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16/05/2022 | FRANCE | N°19/00949

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 2, 16 mai 2022, 19/00949


DL/JB



Numéro 22/01928





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2







Arrêt du 16 Mai 2022







Dossier : N° RG 19/00949 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HGKP





Nature affaire :



Demande en partage, ou contestations relatives au partage







Affaire :



[Z] [M] [E] [G]



C/



[I] [X] [O] [V] épouse [G]







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS












A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,







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DL/JB

Numéro 22/01928

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 16 Mai 2022

Dossier : N° RG 19/00949 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HGKP

Nature affaire :

Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Affaire :

[Z] [M] [E] [G]

C/

[I] [X] [O] [V] épouse [G]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 21 Mars 2022, devant :

Monsieur LAUNOIS, conseiller chargé du rapport,

assisté de Madame BARREAU, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur LAUNOIS, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Monsieur LAUNOIS, Conseiller,

Madame BAUDIER, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Z] [M] [E] [G]

née le 07 Février 1975 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me François PIAULT de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

Madame [I] [X] [O] [V] épouse [G]

née le 22 Décembre 1949 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 08 MARS 2019

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

RG numéro : 17/00501

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [R] [G] est décédé le 20 novembre 2015, laissant pour lui succéder :

- son épouse, Madame [I] [V] épouse [G], avec laquelle il s'était marié le 11 juin 2000 sous le régime de la séparation de biens, selon contrat du 08 juin 2000 ;

- sa fille issue d'une précédente relation, Madame [Z] [G] ;

Durant l'union, un immeuble été édifié sur un terrain appartenant à Madame [I] [G] avec le concours de fonds de l'époux, immeuble qui fut le domicile conjugal.

Selon acte notarié du 18 décembre 2014, les époux avaient convenu ceci :

« Madame [I] [X] [O] [G] reconnaît donc que Monsieur [R] [G], son époux, bénéficie d'une créance envers elle-même, que les parties entendent fixer conformément à l'alinéa 2 de l'article 1479 du Code Civil ci-dessus relaté, à QUARANTE NEUF VIRGULE DIX POUR CENT (49,10%) de la valeur de l'ensemble immobilier (terrain et construction), au jour où cette créance sera recouvrée, ce qui est expressément accepté par Monsieur [G] ».

L'immeuble a été vendu le 21 novembre 2016, au prix de 800.000€, net vendeur.

Madame [Z] [G] s'est ensuite vue remettre par Madame [I] [V] épouse [G] une somme de 392.800€.

Par acte d'huissier du 06 mars 2017, Madame [Z] [G] a fait assigner Madame [I] [V] épouse [G] devant le tribunal de grande instance de Pau aux fins de voir cette dernière condamnée à lui verser la somme de 49.148€ correspondant selon elle au solde dû au titre de la contribution du défunt à la construction de l'immeuble cédé.

Par jugement du 08 mars 2019, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le tribunal de grande instance saisi a notamment débouté Madame [Z] [G] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser une somme de 1.200€ à Madame [I] [V] épouse [G] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 19 mars 2019, Madame [Z] [G] a interjeté appel de cette décision.

Vu les dernières écritures de Madame [Z] [G], signifiées par RPVA le 19 juin 2019 ;

Vu les dernières écritures de Madame [I] [V] épouse [G], signifiées par RPVA le 19 septembre 2019 ;

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 mars 2022, et l'affaire était fixée à l'audience de plaidoiries du 21 mars suivant.

MOTIVATION

1 ' sur la créance revendiquée par Madame [Z] [G]

Madame [Z] [G] sollicite l'infirmation des dispositions du jugement frappé d'appel par lesquelles elle a été déboutée de sa demande de condamnation de Madame [I] [V] épouse [G] à lui payer la somme de 49.148€, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2015.

Elle soutient que l'application conjuguée des articles 1543, 1469 et 1479 du code civil doit conduire à retenir que, comme en régime de communauté, le montant de la créance entre époux ne peut être moindre que le profit subsistant toutes les fois où la valeur empruntée a servi à acquérir, conserver ou encore à améliorer un bien. Elle ajoute qu'il est admis qu'en l'absence de profit subsistant, la créance est égale au montant nominal de la dépense faite.

