporte la preuve du paiement des 20 900,00 euros entre les mains de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, est privée de sa créance de restitution à l'encontre des époux [P] en raison des fautes commises dans la libération des fonds.

Dire à défaut d'une telle sanction que le préjudice subi par les époux [P] ne saurait être inférieur au prix de 20.900,00 euros qu'ils ne peuvent récupérer en raison de la déconfiture de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France ;

Débouter la SA BNP, venant aux droits de la SA Banque Solfea, de l'intégralité de ses demandes formées contre les époux [P].

Dire que la SELARLU Bally M.J., en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, garantira les époux [P] de toute condamnation et, ainsi, condamner la SELARLU Bally M.J., en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, à restituer directement à la SA BNP, venant aux droits de la SA banque Solfea, la somme de 20.900,00 euros.

Condamner in solidum la SELARLU Bally M.J., en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, et la SA BNP, venant aux droits de la SA Banque Solfea, à payer aux époux [P] la somme de 4.800,00 euros au titre des frais irrépétibles.

Condamner in solidum la SELARLU Bally M.J., en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, et la SA BNP , venant aux droits de la SA banque Solfea, aux entiers dépens, tant de première instance qu'en cause d'appel, avec distraction au profit de maître François Duffau, avocat, et en ce compris l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du Code des procédures civiles d'exécution.

*

Vu les conclusions notifiées le 15 juin 2020 par la SA BNP Paribas Personal Finance qui demande de :

Confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action en responsabilité contre le prêteur pour déblocage prématuré ou fautif des fonds, et statuant à nouveau sur ce seul chef,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu les pièces produites,

Dire et juger que le point de départ de l'action en nullité du contrat principal pour irrégularité formelle et non-respect des dispositions impératives du code de la consommation, est sa date de signature soit le 17/04/2013,

Dire et juger que le point de départ de l'action en responsabilité du prêteur quant aux conditions d'octroi du prêt est sa date de signature, et celle de l'action en responsabilité au titre du déblocage des fonds celle dudit déblocage,

Dire et juger en conséquence les époux [P] prescrits en leur action introduite suivant exploit du 18/12/2018, alors que le délai quinquennal expirait au plus tard le 17/04/2018 pour ce qui concerne les contrats de prestations de services et de prêt, et le 03/05/2018 pour ce qui concerne le déblocage des fonds,

Dire et juger qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun dol commis par la société Groupe solaire de France ou la SA Banque Solfea, ni aucune cause de nullité ou de résolution du contrat principal,

Débouter en conséquence les époux [P] de l'intégralité de leurs moyens et demandes tels que dirigés contre BNP venant aux droits de banque Solfea, comme étant prescrites et infondées,

Dans l'hypothèse d'une annulation ou résolution du contrat principal,

Vu les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil,

Vu l'article 1116 du code civil,

Dire et juger que le dol éventuellement commis par Groupe solaire de France ne peut être imputé à la Banque Solfea, de sorte qu'aucune faute ni responsabilité ne saurait en résulter à ce titre,

Dire et juger qu'à supposer démontrées et recevables des causes de nullité du contrat de prestation et fourniture conclu avec Groupe solaire de France, les époux [P] ont couvert ces nullités en exécutant volontairement et spontanément le contrat de prestation de service, en réceptionnant sans réserve ni grief les travaux et prestations accomplis qu'il ont déclaré comme pleinement achevés au prêteur, puis en procédant à l'exécution du contrat de prêt sans aucune réserve ni avertissement au prêteur, puis en profitant depuis plus de 6 ans d'une installation produisant de l'électricité et pour laquelle ils perçoivent des revenus de la revente,

Dire et juger à tout le moins qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun préjudice en corrélation dès lors que l'installation photovoltaïque est fonctionnelle, raccordée et productrice d'énergie depuis plus de six ans, les fruits de la revente d'électricité à ERDF constituant un gain qui ne fera l'objet d'aucune répétition par les époux [P],

