DL/BE
Numéro 22/02064
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 2
Arrêt du 23 mai 2022
Dossier : N° RG 18/01391 - N° Portalis DBVV-V-B7C-G4NQ
Nature affaire :
Demande en annulation, en réduction d'une libéralité ou d'une clause d'une libéralité
Affaire :
[AZ] [C]
C/
[J] [N] épouse [T], [S] [N], [A] [S], [F] [OD] [S], [AZ] [N], [RB] [S], [KF] [S], [K] [D], [O] [D], [H] [D] épouse [S], [U]-[IG] [D], [IH] [D], [RA] [D], [OC] [D] veuve [S], [I] [GI]-[L] épouse [Z], [ME] [GI]-[L], [MD] [GI]-[L] divorcée [M]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 04 Avril 2022, devant :
Monsieur LAUNOIS, conseiller chargé du rapport,
assisté de Madame BARREAU, Greffière, présente à l'appel des causes,
Monsieur [DK], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur GADRAT, Président,
Madame MÜLLER, Conseiller,
Monsieur LAUNOIS Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
Grosse délivrée le :
à :
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [AZ] [C]
né le 28 Octobre 1945 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 18]
[Localité 13]
Représenté par Me François PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU
Assisté de Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES :
Monsieur [S] [N]
né le 19 Août 1951 à [Localité 30] (33)
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 23]
Représenté par Me Gregory CASADEBAIG de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES - ELIGE PAU, avocat au barreau de PAU
assisté de Me Daniel LASSERRE, membre de la SELAS EXEME ACTION, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame [A] [S]
née le 27 Mars 1968 à [Localité 36] (17)
de nationalité Française
[Adresse 19]
[Localité 12]
Assignation en intervention forcée le 29/03/2019 (à domicile)
Monsieur [F] [OD] [S] Es qualité d'héritier de Madame [H] [D] épouse [S] décédée
de nationalité Française
[Adresse 32]
[Localité 8]
Assignation en intervention forcée le 28/08/2019 (à l'étude)
Monsieur [AZ] [N]
de nationalité Française
[Adresse 29]
[Localité 16]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 28/06/2018 (à domicile)
Madame [RB] [S]
née le 09 Novembre 1969 à [Localité 35] (17)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 28]
Assignation en intervention forcée le 03/04/2019 (à l'étude)
Madame [KF] [S]
née le 04 Avril 1971 à [Localité 7] (16)
de nationalité Française
[Adresse 33]
[Localité 17]
Assignation en intervention forcée le 02/04/2019 (à l'étude)
Madame [K] [D]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 11]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 29/06/2018 (remise à personne)
Monsieur [O] [D]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 10]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 29/06/2018 (remise à personne)
Monsieur [U]-[IG] [D]
de nationalité Française
[Adresse 27]
[Localité 9]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 29/06/2018 (remise à personne)
Monsieur [IH] [D]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 29/06/2018 ( à l'étude)
Monsieur [RA] [D]
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 11]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 29/06/2018 (à domicile)
Madame [OC] [D] veuve [S]
de nationalité Française
[Adresse 4]
Appt 14
[Localité 7]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 28/06/2018 (à l'étude)
Madame [I] [GI]-[L] épouse [Z]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 26]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 28/06/2018 (remise à personne)
Monsieur [ME] [GI]-[L]
de nationalité Française
[Adresse 31]
[Localité 24]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 28/06/2018 (remise à personne)
Madame [MD] [GI]-[L] divorcée [M]
de nationalité Française
[Adresse 21]
[Localité 25]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 28/06/2018 (à l'étude)
Madame [J] [N] épouse [T]
[Adresse 20]
[Localité 16]
Signification des conclusions le 17/03/2022 (à domicile)
sur appel de la décision
en date du 22 JANVIER 2018
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
RG numéro : 16/00256
EXPOSE DU LITIGE
Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] est décédée le 17 janvier 2014, après avoir été placée sous tutelle par jugement du 08 avril 2013.
La défunte laissait pour lui succéder des cousins, en rang successible :
- Madame [MD] [GI]-[L], cousine germaine ;
- Madame [I] [GI]-[L], épouse [Z], cousine germaine ;
- Monsieur [ME] [GI]-[L], cousin [R] ;
- Madame [J] [N], épouse [T], cousine ;
- Monsieur [AZ] [N], cousin ;
- Monsieur [C] [AZ], cousin ;
- Monsieur [U]-[IG] [D], cousin ;
- Monsieur [RA] [D], cousin ;
- Monsieur [IH] [D], cousin ;
- Monsieur [O] [D], cousin ;
- Madame [H] [D], cousine ;
- Madame [K] [D], cousine ;
- Madame [OC] [D], cousine;
Le 25 février 2014, Monsieur [S] [N], petit cousin en rang non successible de la défunte, a remis au notaire chargé du règlement de la succession un testament olographe, daté du 24 mai 2006 et attribué à Madame [B] [GI]-[L], par lequel celle-ci l'instituait légataire universel.
