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30/05/2022 | FRANCE | N°19/00327

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 2, 30 mai 2022, 19/00327


DL/BE



Numéro 22/02150





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2







Arrêt du 30 mai 2022







Dossier : N° RG 19/00327 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HEXH





Nature affaire :



Demande en partage, ou contestations relatives au partage







Affaire :



[F] [V], [B] [V]



C/



[O] [V],

Société GROUPEMENT FONCIER RURAL DE BERTRUC,

SCEA DE CENDETS







RÉPUBL

IQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'artic...

DL/BE

Numéro 22/02150

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 30 mai 2022

Dossier : N° RG 19/00327 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HEXH

Nature affaire :

Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Affaire :

[F] [V], [B] [V]

C/

[O] [V],

Société GROUPEMENT FONCIER RURAL DE BERTRUC,

SCEA DE CENDETS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 11 Avril 2022, devant :

Monsieur LAUNOIS, conseiller chargé du rapport,

assisté de Madame BARREAU, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur LAUNOIS, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Madame BAUDIER, Conseiller,

Monsieur LAUNOIS Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame [F] [V]

née le le 09 octobre 1966 à [Localité 9] (40)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Monsieur [B] [V]

né le 28 novembre 1964 à [Localité 9] (40)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me François PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU

assistés de Me Wladimir BLANCHY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMES :

Monsieur [O] [V]

né le 09 Octobre 1963 à [Localité 9] (40)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

SCEA DE CENDETS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentés par Me Nicole NOURY-LABEDE de la SELARL NOURY-LABEDE LABEYRIE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

GROUPEMENT FONCIER RURAL DE BERTRUC, prise en la personne de Maître [C], administrateur provisoire

[Adresse 2]

[Localité 7]

signification de la déclaration d'appel le 22/03/2019 (à l'étude)

signification des conclusions le 27/05/2019 (à l'étude)

sur appel de la décision

en date du 12 DECEMBRE 2018

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 17/00407

EXPOSE DU LITIGE

Trois enfants sont issus de l'union de Monsieur [E] [V] et Madame [P] [H], à savoir :

- Monsieur [O] [V] ;

- Monsieur [B] [V] ;

- Madame [F] [V] ;

Selon acte notarié du 02 mai 1975, Madame [P] [H] épouse [V] a fait donation à son époux, pour le cas où il survivrait, de l'universalité des biens qui composeraient sa succession.

Madame [P] [H] épouse [V] est décédée le 03 octobre 1999, laissant pour lui succéder son époux et leurs trois enfants.

Monsieur [E] [V] est décédé à son tour le 04 mars 2015, sans que la succession de son épouse ait été liquidée, et laissant pour lui succéder les trois enfants du couple.

Le patrimoine successoral se compose essentiellement :

- d'une maison située à [Localité 8] (40) ;

- de parcelles agricoles sises à [Localité 7] (40) ;

- de comptes et placements ;

- de parts sociales dans un groupement foncier rural dénommé « G.F.R. DE BERTRUC » et dans une société civile d'exploitation agricole dénommée « S.C.E.A. DE CENDETS » ;

Par ordonnance de référé en date 21 avril 2016, le président de tribunal de grande instance de Mont de Marsan a désigné Maître [U] [C] en qualité de mandataire unique des parts indivises de la SCEA DE CENDETS numéros 1 à 120, avec pour mission de prendre part aux votes lors des assemblées générales de la société.

Par exploit d'huissier du 18 avril 2017, Monsieur [B] [V] et Madame [F] [V] ont fait assigner Monsieur [O] [V], le GFR DE BERTRUC, la SCEA DE CENDETS, et la SARL CHAPY, devant le tribunal de grande instance de Mont de Marsan.

Par jugement du 12 décembre 2019, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le tribunal de grande instance de Mont de Marsan a notamment :

- Ordonné la liquidation et le partage de la succession de :

' [P] [A] [H] épouse [V], décédée le 3 octobre 1999,

' [E] [J] [V], décédé le 4 mars 2015,

- Désigné Maître [Z] [I], notaire à [Localité 6] (Landes) pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage de cette succession.

- Désigné Mme Mélanie Filiatreau, vice-président du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, pour surveiller ces opérations.

- Dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du juge commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête.

- Rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable et qu'en cas de contestation s'élevant à l'occasion du partage, il appartient au notaire ci-dessus désigné d'établir un procès-verbal de difficulté permettant à la partie la plus diligente de saisir le tribunal de grande instance.

