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09/05/2022 | FRANCE | N°18/03563

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 2, 09 mai 2022, 18/03563


DL/JB



Numéro 22/01829





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2







Arrêt du 09 Mai 2022







Dossier : N° RG 18/03563 - N° Portalis DBVV-V-B7C-HCOI





Nature affaire :



Demande en partage, ou contestations relatives au partage







Affaire :



[I] [P] [X] épouse [G], [O] [X]



C/



[L] [T] épouse [X]







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,




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DL/JB

Numéro 22/01829

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 09 Mai 2022

Dossier : N° RG 18/03563 - N° Portalis DBVV-V-B7C-HCOI

Nature affaire :

Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Affaire :

[I] [P] [X] épouse [G], [O] [X]

C/

[L] [T] épouse [X]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Mars 2022, devant :

Monsieur LAUNOIS, conseiller chargé du rapport,

assisté de Madame BARREAU, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur LAUNOIS, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Monsieur LAUNOIS, Conseiller,

Madame MÜLLER, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANTES :

Madame [I] [P] [X] épouse [G]

née le 13 Mai 1970 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 8]

Madame [O] [X]

née le 15 Avril 1974 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentées par Me Michèle KAROUBI, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

Madame [L] [T] épouse [X]

née le 19 Janvier 1947 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 9]

Représentée par Me Guillaume FRANCOIS de la SELARL SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

Assistée de Me Laetitia CADY, membre de la SELAS GAUTHIER DELMAS, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 27 JUILLET 2018

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

RG numéro : 16/00026

EXPOSE DU LITIGE

Deux enfants sont issus de l'union de Monsieur [V] [X] et de Madame [M] [A] :

- Monsieur [E] [X]

- Madame [L] [X] épouse [T]

Monsieur [V] [X] est décédé le 17 février 1990, laissant pour lui succéder son conjoint survivant et ses deux enfants.

Selon acte du 25 septembre 1990, ont été attribués :

' au conjoint survivant :

- la pleine propriété des biens et droits immobiliers situés à [Localité 15],

- les liquidités disponibles au CIC,

- l'usufruit viager des trois maisons d'habitations situées [Adresse 11],

' à Monsieur [E] [X] :

- la nue-propriété de la maison d'habitation sise [Adresse 7] et les 2/3 indivis de la bande de terrain AX [Cadastre 1],

- la nue-propriété de la maison d'habitation sise [Adresse 11],

' à Madame [L] [X] épouse [T] :

- la nue-propriété de la maison d'habitation sise [Adresse 3],

le 1/3 indivis de la bande de terrain AX [Cadastre 1],

Par le même acte, Madame [M] [A] veuve [X] a fait donation par préciput et hors part à ses deux enfants d'une somme totale de 256.748,69Frs, à concurrence de moitié chacun, correspondant à la différence entre ses droits dans la succession du défunt et la valeur du lot qui lui était attribué.

Monsieur [E] [X] est décédé le 27 février 2006, laissant pour lui succéder ses deux filles, [I] [X] épouse [G] et [O] [X].

Par testament olographe du 11 mars 2006, Madame [M] [A] épouse [X] a institué sa fille [L] [X] épouse [T] légataire de la quotité disponible de ses biens, outre sa part de réserve héréditaire.

Madame [M] [A] veuve [X] est décédée à son tour le 09 décembre 2012.

Par acte d'huissier du 29 décembre 2015, Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] ont fait assigner Madame [L] [X] épouse [T] devant le tribunal de grande instance de Pau, aux fins de liquidation et partage de la succession de Madame [M] [A] veuve [X].

Par jugement du 27 juillet 2018, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le tribunal de grande instance de Pau a notamment :

- Déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par Madame [L] [X] épouse [T],

- Ordonné l'ouverture des opérations de comptes liquidation partage de la succession de Madame [A] veuve [X] sur la base du testament rédigé par elle le 11 mars 2006,

- Désigné à cet effet Maître [H] [U], notaire, ainsi qu'un juge commis pour surveiller les opérations,

- Débouté Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] de leur demande au titre d'une créance née d'un défaut d'entretien de l'immeuble sis [Adresse 10],

- Débouté Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] de leur demande de rapport au titre de l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 2],

- Débouté Madame [L] [X] épouse [T] de sa demande au titre du rapport de la donation indirecte résultant de l'occupation de l'immeuble [Adresse 5] par [E] [X],

- Ordonné le rapport par Madame [L] [X] épouse [T] de la somme de 8.860,72 € reçue à titre de dons manuels,

- Ordonné le rapport à la succession de la prime de 62.942€ versée sur le contrat CNP ASSURANCES qui constitue une donation déguisée,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Madame [L] [X] épouse [T] d'une part et Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] ensemble d'autre part à supporter la moitié des dépens,

- Dit que les dépens seront remployés en frais de partage.

Par acte du 13 novembre 2018, Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 21 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a autorisé Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] « à se faire communiquer la compagnie AXA l'intégralité des contrats souscrits par la défunte, ainsi que l'historique des mouvements et des actes de gestion intervenus, et en particulier l'identité des bénéficiaires concernant » deux contrats souscrits spécialement identifiés.

Vu les dernières écritures des appelantes, signifiées par RPVA le 02 mars 2022 ;

Vu les dernières écritures de l'intimée, signifiées par RPVA le 25 février 2022 ;

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2022, et l'affaire était fixée à l'audience de plaidoiries du 14 mars suivant.

