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09/05/2022 | FRANCE | N°19/03110

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 09 mai 2022, 19/03110


PhD/ND



Numéro 22/1821





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRÊT DU 09/05/2022







Dossier : N° RG 19/03110 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HL7Z





Nature affaire :



Autres demandes relatives à un bail d'habitation ou à un bail professionnel







Affaire :



[N] [F], [I] [S] épouse [F]



C/



[A] [H] épouse [L]

















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Grosse délivrée le :

à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deu...

PhD/ND

Numéro 22/1821

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRÊT DU 09/05/2022

Dossier : N° RG 19/03110 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HL7Z

Nature affaire :

Autres demandes relatives à un bail d'habitation ou à un bail professionnel

Affaire :

[N] [F], [I] [S] épouse [F]

C/

[A] [H] épouse [L]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Mars 2022, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [N] [F]

né le 02 Juillet 1964 à [Localité 10] (75)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Madame [I] [S] épouse [F]

née le 23 Juillet 1952 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentés par Me Philippe DABADIE, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

Madame [A] [H] épouse [L]

née le 18 Mars 1964 à [Localité 11] (64)

de nationalité Française

[Localité 8]

[Localité 3]

venant aux droits de son père feu [P] [H], décédé le 25 février 2016 et de sa mère feu [U] [W] veuve [H], décédée le 29 juin 2018

Représentée par Me Patricia COCRELLE MATHELIE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 06 SEPTEMBRE 2019

rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE PAU

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 31 juillet 2012, à effet au 17 août 2012, M. [P] [H] et Mme [U] [W], épouse [H], ont donné à bail à M. [N] [F] et Mme [I] [S], épouse [F] (les époux [F]) une maison d'habitation, [Adresse 2], à [Localité 7], moyennant un loyer mensuel de 795 euros.

Par acte notarié du 25 janvier 2002, les époux [H] avaient donné la nue-propriété de leur bien immobilier à leur fille, Mme [A] [H], épouse [L], les donateurs se réservant l'usufruit.

M. [P] [H] est décédé le 25 février 2016.

Par acte d'huissier du 12 février 2018, Mme [U] [H], usufruitière, et Mme [A] [H], nue-propriétaire, ont fait délivrer un congé pour vendre les lieux loués, à effet au 16 août 2018, au prix de 190.000 euros net vendeur, outre les frais d'agence à hauteur de 7 % TTC, le prix étant payable comptant au moment de la vente, frais en sus.

Mme [U] [H] est décédée le 29 juin 2018.

Suivant exploit des 3 et 21 août 2018, les époux [F] ont fait assigner, par devant le tribunal d'instance de Pau, Mme [U] [H] et Mme [A] [H] en nullité du congé pour vendre et indemnisation de leur préjudice du fait de l'indécence des lieux loués, à concurrence de la somme de 67.934,76 euros représentant les loyers payés depuis le 1er décembre 2014.

Suivant exploit du 26 septembre 2018, Mme [A] [H] a fait assigner les époux [F] devant la même juridiction en validité du congé et expulsion des locataires.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement du 6 septembre 2019, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

- dit que le congé pour vendre donné à M. et Mme [F] par acte d'huissier en date du 12 février 2018 pour le 16 août 2018 est régulier

- constaté en conséquence la résiliation du bail par l'effet du congé à la date du 16 août 2018

- dit que M. et Mme [F] sont devenus occupants sans droit ni titre des locaux qu'ils occupent situés [Adresse 2] depuis le 16 août 2018

- ordonné en conséquence à M. et Mme [F] de libérer le logement et de restituer les clés dans le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision

- dit qu'à défaut pour M. et Mme [F] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Mme [L] pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique

- dit que les meubles se trouvant dans les lieux pourront être remis aux frais de la personne expulsée en un lieu que celle-ci désignera, qu'à défaut ces meubles pourront être entreposées en un des lieux énumérés et autorisés par l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution et ce aux frais, risque et périls de M. et Mme [F] et que si ces derniers ne les retirent pas dans le délai imparti, les meubles pourront être vendus sur autorisation du juge de l'exécution ;

- condamné M. et Mme [F] à verser à Mme [L] en deniers ou quittances valables une indemnité mensuelle d'occupation égale à la somme de 817,71 euros à compter du 1er septembre 2018 jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux

- enjoint à M. et Mme [F] de communiquer à Mme [L] une attestation de vidange de la fosse septique, ainsi que les attestations annuelles d'entretien de la chaudière