- Préalablement à ces opérations, ordonné une expertise et désigné pour y procéder : M. [Z] [R], inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Pau, avec mission de, en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception et leurs conseils avisés :

' évaluer l'ensemble des avoirs et des biens dépendant des successions, en tenant compte du bail consenti avec la SCEA DE CENDETS,

' établir le compte d'indivision entre les parties,

' proposer une composition des lots dans le cadre d'un partage en nature.

- Dit que les parties devront transmettre leur dossier complet directement à l'expert, et ce au plus tard le jour de la première réunion d'expertise.

- Dit que l'expert devra soumettre aux parties à l'issue de cette première réunion un devis estimatif du coût de l'expertise et un échéancier des opérations d'expertise.

- Rappelé qu'il pourra recueillir l'avis d'un autre technicien mais dans une spécialité distincte de la sienne, à charge de joindre son avis au rapport.

- Dit que M. [B] [V], Mme [F] [V] et M. [O] [V] feront l'avance des frais d'expertise et devront consigner chacun la somme de 600,00 € (SIX CENTS EUROS) soit au total 1.800,00 € (MILLE HUIT CENTS EUROS) à la régie du tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN avant le 18 janvier 2019 en garantie des frais d'expertise.

- Rappelé qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités de l'article 271 du code de procédure civile.

- Dit que l'expert devra déposer au greffe de ce tribunal un rapport détaillé de ses opérations dans un délai de six mois à compter du jour de sa saisine et en adresser une copie complète à chacune des parties.

- Débouté M. [B] [V] et Mme [F] [V] de leur demande aux fins de dissolution du GFR DE BERTRUC.

- Déclaré irrecevable en raison de la prescription la demande de M. [B] [V] et Mme [F] [V] aux fins de nullité des assemblées générales de la SCEA DE CENDETS antérieures au 10 avril 2014.

- Débouté M. [B] [V] et Mme [F] [V] de leurs demandes aux fins de nullité des assemblées générales de la SCEA DE CENDETS postérieures au 10 avril 2014.

- Débouté M. [B] [V] et Mme [F] [V] de leur demande en dissolution de la SCEA DE CENDETS et de celle visant à obtenir la désignation d'un administrateur provisoire de cette société.

- Condamné solidairement M. [B] [V] et Mme [F] [V] à payer à M. [O] [V], au GFR DE BERTRUC et à la SCEA DE CENDETS une indemnité globale de 3.000,00 € (TROIS MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de partage.

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.

Par acte du 28 janvier 2019, Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] ont formé un appel limité de ce jugement, intimant Monsieur [O] [V], le GFR DE BERTRUC et la SCEA DE CENDETS.

Par ordonnance du 06 juillet 2020, le conseiller de la mise en état, saisi de conclusions d'incident déposées par Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V], a désigné Maître [C] en qualité d'administrateur provisoire du GFR DE BERTRUC, avec notamment pour mission :

- de convoquer sans délai une assemblée générale à l'effet de désigner un gérant du G.F.R. DE BERTRUC en remplacement de Monsieur [E] [V] décédé le 4 mars 2015 ;

- dans cette attente et dans l'hypothèse où aucun gérant ne serait désigné par les associés, d'administrer le groupement en disposant des plus larges pouvoirs à cet effet, et notamment à l'effet d'assurer la gestion courante du groupement, de régulariser les écritures comptables du groupement et de soumettre cette comptabilité à l'approbation des associés, de représenter le groupement vis-à-vis des tiers et dans toutes les actions dirigées contre ou par lui, et notamment de poursuivre le recouvrement amiable ou judiciaire des créances du groupement, de rendre compte de sa mission aux parties et à la Cour ;

Par ordonnance de rectification d'erreur matérielle du 18 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a désigné Maître [W] aux lieu et place de Maître [C] qui avait cessé son activité professionnelle.

Vu les dernières écritures des appelants, signifiées par RPVA le 07 mars 2022 ;

Vu les dernières écritures de Monsieur [O] [V] et de la SCEA DE CENDETS, signifiées par RPVA le 22 mars 2022 ;

Le GFR DE BERTRUC n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2022, et l'affaire était fixée à l'audience de plaidoiries du 11 avril suivant.

MOTIVATION

1 ' Sur la dissolution du GFR DE BERTRUC

Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] sollicitent l'infirmation des dispositions du jugement entrepris par lesquelles ils ont été déboutés de leur demande aux fins de dissolution du GFR DE BERTRUC.