MOTIVATION

Il apparaît à titre liminaire que Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] ont sollicité dans leurs dernières conclusions le rabat de l'ordonnance de clôture.

Elles indiquent que par bulletin du 12 janvier 2022, les parties ont été informées que la date de clôture était fixée au lundi 28 février suivant, la plaidoirie étant fixée au 14 mars.

Or, Madame [L] [X] épouse [T] a transmis des conclusions responsives le vendredi 25 février, ce qui ne permettait pas de respecter le principe du contradictoire.

Au cours de l'audience de plaidoiries, les parties se sont accordées sur la révocation de l'ordonnance de clôture, et la clôture de l'instruction à l'audience.

Il convient en conséquence de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 28 février 2022, et de déclarer l'instruction close à la date du 14 mars 2022.

Par ailleurs, l'article 954 du code de procédure civile dispose notamment que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le texte ajoute que les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes formulées dans les motifs des conclusions des parties mais qui n'ont pas été reprises au dispositif de leurs écritures.

1 ' Sur la demande de créance contre la succession au titre du défaut d'entretien par l'usufruitière

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal les a déboutées de leur demande de créance née du défaut d'entretien de l'immeuble sis [Adresse 10].

Les appelantes soutiennent que Madame [M] [A] veuve [X], usufruitière de ce bien, était tenue aux obligations légales des usufruitiers, telles que prévues notamment par les articles 600 et 605 du code civil, au rang desquelles figure l'obligation d'entretien.

Selon Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X], il peut être déduit que la maison était dans un état convenable lorsque son usufruit a été attribué à Madame [M] [A] veuve [X], et ce jusqu'en 2005 quand la défunte a cessé d'occuper le bien.

Or, toujours selon elles, et alors qu'il avait été convenu que Madame [I] [X] épouse [G] occupe l'immeuble, un constat d'huissier dressé le 09 août 2012 faisait apparaître que le bien était vétuste et présentait des défauts d'entretien flagrants.

Les appelantes ajoutent que la maison avait par ailleurs fait l'objet de cambriolages et d'une occupation par des squatters, sans que des réparations soient entreprises pour éviter le renouvellement de tels faits.

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] soutiennent que la défunte n'a pas assuré l'entretien du bien et n'a procédé à aucune réparation urgente.

Selon le rapport de l'expert missionné par les appelantes, la perte de valeur vénale de l'immeuble, du fait du défaut d'entretien, serait de 60.000€.

Elles soutiennent en conséquence que la défunte était au moment de son décès débitrice d'une dette envers elles, compte tenu du défaut d'entretien de l'immeuble, et elles affirment que cette dette doit venir en déduction de la masse active à partager.

Les appelantes ajoutent que Madame [L] [X] épouse [T] avait admis devant le notaire le principe d'une créance, et avait proposé en janvier 2013 une indemnité de 15.000€.

En conséquence, Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] demandent à la cour de dire « que la succession est débitrice d'une somme de 60.000 € au titre de la dette contractée par Madame [M] [B] [A] veuve [X] à l'égard des nues-propriétaires suite au défaut d'entretien d'une maison située [Adresse 10] dont la défunte était usufruitière ».

Madame [L] [X] épouse [T] sollicite la confirmation sur ce point de la décision entreprise.

Elle affirme que les appelantes ne démontrent pas l'existence d'une créance à leur profit pour défaut d'entretien de l'immeuble sis [Adresse 10], et précise que l'état du bien avant l'entrée dans les lieux de Madame [I] [X] épouse [G] en 2012 n'est pas avéré. L'intimée ajoute que l'acte de donation partage de 1990 ne précise pas l'état de la maison considérée, qui était occupée par la défunte, et antérieurement par elle et son époux. Selon Madame [L] [X] épouse [T], cet immeuble avait environ 90 ans et était déjà dans un état vétuste en 1990.

Elle soutient également que la demande présentée par les appelantes correspond à une sanction d'un abus de jouissance, lequel n'est pas démontré par Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X].

Aux termes des écritures de l'intimée, « le nu-propriétaire au courant d'une détérioration de son bien qui est resté taisant, ne peut valablement au décès de l'usufruitier réclamer une quelconque indemnisation ». Or, les nues-propriétaires n'ont pas demandé à leur grand-mère de procéder à des travaux, et aucune procédure de déchéance d'usufruit n'avait été initiée.

Madame [L] [X] épouse [T] ajoute encore que le bien était manifestement habitable en août 2012, Madame [I] [X] épouse [G] ayant souhaité y résider, et les appelantes étaient informées du sort de l'immeuble et de son état. Elle précise que ces dernières ne justifient pas des « vastes travaux » dont elles font état.

Sur ce,

L'article 600 du code civil dispose que l'usufruitier prend les choses dans l'état où elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu'après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l'usufruit.

En application de l'article 605 du code civil, l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit ; auquel cas, l'usufruitier en est aussi tenu.

Enfin, aux termes de l'article suivant :

« Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien. »

Il est établi que, selon acte authentique de partage du 25 septembre 1990, l'usufruit de la maison sise [Adresse 10] a été attribué à Madame [M] [A] veuve [X].

Il est tout autant avéré que le couple [A] ' [X] vivait dans ce bien jusqu'au décès de l'époux.