L'appelante indique qu'en l'espèce, l'investissement total s'est élevé à la somme de 900.000€, dont 441.948€ financés par le défunt. Le bien a été vendu à un prix inférieur au coût total, de sorte qu'en l'absence de profit subsistant, et en application des règles précédemment posées, la créance de Monsieur [R] [G] doit être égale à la dépense faite. Elle ajoute que la déclaration de succession, acceptée par Madame [I] [V] épouse [G], mentionne que l'actif de la succession comprenait notamment la somme litigieuse.

Madame [Z] [G] affirme que si les époux peuvent convenir d'écarter les règles d'évaluation posées à l'article 1469, leur convention doit réellement marquer leur intention de déroger au dispositif légal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Selon l'appelante en effet, l'intention des parties à l'acte authentique de décembre 2014 était de retenir une créance de 441.948€ au profit de l'époux, et la position contraire de Madame [I] [V] épouse [G] et du tribunal procède d'une interprétation de l'acte.

Elle ajoute enfin qu'il est régulièrement retenu que sont interdites toutes les conventions que les époux pourraient passer entre eux pendant la communauté, en dehors de toute instance en divorce.

Madame [I] [V] épouse [G] sollicite la confirmation sur ce point de la décision entreprise.

L'intimée indique que Madame [Z] [G] ne peut revendiquer des droits supérieurs à ceux dont son père disposait, ou aurait disposé en cas de divorce.

Elle précise que le terrain sur lequel l'immeuble a été édifié a été financé par ses seuls soins.

Elle ne conteste pas qu'il est constant que lorsque les fonds d'un époux séparé en biens ont servi à améliorer un bien personnel de l'autre, sa créance ne peut être moindre que le profit subsistant au jour de l'aliénation du bien, et qu'en l'absence de profit subsistant, sa créance est égale au montant nominal de la dépense faite.

L'intimée soutient cependant qu'il en va différemment lorsque les conjoints ont expressément prévu un autre mode de calcul de la créance. Or selon Madame [I] [V] épouse [G], les époux se sont accordés pour fixer la créance de Monsieur [R] [G] à partir d'un pourcentage de la valeur de l'immeuble au jour du règlement de la succession, et non selon la valeur nominale de la dépense.

Elle ajoute que la valeur de l'immeuble correspond à sa valeur vénale, soit son prix de vente.

Sur ce,

L'article 1543, applicable aux conjoints séparés de biens, du code civil précise que les règles de l'article 1479 du même code sont applicables aux créances que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre.

Ce texte, applicable aux époux séparés de biens, renvoie donc à l'article 1479 qui dispose que :

« Les créances personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation.

Sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l'article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation. »

Selon le troisième alinéa de l'article 1469 du code civil, la récompense « ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. »

Ainsi en application de ces textes, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, conserver ou améliorer un bien de son conjoint, la créance de l'époux ayant apporté des fonds ne peut être moindre que le profit subsistant, lequel représente l'avantage réellement procuré à l'emprunteur.

Il est constant qu'en l'absence de profit subsistant, la créance est égale au montant nominal de la dépense faite.

Ces modalités d'évaluation des créances entre époux ne sont cependant applicables qu'à défaut de convention contraire, ainsi que le prévoit très expressément l'article 1479 du code civil.

Ainsi, les époux ont la possibilité de déterminer entre eux, y compris au cours du régime matrimonial, les conditions de fixation de leurs créances personnelles réciproques, nées ou à naître.

En l'espèce, il est constant que, pendant l'union, Monsieur [R] [G] a financé, à hauteur de 441.948€, l'édification d'un bâtiment sur un terrain appartenant à Madame [I] [V] épouse [G]. Il apparaît que l'ensemble immobilier était estimé à 900.000€.

Cette participation de l'époux a été mentionnée dans l'acte authentique du 18 décembre 2014 et, tirant la conséquence de ce financement, l'acte précise ensuite que : « Madame [I] [X] [O] [G] reconnaît donc que Monsieur [R] [G], son époux, bénéficie d'une créance envers elle-même, que les parties entendent fixer conformément à l'alinéa 2 de l'article 1479 du Code Civil ci-dessus relaté, à QUARANTE NEUF VIRGULE DIX POUR CENT (49,10%) de la valeur de l'ensemble immobilier (terrain et construction), au jour où cette créance sera recouvrée, ce qui est expressément accepté par Monsieur [G] ».