Ils indiquent tout d'abord qu'à l'origine, c'est une société civile immobilière agricole qui avait été créée, avec les parents de Monsieur [E] [V] et pour une durée de 50 années, selon les statuts des 13 et 24 août 1959. Cette structure a été transformée, et est devenue le GFR DE BERTRUC, selon assemblée générale extraordinaire du 26 décembre 1995. Les appelants soutiennent en conséquence que, en l'absence de prorogation régulière, la durée statutaire est arrivée à expiration le 24 août 2009, de sorte que la dissolution du groupement est acquise depuis cette date à laquelle il est entré en phase liquidative, conformément aux dispositions de l'article 1844-7-1° du code civil.

Selon Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V], il ne peut être retenu que la durée du groupement aurait été prorogée du fait des baux en cours, en application des dispositions de l'article L.322-9 du code rural et de la pêche maritime, au motif notamment que les intéressés, membres du GFR DE BERTRUC, s'étaient opposés à cette prorogation dès 2012. Pour les appelants, l'éventuelle prorogation du GFR DE BERTRUC du fait du renouvellement du bail ne pouvait excéder la date du 1er mars 2017.

Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] demandent en conséquence à la cour de constater la dissolution du GFR DE BERTRUC.

Subsidiairement, les appelants demandent à la cour de prononcer cette dissolution :

- sur le fondement des dispositions de l'article 1846-1 du code civil, qui dispose que le tribunal peut prononcer la dissolution d'une société lorsqu'elle est dépourvue de gérant depuis plus d'un an. Selon les appelants, le groupement n'a plus de gérant depuis le décès de Monsieur [E] [V], il y a plus de sept ans.

Ils ajoutent que la demande de désignation d'un mandataire ad hoc devait être présentée dans le délai d'un an à compter de la vacance de la gérance, ce qui n'a pas été fait. En outre selon eux, une telle demande n'aurait pas nécessairement présenté d'intérêt, car « il est très douteux, au regard de la répartition du capital et des différends existants entre les associés, qu'un nouveau gérant ait pu être choisi parmi eux ou à l'extérieur ».

Ils précisent encore qu'un administrateur provisoire a été désigné en cours de procédure par le conseiller de la mise en état, et 15 mois plus tard, et malgré les termes de sa mission, il n'a pas été possible de procéder à la désignation d'un nouveau gérant.

- sur le fondement des dispositions de l'article 1844-7-5° du code civil qui dispose qu'une société prend fin par dissolution judiciaire pour juste motif, notamment la mésentente entre les associés paralysant son fonctionnement. Ils soutiennent que tel est le cas en l'espèce.

Consécutivement à la dissolution du groupement, Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] demandent en outre à la cour de désigner un liquidateur.

Monsieur [O] [V] et la SCEA DE CENDETS sollicitent la confirmation sur ce point du jugement frappé d'appel.

Ils indiquent qu'en application des dispositions de l'article L322-9 du code rural, l'existence du GFR DE BERTRUC s'est prolongée tant que le bail liant celui-ci et la SCEA DE CENDETS a été renouvelé. Ils précisent ainsi qu'un premier bail a été signé le 1er mars 1981, pour une durée de 18 ans. Depuis le terme de cette période, ce bail a été renouvelé, pour des périodes de 9 ans, sans que Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] se soient opposés à la prorogation du groupement lorsqu'il est arrivé à son terme. Selon les intimés, les appelants ne justifient pas s'être opposés à la prorogation du GFR DE BERTRUC, contrairement à ce qu'ils indiquent.

Concernant la demande tendant au prononcé de la dissolution du GFR DE BERTRUC, Monsieur [O] [V] et la SCEA DE CENDETS indiquent :

- que l'absence de gérant n'est pas un motif suffisant pour dissoudre le groupement. Ils précisent que ses statuts permettent à tout associé de saisir le président du tribunal de grande instance pour solliciter la désignation d'un mandataire chargé de réunir les associés, et que la possibilité de prononcer la dissolution prévue à l'article 1846-1 du code civil s'apprécie selon les circonstances de l'espèce.

- que le GFR DE BERTRUC fonctionne normalement, ce d'autant qu'un administrateur provisoire a été désigné par le conseiller de la mise en état, avec notamment pour mission d'assurer la gestion normale du groupement. Les intimés précisent que Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] se sont opposés à l'ensemble des résolutions proposées par l'administrateur provisoire, empêchant ainsi la désignation d'un gérant.

- que la mésentente entre les associés n'empêche pas le fonctionnement du GFR DE BERTRUC, lequel n'est pas paralysé.

Sur ce,

' sur le constat de la dissolution

Le premier juge a procédé à une analyse aussi sérieuse que complète des faits, des prétentions, des moyens de preuve des parties et des pièces produites. Sa motivation n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V], qui se prévalent pour l'essentiel des mêmes faits et des mêmes pièces qu'en première instance.