L'acte notarié ne comporte aucune précision concernant l'état de l'immeuble. Et contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ne peut aucunement être déduit des conditions d'occupation de la maison et de l'attribution de son usufruit à la défunte que le bien « était dans un état convenable à cette époque ».

Cette affirmation n'est étayée par rien, Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] procèdent en la matière uniquement par voie d'affirmation, alors même qu'il était essentiel de déterminer autant que possible l'état de l'immeuble au moment où l'usufruit a été attribué à Madame [M] [A] veuve [X].

En effet, si l'usufruitier doit entretenir l'immeuble, c'est afin de pouvoir le restituer dans l'état où il se trouvait à l'ouverture de l'usufruit.

Il incombait donc aux appelantes de démontrer dans quel état était ce bien, déjà ancien, au moment où l'acte de partage a été établi afin de caractériser les éventuels manquements de l'usufruitière à son obligation d'entretien.

Il sera ajouté que s'il ressort effectivement du procès-verbal de constat dressé par l'huissier le 09 août 2012 que le bien était alors dans un état dégradé, il apparaît que pour l'essentiel il est fait mention de l'ancienneté des équipements, des installations. Aucun élément ne permet de dater les détériorations relevées.

Les appelantes versent aux débats des attestations et un rapport privé évaluant à 110.000€ le montant des travaux nécessaires, et retient après « abattement de 30 à 40% » un préjudice de 60.000€.

Ces pièces ne permettent en aucune façon d'apprécier l'état de la maison lorsque l'usufruit a été attribué à Madame [M] [A] veuve [X].

Le premier juge a relevé à juste titre que le rapport produit était « très succinct ». Il sera relevé que l'expert n'apporte aucune précision sur la nature des travaux qui seraient, selon lui, à réaliser.

Contrairement à ce que soutiennent Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X], il n'est pas du tout établi que Madame [L] [X] épouse [T] aurait reconnu qu'il y avait lieu à indemnisation, à hauteur de 15.000€.

En effet, la seule pièce sur laquelle elles se fondent pour l'affirmer consiste en un courrier de Maître [C], qui est manifestement le notaire qu'elles ont sollicité, adressé à une cons'ur, probable notaire de Madame [L] [X] épouse [T].

Dans ce courrier, il est indiqué que l'intimée « a convenu elle-même » que l'immeuble avait fait l'objet d'un défaut d'entretien. Les circonstances dans lesquelles l'intéressée aurait reconnu ce manquement sont totalement ignorées. Aucun élément ne permet de retenir que de tels propos auraient été tenus devant l'un ou l'autre des notaires, pas plus qu'il ne peut être écarté qu'il s'agirait uniquement de propos rapportés à l'auteur du courrier. D'ailleurs, à aucun moment il n'est fait mention dans cette correspondance d'une indemnité de 15.000€ proposée par l'intermédiaire du notaire de Madame [L] [X] épouse [T].

Il apparaît ainsi que le courrier de Maître [C] ne permet pas d'établir que l'intimée avait admis le principe tant d'un défaut d'entretien que d'une indemnisation.

Par ailleurs :

- en mars 2012, la défunte avait autorisé sa petite fille [I] à s'installer dans l'immeuble, qu'elle n'occupait plus depuis 2005 ;

- les appelantes indiquent que Madame [I] [X] épouse [G] soupçonnait « l'état de délabrement de la maison d'habitation », et le constat d'huissier d'août 2012 a été dressé en sa présence ;

- selon les termes de la main courante versée aux débats, le 10 avril 2011, Madame [O] [X] a averti les services de police de la présence de squatteurs dans l'immeuble, lesquels ont été contrôlés par les forces de l'ordre et ont quitté « les lieux à la demande du propriétaire » ;

- ce document mentionne expressément que sur place, les policiers étaient en présence de la personne ayant fait appel à leurs services ;

Pour autant, les nues-propriétaires qui avaient donc eu accès à l'immeuble avant le décès de l'usufruitière ne justifient pas l'avoir alertée sur l'état du bien ou lui avoir demandé de procéder à son entretien.

Il ne peut que s'en déduire que soit Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] relativisaient les manquements dont elles se prévalent désormais, soit elles avaient renoncé à en faire état.

Il s'évince de ce qui précède que c'est à juste titre que le premier juge a débouté les appelantes de leur demande de créance au titre du défaut d'entretien de l'immeuble sis [Adresse 10], et le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

2 ' Sur la demande de rapport au titre de l'usufruit

Les appelantes sollicitent l'infirmation des dispositions du jugement entrepris par lesquelles elles ont été déboutées de leur demande de rapport au titre de l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 4].

Elles indiquent qu'aux termes de l'acte de partage de 1990, l'usufruit de ce bien a été attribué à Madame [M] [A] veuve [X], Madame [L] [X] épouse [T] étant nue-propriétaire. Toutes deux se sont accordées sur la vente de l'immeuble, intervenue en juillet 2006 au prix de 205.000€. Cette somme a été perçue par l'intimée alors qu'il ne serait pas établi que les droits de l'usufruitière auraient été convertis en rente viagère de 230€ par mois, comme il est soutenu par Madame [L] [X] épouse [T].

Selon Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X], l'existence d'un accord en ce sens ne serait pas établie. Elles soutiennent que le justificatif versé tardivement par la partie adverse et prétendument établi par la défunte n'est pas daté et ne prouve pas l'existence d'une donation à date certaine. Elles ajoutent que cette pièce comporte des erreurs, et le point de départ des versements qui est mentionné ne correspond pas aux premiers paiements dont il est justifié.