- condamné Mme [L] à verser à M. et Mme [F] la somme de 11.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'indécence du logement

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par Mme [L], par moitié par M. et Mme [F] ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement

- rejeté les prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 02 octobre 2019, M. [N] [F] et Mme [I] [F] ont relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 09 juin 2021.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 25 mai 2021 par les époux [F] qui ont demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de :

- déclarer nul et de nul effet le congé pour vendre ainsi délivré et, constatant les manquements de la bailleresse :

- la condamner à leur payer à titre indemnitaire la somme de 67.934,76 euros au titre des loyers payés indûment depuis le 1/12/2014,

- la condamner à leur payer à titre indemnitaire la somme de 7.000 euros de dommages et intérêts,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 03 février 2020 par Mme [H] qui a demandé à la cour, d'infirmer, sur son appel incident, le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 11.000 euros à titre de dommages et intérêts, et statuant à nouveau de ce chef, de débouter les époux [F] de leurs demandes indemnitaires à hauteur de 67.734,76 euros et de 7.000 euros, et, de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions, en sollicitant la condamnation des appelants à lui payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 - sur la validité du congé

Les époux [F] reprennent en appel l'ensemble de leurs moyens tirés de la nullité du congé pour vendre, fondés sur une violation des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, que le premier juge a rejeté pour ne pas être établis ou, s'agissant de vices de forme, ne pas avoir causé de grief démontré :

- défaut d'annexion des diagnostics techniques obligatoires

- défaut d'annexion de la notice d'information du locataire

- obstacle légal lié à l'existence d'une procédure en cours de l'ARS sur la sécurité des lieux loués

- défaut de description précise du bien mis en vente

- prix de vente incluant illicitement les frais d'agence

- congé frauduleux du fait d'un prix de vente manifestement excessif exclusif d'une intention de vendre

- violation de l'obligation de relogement du locataire de plus de 65 ans et disposant de faibles ressources.

Il convient de reprendre chacun de ces moyens de nullité, le premier juge ayant, par ailleurs, exactement rappelé, que la nullité d'un congé avec offre de vente délivré en application de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec accusé de réception, ne peut être prononcée pour vice de forme que si, conformément à l'article 114 du code de procédure civile, celui qui l'invoque justifie d'un grief.

1 - 1 - sur l'annexion des diagnostics techniques obligatoires

Le premier juge a justement rejeté le moyen de nullité tiré du défaut de communication du diagnostic technique en matière d'assainissement, d'état parasitaire, et d'électricité, en retenant, à bon droit, que ni l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, ni aucun autre texte, n'exige, à peine de nullité, que le congé pour vendre soit accompagné des diagnostics techniques obligatoires requis en matière de vente immobilière.

1 - 2 - sur la notice d'information du locataire

Selon l'appelant, le premier juge ne pouvait, après avoir retenu que la notice d'information du locataire prévue par l'arrêté du 20 décembre 2017 n'avait pas été jointe, rejeté la nullité du congé pour défaut de grief démontré alors que la privation d'une information légale fait nécessairement grief.

Mais, il ressort des mentions du procès-verbal de signification du congé, faisant foi jusqu'à inscription de faux, que l'huissier de justice déclaré avoir remis « en pièce jointe une notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire conformément à l'arrêté du 29 mai 2015 ».

L'intimé fait observer, à juste titre, que le visa de « l'arrêté du 29 mai 2015 » au lieu de l'arrêté du 20 décembre 2017 procède d'une évidente erreur matérielle puisque les notices prévues par les deux arrêtés n'ont pas le même intitulé :

- arrêté du 20 décembre 2017 : « notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire »

- arrêté du 20 mai 2015 : « note d'information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu'aux voies de conciliation et de recours qui leurs sont ouvertes pour régler leurs litiges est jointe aux contrats de location ».

La précision de l'intitulé de la notice, exclusive de toute confusion, confirme l'erreur matérielle concernant la date de l'arrêté.

Et, corroborant encore la remise de la notice requise, le procès-verbal d'huissier mentionne in fine la remise de 12 feuilles ce qui correspond exactement aux 8 feuilles de la notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire outre les 4 feuilles du procès-verbal de signification.

Il s'ensuit que la référence formelle à l'arrêté du 20 mai 2015 procède d'une évidente erreur matérielle, exempte de tout grief démontré, sans conséquence sur l'effectivité de la remise de la notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire et alors que les époux [F], se bornant à contredire vainement les présomptions légales attachées au procès-verbal de l'huissier de justice, ne soutiennent pas que l'huissier leur a remis la notice prévue par l'arrêté du 20 mai 2015, ce qu'ils pouvaient démontrer en la produisant, mais qu'aucune notice ne leur a été remise.

