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03/05/2022 | FRANCE | N°19/00785

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 03 mai 2022, 19/00785


SF/MS



Numéro 22/01731





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 03/05/2022







Dossier : N° RG 19/00785 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HF6O





Nature affaire :



Demande relative à une servitude de jours et vues sur le fonds voisin







Affaire :



[L] [I]



C/



[B] [O] [U]




























r>Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'arti...

SF/MS

Numéro 22/01731

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 03/05/2022

Dossier : N° RG 19/00785 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HF6O

Nature affaire :

Demande relative à une servitude de jours et vues sur le fonds voisin

Affaire :

[L] [I]

C/

[B] [O] [U]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 21 Février 2022, devant :

Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes,

Madame de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame de FRAMOND, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [L] [I]

née le 18 Septembre 1927 à BAYONNE (64100)

de nationalité Française

269 Avenue de l'Adour

64600 ANGLET

Représentée par Maître VERMOTE de la SCP UHALDEBORDE-SALANNE GORGUET VERMOTE BERTIZBEREA, avocat au barreau de BAYONNE

INTIME :

Monsieur [B] [O] [U]

né le 6 juillet 1948 à BORDEAUX (33000)

267 Avenue de l'Adour

64600 ANGLET

Représenté par Maître HENNEBUTTE, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 21 JANVIER 2019

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

RG numéro : 17/01135

EXPOSE DU LITIGE

Mme [L] [I] est propriétaire d'une maison d'habitation sis à ANGLET 269 avenue de l'Adour.

Sa parcelle jouxte celle appartenant à M. [B] [O] [U] 267 avenue de l'Adour 64600 ANGLET.

M. [U] a déposé une demande de permis de construire auprès de la Commune d'ANGLET le 10 décembre 2012 pour la destruction de sa maison d'habitation et la reconstruction d'une maison neuve comportant une terrasse et des murs de clôture, dont la clôture le séparant de la propriété de Mme [I] sur une hauteur de 1,80 mètres.

Suivant arrêté en date du 15 février 2013, le permis de démolir et de construire a été accordé par la Commune d'ANGLET, et les travaux réalisés en 2014 et 2015.

Par ordonnance de référé du 17 mai 2016 sur saisine de Mme [I] qui se plaignait d'une hauteur excessive du mur de clôture séparatif, M. [B] [E] a été désigné aux fins d'expertise judiciaire.

Il a rendu son rapport d'expertise le 11 octobre 2016.

Mme [I] a fait assigner M. [U] par acte en date du 19 mai 2017 devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE aux fins de voir celui-ci condamné à araser le mur de clôture pour le ramener à 2 mètres de hauteur par rapport à son terrain et pour le voir condamner à indemniser son préjudice.

Par jugement du 21 janvier 2019, le Tribunal, a rejeté la fin de non-recevoir demandée par M. [U], débouté Mme [L] [I] de sa demande, l'a condamnée au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée aux dépens.

Mme [I] a relevé appel par déclaration du 4 mars 2019, critiquant le jugement en ce qu'il la déboutée de ses demandes et condamnée à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 1er février 2021, Mme [I] appelante, demande à la cour de :

Reformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

Condamner M. [U] à réaliser les travaux, à savoir araser le mur existant pour le descendre à 2 m de haut par rapport au terrain de Mme [I], dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et dire qu'à défaut il sera condamné à une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification.

Condamner M. [U] à payer la somme de 900 € à Mme [I] au titre du préjudice de jouissance subi.

Condamner M.[U] à payer la somme de 2 000 € à Mme [I] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de la présente procédure ainsi que de la procédure de référé, en ce compris les frais d'expertise et les frais de procès-verbal de constat et la procédure de première instance.

Au soutien de ses prétentions, Mme [I], se fondant sur les articles 544, 1240 et 1242 du code civil des troubles anormaux du voisinage, fait valoir que l'expert a constaté la perte d'ensoleillement importante subie par son jardin du fait de la construction du mur de M. [U], plus haute que ce qui existait précédemment puisqu'elle fait 3 mètres de hauteur et en contravention avec les prescriptions du PLU applicable en 2013 lors des travaux par M. [U], la hauteur du mur n'ayant jamais fait l'objet d'un contrôle de conformité. Ce dernier n'a jamais réclamé de contre-expertise et ne peut donc utilement contester les observations de l'expert. Elle soutient que son abri de jardin est en réalité une terrasse couverte au sol carrelée fréquemment utilisée. Elle réclame l'indemnisation de son préjudice de jouissance pendant 9 mois et la réalisation des travaux préconisés consistant à l'arasement du mur.

Dans ses dernières conclusions du 7 mai 2020, M. [U] intimé, demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le TGI de BAYONNE le 21 janvier 2019.

Condamner Mme [I] à verser à M [U] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

M. [U] fait valoir principalement que Mme [I] n'a jamais dénoncé le permis de construire qu'il avait déposé, que l'expert a outrepassé sa mission en vérifiant la légalité du permis de construire au PLU d'Anglet applicable en 2013, alors qu'il constatait que sa construction était bien conforme au permis délivré, qui respectait le PLU en vigueur en 2004 et qui a fait l'objet de contrôle de conformité le 20 mars et le 21 août 2015. Il soutient, sur le fondement de l'article 1240 du code civil que MmeLUCAS ne démontre pas l'anormalité du trouble de voisinage, le mur de clôture, qui a remplacé une végétation dense et touffue ne lui causant pas de perte d'ensoleillement puisque son abri jardin n'est pas ouvert vers le sud. Il conteste que le terrain de Mme [I] ait été, avant les travaux, plus bas de 70 cm que le sien, le rehaussement réalisé pour sa construction étant au maximum de 46 cm, l'expert ne démontrant pas cette affirmation.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité du mur construit par M. [U] :

Il ressort de l'article 11.3 du PLU approuvé le 30 juillet 2004, en vigueur pour l'obtention du permis de M. [U] le 15 février 2013 que les clôtures sur la limite séparative ne peuvent dépasser 1,80 mètres, hauteur mesurée à partir du niveau du sol voisin avant affouillement et exhaussement.