Les appelantes soulèvent que les versements ont commencé à compter d'avril 2006. Ils ne peuvent en conséquence selon elles correspondre à une rente venant en conversion de l'usufruit, le bien n'ayant pas encore été vendu, et son prix n'était pas arrêté. Elles ajoutent encore que s'il s'agissait d'une rente viagère, il n'est pas justifié des circonstances ayant conduit Madame [L] [X] épouse [T] a cessé les versements 14 mois avant le décès.

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] ajoutent que le montant de la rente viagère est dérisoire au regard de la valeur de l'usufruit.

Elles demandent à la cour de dire que le non paiement de l'usufruit suite à la vente du bien considéré constitue un avantage rapportable à la succession en numéraire à hauteur de 61.500€.

Subsidiairement, elles demandent à la cour de dire que Madame [L] [X] épouse [T] doit rapporter la somme de 48.850€, qui correspond à la valeur de l'usufruit déduction faite des versements mensuels auxquels il a été procédé.

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] soutiennent que l'argumentation de l'intimée selon laquelle la preuve de l'intention libérale n'est pas rapportée vient contredire ses demandes initiales. Elles sollicitent, dans les seuls motifs de leurs écritures, que sa demande soit déclarée irrecevable, une partie ne pouvant se contredire au détriment d'autrui.

À titre infiniment subsidiaire, les appelantes sollicitent que Madame [L] [X] épouse [T] soit déboutée de sa demande de cantonnement de la libéralité reçue.

Madame [L] [X] épouse [T] sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Elle indique que conformément aux dispositions de l'article 621 du code civil, l'usufruit et la nue-propriété du bien considéré a été vendue, et Madame [M] [A] veuve [X] a souhaité convertir son usufruit en rente viagère, ce qui est établi par une attestation écrite de la main de la défunte, dont les termes sont confirmés par les règlements qui ont été effectués.

À titre subsidiaire, l'intimée soutient que si la cour ne retient pas que l'usufruit a fait l'objet d'une conversion en rente viagère, il ne pourrait pour autant être fait droit à la demande de rapport d'une somme de 61.500€, en ce que les appelantes ne démontrent pas que la défunte était animée d'une intention libérale lorsqu'elle aurait renoncé à l'usufruit. Madame [L] [X] épouse [T] ajoute que l'attestation produite et les versements qu'elle a effectués écartent l'hypothèse d'une intention libérale et d'une donation acceptée.

L'intimée affirme en outre qu'elle a dès ses premières écritures contesté l'existence d'une libéralité, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de se contredire.

À titre infiniment subsidiaire, Madame [L] [X] épouse [T] indique qu'elle entend faire valoir le cantonnement de la libéralité reçue à l'émolument gratuit. Ainsi, elle soutient que les sommes versées doivent être prises en compte dans le cadre de l'usufruit litigieux, et elle demande dans les motifs de ses écritures au « Tribunal » (sic) d'ordonner la déduction des sommes payées (12.650€) du montant à rapporter (61.500€). Aussi, si l'existence d'une donation était retenue suite au non versement de la valeur de l'usufruit, la valeur de cette donation serait de 48.850€.

Sur ce,

Selon le premier alinéa de l'article 843 du code civil, « tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. »

L'article 860 du même code précise notamment pour sa part que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation, et si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation

L'article 621 du code civil précise en son premier alinéa qu'en cas de vente simultanée de l'usufruit et de la nue-propriété d'un bien, le prix se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter l'usufruit sur le prix.

Enfin, il convient de rappeler que l'intention libérale doit être prouvée par celui qui se prévaut d'un avantage rapportable, qui serait constitutif d'une donation indirecte, car il s'agit d'un élément intentionnel qui ne se présume pas et qui ne peut se déduire du déséquilibre d'un acte.

Il est établi que selon acte authentique de partage du 25 septembre 1990, Madame [M] [A] veuve [X] s'est vue attribuer l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 4], Madame [L] [X] épouse [T] disposant de la nue-propriété.

Il est tout aussi constant que ce bien a fait l'objet d'une vente, conclue en juillet 2006, et que le prix de vente a été perçu par l'intimée.

À l'appui de son affirmation selon laquelle Madame [M] [A] veuve [X] avait souhaité convertir l'usufruit du bien considéré en rente viagère sous forme de versements de 230€ par mois, Madame [L] [X] épouse [T] verse aux débats un document manuscrit, attribué à sa mère.

Dans cette pièce, la défunte indiquait expressément :

« J'ai donné à ma fille (âgée de 60 ans depuis 01.07) [L] [X] épouse [T] qui a accepté l'usage de sa maison reçue en héritage au décès de son père (') moyennant un usufruit de 230 euros par mois versé depuis janvier 2006 ».

La cour ne peut que constater qu'il n'est fait état, et justifié, d'aucun élément pouvant conduire à écarter ce document, ni même à relativiser son contenu.

Le fait que cette pièce n'est pas datée n'emporte aucune conséquence. Il n'est pas sérieusement contesté qu'elle a été écrite de la main de Madame [M] [A] veuve [X], et d'ailleurs aucune démarche n'a été entreprise pour en contester l'authenticité.