Par actes d'huissier délivrés les 05, 06, 14 et 20 janvier et 05 février 2016, Monsieur [AZ] [C] et Madame [J] [N] épouse [T], cousins de la défunte, ont fait assigner Monsieur [S] [N], Madame [MD] [GI]-[L], Madame [I] [GI]-[L], épouse [Z], Monsieur [ME] [GI]-[L], Monsieur [AZ] [N], Monsieur [U]-[IG] [D], Monsieur [RA] [D], Monsieur [IH] [D], Monsieur [O] [D], Madame [H] [D], Madame [K] [D], et Madame [OC] [D] devant le tribunal de grande instance de Bayonne aux fins notamment de voir prononcer la nullité du testament du 24 mai 2006 et désigner un notaire pour procéder au partage entre les héritiers.
Par jugement du 22 janvier 2018, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le tribunal de grande instance de Bayonne a :
- débouté Monsieur [AZ] [C] et Madame [J] [N] épouse [T] de l'intégralité de leurs demandes ;
' déclaré valable le testament olographe établi le 21 (24) mai 2006 par Madame [B] [GI]-[L], veuve [YV], au profit de Monsieur [S] [N] ;
- condamné Monsieur [AZ] [C] et Madame [J] [N], épouse [T], aux entiers dépens ;
- condamné Monsieur [AZ] [C] et Madame [J] [N], épouse [T], à payer chacun à Monsieur [S] [N] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté Monsieur [AZ] [C] et Madame [J] [N], épouse [T] de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Monsieur [AZ] [C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 avril 2018, intimant Monsieur [S] [N], Madame [MD] [GI]-[L], Madame [I] [GI]-[L], épouse [Z], Monsieur [ME] [GI]-[L], Monsieur [AZ] [N], Monsieur [U]-[IG] [D], Monsieur [RA] [D], Monsieur [IH] [D], Monsieur [O] [D], Madame [H] [D], Madame [K] [D], et Madame [OC] [D].
En raison du décès de Madame [H] [D] survenu le 24 février 2016, Monsieur [AZ] [C] a fait assigner en intervention forcée ses ayant-droits, par actes des 29 mars, 2 et 3 avril 2019, à savoir Mesdames [A], [RB] et [KF] [S], ainsi que Monsieur [F] [S] par acte du 28 août 2019.
Par ordonnances du conseiller de la mise en état rendues le 21 octobre 2020, les procédures ouvertes consécutivement à la délivrance de ces assignations étaient jointes à la procédure déjà en cours.
Par ordonnance du 16 décembre 2020 le conseiller de la mise en état a notamment :
- déclaré valable le jugement déféré ;
- déclaré l'appel interjeté par Monsieur [AZ] [C] recevable ;
- rejeté le moyen tiré de la caducité de la déclaration d'appel formée par Monsieur [AZ] [C] et déclaré ladite déclaration valable aux parties intimées ou intervenantes forcées ;
- rejetée la demande d'expertise graphologique présentée par Monsieur [AZ] [C] ;
Monsieur [S] [N] a déféré cette décision à la censure de la cour.
Par acte du 27 mai 2021, Monsieur [AZ] [C] a formalisé une déclaration d'appel contre le jugement rendu le 22 janvier 2018, intimant Madame [J] [N] épouse [T] qui ne l'avait pas été jusqu'alors.
Par ordonnance du 05 juillet 2021, la procédure ouverte consécutivement à cet appel était jointe à celle déjà en cours à la suite de l'appel interjeté le 26 avril 2018.
Considérant que Monsieur [AZ] [C] avait régularisé la procédure, Monsieur [S] [N] s'est désisté de son déféré.
Vu les dernières écritures de l'appelant, signifiées par RPVA le 10 mars 2022 ;
Vu les dernières écritures de Monsieur [S] [N], seul intimé constitué, signifiées par RPVA le 07 septembre 2018 ;
Il n'est pas justifié d'une signification à personne des actes de la procédure aux intimés non constitués.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2022, et l'affaire était fixée à l'audience de plaidoiries du 04 avril suivant.
MOTIFS
La cour relève à titre liminaire que le dispositif des écritures de l'intimé comporte, notamment, quatorze demandes de « constater » et trois de « dire et juger ».
Il sera rappelé que l'article 954 du code de procédure civile précise notamment que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il est constant que les demandes de « constater... », « dire et juger que... » et autre « donner acte » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4,5,31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions qu'il appartient à la partie concernée de formuler explicitement dans le dispositif de ses écritures.
En conséquence, la cour ne répondra pas à de telles « demandes » si elles ne correspondent pas à des prétentions énoncées expressément au dispositif des conclusions.