Dire et juger que les obligations des époux [P] ont pris effet à l'égard de Banque Solfea au plus tard depuis le 03/05/2013, date de mise en service et raccordement de la centrale photovoltaïque, de sorte qu'aucune faute de la SA Banque Solfea n'est caractérisée au visa de l'article L312-48 (L311-31 ancien) du code de la consommation,

Dire et juger en conséquence que dans l'hypothèse d'une annulation ou résolution du contrat de prêt par accessoire, les époux [P] seront tenus à restituer le capital mis à disposition et,

Les condamner solidairement à ce titre à payer à la SA BNP venant aux droits de la SA banque Solfea la somme de 20.900,00€ avec déduction des échéances déjà versées,

En toute hypothèse,

Les condamner à payer à la SA BNP la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner aux entiers dépens.

MOTIVATION :

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière recevable et bien fondée.

En l'espèce, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants et de l'intimée constituée ont été signifiées à la SELARL Bally MJ, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, par actes d'huissier remis à personne morale.

La procédure étant régulière, l'arrêt sera en conséquence réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

Sur la prescription :

Les parties s'opposent sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions en nullité du bon de commande et nullité subséquente du contrat de crédit et sur la prescription de l'action en responsabilité contre le prêteur.

La BNP Paribas Personal Finance considère en effet que le point de départ de l'action en nullité du contrat principal pour irrégularité formelle et non respect des dispositions impératives du code de la consommation est sa date de signature soit le 17 avril 2013 ; que le point de départ de l'action en responsabilité contre le prêteur, quant aux conditions du prêt, est sa date de signature, et celle de l'action en responsabilité au titre du déblocage des fonds, celle dudit déblocage.

Les époux [P] considèrent que le prêteur ne peut invoquer la prescription de l'action en nullité du bon de commande, s'agissant d'une exception purement personnelle au débiteur, soit à la SAS Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France.

S'agissant du point de départ de cette action, ils ajoutent que les articles R. 121-3 à R. 121-6 du code de la consommation applicables, dans leur rédaction à la date du contrat, sur le formalisme du formulaire de rétractation, ne sont pas reproduits sur le bon de commande, de sorte que les concluants étaient dans l'impossibilité, au jour de la signature du contrat, d'avoir la révélation des causes de nullité fondées sur ces textes.

Ils ajoutent que la cour, en application de l'article R. 632-1 du code de la consommation, anciennement L. 141-4 du même code, pourrait relever d'office un moyen de nullité formelle et la prescription ne lui serait alors pas opposable.

Ils font valoir enfin que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre le prêteur, pour déblocage hâtif des fonds et non vérification des vices affectant le bon de commande ne court que de la révélation à l'emprunteur de la perte de chance de ne pas conclure le contrat.

La cour précise ici que, s'agissant d'une action d'un consommateur contre un commerçant, la prescription quinquennale visée par l'intimée est celle de l'article L. 110-4 du code de commerce.

En l'espèce, l'action des époux [P] en nullité du contrat principal repose sur un double fondement : le non respect des dispositions des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation en matière d'établissement du bon de commande, prescrites à peine de nullité, et, d'autre part, la nullité du contrat pour dol ou absence de cause en raison d'une productivité défaillante constatée le 10 novembre 2014, date de la première facture de rachat d'électricité établie par EDF.

D'autre part, l'action en recherche de la responsabilité contractuelle du prêteur le privant de sa créance de restitution est elle-même divisée en deux moyens, l'un tiré de la faute commise par le prêteur qui n'a pas vérifié la validité du bon de commande avant d'user de l'autorisation de prélèvement des échéances sur le compte bancaire de l'emprunteur, lors de la libération des fonds, l'autre tiré du manquement du prêteur à son obligation de libérer les fonds entre les mains du vendeur après l'exécution complète des prestations financées.

En droit, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du contrat principal, entrainant l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté, peut être soulevée par le prêteur, les deux contrats formant un ensemble contractuel indivisible.