Il ne peut qu'être précisé ceci :

Aux termes de l'article 1844-7 du code civil,

« La société prend fin :

1° Par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l'article 1844-6 ;

2° Par la réalisation ou l'extinction de son objet ;

3° Par l'annulation du contrat de société ;

4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;

5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;

6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l'article 1844-5 ;

7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ;

8° Pour toute autre cause prévue par les statuts. »

En l'espèce, il est constant que les statuts du GFR DE BERTRUC prévoient que la durée de la société est de cinquante années à compter du jour de sa constitution, et les parties s'accordent à dire que ce délai expirait en septembre 2009.

Il n'est pas contesté qu'aucune prorogation n'a été décidée, dans les conditions prévues à l'article 1844-6 du code civil.

Cependant, comme l'a relevé le tribunal, l'article L322-9 du code rural et de la pêche maritime prévoit notamment que, lorsqu'un ou plusieurs des baux consentis par un groupement foncier agricole sont en cours à l'expiration du temps pour lequel il a été constitué, le groupement est, sauf opposition de l'un de ses membres, prorogé de plein droit pour la durée restant à courir sur celui de ces baux qui vient le dernier à expiration.

Or, il ressort de la procédure qu'un bail notarié a été consenti par le GFR DE BERTRUC à la SCEA DE CENDETS pour une durée de dix-huit ans à compter du 1er mars 1981.

L'article 2 des conditions particulières du bail prévoit expressément le renouvellement, au terme de la période initiale, « de neuf ans en neuf ans dans les conditions fixées par l'article 837 du code rural, sauf congé envoyé par le bailleur (...) ».

La régularité de ce bail n'a pas été contestée, tout comme il n'est pas soutenu qu'un congé aurait été délivré.

Ce bail a donc été renouvelé une première fois le 1er mars 1999, puis le 1er mars 2008 jusqu'au 28 février 2017, et enfin le 1er mars 2017 jusqu'au 28 février 2026.

Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] soutiennent qu'ils s'étaient opposés à la prorogation de la durée du GFR DE BERTRUC en 2012. Dès lors, le groupement ne peut avoir fait l'objet de la prorogation prévue à l'article L322-9 du code rural et de la pêche maritime.

La cour ne peut cependant que constater qu'ils ne produisent aucune pièce démontrant qu'ils se sont effectivement opposés à la prorogation de la durée du groupement. En effet, il ne ressort d'aucun justificatif que les appelants, ou l'un d'eux, auraient manifesté de quelque façon que ce soit une telle opposition, de sorte qu'il apparaît qu'en fait, ils procèdent uniquement par voie d'affirmation, sans rapporter la preuve de ce qu'ils avancent.

En application des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, et en l'absence d'opposition d'un membre du GFR DE BERTRUC, le groupement a été prorogé de plein droit pour la durée restant à courir jusqu'à expiration du bail en cours.

Dès lors, il n'y a pas lieu de constater sa dissolution par l'expiration du temps pour lequel il a été constitué.

' sur le prononcé de la dissolution

L'article 1846-1 du code civil précise que hors les cas visés à l'article 1844-7, la société prend fin par la dissolution anticipée que peut prononcer le tribunal à la demande de tout intéressé, lorsqu'elle est dépourvue de gérant depuis plus d'un an.

Ainsi, la dissolution judiciaire prévue par ce texte n'est qu'une possibilité, laissée à l'appréciation de la juridiction saisie.

Par ailleurs, l'article1844-7, 5° du code civil prévoit la dissolution anticipée, prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

Il n'est pas contesté que le GFR DE BERTRUC n'a plus de gérant statutaire depuis le décès de Monsieur [E] [V], survenu en 2015.

Le capital social du groupement est depuis lors réparti comme suit :

- parts 1 à 1.930 : indivision entre Monsieur [O] [V], Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V], à concurrence d'un tiers chacun ;

- parts 1.931 à 2.066 : Monsieur [O] [V]

La mésentente persistante entre les associés est telle que, malgré la mission donnée à l'administrateur provisoire, elle empêche la désignation d'un gérant.

Le recours à cet administrateur provisoire ne peut durablement suppléer l'absence de gérant du GFR DE BERTRUC, la mission de Maître [W] étant limitée dans son objet et n'ayant pas vocation à être pérennisée.