Les erreurs ou ratures qui figurent sur cette pièce (année de décès de Monsieur [X] ou des premiers versements de la rente) sont sans aucune portée quant à la décision exprimée par Madame [M] [A] veuve [X].

Les termes utilisés ne corroborent cependant pas l'hypothèse selon laquelle la défunte avait entendu convertir son usufruit en rente viagère : c'est très expressément que Madame [M] [A] veuve [X] a indiqué dans la pièce examinée « j'ai donné à ma fille ... ». Ainsi, en des termes clairs et dénués de toute ambiguïté la défunte faisait état d'une donation, acceptée par Madame [L] [X] épouse [T] moyennant le versement d'une somme mensuelle. La modicité de la rente mise à la charge de l'intimée comparée à la valeur de l'usufruit confirme également que par cette opération, la défunte entendait gratifier sa fille.

Il apparaît ainsi que le document produit tend à démontrer en fait que Madame [M] [A] veuve [X] avait entendu consentir une donation à sa fille.

En effet, l'utilisation du verbe « donner » par la rédactrice de cette pièce traduit suffisamment :

- l'intention libérale dont elle était animée envers sa fille ;

- son dépouillement irrévocable ;

- l'enrichissement corrélatif de Madame [L] [X] épouse [T], qui accepté cette donation selon les termes mêmes de cette pièce ;

Madame [L] [X] épouse [T] justifie du versement, partiel, de la somme de 230€ par mois à sa mère.

Aucun élément ne permet de retenir que ces règlements correspondaient au paiement d'une rente viagère, et d'ailleurs l'écrit attribué à Madame [M] [A] veuve [X] ne comporte pas cette expression. Les chèques et virements faits par Madame [L] [X] épouse [T] sont, selon les termes du document produit, le pendant de la donation consentie.

Le montant de ces versements mensuels avèrent également le dépouillement et l'appauvrissement de Madame [M] [A] veuve [X], en ce qu'il n'est pas contesté que la location du bien lui rapportait un loyer d'un montant supérieur (de l'ordre de 570€ par mois).

Au terme de ce qui précède, il est établi que Madame [M] [A] veuve [X] a consenti à Madame [L] [X] épouse [T] une donation avec charge, portant sur l'usufruit du bien sis [Adresse 4].

Cette donation, acceptée par l'intimée, doit être rapportée à la succession, étant précisé que puisque la libéralité comportait une charge, la valeur de cette dernière doit être déduite de celle de la donation.

En l'espèce, le montant effectivement versé par Madame [L] [X] épouse [T] à Madame [M] [A] veuve [X] par 55 paiements mensuels de 230€ doit être déduit de la valeur de l'usufruit précédemment attribué à la disposante.

Ainsi, et en l'absence de toute contestation sur les montants en présence, il convient de retenir :

- une valeur de l'usufruit de 61.500€ ;

- un total de 55 X 230€ versé par Madame [L] [X] épouse [T] à sa mère suite à la donation dont elle a été gratifiée, soit 12.650€ ;

- un rapport dû à la succession de 61.500 ' 12.650, soit 48.850€ ;

En conséquence de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] de leur demande de rapport au titre de l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 4] et de fixer à la somme de 48.850€ le montant devant être rapporté à la succession par Madame [L] [X] épouse [T] au titre de la donation de l'usufruit du bien considéré dont elle a été gratifiée.

3 ' Sur le rapport des primes d'assurance-vie

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] sollicitent l'infirmation du jugement frappé d'appel en ce que le tribunal a uniquement ordonné le rapport à la succession de la prime de 62.942€ versée sur le contrat CNP assurances.

Elles demandent à la cour de juger que l'ensemble des primes d'assurance-vie versées par Madame [M] [A] veuve [X] après son 70ème anniversaire sera réintégrée à l'actif de la succession en raison de leur caractère manifestement exagéré, soit la somme de 213.864,11€.

Subsidiairement, elles sollicitent que la réintégration concernent les primes versées à compter de l'année 2006, soit la somme de 165.256,21€.

A l'appui de leurs demandes les appelantes font en premier lieu état d'une tentative de dissimulation opérée par Madame [L] [X] épouse [T], qui a dans un premier temps soutenu qu'il n'existait pas d'assurance-vie, avant de reconnaître que 4 contrats avaient été souscrits. Et après avoir été autorisées par le conseiller de la mise en état à interroger la banque, l'existence d'un 5ème contrat, pourtant connu de l'intimée mais non évoqué, avait été révélée.

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] ajoutent ensuite que la défunte a versé des primes après son 70ème anniversaire, et notamment après le décès de son fils, et après avoir rédigé le testament aux termes duquel elle avait disposé de sa quotité disponible. Les appelantes précisent d'ailleurs qu'à l'occasion du versement d'une prime de 58.000€ en décembre 2009, Madame [M] [A] veuve [X] a indiqué à son conseiller AXA qu'il s'agissait de l'utilisation de la quotité disponible.

Selon Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X], le montant total des primes versées par la défunte après ses 70 ans sur des contrats d'assurance vie s'élève à 213.864,32€ alors que l'actif net de succession, tel qu'établi dans la déclaration de succession signée par l'intimée, s'élève à 219.745,01€. Dès lors, le caractère manifestement exagéré des primes serait établi au regard de l'âge de Madame [M] [A] veuve [X] et de sa situation patrimoniale, dès lors que l'actif successoral a été diminué au détriment des appelantes, notamment par des opérations survenues après le décès de leur père.