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'intégralité des vices du bon de commande, allégués par les époux [P], concernent les mentions lacunaires de celui-ci au regard des prescriptions formelles de l'article L. 121-23 du code de la consommation et l'irrégularité du bon de rétractation, au regard des dispositions des articles R. 121-3 à R. 121-6 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date du contrat.

Or, le bon de commande reproduit de façon lisible et intelligible les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de commerce dont la lecture permettait à un consommateur normalement attentif de vérifier la conformité des mentions du bon de commande du 17 avril 2013 avec les prescriptions légales.

Les époux [P] pouvaient ainsi, à la seule lecture comparée de ces articles et des mentions du bon de commande, se rendre compte des irrégularités de ce document quant à l'insuffisance des indications portées sur les caractéristiques de l'équipement vendu, les modalités et délais d'exécution de l'ensemble des prestations fournies par le vendeur, ou encore quant au prix global à payer.

Le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du bon de commande doit ainsi être fixé au 17 avril 2013, date de signature du contrat sans report possible tiré de la révélation postérieure des irrégularités formelles du bordereau de rétractation, alors que l'acheteur-emprunteur avait nécessairement conscience, en signant l'attestation de fin de travaux du 20 avril 2013, de la violation des dispositions des articles L. 121-25 et L. 121-26 du code de la consommation reproduits sur le bon de commande signé de sa main, relatifs au délai de rétractation. En effet, ce délai n'était pas expiré, alors que les travaux de pose de l'installation étaient achevés, lorsque l'emprunteur a autorisé le prêteur à payer le vendeur.

L'assignation ayant été délivrée par les époux [P] à la SELARLU Bally MJ, ès qualités, et à la BNP Paribas Personal Finance les 14 et 18 décembre 2018, l'action en nullité du contrat de vente et en nullité subséquente du contrat de crédit affecté, pour irrégularité du bon de commande, est en conséquence prescrite.

S'agissant de l'action en nullité du contrat de vente pour dol ou absence d'économie générale du contrat en raison d'une contrepartie dérisoire ou illusoire, la prescription est de cinq ans à compter du jour où le demandeur les a découverts, en application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable à la date du contrat.

En l'espèce, selon les demandeurs, cette découverte se situe à la date de la première facture de rachat d'électricité établie par EDF, le 10 novembre 2014, révélant l'insuffisance de la production vendue, ne permettant pas d'atteindre l'autofinancement promis par le démarcheur.

Compte tenu de la date de l'assignation, cette action n'est pas prescrite.

En matière de responsabilité, le point de départ de la prescription de la demande de réparation se situe au jour de la manifestation du dommage.

En l'espèce, le dommage dont se prévalent les époux [P], du fait de la libération fautive des fonds prêtés, est né avec l'obligation de remboursement du prêt qui a pris effet à compter du déblocage des fonds.

Mais, d'une part, s'agissant du défaut de vérification de la régularité du bon de commande, l'intégralité des vices allégués par les époux [P] concernent les mentions lacunaires de celui-ci au regard des prescriptions formelles de l'article L. 121-23 du code de la consommation et la non-conformité du formulaire de rétractation.

Or, le bon de commande en reproduisant de façon lisible et intelligible les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de commerce permettait aux époux [P] de se rendre compte du non respect des prescriptions de l'article L. 121-23, de l'existence du délai de réflexion-rétractation et de la méconnaissance par le vendeur de l'interdiction qui lui était faite d'exécuter une quelconque prestation pendant ce délai.

D'autre part, s'agissant du défaut de vérification de l'exécution complète du contrat principal, les époux [P] ne pouvaient ignorer que, à la date du déblocage des fonds, dont ils ont été informés le 3 mai 2013, l'ensemble des prestations figurant au bon de commande n'avaient pas été complètement exécutées, conformément aux engagements du vendeur, la mairie n'ayant pas encore délivré le certificat de non opposition à travaux, l'installation n'étant pas raccordée et le contrat de rachat d'électricité n'étant pas établi.