Dans le même temps, les appelants soutiennent que :

- Aucune comptabilité n'est tenue,

- Les comptes ne sont pas soumis au contrôle et à l'approbation des associés,

- Les résultats ne leur sont pas distribués,

- Aucune décision collective n'est prise conformément aux règles statutaires, légales et règlementaires,

- Aucun acte de gestion n'est accompli,

Monsieur [O] [V] conteste ces affirmations, et soutient que Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] ne versent aucune pièce à l'appui de leurs propos.

Il convient de constater que si les reproches formulés par les appelants ne s'appuient sur aucun justificatif comptable, il apparaît que Monsieur [O] [V] n'a pas davantage produit la moindre pièce permettant d'avérer que le groupement aurait conservé un fonctionnement normal, conforme à ses statuts et aux textes applicables.

Les intimés soutiennent que le GFR DE BERTRUC continue de percevoir les fermages de la SCEA DE CENDETS, « de sorte que l'objet social du GFR existe toujours ».

Il n'en justifie cependant pas, et il ressort de la procédure que Maître [W], agissant en sa qualité d'administrateur provisoire du groupement, a fait assigner la SCEA DE CENDETS devant le tribunal judiciaire de Mont de Marsan pour obtenir le paiement d'une créance de 225.255€.

L'assignation mentionne que dans son rapport de gestion du 26 novembre 2016, le gérant de la SCEA, Monsieur [O] [V], a indiqué « concernant la dette de la SCEA vis-à-vis du GFR, nous sommes en train d'étudier les possibilités concernant son règlement. Le gérant ajoute qu'à ce jour il n'est pas possible d'envisager le remboursement immédiat ».

Dans ses conclusions d'incident devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire, la SCEA DE CENDETS soutient que l'action de l'administrateur provisoire serait irrecevable pour cause de prescription. Elle indique « que les dettes sont particulièrement anciennes », et comprennent notamment des fermages anciens, les derniers datant de 2013.

Il apparaît ainsi que, même après le décès de Monsieur [E] [V], alors que le GFR DE BERTRUC pouvait détenir une créance envers la SCEA DE CENDETS, aucune démarche n'aurait été entreprise jusqu'à la désignation de l'administrateur provisoire pour en obtenir le recouvrement, ce qui est manifestement contraire à l'objet social du groupement qui est notamment la jouissance, l'administration et la mise en valeur par la conclusion de baux ruraux à long terme de tous biens immobiliers dont le GFR a la propriété.

Dès lors,

- l'absence prolongée de gérant,

- l'opposition systématique entre les associés,

- l'absence de décision collective,

- la nécessité de recourir à la désignation d'un administrateur provisoire pour la gestion courante et simple des biens sociaux,

traduisent l'existence d'une mésentente durablement installée entre les associés. Il ressort de ce qui précède que la situation a conduit à des carences dans l'accomplissement des actes conformes à l'objet social du groupement.

Les dissensions profondes et persistantes conduisent à paralyser le fonctionnement du groupement, ce qui justifie sa dissolution anticipée.

Selon l'article 1844-8 du code civil, la dissolution de la société entraîne sa liquidation, le liquidateur étant nommé conformément aux dispositions des statuts. D'après ce texte, la nomination du liquidateur par décision judiciaire n'a lieu que dans le silence des statuts et si les associés n'ont pas pu procéder eux-même à la nomination du liquidateur.

En l'espèce les statuts précisent à l'article 16 qu'en cas de dissolution anticipée du groupement, l'assemblée générale règle sur la proposition de la gérance le mode de liquidation et nomme un ou plusieurs liquidateurs dont elle détermine les pouvoirs.

Il appartiendra aux associés de procéder à la liquidation, et à défaut, un liquidateur sera nommé par décision de justice

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer la dissolution du GFR DE BERTRUC et d'ordonner l'ouverture des opérations de liquidation.

2 ' Sur la nullité des assemblées générales de la SCEA DE CENDETS

Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] sollicitent l'infirmation des dispositions du jugement frappé d'appel par lesquelles :

' leur demande aux fins de nullité des assemblées générales de la SCEA DE CENDETS antérieures au 10 avril 2014 a été déclarée irrecevable en raison de la prescription ;

' ils ont été débouté de leur demande aux fins de nullité des assemblées générales de la SCEA DE CENDETS postérieures au 10 avril 2014 ;

A l'appui de leurs demandes les appelants font valoir que les décisions collectives doivent être prises à l'unanimité de la totalité des associés, et non pas seulement de ceux présents ou représentés à l'assemblée. Ils ajoutent que la notion de « majorité simple » visée dans les statuts n'est pas définie.

Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] ajoutent que depuis le décès de leur mère en 1999, 120 parts sociales sur les 200 composant le capital de la SCEA DE CENDETS sont en indivision, et qu'aucun mandataire unique n'a été désigné pour représenter les copropriétaires des parts sociales indivises. En conséquence, toutes les décisions collectives de la société prises depuis la date du décès de Madame [P] [H] épouse [V] seraient nulles, ce d'autant que les appelants affirment ne pas avoir été convoqués aux assemblées générales.

Les appelants précisent en outre que l'exception de nullité étant perpétuelle, des comptes prétendument « approuvés » en vertu de décisions collectives prises irrégulièrement depuis plus de 3 ans ne peuvent pas être pris en considération pour l'élaboration de comptes plus récents.

À titre subsidiaire, si la prescription était retenue, ils sollicitent que les assemblées générales qui se sont tenues postérieurement aux 10 avril 2014 soient déclarées nulles.

Les intimés sollicitent la confirmation sur ce point du jugement entrepris.

Ils soutiennent que les demandes de Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] relatives aux assemblées générales durant la période de 1999 au 10 avril 2014 sont prescrites, en application des dispositions de l'article 1844-14 du code civil.

S'agissant des assemblées générales postérieures, les intimés soutiennent que des dispositions statutaires fixent les modalités selon lesquelles les décisions qui excèdent les pouvoirs du gérant doivent être prises, à savoir à la majorité simple des parts sociales représentées, et non à l'unanimité des associés.

Monsieur [O] [V] et la SCEA DE CENDETS ajoutent que les appelants visent l'ensemble des assemblées générales, sans viser l'objet de chacune ni justifier au cas par cas des raisons de la nullité.

Sur ce,

S'agissant de la demande portant sur les assemblées générales antérieures au 10 avril 2014, le premier juge a procédé à une analyse aussi sérieuse que complète des faits, des prétentions, des moyens de preuve des parties et des pièces produites. Sa motivation n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V], qui se prévalent des mêmes faits et des mêmes pièces qu'en première instance.

Il convient de rappeler ceci :

L'article 1852 du code civil précise que les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés.

Le dernier alinéa de l'article 1844-10 du code civil prévoit que la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.

Selon l'article 1844-14 du même code, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.

Par ailleurs, l'article 9 du code de procédure civile précise qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il est constant, et même désormais prévu à l'article 1185 du code civil, que l'exception de nullité ne se prescrit pas.

Cependant, il n'en va pas de même de l'action en nullité, et notamment de celle portant sur une délibération d'une assemblée générale prise en violation des statuts de la société, laquelle est soumise à la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil.

En l'espèce, la nullité des assemblées générales de la SCEA DE CENDETS depuis 1999 a été sollicitée par voie d'action par Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] dans leur assignation délivrée le 10 avril 2017, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la demande à ce titre est irrecevable, en raison de la prescription, s'agissant des assemblées générales antérieures au 10 avril 2014.

Concernant les assemblées générales postérieures, il convient de relever que, comme l'a indiqué le tribunal, les statuts de la SCEA DE CENDETS précisent notamment, au titre III ADMINISTRATION DE LA SOCIETE, « dans leurs rapports entre le gérant et les coassociés, et à titre de mesure d'ordre intérieur, les achats, ventes, apports ou échanges d'immeubles, les emprunts sous quelque forme que ce soit y compris les dépôts de fonds par les associés en compte courant, les constitutions d'hypothèque, de gage et nantissement sur les biens immobiliers et mobiliers de la Société, les constitutions de société, ou de groupement d'intérêts collectifs, prise de participation, les opérations de fusion ou scission, les baux de plus de neuf ans, de même que tous travaux d'entretien, achat de matériel, de machines, de marchandises, de matières premières ou de toutes autres opérations courantes d'administration dépassant la somme de TROIS CENTS MILLE FRANCS (300.000 Frs), ne pourront être réalisés que sur la signature ou avec l'accord et approbation de la collectivité des associés délibérant à la majorité simple prévue par les décisions ordinaires ».

Ce texte clair, et dénué de toute ambiguïté, déroge à la règle de l'adoption des décisions à l'unanimité des associés posée par l'article 1852 du code civil.

D'ailleurs, la précision prévue aux statuts prévoyant une « majorité simple » n'a d'intérêt que parce que les associés entendaient écarter l'unanimité édictée par l'article considéré.

Cette majorité simple s'entend nécessairement comme correspondant à la majorité des voix exprimées.

S'agissant de l'assemblée générale du 17 décembre 2014, il apparaît que dès le 11 avril suivant, Monsieur [B] [V] écrivait au gérant de la SCEA DE CENDETS, indiquant ne pas avoir reçu d'ordre du jour ni même de convocation.