Par ces motifs, le rejet du moyen de nullité doit être confirmé.

1 - 3 - sur la procédure de l'ARS en cours

Les époux [F] ont repris leur moyen de nullité tirée de l'existence d'une procédure de contrôle des lieux loués ayant donné lieu à un rapport de l'ARS du 9 avril 2018 préconisant la recherche des causes de l'humidité, le traitement des moisissures, la mise aux normes du dispositif de ventilation, la remise en état des ouvrants qui le nécessitent et la vérification de l'installation électrique.

Mais, d'une part, non seulement les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ne prévoient pas la nullité mais la suspension du droit pour le bailleur de donner congé en cas d'engagement de certaines procédures administratives, limitativement énumérées, en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et de bâtiments menaçant ruine, d'autre part, aucune desdites procédures n'a été engagée en l'espèce sur la base du rapport de l'ARS du 9 avril 2018 au vu duquel le maire de [Localité 7] a mis en demeure, le 21 mars 2019, le bailleur de réaliser certains travaux.

Le moyen est donc inopérant

1 - 4 - défaut de description précise du bien

Aux termes de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, le congé pour vendre doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée.

Curieusement les appelants persistent à affirmer, sans réfuter les motifs du premier juge, qu'il « suffit de comparer le congé et le bail pour constater l'inadéquation », sans même relever en quoi consisterait celle-ci.

Or, les biens loués sont ainsi désignés dans le bail : maison de type 4 d'une surface habitable de 86 m², comprenant : entrée, séjour sur terrasse, cuisine meublée et semi-équipée, 3 chambres, salle de bains, wc, buanderie, chaufferie, sous-sol, garage, jardin arboré 2500 m² .

Et, le congé énonce que « le présent congé vaut offre de vente des locaux objet de la location [...] », après avoir rappelé que le bail porte sur une maison individuelle de type 4 sise commune de [Localité 7], 1751 avenue de l'amiral Landrin, comprenant au rez-de-chaussée, une salle d'eau, une chaufferie, un dégagement, un cellier, une cave, au premier étage, une entrée, un séjour, une cuisine, un dégagement, un wc, une salle de bains, trois chambres, un jardin de 2500 m² autour, le tout cadastré section AS n°[Cadastre 4] et AS n°[Cadastre 1], d'une superficie habitable de 86 m².

Il s'ensuit que le congé pour vendre désigne clairement et précisément les biens vendus qui, en l'occurrence, comprennent l'intégralité des biens loués.

1 - 5 - sur l'intégration des frais d'agence dans le prix

En l'espèce, le congé pour vendre mentionne un prix de 190.000 euros net vendeur, auquel s'ajoutent les frais d'agence à hauteur de 7 % TTC, payable comptant au moment de la vente, frais en plus.

Le premier juge a exactement retenu que si le locataire, titulaire d'un droit de préemption, qui accepte l'offre de vente du bien qu'il habite ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien, le prononcé de la nullité du congé suppose, en application de l'article 114 du code de procédure civile, la preuve d'un grief.

En l'espèce, non seulement le congé distingue bien le prix net vendeur des frais d'agence, permettant aux époux [F] de se faire une opinion précise sur le prix du bien, hors frais, mais, pas plus devant le premier juge qu'en appel, ceux-ci ne démontrent l'incidence dommageable de l'indication des frais d'agence dans le congé.

Le rejet de ce moyen de nullité doit être confirmé.

1 - 6 - sur la violation de l'obligation de relogement du locataire de plus de 65 ans et disposant de faibles ressources

Il résulte de l'article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur ne peut donner congé au locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés fixés par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert.

Selon l'alinéa suivant, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de 65 ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources mentionné au premier alinéa.

Et, selon l'alinéa suivant, l'âge du locataire et celui du bailleur sont appréciés à la date d'échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.

Les appelants font grief au jugement d'avoir écarté l'obligation de relogement qui pesait sur le bailleur alors qu'ils remplissent les conditions d'âge et de ressources, Mme [F] étant née en juillet 1952 et sans ressources, son mari ayant déclaré un revenu 2018 de 11.340 euros, tandis que, Mme [A] [H], demanderesse à la validité du congé, ne remplit pas les conditions dérogatoires offertes au bailleur, non plus que sa mère, à supposer qu'il faille prendre sa situation comme référence, dont les revenus excédaient le plafond de ressources requis.