Par conséquent, le point de départ de la prescription de l'action en recherche de la responsabilité du prêteur, pour défaut de vérification de la conformité du bon de commande et défaut de vérification de l'exécution du contrat principal, doit être fixé à la date du déblocage des fonds effectué le 3 mai 2013, sans report possible tiré de la révélation postérieure des irrégularités formelles du bordereau de rétractation.

Compte tenu de la date de l'assignation délivrée au prêteur, le 18 décembre 2018, l'action en responsabilité à son encontre est prescrite.

Sur la nullité du contrat de vente pour dol :

Il appartient aux époux [P] qui soutiennent avoir été trompés par le démarcheur de la société Groupe Solaire de France, sur l'objectif d'autofinancement de l'installation photovoltaïque par la revente d'électricité à EDF, d'en rapporter la preuve.

Par ailleurs, la rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel,

Les appelants croient pouvoir rapporter cette preuve en produisant une note manuscrite non datée, établie sur papier libre dépourvu d'en-tête, sur laquelle apparaissent divers calculs et la mention selon laquelle l'opération envisagée permettrait d'autofinancer le projet et le coût de l'installation.

Or, aucun élément n'établit que ce document a été rédigé par le démarcheur, qu'il est entré dans le champ contractuel et a été déterminant du consentement des acquéreurs. A cet égard, il convient de relever que la mensualité de remboursement qui est indiquée sur cette note, 330,00 euros, ne correspond pas à la mensualité de 221,00 euros acquittée par les époux [P]. En outre, le calcul concerne une installation de 6Kwc, soit une centrale photovoltaïque d'une puissance deux fois supérieure à celle qui équipe la maison des époux [P].

Il n'est donc pas démontré que le vendeur se serait engagé sur une rentabilité particulière qui serait hors d'atteinte ou n'aurait obtenu le consentement des acquéreurs qu'en leur communiquant une étude économique fallacieuse, ou encore aurait dissimulé intentionnellement une information dont il savait le caractère déterminant pour les époux [P] et ainsi commis un dol.

Dès lors, les époux [P] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que leur consentement a été vicié par un dol ou une réticence dolosive du vendeur sur la capacité de production d'électricité de l'installation et sur le revenu estimatif moyen retiré de la revente d'électricité à EDF.

Il convient d'ajouter que l'existence ou l'absence d'intention de tromper fournit le critère essentiel de distinction entre le dol par réticence et le simple manquement à une obligation d'information.

En effet, contrairement à ce que soutiennent les appelants dans le développement de leurs conclusions, le manquement à une obligation pré contractuelle d'information ou de mise en garde à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser un dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement.

En l'espèce, les époux [P] ne démontrent pas que le silence a été gardé intentionnellement par le vendeur sur les résultats attendus de l'installation vendue, en termes de productivité, de rentabilité ou sur la contrepartie que les acquéreurs pouvaient raisonnablement attendre de leur investissement.

De ce point de vue, le fait que la preuve n'est pas rapportée, par le vendeur, de l'information pré-contractuelle qu'il a délivrée aux acquéreurs est sans emport sur la caractérisation d'un dol.

Il convient d'ajouter que la durée de vie d'une installation photovoltaïque excède la durée du contrat de revente d'électricité à EDF OA, qui est de 20 ans, et que l'installation continuera de produire de l'électricité qui sera auto consommée au- delà du terme de ce contrat.

Dès lors, l'intérêt d'une telle installation ne se réduit pas au seul calcul de rentabilité basé sur le coût d'investissement rapporté au produit de la revente d'électricité pendant la durée d'exécution du contrat passé avec EDF OA, sauf à établir que c'était l'objectif déterminant du consentement des acquéreurs, ce qui n'est pas démontré au cas d'espèce.

Sur la nullité de l'opération commerciale unique pour absence d'économie générale comme instrument d'appréciation de l'absence de cause :

Les époux [P] font valoir que la notion d'économie générale du contrat est un instrument d'appréciation de la cause qui permet au juge, au visa de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, d'annuler les contrats dont l'économie recherchée n'a pu être trouvée.