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] soutiennent que les versements de primes ne tendaient pas à constituer une épargne, mais à détourner les règles de la réserve héréditaire.

En réponse aux écritures adverses, elles précisent notamment :

- qu'en tenant compte de la 5ème assurance-vie souscrite auprès d'AXA, l'ensemble des primes versées après les 70 ans de Madame [M] [A] veuve [X] représente 49,3% de l'actif net de la succession ;

- que le caractère manifestement disproportionné des primes s'apprécie à la date de leur versement ;

- que Madame [M] [A] veuve [X] n'a pas fait fructifier son patrimoine, elle s'est au contraire appauvrie ;

Madame [L] [X] épouse [T] sollicite également l'infirmation de ce chef du jugement entrepris. Elle demande à la cour de débouter les appelantes de leurs demandes au titre des assurances-vie et de retenir que la prime de 62.942€ versée sur le contrat CNP ASSURANCES n'est pas manifestement excessive et ne constitue pas une donation déguisée.

À l'appui de ses prétentions elle fait valoir en premier lieu que si elle n'a pas fait état du second contrat auprès d'AXA, c'est au motif qu'il a été souscrit en mars 1991, de sorte qu'il est exonéré de droit de mutation.

Elle ajoute que Madame [M] [A] veuve [X] est décédée en 2012, à l'âge de 85 ans, alors que son état de santé était « bon pour toute la durée de souscription des contrats d'assurance-vie litigieux », et qu'il ne peut être automatiquement considéré que les primes versées après 70 ans sont excessives, alors qu'au moment des souscriptions et des versements, son pronostic vital n'était nullement engagé de sorte qu'il existait un aléa.

Selon l'intimée, les appelantes échouent à démontrer que les primes versées par la défunte avaient un caractère excessif au regard des critères posés par l'article L132-13 du code des assurances et la jurisprudence.

Madame [L] [X] épouse [T] soutient que sa mère avait une bonne gestion de son patrimoine, percevait une retraite, une pension de réversion et une rente trimestrielle suite à un accident du travail, outre pendant 15 ans des loyers provenant de la location du bien dont elle était usufruitière. Elle ajoute qu'elle avait choisi de recourir à des placements rémunérateurs, et qu'elle détenait plus de 45.000€ de disponibles sur ses comptes, et était « multipropriétaire ». Ainsi, selon l'intimée, le patrimoine de Madame [M] [A] veuve [X] lui a permis de verser les primes litigieuses, « sans que son train de vie ne soit impacté ».

S'agissant de la prime de 62.942€ retenue par le tribunal, l'intimée indique qu'en fait, elle correspond aux 4 versements suivants :

- 31 octobre 2007 : 30.000€

- 13 juillet 2010 : 12.816€

- 14 décembre 2010 : 12.126€

- 06 décembre 2012 : 8.000€,

dont le caractère excessif n'est pas démontré au regard de l'entier patrimoine de la souscriptrice.

Enfin, Madame [L] [X] épouse [T] soutient qu'il n'est pas démontré que les contrats d'assurance-vie peuvent être requalifiés en donations.

Sur ce,

Il ne peut qu'être rappelé que l'article L132-13 du code des assurances précise que :

« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. ».

Il est constant que le caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale de celui-ci, ainsi que de l'utilité du contrat pour lui.

Il est tout aussi constant qu'il appartient à celui qui sollicite le rapport à la succession des sommes versées d'apporter la preuve d'une exagération, qui plus est manifeste, des primes.

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] considèrent que les primes versées après les 70 ans de Madame [M] [A] veuve [X] doivent indistinctement être rapportées à la succession en raison de leur caractère manifestement exagéré.

Madame [M] [A] veuve [X] est née le 29 juin 1927.

Selon les déclarations non contestées des parties, ses ressources à l'âge de 70 ans étaient constituées d'une pension de retraite, d'une pension de réversion, d'une rente trimestrielle et de revenus locatifs.

La seule pièce produite, objective et complète, relative aux revenus de la défunte est son avis d'impôt sur ses revenus de 2006, qui retient un total de pensions, retraites et rentes de 18.118€.

Il n'est fait état d'aucune charge particulière qu'elle aurait supportée, notamment au titre de son logement, eu égard aux droits immobiliers qu'elle détenait. Elle n'a laissé aucune dette née avant son décès.

Madame [M] [A] veuve [X] est décédée le 09 décembre 2012, à l'âge de 85 ans.

Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] soutiennent qu'elle était affectée d'une « cardiomyopathie obstructive découverte alors qu'elle avait 45 ans et elle était traitée pour cela depuis ». Cependant il n'est versé aucune pièce à l'appui de leur propos, de sorte que l'état de santé de l'intéressée est ignoré, tout comme le sont les causes de sa mort.

Il ressort des pièces versées en cause d'appel que Madame [M] [A] veuve [X] avait souscrit initialement 5 contrats d'assurance-vie, certains ayant fait l'objet de transfert ou de modification.

Il apparaît qu'un contrat souscrit en mars 1991 n'avait jamais été évoqué auparavant dans le cadre des opérations judiciaires de règlement de la succession, ce qui ne peut que conduire la cour à s'interroger, puisque Madame [L] [X] épouse [T] avait connaissance de cette assurance-vie, le capital investi sur ledit contrat lui ayant été versé dès le 09 décembre 2012, pour un montant de 86.871€. L'exonération alléguée de droit de mutation concernant ce contrat ne justifiait en rien que cette assurance-vie et partant les primes versées soient ignorées des juridictions.