Mais, les dispositions dérogatoires bénéficient au bailleur, personne physique, âgé de plus de 65 ans, à la date d'échéance du bail, la condition de ressource n'étant pas requise dans ce cas, contrairement à ce que soutiennent les appelants.

Et, la validité du congé s'appréciant à la date de sa délivrance, il convient de prendre en considération la seule situation de Mme [U] [H] qui, née le 19 janvier 1936, n'était pas tenue d'offrir un relogement aux époux [F] dans son congé à effet au 16 août 2018, étant précisé que la survenue de son décès le 29 juin 2018 est sans incidence sur les effets du congé.

Le moyen n'est pas fondé.

1 - 7 - sur la fraude pour prix manifestement excessif exclusif d'intention de vendre

En droit, la fraude corrompt tout mais il appartient au locataire qui conteste la réalité du motif du congé pour vendre de rapporter la preuve de la fraude du bailleur tenant par exemple à l'absence d'intention de vendre ou à la fixation d'un prix de vente manifestement excessif et dissuasif.

Le premier juge a rejeté le moyen de nullité tiré de la fraude en relevant que la production d'un seul terme de comparaison tiré d'un bien immobilier sis à [Localité 6] au prix de 69.000 euros, n'était pas probant, à défaut d'estimations de valeur faites par des agences immobilières, et impropre à établir le caractère abusif du prix.

A hauteur d'appel, les appelants ont produit 34 termes de comparaison tirés d'annonces de vente immobilières en ligne, non analysés dans leurs conclusions, la cour étant renvoyée à leur examen, censés démontrer le bien fondé de leurs allégations sur la distorsion entre le prix de vente de 190.000 euros et le prix du marché, les appelants se référant à la seule annonce concernant une maison, 4 pièces, mise en vente le 9 octobre 2019, située à [Localité 5], au prix de 76.500 euros pour 80 m² qui serait, selon les appelants, en tous points comparables, ajoutant encore, pour souligner le caractère manifestement excessif du prix de vente, que la maison qu'ils occupent nécessite des travaux onéreux pour assécher les murs, isoler par l'extérieur, refaire l'installation électrique, carreler les pièces en ciment, remplacer les ouvrants, et remplacer la chaudière au gaz propane.

Mais, force est de constater que les époux [F] n'ont produit aucune estimation faite par un professionnel de l'immobilier quand Mme [H] produit l'attestation de l'agent immobilier qui avait procédé à l'évaluation du bien en vue du congé, certifiant que le prix correspondait aux prix du marché en comparaison avec les transactions réalisées sur les coteaux de [Localité 7].

Ensuite, aucun des 34 termes de comparaison n'est situé sur le territoire de la commune de [Localité 7], limitrophe de [Localité 11], mais essentiellement sur les coteaux voisins plus éloignés, ce qui est regrettable alors qu'il existe un marché immobilier actif sur la commune de [Localité 7].

Ainsi, aucun avis ni étude concernant le prix moyen des transactions immobilières pour des maison sur [Localité 7], à la date du congé, n'a été produit aux débats.

En outre, l'annonce en ligne d'une maison située à [Localité 5], sur des coteaux plus lointains, sommairement décrite et indiquant, avec un sens de l'euphémisme topique, « qu'elle attend vos idées de rénovation pour être plus jolie encore », ne permet pas d'établir une comparaison pertinente avec les biens loués.

En admettant même que les biens loués nécessiteront des travaux d'amélioration en relation notamment avec les observations du rapport de l'ARS du 9 avril 2018 pointant un problème d'humidité, sans cause déterminée à ce stade, une non-conformité de l'installation électrique et de la ventilation des pièces, il faut constater que, à la date du congé, le bailleur ne connaissait pas ce rapport susceptible d'influer sur la négociation du prix de vente, tandis que, en cas de négociation du prix en considération des facteurs de moins-values, le bailleur devra notifier au locataire l'offre de vente à un prix inférieur à celui indiqué dans le congé.

Enfin, il ne peut être tiré aucune conséquence utile du fait que le bien n'a pas été vendu à ce jour dans la mesure où le présent litige est de nature à dissuader un acquéreur normalement prudent.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que les époux [F] ne démontrent pas la volonté de fraude du bailleur dans la détermination du prix de vente.