Ils ajoutent qu'en matière de vente, si la cause de l'obligation de l'acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche, la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant en l'absence duquel l'acquéreur ne se serait pas engagé.

Ils indiquent que cette analyse jurisprudentielle a été consacrée par l'article 1169 nouveau du code civil, aux termes duquel un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

Ils considèrent que l'économie générale du contrat, stipulée par les parties comme but recherché, lors de sa souscription, est au cas d'espèce impossible, car la revente d'électricité a généré un revenu annuel variant jusqu'à présent de 676,88 euros à 784,64 euros, au plus haut, alors que le coût annuel de remboursement du crédit contracté pour l'achat de l'installation s'élève à 2.927,88 euros.

Cependant, de nouveau, il n'est pas établi que les époux [P] se sont engagés avec l'intention d'autofinancer leur installation par la revente d'électricité à EDF, alors que cette installation continuera de remplir son usage au-delà du terme du contrat de rachat d'électricité, en produisant de l'électricité qui pourra être auto consommée.

En effet, l'autoconsommation est une autre possibilité d'utilisation de l'installation photovoltaïque, comme l'établit le fait que, selon les factures versées aux débats, la centrale photovoltaïque est équipée d'un compteur de non-consommation destiné à vérifier que la totalité de l'électricité produite est revendue à EDF pendant la durée d'exécution du contrat, les époux [P] ayant opté pour la vente en totalité de leur production électrique.

Ce moyen de nullité doit lui aussi être rejeté.

Sur la résolution du contrat de vente :

Les époux [P] soutiennent que la violation de l'obligation d'information de conseil et de mise en garde en toute bonne foi, loyauté et honnêteté du vendeur justifie la résolution du bon de commande en vertu des articles 1147, 1162, 1184, 1315 et 1602 du code civil dans leurs versions en vigueur au 17 avril 2013.

Ils ajoutent que les travaux au domicile des concluants ont eu lieu le 20 avril 2013, alors que la déclaration préalable de travaux n'a été déposée en mairie que le 23 avril 2013 ; que l'autorisation communale n'a été donnée que le 4 juin 2013, sous réserve du respect de certaines prescriptions.

Ils indiquent que le fait d'exécuter des travaux sans avoir obtenu les autorisations nécessaires rend passible leurs bénéficiaires d'une amende comprise entre 1.200,00 et 300 000,00 euros, en application de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, les faits étant qualifiés à la date de la construction sans autorisation administrative ; qu'est également encourue le retrait des panneaux solaires à leurs frais, en application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme et ce pendant 10 ans à compter de l'achèvement des travaux, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un préjudice.

Enfin, ils font valoir que l'ouvrage est impropre à sa destination dès lors que l'objectif économique promis aux utilisateurs, par l'équipement en panneaux solaires, n'a pas été atteint.

Cependant, comme précédemment , les époux [P] échouent à établir l'objectif économique ou de production assigné à l'installation photovoltaïque acquise, entré dans le champ contractuel, et n'établissent pas le préjudice qui résulterait du manquement du vendeur à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil, au regard des résultats attendus de cette installation.

En outre, leurs considérations sur les risques de poursuites pénales ou d'enlèvement de l'ouvrage, réalisé avant l'obtention de la décision d'urbanisme, sont dépourvues de pertinence, alors que la décision de non opposition à travaux a été délivrée, qu'il n'est pas soutenu que l'ouvrage ne serait pas conforme aux prescriptions qu'elle imposait et qu'en tout état de cause, la prescription de l'action publique, dont le délai était de trois ans à compter de l'achèvement des travaux intervenu à la date de raccordement au réseau, le 8 novembre 2013, est acquise depuis le 8 novembre 2016.

Au surplus, les époux [P] disposent d'une installation raccordée au réseau, qui produit de l'électricité qu'ils revendent et dont ils ne soutiennent pas qu'elle serait affectée de malfaçons ou non-conformités.

Leur demande de résolution du contrat de vente et de résolution subséquente du contrat de crédit est ainsi rejetée.