I. Sur la nullité du testament du 21 mai 2006 et la désignation d'un notaire
Monsieur [AZ] [C] demande dans le dispositif de ses écritures « au tribunal » (sic) d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer la nullité du testament du 24 mai 2006 et de désigner un notaire pour « établir le partage entre les héritiers assignés au regard des règles successorales légales ».
Monsieur [S] [N] s'oppose aux prétentions de Monsieur [AZ] [C], et sollicite la confirmation de la décision entreprise.
Il convient d'examiner, le cas échéant successivement, les moyens invoqués à l'appui des prétentions de l'appelant.
1 ' sur la nullité au regard des dispositions de l'article 970 du code civil
Monsieur [AZ] [C] rappelle qu'aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe doit, notamment, être daté de la main du testateur. Or, selon lui, le testament litigieux « a été très vraisemblablement antidaté ».
A l'appui de son propos, l'appelant indique que la comparaison de ce document avec deux cartes postales rédigées par la défunte en 2003 et 2005 fait apparaître des différences majeures dans l'écriture et la signature. Monsieur [AZ] [C] soutient que l'écriture de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] n'a pas pu se dégrader autant en huit mois.
Selon lui, la signature figurant sur le testament est similaire à celle tracée sur des chèques signés par la défunte en 2012.
Monsieur [AZ] [C] ajoute avoir sollicité après le jugement un expert judiciaire qui a procédé à des comparaisons de documents attribués à la défunte et qui a retenu qu'il « est permis de penser que, selon une forte probabilité, ce testament n'a pas été rédigé et signé par Madame [B] [YV] en 2006 ». Toujours selon cet expert, ce testament aurait été antidaté et selon toute vraisemblance rédigé à une date plus proche de 2012 que 2005.
Selon l'appelant, la fausseté de la date serait aussi établie par l'incohérence du testament, dont les termes avaient pour effet de dépouiller la s'ur jumelle de la testatrice, dont elle était très proche et avec laquelle elle vivait, de tout droit dans sa succession, alors même que par un précédent testament rédigé en 2000, elle avait indiqué qu'elle entendait lui léguer tous ses biens. D'après Monsieur [AZ] [C], il est impossible qu'avant le décès de sa s'ur, survenu en 2013, Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] ait décidé de tester en faveur de Monsieur [S] [N]. Selon lui, si le testament litigieux a été rédigé par la défunte, il ne peut avoir été fait qu'après le décès de la s'ur de l'intéressée, survenu en 2013, « date à laquelle Madame [YV] avait totalement perdu son libre arbitre ».
Monsieur [AZ] [C] soutient encore que Monsieur [S] [N] a dissimulé l'existence de ce testament, dont il n'a pas fait état dès la réunion organisée chez le notaire le 13 février 2014. Il ne l'a produit que deux semaines plus tard, ce qui, selon l'appelant, prouve que le document n'a pas été établi en 2006 mais très peu de temps avant le décès.
Ainsi, pour l'appelant, il est établi que testament est antidaté et que la date qui y figure ne correspond pas à la date de rédaction, de sorte que sa nullité doit être prononcée.
Monsieur [S] [N] soulève en premier lieu que l'expertise privée produite par l'appelant a été réalisée de manière non contradictoire, à partir de simples photocopies de documents incomplets.
Il ajoute que l'expert n'a pas émis un avis définitif et parle de probabilité.
Selon l'intimé l'expertise a été faite sans connaître l'état de santé de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] et sans disposer d'élément de comparaison portant sur la même période.
L'intimé indique verser aux débats des documents supportant l'écriture de la défunte, et datés de 2006, qui permettent d'écarter les doutes soulevés par l'expert. Selon lui, l'âge et l'état de santé de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] expliquent la dégradation de son écriture.
Monsieur [S] [N] verse aux débats « une analyse de l'écriture testamentaire » de la défunte, qui conclut notamment à la validité du testament.
L'intimé précise qu'en toute hypothèse, conformément à une jurisprudence constante et en l'absence de contestation de l'écriture de la défunte, le testament olographe fait foi par lui-même de la date qu'il énonce, et la preuve de la date inexacte ne peut être rapportée qu'à l'aide de moyens intrinsèques. Il affirme que les éléments extrinsèques ne sont reçus que dans la mesure où ils sont en corrélation avec ceux intrinsèques, et trouvent leur principe et leur racine dans le testament lui-même. Or, selon Monsieur [S] [N], aucun élément intrinsèque ne permet de remettre en cause la date du testament.
Il ajoute que « la Cour d'instance » (sic) a officiellement daté l'insanité d'esprit de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] au mois d'avril 2013, et son écriture et sa signature avaient encore évolué, en rapport avec la progression de la maladie d'Alzheimer dont elle était atteinte.
S'agissant des conditions de la révélation de l'existence de ce testament aux héritiers, Monsieur [S] [N] indique ne pas l'avoir produit lors de la réunion chez le notaire en raison de l'agressivité de Monsieur [AZ] [C] à son égard et du harcèlement dont il avait fait preuve envers lui depuis la demande de placement de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] sous tutelle.