En définitive, les moyens de nullité ayant été justement rejetés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé le congé, constaté la résiliation du bail au 16 août 2018, dit que les époux [F] sont occupants sans droit ni titre, ordonner leur expulsion et fixer une indemnité mensuelle d'occupation.

En outre c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a enjoint aux époux [F] de communiquer à Mme [H] l'attestation de vidange de la fosse sceptique ainsi que les attestations annuelles de la chaudière, relevant de l'obligation d'entretien incombant au locataire.

2 - sur la délivrance d'un logement décent

Les époux [F], sans viser de fondement juridique, sollicite l'indemnisation du trouble de jouissance subi du fait du manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'un logement décent, reprochant au premier juge d'avoir limité leur indemnisation à la somme de 11.000 euros alors qu'ils évaluent leur préjudice au montant des loyers réglés depuis le 1er décembre 2014.

En droit, le premier juge a justement rappelé que le bailleur est tenu, en application de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, de délivrer un logement décent, répondant à certaines caractéristiques légales et réglementaires.

En revanche, le manquement à l'obligation de délivrance engage la responsabilité contractuelle du bailleur et non, comme l'a retenu le premier juge, faisant application de l'article 1240 du code civil, sa responsabilité délictuelle.

Enfin, en application de l'article 1719 du code civil, l'obligation de délivrance d'un logement décent résultant de la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, l'indemnisation du locataire n'est pas subordonnée à la délivrance d'une mise en demeure du bailleur.

En l'espèce, la demande d'indemnisation doit être fondée, eu égard à la date du bail à effet au 17 août 2012, et à son renouvellement au 17 août 2015, sur l'article 1147 ancien, devenu 1231-1 du code civil à compter du 1er octobre 2016, outre l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989.

Le bail ayant été résilié au 16 août 2018, la période indemnisable est donc comprise entre le 1er décembre 2014, date retenue par les époux [F], et le 16 août 2018.

Il faut également relever que les modifications de la rédaction de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 résultant de la loi 2015-992 du 17 août 2015, publiée au journal officiel le 18 août 2015, complétée par la loi 2019-1147 du 8 novembre 2019, selon lesquelles le logement décent, ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, doit également « répondre à un critère de performance énergétique minimale défini par un seuil maximal le rendant conforme à l'usage d'habitation », ne sont pas applicables au bail initial et renouvelé ayant lié les parties.

Enfin, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec les conditions prévues par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, les dispositions d'un règlement sanitaire départemental non abrogé, plus rigoureuses que celles-ci, doivent s'appliquer.

Les époux [F], au soutien de leur demande, se prévalent des conclusions du rapport de l'ARS du 9 avril 2018, qui a constaté les désordres suivants :

- la présence d'humidité dans le logement qui se manifeste principalement par des phénomènes de condensation accompagnés de développement de moisissures dans toutes les pièces, exceptées le séjour équipé d'un chauffage d'appoint, notamment au niveau des murs donnant sur l'extérieur et autour des ouvrants

- à l'exception de la cuisine, les autres pièces du logement sont dépourvues de ventilation, de sorte que le renouvellement de l'air n'est pas assuré de façon permanente afin de permettre l'évacuation de la vapeur d'eau produite

- les ouvrants sont en bois en simple vitrage, certains ouvrants ne ferment plus correctement (menuiseries gonflées par l'humidité)

- l'isolation thermique du logement « semble » insuffisante

En conclusion, le rapport a retenu, à titre de non-conformités du logement, construit en 1969, avec le règlement sanitaire départemental :

- la présence d'humidité

- le dispositif de ventilation non réglementaire

- les montants des ouvrants gonflés par l'humidité et non étanche à l'air

- le défaut de raccordement des prises électriques à la terre

et a recommandé à l'autorité administrative d'enjoindre au bailleur de rechercher et traiter la cause de l'humidité, de mettre en conformité le dispositif de ventilation, remplacer les ouvrants endommagés et vérifier, et mettre en conformité, la totalité de l'installation électrique.

Mme [H] impute l'humidité aux locataires et dénonce leur obstruction mise à toute intervention sur l'installation électrique.

Pour fixer la naissance de leur trouble de jouissance au 1er décembre 2014, les époux [F] font grief au bailleur d'avoir laissé sans suite la fiche d'intervention d'un électricien en date du 12 novembre 2014 mentionnant le caractère « dangereux de l'installation électrique » et de « l'appareillage en sur-chauffe ».