Il n'y a pas lieu par voie de conséquence de statuer sur leurs demandes de restitution et de remise en état devenues sans objet.

Sur le relevé d'office de la déchéance du droit aux intérêts suggéré par les époux [P] :

Il ressort des articles 8 et 23 de la directive 2008/48/CE du parlement européen et du conseil en date du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs tels qu'interprétés par la cour de justice de l'Union européenne, que le juge national est tenu d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation pré-contractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur.

Les époux [P] demandent à la cour de relever d'office cette déchéance, aux motifs qu'en l'espèce le contrat de crédit comporte de nombreuses irrégularités et qu'il n'appartient pas aux consommateurs d'établir que le prêteur n'a pas respecté ses obligations ; que c'est au contraire à celui-ci d'établir qu'il a respecté ses obligations d'information de l'emprunteur, notamment quant aux modalités de computation du délai de rétractation, de vérification de sa solvabilité, de mise en garde sur les conséquences du crédit envisagé sur sa situation financière, de remise d'une offre préalable en double exemplaire, de remise d'une notice d'assurance conforme aux exigences des articles L. 112-4 et L. 141-4 du code des assurances; de prouver également que le démarcheur a reçu une formation à la distribution du crédit de consommation et à la prévention du surendettement, comme exigé notamment par les articles L. 519-3-2 et R. 519-15-2 du code monétaire et financier.

Cependant, la cour, à la lecture des pièces produites par le prêteur, ne trouve pas matière à relever d'office cette déchéance.

En effet, la BNP verse aux débats l'offre de crédit qui comporte en première page l'encadré réglementaire mentionnant le montant du crédit, sa durée, le nombre d'échéances, le TAEG, le taux débiteur fixe, le montant de chaque mensualité hors assurance facultative et le montant total dû hors assurance. L'offre comporte également les modalités d'acceptation du contrat et de rétractation, ainsi que le bordereau de rétractation conforme. Figure également dans la liasse du contrat, la notice d'information relative à la convention d'assurance collective jointe à la demande d'adhésion de M [P] laquelle fait figurer le montant de la mensualité d'assurance et le coût total de l'assurance facultative sur la durée du crédit.

La fiche de dialogue complétée et signée par les emprunteurs, sur leurs revenus et charges, est également produite de même que la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs destinée à permettre aux emprunteurs d'appréhender clairement l'étendue de leur engagement respectif. Cette fiche comporte la mention « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ». Cette fiche est datée et signée par les emprunteurs qui reconnaissent en avoir conservé un exemplaire. Elle attire leur attention sur les conséquences d'éventuels impayés.

Enfin la BNP Paribas Personal Finance produit les bulletins de paie de M [P] et l'avis d'imposition des époux [P] au titre des revenus de l'année 2012.

Le prêteur a ainsi respecté ses obligations et recueilli sur la solvabilité des emprunteurs un nombre suffisant d'informations, alors que le crédit souscrit était compatible avec leurs revenus et charges.

Il n'y a pas lieu de relever d'office la déchéance des intérêts du prêt.

Le jugement est en conséquence confirmé, sauf à ajouter que l'action en responsabilité contre le prêteur pour manquement à l'obligation de vérifier la régularité du bon de commande et délivrance des fonds avant l'exécution complète du contrat principal est prescrite.

Sur les demandes annexes :

Les époux [P] qui succombent en toutes leurs demandes supporteront les dépens de l'entière procédure.

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Déclare irrecevable, car prescrite, l'action en responsabilité contre la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la banque Solfea, pour manquements à ses obligations de vérifier la régularité du bon de commande et de libérer les fonds prêtés après la complète exécution du contrat principal,

Déboute les époux [P] de leur action en résolution du contrat de vente et résolution subséquente du contrat de crédit affecté,

Déboute les époux [P] du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à relever d'office la déchéance des intérêts du prêt,

Condamne les époux [P] aux dépens d'appel,

Déboute la BNP Paribas Personal Finance de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, conseiller, suite à l'empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 20/00280
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.00280 ?
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