Les contrats AXA initiaux ont été souscrits postérieurement au décès de Monsieur [V] [X], et même après la liquidation de sa succession et du régime matrimonial, selon les modalités suivantes :

- un contrat INVEST UAP souscrit le 1er mars 1991, avec un versement de 35.000 Frs ; il s'agit du contrat dont l'existence a été révélée tardivement ;

- un contrat CADENTIEL souscrit le 31 août 1993, avec un versement de 50.000 Frs ;

- un contrat CADENTIEL souscrit le 23 décembre 1993, avec un versement de 50.000 Frs ;

- un contrat CADENTIEL souscrit le 30 janvier 1996, avec un versement de 50.000 Frs ;

- un contrat LIBRE EPARGNE souscrit le 16 janvier 1997, avec un versement de 15.000 Frs ;

Ces contrats et ces versements initiaux n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part des parties.

Ils n'appellent aucune observation particulière, étant rappelé que l'acte authentique de partage de 1990 fixait les droits de Madame [M] [A] veuve [X] à la somme de 978.216,39 Frs, et qu'elle s'est notamment vue attribuer les liquidités à hauteur de 301.737,70 Frs.

Ainsi donc, Madame [M] [A] veuve [X] disposait d'un patrimoine lui permettant de réaliser ce type de placements, qu'elle affectionnait manifestement au point de les multiplier.

Au décès de Madame [M] [A] veuve [X], son patrimoine se composait de liquidités à hauteur de 57.582€ et de la propriété d'un immeuble sis à [Localité 15], évalué à 155.000€.

Il existait 5 contrats d'assurance-vie, dont il convient d'examiner les modalités d'ouverture et de fonctionnement :

- deux contrats CREDIT MUTUEL souscrits le 16 octobre 2001 et le 27 juillet 2006, alors que Madame [M] [A] veuve [X] était âgée de moins de 80 ans, présentant des soldes respectifs de 25.683,21€ et 22.844,90€.

En octobre 2001, la défunte détenait toujours l'usufruit de trois immeubles, outre la pleine propriété d'un appartement. Elle disposait en outre d'un revenu locatif, et de liquidités.

Sa situation 5 ans plus tard était très comparable, même s'il convient de rappeler que l'immeuble lui procurant un revenu locatif venait d'être cédé, et qu'elle avait fait donation de l'usufruit qui lui avait été attribué sur ce bien à charge de rente, d'un montant inférieur au loyer qu'elle percevait jusqu'alors.

Ainsi, au regard du contexte de souscription des contrats d'assurance-vie, de la situation de Madame [M] [A] veuve [X] qui était à même d'assurer sans aucune difficulté ses besoins courants, aucune des sommes versées à titre de prime n'apparaît manifestement exagérée. En effet, l'assurance-vie conservait entièrement son aspect de prévoyance, ou d'épargne que la défunte pouvait vouloir faire fructifier. Son utilité pour la souscriptrice est avérée, et aucun élément ne permet d'établir suffisamment que l'intéressée poursuivait, en fait, un autre objectif.

- un contrat AXA dénommé ODYSSIEL, souscrit le 04 décembre 2006 suite au transfert du premier contrat CADENTIEL précédemment souscrit et de son solde à hauteur de 14.320€. Ce contrat a été abondé en outre le jour de sa souscription par le rachat intégral opéré sur les deux autres contrats CADENTIEL, souscrits en décembre 1993 et janvier 1996, pour 13.730€ et 12.033€. Il apparaît ainsi que cette assurance-vie a été alimentée uniquement au moyen de fonds provenant de l'épargne déjà existante. Cette opération correspond en conséquence au remploi tant des sommes déjà placées sur le même type de support que des revenus qu'elles ont généré, de sorte qu'elle s'est avérée sans effet sur la situation patrimoniale de Madame [M] [A] veuve [X]. Cette assurance-vie n'a, en outre, fait l'objet d'aucun versement postérieurement.

Il s'infère de ce qui précède que le report sur ce nouveau contrat et les primes versées n'apparaissent pas manifestement exagérés.

- un second contrat AXA dénommé ODYSSIEL souscrit le 04 décembre 2006, issu du transfert du contrat initial INVEST UAP et crédité du solde de celui-ci, soit 8.283€. Ce second contrat ODYSSIEL a notamment été abondé au moyen des fonds détenus sur le contrat LIBRE EPARGNE souscrit en 1997, suite à un rachat total effectué le 04 février 2010 pour un montant de 3.631€. Ces opérations correspondent en conséquence au transfert d'assurances vie précédemment souscrites sur le même type de support, de sorte qu'elles se sont avérées sans effet sur la situation patrimoniale de Madame [M] [A] veuve [X]. Aussi, le report de ces sommes déjà placées n'apparaît pas manifestement exagéré.

Cependant, cette assurance-vie a également été alimentée en octobre et décembre 2009 au moyen de deux chèques, pour des montants respectifs de 15.000€ et 58.000€. La souscriptrice était alors âgée de plus de 80 ans, et elle avait déjà placé les sommes répertoriées ci-dessus sur des supports de même nature. C'est en vain que Madame [L] [X] épouse [T] affirme que le pronostic vital de sa mère n'était alors pas engagé, puisqu'il est indéniable qu'eu égard à son âge très avancé, l'espérance de vie de la souscriptrice était à tout le moins limitée.