Enfin, l'intimé conteste toute incohérence du testament au regard des droits éventuels de la s'ur de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] dans la succession. Il indique qu'en 2006 les jumelles étaient âgées de 88 ans, et la testatrice était préoccupée par l'état de santé de sa s'ur qui était atteinte de dégénérescence maculaire et connaissait un état dépressif sévère. Selon Monsieur [S] [N], Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était consciente de la situation et il n'était pas incohérent qu'elle décide de tester en sa faveur.
Sur ce,
L'article 970 du code civil précise que le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur.
Il est constant que le testament olographe dont l'écriture n'est pas contestée fait par lui-même foi de la date qu'il énonce. Si des faits et circonstances qui lui sont extrinsèques peuvent être invoqués comme preuve de l'inexactitude de sa date, c'est à condition que cette preuve ait son principe et sa racine soit dans les autres énonciations, soit dans l'état matériel du testament.
Il est tout aussi constant qu'il incombe à celui qui conteste la date figurant sur un testament d'établir son inexactitude.
Le testament litigieux est libellé ainsi :
« Ceci est mon testament
Je soussigné, [B] [YV] née le 6 janvier 1918
ayant mon domicile 17 assurance-vie. [UZ] [Y]
[Adresse 34] [Localité 22]
décide d'Instituer comme mon légataire
universel Monsieur [S] [N]
né le 19 mois d'Août 51
Fait à Biarritz le 24.5.2006
(signature) »
Monsieur [AZ] [C] soutient que l'écriture dégradée figurant sur l'acte litigieux permet de prouver l'inexactitude de la date mentionnée. Selon l'appelant, cette écriture ne correspond pas à celle figurant sur d'autres documents, antérieurs, rédigés par Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV].
Il apparaît en effet que l'écriture figurant sur le testament n'est pas linéaire, elle semble hésitante et manque d'homogénéité. Certaines lettres ou chiffres sont tracés de manière grossière.
L'écriture du testateur, élément intrinsèque à l'acte litigieux, ne peut à elle seule suffire à établir l'inexactitude de la date.
Il convient en effet de rappeler que le testament litigieux, dont l'écriture n'est pas contestée, aurait, selon la date mentionnée, été établi alors que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était âgée de plus de 88 ans. L'écriture correspond à celle d'une personne d'un âge avancé.
Les éléments extrinsèques visés par l'appelant n'établissent pas davantage la fausseté de la date mentionnée.
En effet, il apparaît en premier lieu que dans la « note expertale » versée par Monsieur [AZ] [C], l'expert indique que les analyses comparatives effectuées permettent d'établir que l'écriture et la signature du testament « ne sont pas en correspondance chronologique avec les éléments graphiques de la carte postale datée du 5 septembre 2005 qui sont d'un bien meilleur niveau ».
La cour ne peut que constater qu'aucune pièce immédiatement contemporaine au testament litigieux n'a été soumise à cet expert, lequel s'est en outre contenté de travailler uniquement sur des photocopies.
Par ailleurs, Monsieur [S] [N] verse aux débats des exemplaires d'écritures de la défunte, datant de l'année 2006. Il ressort de l'examen de ces pièces, et notamment des talons de chèques remplis par Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] qui ont été produits, que son écriture était déjà irrégulière, hachée, et ne présentait pas la fluidité et la clarté qui apparaissent sur les documents de comparaison utilisés par l'expert, dont notamment la carte postale de septembre 2005.
L'écriture figurant sur les talons de chèques versés présente de nombreux points de similitude avec celle se trouvant sur le testament litigieux : le graphisme est très comparable, avec certains mots difficilement lisibles, l'écriture n'est pas fluide, ni horizontale et tend à monter à mesure qu'elle part vers la droite.
Ces éléments tout à fait contemporains à la date mentionnée sur le testament démontrent que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] n'avait pas, ou plus, nécessairement l'écriture qu'elle pouvait avoir auparavant.
L'expert ajoute que « Cette différence de niveau me paraît en effet trop importante, pour que l'on puisse l'attribuer de façon certaine à une subite aggravation de l'état de santé ». Cet avis n'est basé que sur le délai qui se serait écoulé entre la date de la carte postale examinée et celle inscrite sur le testament, mais sur aucune considération médicale, domaine dans lequel l'auteur de cette note ne justifie d'aucune compétence.
L'expert ne fait aucune mention sur l'état de santé de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] en 2006. Or, selon Monsieur [S] [N], la défunte souffrait de rhumatismes et de douleurs aux mains. La réalité de cette pathologie est confirmée par la production de l'ordonnance du 13 août 2005 du docteur [V] prescrivant notamment à Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] un soin dédié. L'existence de cette pathologie n'est pas contestée par l'appelant, qui ne justifie cependant pas avoir porté cette information à la connaissance de l'expert qu'il a sollicité.