Les intimés ne contestent pas cette irrégularité, et affirment que le bail qui a été approuvé lors de cette assemblée « n'a pas été légalement conçu » et serait irrégulier, ainsi que le premier juge l'a retenu.

Il est ainsi suffisamment établi que l'assemblée générale de la SCEA DE CENDETS du 17 décembre 2014 s'est tenue sans que tous les associés soient convoqués.

Cependant, il ne peut qu'être rappelé que si les modalités de convocation des associés aux assemblées générales sont prescrites à peine de nullité, c'est à la condition qu'il soit justifié d'un grief. Or en l'espèce, les appelants n'en invoquent, et a fortiori n'en caractérisent, aucun. Et notamment, il n'est pas démontré que le vote des associés qui n'ont pas été régulièrement convoqués aurait été de nature à modifier les décisions prises lors de cette assemblée.

Les appelants ne versent par ailleurs aucune pièce permettant de retenir que les autres assemblées générales du SCEA DE CENDETS, postérieures au 10 avril 2017, auraient été irrégulièrement tenues et que leur nullité pourrait être prononcée.

Et notamment, il apparaît que leurs affirmations selon lesquelles tous les associés n'avaient pas été convoqués en vue de certaines assemblées générales, dont celle du 08 janvier 2015, ne sont étayées par rien permettant d'avérer l'irrégularité qu'ils invoquent, et qui est contestée par les intimés.

En outre, Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] ne font état, et ne justifient, d'aucun grief procédant de l'irrégularité alléguée.

En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a débouté Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] de leur demande aux fins de nullité des assemblées générales de la SCEA DE CENDETS postérieures au 10 avril 2014, et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

3 ' Sur la dissolution de la SCEA DE CENDETS ou subsidiairement sur la désignation d'un administrateur provisoire

Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] sollicitent l'infirmation des dispositions du jugement entrepris par lesquelles le tribunal les a déboutés tant de leur demande en dissolution de la SCEA DE CENDETS que de leur demande subsidiaire de désignation d'un administrateur provisoire.

Ils demandent à la cour de prononcer cette dissolution, un liquidateur étant désigné à cette fin, et font valoir que comme Monsieur [O] [V] l'avait lui même indiqué, la société se trouve dans une situation de blocage. Selon eux, la mésentente entre les associés conduit à paralyser le fonctionnement de la société, les comptes n'auraient pas été approuvés, pas plus que la rémunération de Monsieur [O] [V], et le gérant aurait commis des fautes de gestion.

Les intimés sollicitent sur ce point la confirmation de la décision entreprise.

Ils soutiennent que malgré l'opposition constante de Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V], la mésentente existant entre les associés n'empêche pas le fonctionnement de la société, qui continue son activité.

Ils ajoutent que si les comptes n'ont pas été approuvés, ils ont toutefois été présentés, conformément à l'obligation pesant sur le gérant.

Ils contestent les fautes de gestion alléguées, et précisent par ailleurs que ce motif n'est pas une cause de dissolution de société.

Sur ce,

Comme indiqué précédemment, l'article 1844-7, 5° du code civil prévoit la dissolution anticipée, prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

Il incombe à l'associé qui sollicite le prononcé de la dissolution de la société de démontrer que le fonctionnement de cette dernière est paralysé. Par ailleurs, la mésentente ne justifie la dissolution que si les dissensions sont assez profondes et persistantes pour entraîner le blocage du fonctionnement de la société.

Il convient de rappeler que par ordonnance de référé en date 21 avril 2016, le président de tribunal de grande instance de Mont de Marsan a désigné Maître [U] [C] en qualité de mandataire unique des parts indivises de la SCEA DE CENDETS numéros 1 à 120, avec pour mission de prendre part aux votes lors des assemblées générales de la société.

Pour autant, il ressort de la procédure, et notamment des procès-verbaux d'assemblée générale, que malgré la désignation du mandataire, les résolutions présentées demeurent systématiquement rejetées, qu'il s'agisse notamment de l'approbation du rapport du gérant, de l'approbation des comptes annuels, de l'affectation et de la répartition des résultats, et même de la fixation de la rémunération du travail du gérant.

Cette situation de blocage du vote des résolutions procède de la mésentente existant entre les associés.