Mais, il est établi que le bailleur n'est pas resté inerte puisque, après en avoir avisé leur locataire par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 janvier 2015, il a mandaté un diagnostiqueur, la société Maison du diag, pour vérifier l'installation électrique, celui-ci ayant établi une attestation en date du 6 mars 2016 précisant que le contrôle n'avait pu être fait en dépit de plusieurs tentatives pour mettre en place un rendez-vous avec les époux [F] au « 06 28 84 84 76 » ou « 05 59 71 70 97 ».

Les époux [F] ne contestent vainement avoir été contactés en objectant qu'ils ne disposent pas de ligne fixe.

En outre, les époux [F] ne justifient même d'aucune relance auprès du bailleur alors que celui-ci a justifié, dans le cadre des débats, qu'il répondait systématiquement aux réclamations de son locataire.

Les locataires ont donc laissé perduré une situation potentiellement dangereuse, selon eux, alors que le bailleur avait manifesté sa volonté de faire vérifier l'installation.

S'il peut être reproché au bailleur de ne pas avoir pris toutes les dispositions pour imposer aux locataires l'intervention d'un professionnel, force est de constater que les époux [F] n'ont pas adopté eux-mêmes un comportement manifestant leur volonté de voir examiner, en toute transparence et objectivité, l'installation électrique, d'autant qu'ils venaient d'équiper le logement de deux radiateurs électriques, se substituant au chauffage au gaz trop énergivore selon eux, participant de la surchauffe de l'installation électrique relevée par l'électricien.

Par ailleurs, l'ARS a seulement constaté que les prises n'étaient pas raccordées à la terre, ce qui constitue, il est vrai, un facteur de danger.

Pour autant, et en tout état de cause, les époux [F] ne justifient d'aucun trouble de jouissance imputable à la non-conformité de l'installation électrique.

S'agissant de l'humidité, Mme [H] justifie que, en 2009, l'installation du chauffage avait été entièrement rénovée, avec acquisition d'une chaudière à condensation équipée d'un programmateur, et la souscription d'un contrat de fourniture de GPL en vrac auprès de la société Antargaz.

Il est constant que, début 2014, les époux [F] ont cessé tout approvisionnement en gaz et substitué au chauffage au gaz un équipement électrique doté des deux appareils.

Or, l'ARS a bien relevé l'absence d'humidité dans le séjour équipé d'un chauffage électrique, ce qui établit, à suffisance, un évident lien de causalité entre l'humidité présente dans les autres pièces et l'inadéquation des deux radiateurs électriques impropres à maintenir la salubrité de l'air dans une maison de 86 m² comportant 6 pièces, aucune phénomène d'humidité n'ayant été constaté entre 2012 et 2014.

Il est manifeste que le logement, construit en 1969, classé en catégorie F selon le diagnostic de performance énergétique annexé au bail, mal ventilé et mal isolé, était susceptible de générer une consommation élevée de gaz qui pouvait justifier que les locataires optent pour un autre système plus économe mais, à condition que ce choix n'entraîne pas des dégradations dans le logement.

Il est pour le moins singulier, au demeurant, que les époux [F] n'aient formulé aucune réclamation concernant l'humidité des lieux avant la délivrance du congé pour vendre, laissant encore perdurer une situation dommageable.

En l'état des constatations qui précèdent, il est patent que la vétusté du logement a pu altérer le niveau de confort du logement dû au locataire qui doit pouvoir se loger sans exposer des dépenses excessives, l'ARS ayant confirmé le caractère « énergivore » des lieux, corroboré par les factures euros gaz pour les années 2020 et 2021 de l'ordre de 1.600 à 2.000 euros annuels produites par les époux [F].

Infirmant le jugement sur le montant du préjudice indemnisable, il sera alloué aux époux [F] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

3 - sur la demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi

Les époux [F] sollicitent une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, pour « pratiques procédurales douteuses » et mauvaise foi ayant eu des répercussions sur l'état de santé de Mme [F].

Mais, il ressort des faits ci-avant jugés que le bailleur n'a pas abusé de son droit d'agir en justice.

Les époux [F] seront déboutés de cette demande.

Les époux [F] seront condamnés aux dépens d'appel et Mme [H] déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il a condamné Mme [H] à payer aux époux [F] la somme de 11.000 euros à titre de dommages et intérêts,

et statuant de nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE Mme [A] [H] à payer aux époux [F] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

y ajoutant,

DEBOUTE les époux [F] de leur demande de dommages et intérêts complémentaire,

CONDAMNE les époux [F] aux dépens d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 19/03110
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;19.03110 ?
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