Il ressort de ce qui précède d'une part que l'écriture de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] a évolué entre 2005 et 2006, dans un contexte de pathologie rhumatismale affectant notamment ses mains, et d'autre part que les documents contemporains au testament litigieux supportent une écriture très comparable à celle figurant sur cette pièce.
Aussi, la dégradation de l'écriture figurant sur l'acte litigieux est totalement insuffisante pour démontrer la fausseté de la date mentionnée.
S'agissant de l'incohérence alléguée des dispositions prises par Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV], qui démontrerait l'inexactitude de la date du testament, la cour ne peut que constater que cet argument n'est étayé par rien.
Monsieur [AZ] [C], sur qui pèse la charge de la preuve, ne verse aucun élément à l'appui de son propos. Le seul fait que le testament litigieux avait pour effet de révoquer les dispositions précédemment prises et de déshériter la s'ur de la testatrice ne caractérise en aucune façon à lui seul l'inexactitude de la date portée sur l'acte.
Enfin, la date à laquelle l'existence de ce testament a été révélée est un élément tout à fait extrinsèque à cet acte, et ne trouve ni son principe ni sa racine dans les énonciations ou dans l'état matériel du testament.
En conséquence, les circonstances de la révélation ne peuvent être invoquées comme preuve de l'inexactitude de l'acte.
Il apparaît en conséquence que l'appelant échoue à démontrer que la date portée sur le testament litigieux serait fausse.
2 ' sur l'application des dispositions de l'article 909 du code civil
Monsieur [AZ] [C] soutient que Monsieur [S] [N] ne peut bénéficier des dispositions testamentaires prises par Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV], en application des dispositions de l'article 909 du code civil.
L'appelant soutient que l'intimé a été le médecin traitant de la défunte pendant 29 ans, qu'il visitait régulièrement sa patiente et qu'il ne démontre pas avoir cessé d'être son médecin à compter de 2013 comme il le prétend.
Il affirme en outre que Monsieur [S] [N] a nécessairement participé à la prescription des soins concernant la maladie d'Alzheimer dont souffrait Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV], des suites de laquelle elle est décédée.
Monsieur [AZ] [C] indique en outre que le code de déontologie des médecins interdits à ces professionnels de recevoir des libéralités de la part de leur patient.
Il précise que « la présomption de captation posée par l'article 909 du code civil est irréfragable et il est vain de chercher à démontrer que les sentiments du disposant ont été la cause déterminante de la libéralité ».
Monsieur [S] [N] soutient à titre principal que l'article 909 du code civil n'est pas applicable en l'espèce.
Il affirme que ce texte pose deux conditions à l'incapacité du médecin à recevoir à titre gratuit :
- les dispositions entre vifs et testamentaires doivent avoir été faites en faveur du médecin au cours de la maladie du disposant ayant entrainé le décès ;
- le médecin doit avoir prodigué des soins pendant la maladie dont meurt le disposant ;
Selon lui, ces deux conditions ne sont pas remplies.
Il affirme que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] n'avait aucun problème de santé lorsqu'elle a rédigé son dernier testament. Il ajoute qu'elle a été atteinte de la maladie d'Alzheimer à partir de 2011, et que rien ne démontre que cette maladie aurait causé sa mort.
Il précise ne pas avoir soigné Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] pour cette affection, et s'être déchargé de son rôle de médecin traitant à compter du placement sous tutelle de la défunte.
Subsidiairement, Monsieur [S] [N] invoque l'existence de liens affectifs profonds entre lui et Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV]. Il soutient que son assistance procédait tant de ces liens que de sa compétence professionnelle. Dès lors, cela ne constituait pas un traitement médical, et les dispositions de l'article 909 ne sont pas applicables.
Sur ce,
Il convient de rappeler que l'acte testamentaire est régi par la loi en vigueur au jour où il a été établi.
L'article 909 du code civil disposait, dans sa version applicable à l'espèce, que :
« Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie.
Sont exceptées :
1° Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ;
2° Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu'au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n'ait pas d'héritiers en ligne directe ; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers.
Les mêmes règles seront observées à l'égard du ministre du culte. »
Il est constant qu'il appartient à celui qui remet en cause une libéralité en invoquant l'incapacité de recevoir du bénéficiaire en application de l'article 909 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies.
Il incombait donc à Monsieur [AZ] [C] de démontrer :
- que Monsieur [S] [N], médecin, a traité Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] pendant la maladie dont elle est morte ;
- que la libéralité est intervenue au cours de cette maladie ;
Il ressort des écritures même de Monsieur [S] [N] qu'il a été le médecin traitant de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV], et il indique s'être « déchargé de son rôle » suite au placement sous tutelle de l'intéressée, en 2013.