Eu égard à son âge, l'utilité pour la souscriptrice de verser en 2009 des montants conséquents sur un placement à long terme paraît douteuse. Ces primes n'avaient aucun intérêt en terme de prévoyance ou d'épargne susceptible de fructifier et de lui profiter.

Il importe de relever en outre que lors du versement de la somme de 58.000€, Madame [M] [A] veuve [X] a notamment indiqué sur le formulaire bancaire, dans la rubrique relative au but de la souscription, « utilisation quotité disponible enfant ».

Madame [L] [X] épouse [T] est restée taisante concernant l'existence de ce contrat, tant au cours des opérations devant le notaire que devant le premier juge, ce qui ne peut que laisser supposer qu'elle savait que la légitimité des primes litigieuses, dont elle avait profité, pouvait être contestée.

Ces éléments convergent parfaitement pour établir que la défunte n'avait, lors du versement de ces primes, d'autre objectif que de contourner les règles relatives à la réserve successorale, et cette opération ne présentait aucune autre utilité pour Madame [M] [A] veuve [X].

En conséquence, ces primes présentent un caractère manifestement exagéré.

- un contrat CNP ASSURANCES , souscrit le 24 octobre 2007. Madame [M] [A] veuve [X] était alors âgée de plus de 80 ans, et disposait déjà des divers placements précédemment évoqués. Quatre versements ont été effectués sur ce contrat : 30.000€ le 31 octobre 2007, 12.816€ le 13 juillet 2010, 12.126€ le 14 décembre 2010 et 8.000€ le 06 décembre 2012, soit un total de 62.942€, pour lequel le tribunal a ordonné le rapport à la succession.

Au moment des versements litigieux, l'espérance de vie de la souscriptrice était réduite eu égard à son âge avancé. En outre, considérant les autres assurances-vie dont la défunte disposait déjà, l'utilité de souscrire et alimenter un nouveau placement de même nature n'est absolument pas avérée. Par ces opérations, la souscriptrice a versé sous forme de primes la très grande majorité de son patrimoine mobilier. Il est tout à fait établi que Madame [M] [A] veuve [X] n'avait plus d'intérêt économique, ou stratégique, à réaliser de tels placements, sauf à vouloir transmettre un capital à la bénéficiaire désignée en contournant les règles relatives à la réserve successorale. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que ces primes étaient manifestement exagérées au sens du code des assurances.

Il y a lieu en conséquence d'ordonner le rapport par Madame [L] [X] épouse [T] à la succession de Madame [M] [A] veuve [X] des primes manifestement exagérées suivantes :

- de 30.000€ versée le 31 octobre 2007, 12.816€ versée le 13 juillet 2010, 12.126€ versée le 14 décembre 2010 et 8.000€ versée le 06 décembre 2012, soit un total de 62.942€ sur le contrat CNP ASSURANCES ;

- de 15.000€ versée le 14 octobre 2009 et 58.000€ versée le 12 décembre 2009, soit un total de 73.000€ versé sur le contrat ODYSSIEL souscrit le 04 décembre 2006, issu du transfert du contrat initial INVEST UAP ;

soit au total la somme de 135.942€.

Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

4 ' Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'article 696 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Les parties n'ont articulé aucune motivation pouvant justifier que la décision du tribunal concernant le sort des dépens de première instance ou l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile soit infirmée.

Par ailleurs, les parties ayant chacune succombé en certaines prétentions, il convient de condamner Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] d'une part et Madame [L] [X] épouse [T] d'autre part aux dépens, à concurrence de moitié, et de dire qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage.

La nature de l'affaire et le partage des dépens commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties seront donc déboutées de leur demande de ce chef.

*

* *

Les parties seront renvoyées devant le notaire désigné par le tribunal pour qu'il soit procédé aux opérations liquidatives conformément aux dispositions du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 28 février 2022, et fixe la clôture de l'instruction à la date de l'audience de plaidoiries ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- Débouté Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X] de leur demande de rapport au titre de l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 2] ;

- Ordonné le rapport à la succession de la prime de 62.942€ versée sur le contrat CNP ASSURANCES qui constitue une donation déguisée,

et statuant à nouveau de ces chefs :

- ordonne le rapport par Madame [L] [X] épouse [T] à la succession de Madame [M] [A] veuve [X] de la somme de 48.850€ au titre de la donation de l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 4]

- ordonne le rapport par Madame [L] [X] épouse [T] à la succession de Madame [M] [A] veuve [X] de la somme de 135.942€ au titre des primes manifestement exagérées versées sur les contrats d'assurance-vie ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Madame [L] [X] épouse [T] d'une part et Mesdames [I] [X] épouse [G] et [O] [X], ensemble, d'autre part à supporter la moitié des dépens, lesquels seront remployés en frais privilégiés de partage ;

Renvoie les parties devant le notaire désigné par le tribunal pour qu'il soit procédé aux opérations liquidatives conformément aux dispositions du présent arrêt ;

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Julie BARREAU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

Julie BARREAUXavier GADRAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 2
Numéro d'arrêt : 18/03563
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;18.03563 ?
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