Dans le même temps, et sans qu'il soit utile de s'attacher davantage aux reproches formulés concernant la gestion par Monsieur [O] [V] de la SCEA DE CENDETS, il apparaît que :

- le chiffre d'affaire de la société est en baisse ;

- le compte courant d'associé de Monsieur [O] [V] est passé d'un solde créditeur à hauteur de 7.519€ au 28 février 2015 à un solde créditeur de 224.871€ au 28 février 2021 ;

- l'administrateur provisoire du GFR DE BERTRUC a fait assigner la SCEA DE CENDETS devant le tribunal judiciaire de Mont de Marsan pour obtenir le paiement d'une créance de 225.255€ ; dans son rapport de gestion du 26 novembre 2016, le gérant de la SCEA, Monsieur [O] [V], a indiqué « concernant la dette de la SCEA vis-à-vis du GFR, nous sommes en train d'étudier les possibilités concernant son règlement. Le gérant ajoute qu'à ce jour il n'est pas possible d'envisager le remboursement immédiat » ; ce faisant, le gérant ne contestait pas le principe de cette dette, et admettait que la société ne disposait pas de l'actif nécessaire pour y faire face ;

- malgré le rejet des résolutions portant sur sa rémunération, et alors même que l'article 7 des statuts de la SCEA DE CENDETS prévoit que « les gérants pourront percevoir une indemnité qui sera fixée par l'assemblée des associés » , le gérant a continué à se servir une indemnité, dont le montant, sinon le principe même, n'était pas validé par l'assemblée générale ;

Ainsi, le blocage des organes institutionnels, ou à tout le moins du vote des résolutions, et la prise de décision en violation des dispositions statutaires caractérisent la paralysie de la société, dans un contexte où celle-ci connaît une situation financière et économique dégradée, de sorte que l'intérêt social, les intérêts des associés et ceux des tiers sont susceptibles d'être compromis.

Ces circonstances justifient la dissolution anticipée de la SCEA DE CENDETS.

Selon l'article 1844-8 du code civil, la dissolution de la société entraîne sa liquidation, le liquidateur étant nommé conformément aux dispositions des statuts. D'après ce texte, la nomination du liquidateur par décision judiciaire n'a lieu que dans le silence des statuts et si les associés n'ont pas pu procéder eux-même à la nomination du liquidateur.

En l'espèce les statuts de la société précisent à l'article 15 qu'en cas de dissolution anticipée, la liquidation sera faite par les associés.

Il leur appartiendra d'y procéder, et à défaut, le liquidateur sera nommé par décision de justice.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer la dissolution de la SCEA DE CENDETS et d'ordonner l'ouverture des opérations de liquidation.

4 ' Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'article 696 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La décision du tribunal sur le sort des dépens de première instance sera confirmée, les parties n'ayant articulé aucune motivation justifiant qu'une solution différente soit retenue.

Chaque partie ayant partiellement succombé devant la cour, chacune supportera ses propres dépens exposés en cause d'appel.

L'équité et le partage des dépens commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, et les parties seront déboutées de leur demande formée à ce titre devant la cour.

*

* *

Les parties seront renvoyées devant le notaire désigné, afin qu'il soit procédé aux opérations de liquidation des successions conformément à la présente décision.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt de défaut susceptible d'opposition de la part de la seule partie défaillante, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- Débouté Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] de leur demande aux fins de dissolution du GFR DE BERTRUC ;

- Débouté Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] de leur demande en dissolution de la SCEA DE CENDETS ;

- Condamné solidairement Madame [F] [V] et Monsieur [B] [V] à payer à Monsieur [O] [V], au GFR DE BERTRUC et à la SCEA DE CENDETS une indemnité globale de 3.000,00 € (TROIS MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau et ajoutant à la décision déférée,

Prononce la dissolution anticipée du GFR DE BERTRUC ;

Dit que la dissolution du GFR DE BERTRUC entraîne sa liquidation ;

Dit que le liquidateur sera nommé conformément aux dispositions des statuts du groupement, par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice ;

Prononce la dissolution anticipée de la SCEA DE CENDETS ;

Dit que la dissolution de la SCEA DE CENDETS entraîne sa liquidation ;

Dit que le liquidateur sera nommé conformément aux dispositions des statuts de la société, par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Renvoie les parties devant le notaire désigné pour qu'il soit procédé aux opérations de liquidation des successions conformément au présent arrêt ;

Condamne chaque partie à supporter ses propres dépens exposés en cause d'appel ;

Déboute les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Arrêt signé par David LAUNOIS, Conseiller pour le Président empêché et Julie BARREAU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIEREP/ LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

Julie BARREAUDavid LAUNOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 2
Numéro d'arrêt : 19/00327
Date de la décision : 30/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-30;19.00327 ?
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