Pour autant, s'il n'est pas contesté qu'à cette date la défunte souffrait déjà de la maladie d'Alzheimer, depuis 2011 selon l'intimé, de sorte qu'il a pu lui prodiguer des soins pendant cette maladie, il n'est produit par Monsieur [AZ] [C] aucune pièce permettant d'établir que cette pathologie a causé son décès comme il le soutient. Et d'ailleurs aucun justificatif n'établit quelle est la cause de la mort de la disposante, survenu alors que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était âgée de 96 ans.
En outre, et surtout, il ne peut qu'être rappelé qu'il est acquis que le testament a été établi le 24 mai 2006. Or l'appelant, qui procède uniquement par voie d'affirmation, ne verse aucune pièce permettant de retenir que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était alors affectée d'une pathologie, qui plus est des suites de laquelle elle serait ensuite décédée.
Il s'évince de ce qui précède que Monsieur [AZ] [C] échoue à démontrer que Monsieur [S] [N], médecin, a traité la défunte pendant une maladie dont elle est morte, et que le testament litigieux a été rédigé pendant le cours de cette maladie fatale.
3 ' sur la nullité pour cause d'insanité d'esprit
Monsieur [AZ] [C] soutient que « Madame [YV] n'était pas saine d'esprit lorsqu'elle a rédigé le testament daté du 25 mai 2006 ».
Il soutient que lorsque l'acte litigieux a été établi, l'intéressée souffrait de la maladie d'Alzheimer, à un stade avancé et présentait une insanité d'esprit certaine.
Selon l'appelant, l'écriture non linéaire, hésitante et tremblotante figurant sur le testament, différente de celle antérieure, prouve que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était affectée d'une maladie.
Il ajoute que le même document fait apparaître :
- « un manque de repère temporel flagrant », la rédactrice de l'acte faisant des erreurs de date avant de les corriger ;
- des pertes de mémoire, la défunte étant incapable d'écrire correctement « [Localité 22] » ;
Monsieur [AZ] [C] ajoute que le fait pour la défunte de gratifier son petit cousin au détriment de sa s'ur jumelle, en faveur de laquelle elle avait précédemment testé, ne peut se comprendre « si elle était saine d'esprit et consciente de ce qu'elle faisait ».
Il précise enfin que l'intimé n'a pas apporté la preuve contraire de l'insanité d'esprit invoquée.
Monsieur [S] [N] indique pour sa part qu'il appartient à l'appelant de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Il soutient que Monsieur [AZ] [C] n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] souffrait de la maladie d'Alzheimer au moment de la rédaction du testament. Selon lui, la rédactrice de l'acte n'était pas à cette époque dans un état de vulnérabilité, et ses pertes de mémoire auraient commencé à la fin de l'année 2011.
Monsieur [S] [N] ajoute que le document écrit par Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] ne comporte ni erreur ni oubli pouvant traduire des troubles de la mémoire ou une démence.
L'intimé affirme que les talons de chèques produits démontrent que la défunte était, en 2006, en capacité de gérer ses comptes et ses affaires personnelles.
Selon lui, les rhumatismes de la disposante gênant la fluidité de son écriture n'affectaient pas ses capacités intellectuelles.
Monsieur [S] [N] précise que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] n'a fait l'objet d'une mesure judiciaire de protection qu'à compter de janvier 2013, une sauvegarde étant alors instaurée. Il affirme qu'il ressort de la procédure de tutelle qu'un certificat médical établi le 17 novembre 2012 par le docteur [X] mentionnait que l'intéressée était capable d'exprimer sa volonté, de donner son consentement et de prendre une décision relative à sa personne. Dès lors selon l'intimé, il s'en déduit que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] n'était pas insane d'esprit, et elle ne pouvait l'être six ans plus tôt.
Sur ce,
L'article 901 du code civil dispose notamment que pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit.
En application de ce texte, il est considéré que le consentement du disposant ne doit pas être annihilé par une affection mentale obérant son intelligence ou sa faculté de discernement.
Selon l'article 414-1 du même code, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit, et c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Il est constant que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit d'un disposant au moment où il a passé l'acte litigieux incombe à celui qui conteste la validité de la libéralité considérée. Il lui appartient de démontrer l'absence de lucidité de l'auteur de l'acte, au moment où il a consenti la libéralité.
L'insanité d'esprit est un fait matériel dont la preuve est libre et peut donc être administrée par tous moyens.
Il convient de rappeler que ce n'est que s'il est établi que l'auteur de la libéralité connaissait un état habituel d'insanité d'esprit qu'il appartient à celui qui se prévaut des dispositions de l'acte contesté d'établir que lors de sa rédaction, le disposant était dans un intervalle de lucidité lui permettant de consentir valablement une libéralité.
Le premier juge a procédé à une analyse aussi sérieuse que complète des faits, des prétentions, des moyens de preuve des parties et des pièces produites.
Son analyse n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Monsieur [AZ] [C], qui se prévaut des mêmes faits, et pour l'essentiel des mêmes pièces qu'en première instance.