Contrairement à ce que soutient Madame [Z] [G], cet acte notarié est parfaitement clair et dénué d'ambiguïté. Il traduit expressément la volonté des signataires de déroger, conformément aux dispositions de l'article 1479 du code civil, aux règles posées par la loi quant au calcul des créances entre époux séparés de biens.

La référence à un pourcentage pour fixer la créance détenue par Monsieur [R] [G] à l'égard de Madame [I] [V] épouse [G] n'a de sens que parce que les époux entendaient écarter l'application des règles précédemment rappelées du code civil, qui ne sont pas d'ordre public, concernant le calcul des créances. À défaut d'une telle intention commune, il aurait d'ailleurs été inutile de prévoir ces modalités dérogatoires.

La mention dans la déclaration de succession d'un actif intégrant la somme de 441.948€ est sans effet pour la solution du litige, en ce que cet acte a été établi avant la vente de l'immeuble, de sorte que la valeur vénale du bien sur laquelle devait s'appliquer le pourcentage convenu était alors ignorée.

L'immeuble a été vendu ensuite pour un prix net vendeur de 800.000€. En application de la convention passée entre les époux, même en l'absence de profit subsistant, la créance de Monsieur [R] [G] ne peut correspondre à sa dépense effective. En effet, selon l'accord notarié, cette créance correspond à 49,10% de la valeur de l'ensemble immobilier « au jour où cette créance sera recouvrée », c'est à dire à ce pourcentage appliqué au prix de vente du bien, lequel détermine sa valeur vénale.

Or, la somme de 392.800€ versée par Madame [I] [V] épouse [G] à Madame [Z] [G] correspond effectivement à 49,10% de 800.000€.

Il apparaît ainsi que c'est à juste titre que le tribunal a débouté Madame [Z] [G] de sa demande de paiement d'une somme de 49.148€, et sa décision ne pourra qu'être confirmée de ce chef.

2 ' sur la demande de dommages et intérêts

Madame [Z] [G] sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Elle sollicite à ce titre la condamnation de Madame [I] [V] épouse [G] à lui verser la somme de 1.000€ en réparation de son préjudice moral.

L'appelante précise au soutien de sa demande que, du fait des agissements de l'intimée qui profère à son encontre des assertions « particulièrement malveillantes », elle souffre depuis plus de deux ans « d'un trouble anxieux avec de multiples crises d'angoisse et une insomnie, le tout rapporté par son médecin traitant qui n'a pu que lui prescrire des antidépresseurs et anxiolytiques »

Madame [I] [V] épouse [G] s'oppose à cette demande et soutient que l'appelante ne justifie d'aucun lien de causalité entre les maux qu'elle invoque et la procédure. Elle maintient que Monsieur [R] [G] avait gratifié sa fille en finançant des travaux à son domicile ou dans le magasin dont elle détenait des parts.

Sur ce,

Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il est constant qu'il appartient à celui qui sollicite une indemnisation de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Madame [Z] [G] soutient que les conclusions adverses comportent des « assertions particulièrement malveillantes », inutiles, qui ne visent qu'à nuire à son intégrité morale.

Il apparaît cependant que la cour n'a été saisie d'aucune demande tendant au retrait ou à la suppression de termes ou de passages des écritures de l'intimée qui seraient jugés calomnieux, ce qui ne peut que laisser supposer que Madame [Z] [G] relativisait l'atteinte qui pouvait, selon elle, lui être portée par les conclusions adverses.

En outre, et surtout, si Madame [Z] [G] indique avoir subi un préjudice moral du fait du comportement de Madame [I] [V] épouse [G], il ne peut qu'être constaté qu'elle n'en justifie pas.

En effet, les pièces versées ne permettent pas de faire un lien entre le suivi médical dont elle a bénéficié et un fait imputable à l'intimée.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du tribunal par laquelle Madame [Z] [G] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

3 ' Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'article 696 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La décision du tribunal sur le sort des dépens de première instance et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée, les parties n'ayant articulé aucune motivation justifiant qu'une solution différente soit retenue.

Madame [Z] [G] succombant en ses demandes, elle sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Madame [Z] [G] sera en outre condamnée, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à verser la somme de 3.000€ à Madame [I] [V] épouse [G].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Madame [Z] [G] au paiement des dépens exposés en cause d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [Z] [G] au paiement d'une somme de 3.000€ à Madame [I] [V] épouse [G], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Julie BARREAU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

Julie BARREAUXavier GADRAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 2
Numéro d'arrêt : 19/00949
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;19.00949 ?
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