Il ne peut qu'être ajouté ceci :
La date mentionnée sur le testament litigieux n'ayant pas été utilement remise en cause, elle fait foi, de sorte qu'il ne peut qu'être considéré que l'acte a effectivement été établi le 24 mai 2006.
Une fois encore, Monsieur [AZ] [C] soutient que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était atteinte de la maladie d'Alzheimer au moment où elle a rédigé le testament.
Il ne peut cependant qu'être constaté que :
- cette allégation n'est étayée par aucune pièce ;
- notamment, il n'est produit aucun certificat médical, aucune prescription avérant l'existence de cette maladie à cette période ;
- comme il a précédemment été retenu, l'écriture de la défunte présentait déjà à cette époque un aspect dégradé, qu'aucun élément tangible ne permet de rattacher à une quelconque pathologie susceptible d'avoir affecté ses capacités intellectuelles ou son discernement.
- au contraire, les formules de chèques versées aux débats, contemporaines au testament et supportant une écriture comparable à celle figurant sur l'acte contesté, n'appellent aucune réserve et tendent à démontrer que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] disposait toujours du discernement suffisant pour gérer ses affaires et son budget ;
- les reprises ou rectifications de certains caractères tendent à démontrer la volonté de la disposante d'être précise et complète, malgré ses difficultés scripturales ;
- le contenu du testament est clair, dénué de toute ambigüité et ne porte pas la marque d'une quelconque défaillance intellectuelle de son auteur ;
- il ressort de la procédure de tutelle que le docteur [X] a précisé dans un certificat du 17 novembre 2012 que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était capable d'exprimer sa volonté, de donner son consentement et de prendre une décision relative à sa personne. L'appelant n'a articulé aucune motivation et n'a produit aucune pièce permettant de contredire cet avis médical. Il n'a pas davantage expliqué comment la défunte aurait pu, en l'état des constatations de ce médecin, être insane d'esprit six ans plus tôt lorsqu'elle a rédigé son testament. Ce n'est que suite à un examen réalisé plusieurs mois après la rédaction de ce certificat médical qu'une décision de placement sous tutelle a été prise.
Par ailleurs, le seul fait de gratifier Monsieur [S] [N], et non pas sa propre s'ur, ne peut à lui seul caractériser une altération des facultés de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV].
Enfin, la cour ne peut que constater que selon les propres termes de l'appelant, « Madame [B] [YV] a toujours eu d'excellentes relations avec l'ensemble des membres de sa famille.
Elle était très proche d'eux, sans aucune préférence de l'un aux dépens des autres. »
Pour autant, et alors même que Monsieur [AZ] [C] soutient qu'elle était insane d'esprit au moment où elle a établi le testament litigieux, il apparaît que la procédure de protection de l'intéressée n'a été ouverte qu'en décembre 2012, sur requête.
Il s'en déduit nécessairement que jusqu'alors, et notamment en 2006 quand le testament litigieux a été établi, « l'ensemble des membres de sa famille » considérait que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était à même de pourvoir à ses intérêts, ou à tout le moins « l'ensemble des membres de sa famille » relativisait l'éventuelle altération de son intelligence et de son discernement, puisqu'il n'avait pas été sollicité qu'elle fasse l'objet d'une quelconque mesure de protection.
Il s'évince de ce qui précède que l'appelant n'établit pas que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] était insane d'esprit, que ce soit lors de l'établissement de l'acte litigieux, ou de façon habituelle à la période à laquelle le testament a été rédigé.
Si l'intéressée pouvait connaître un affaiblissement, du fait de son âge, il n'est pas avéré que son état l'empêchait d'avoir conscience de ses actes et qu'elle était privée de discernement.
4 ' sur la disparition de la cause du testament
Monsieur [AZ] [C] soutient que, en application des dispositions de l'article 476-4 du code civil, le testament attribué à Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] n'est pas valable, la cause ayant déterminé le testateur à disposer ayant disparu.
Il affirme que c'est en raison des soins qu'il dispensait à la défunte que Monsieur [S] [N] a été gratifié, puisque « beaucoup d'autres héritiers, qui avaient exactement les mêmes liens d'affection avec la défunte, n'ont fait l'objet d'aucune libéralité de sa part ». En conséquence selon lui, dès lors que l'intimé a cessé d'être le médecin traitant de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] après son placement sous tutelle, le testament a perdu sa cause.
Monsieur [S] [N] soutient que ce moyen est en contradiction avec celui tendant à soutenir l'incapacité à recevoir du médecin traitant du défunt. Selon lui, cette contradiction contrevient au principe de l'estoppel interdisant à une partie de se contredire au détriment d'un tiers, et le moyen serait irrecevable.
Il ajoute que les pièces qu'il verse établissent les liens affectifs, anciens, qui existaient entre lui et Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV].
Sur ce,
L'article 476 du code civil précise en son quatrième alinéa que le testament fait antérieurement à l'ouverture de la tutelle reste valable à moins qu'il ne soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu.
Monsieur [AZ] [C] soutient que l'intimé a été gratifié parce qu'il était le médecin traitant de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV], et que dès lors qu'il a renoncé à cette fonction après l'ouverture de la tutelle, la cause du testament a disparu, ce qui invalide l'acte.
Selon Monsieur [S] [N], l'appelant ne peut, sans se contredire, soutenir qu'il était le médecin traitant de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] lorsqu'il se prévaut des dispositions de l'article 909 du code civil, pour ensuite affirmer qu'il ne l'était plus et soutenir que la cause du testament avait disparu.
Il n'apparaît pas que Monsieur [AZ] [C] aurait manqué au principe selon lequel une partie a interdiction de se contredire au détriment d'une autre partie, ou d'autrui.
En effet, pour être caractérisé, l'estoppel suppose qu'une partie adopte des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.
En l'espèce, les moyens soulevés par Monsieur [AZ] [C] tendent à la même fin, à savoir la mise à néant du testament litigieux. Aucun principe n'interdit à une partie de soumettre des argumentations juridiques alternatives, même si elles sont contraires, dès lors qu'elles ont un même objet et ne peuvent conduire l'adversaire à se méprendre sur les intentions de son contradicteur.
En conséquence, le moyen soulevé par Monsieur [AZ] [C] n'encourt aucune irrecevabilité.
Sur le fond, il apparaît que Monsieur [AZ] [C] procède uniquement par voie d'affirmation, et aucun élément de la procédure n'établit que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] aurait institué Monsieur [S] [N] en qualité de légataire universel au seul motif qu'il était son médecin traitant. D'ailleurs, le testament de la défunte ne comporte aucune mention en ce sens.
Monsieur [S] [N] verse aux débats un certain nombre d'attestations dont il résulte :
- qu'avant même d'avoir son diplôme de médecin, et même depuis son adolescence selon l'attestation de Monsieur [W], il entretenait déjà une relation régulière avec Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] ;
- que les liens unissant les intéressés étaient forts et ont perduré ensuite, les contacts et visites n'ayant pas cessé ;
- que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV], qui avait elle-même travaillé dans le milieu médical, avait « poussé » Monsieur [S] [N] à entreprendre et poursuivre des études de médecine, selon les attestations de Madame [EJ] et de Monsieur [P] [E] ;
- que Monsieur [ME] [GI]-[L], cousin de la défunte, a indiqué qu'il voyait sa cousine et sa s'ur uniquement une fois par an et qu'il savait que Monsieur [S] [N] « s'occupait d'elles et paraissaient très satisfaites de cette situation » ;
Les autres pièces produites, dont les correspondances par lesquelles il était fait état de plaintes du voisinage de Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] ou le courrier de Madame [G], cadre de santé, confirment que c'est Monsieur [S] [N] qui était sollicité quand des difficultés apparaissaient, et qu'il a assisté la défunte.
Il est ainsi établi que Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] et Monsieur [S] [N] avaient noué des liens affectifs forts et constants, qui ont pu la conduire à disposer en sa faveur.
Les relations dont Monsieur [AZ] [C] fait état avec le reste de la famille paraissent beaucoup moins proches, et moins soutenues.
Il n'est ainsi justifié que de quelques relations épistolaires, limitées dans le temps, et les photographies produites sont manifestement anciennes en ne caractérisent aucunement une relation régulière et suivie.
L'attestation de Madame [GH], faisant état d'un contact très fréquent entre la défunte et Monsieur [SZ] [N] ainsi que sa fille [J] [T], n'est corroborée par aucune pièce.
Il s'évince de ce qui précède que Monsieur [AZ] [C] échoue à démontrer que la cause qui avait déterminé Madame [B] [GI]-[L] veuve [YV] à disposer antérieurement à l'ouverture de la tutelle a ensuite disparu.
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Il apparaît ainsi que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes d'annulation du testament litigieux et de désignation d'un notaire pour établir le partage entre les héritiers assignés.
Le jugement sera en conséquence confirmé.
II. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'article 696 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Il n'est fait état d'aucune circonstance justifiant que le jugement déféré soit infirmé s'agissant tant du sort des dépens de première instance que de la condamnation prononcée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La décision sera donc confirmée de ces chefs.
Succombant en toutes ses prétentions devant la cour, Monsieur [AZ] [C] sera condamné aux dépens exposés en cause d'appel.
Par ailleurs, Monsieur [AZ] [C] sera condamné à verser à Monsieur [S] [N] la somme de 4.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [AZ] [C] sera débouté de sa demande présentée sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt de défaut susceptible d'opposition de la part des seules parties défaillantes, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne Monsieur [AZ] [C] aux dépens exposés en cause d'appel ;
Condamne Monsieur [AZ] [C] à verser à Monsieur [S] [N] la somme de 4.000€ (quatre mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur [AZ] [C] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Julie BARREAU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERELE PRESIDENT
Julie BARREAUXavier GADRAT