Des hauteurs différentes à celles précitées peuvent être admises pour des raisons techniques lorsqu'un ouvrage de soutènement est nécessaire .

Il n'est pas contesté que le sol de la propriété de Mme [I] sous le mur litigieux, n'a pas été rehaussé ou affouillé, il est resté identique puisque la clôture mitoyenne préexistante est restée en place de son côté, alors qu'à l'inverse, le terrain de M. [U] a été rehaussé.

M. [U] a indiqué, dans sa notice d'impact visuel jointe à sa demande de permis de construire, que le terrain serait remodelé par des remblais soutenus par un nouveau mur de soutènement au sud comme c'est déjà le cas à l'OUEST et que les murs sur les limites OUEST et EST seront de 1,80m de haut de côte depuis le sol de la parcelle, celle-ci comportant un mur de soutènement.

Ce descriptif prévoit donc un rehaussement de la parcelle de M. [U], des murs de soutènement en conséquence, et des clôtures à dimension dérogatoire au PLU du fait de ces soutènements. Le permis de construire lui a été accordé sur cette base.

L'expert judiciaire a ainsi pu constater que le nouveau mur de béton installé par M.[U], était bien inférieur à 1,80 mètres par rapport au niveau rehaussé du sol du terrain de celui-ci, (ce qui lui a permis d'obtenir le certificat de conformité de sa construction le 8 août 2016) mais qu'il représente une hauteur de 2,95 mètres par rapport au niveau du sol naturel de la propriété de Mme [I].

Même si cette limite est passée à 2 mètres dans le nouveau PLU, la hauteur de la clôture OUEST de M. [U] ne constitue pas, au regard de la dérogation possible en cas de rehaussement, une irrégularité.

Sur le trouble anormal de voisinage :

L'indemnisation de troubles anormaux du voisinage est fondée sur l'abus de son droit de propriété par un propriétaire, et ne s'apprécie pas au regard des avantages perdus par le voisin qui s'en plaint mais de la situation objectivement créée de nature à modifier gravement les conditions de vie de celui-ci.

Or en l'espèce, il résulte des photos versées au débat de part et d'autre que la terrasse couverte située en fond de jardin de la propriété de Mme [I], servant de salle à manger d'été, située contre la clôture litigieuse et orientée à l'EST, bénéficiait non seulement du soleil dans la matinée en été et d'une bonne luminosité le reste de la journée, mais également d'une perspective végétalisée du fait de la présence d'arbustes derrière le grillage qui surmontait le muret mitoyen qui ne faisait que 50 cm de hauteur séparant leurs fonds.

Or, la construction du mur de béton de près de 3 mètres de hauteur quasiment contre le toit de cette terrasse d'été revient à enclore cette terrasse qui est déjà fermée sur 2 côtés, ne laissant plus aucune luminosité à celle-ci, et prive en outre une partie du jardin d'une bande d'ensoleillement.

Or, la hauteur très importante de cette clôture, en fond de jardin, et alors que la parcelle de Mme [I] est en contrebas du terrain de M. [U], apparaît sans aucun intérêt pour M. [U] qui, avec une hauteur de 2 mètres calculée depuis le sol de sa voisine, obtenait une garantie suffisante d'intimité pour lui-même puisque supérieure à la taille habituelle des personnes (cf photo 15 de la pièce 20, constat du 30 septembre 2019) et aurait été sans préjudice pour Mme [I].

Il résulte de ce qui précède, que le mur de béton construit par M. [U] côté OUEST, confrontant la propriété de Mme [I], cause à celle-ci un trouble anormal de voisinage et que la demande d'arasement de ce mur pour le ramener à une hauteur de 2 mètres depuis le sol de la propriété de Mme [I] doit être accueillie, et le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice de jouissance

La terrasse en fond de jardin de Mme [I] sert à l'évidence surtout en période estivale et la jouissance de cette terrasse n'a pas été empêchée, mais seulement altérée pendant 9 mois entre 2015 et 2016, aucune demande n'étant formulée pour les années postérieures. Une somme de 500 € sera donc allouée en réparation de ce préjudice de jouissance.

La cour, statuant à nouveau sur les mesures accessoires, condamne M. [U] aux entiers dépens y compris de frais d'expertise, et le condamne à payer à Mme [I] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant rappelé que les frais de constat d'huissier ne relèvent pas des dépens de l'instance mais peuvent être inclus dans l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 21 janvier 2019 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [B] [O] [U] à araser le mur construit à l'ouest de sa propriété située 267 avenue de l'Adour à Anglet à Bayonne, confrontant la propriété de Mme [L] [I] située au 269 de la même avenue, pour le ramener à 2 m de haut par rapport au niveau du terrain de Mme [L] [I], dans le délai de 4 mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous peine d'astreinte de 100€ par jour de retard au-delà de ce délai.

Condamne M. [B] [O] [U] à payer la somme de 500 € à Mme [L] [I] au titre du préjudice de jouissance subi.

Condamne M.[B] [O] [U] à payer la somme de 2 000€ à Mme [L] [I] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que de la procédure de référé, en ce compris les frais d'expertise et la procédure de première instance .

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/00785
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;19.00785 ?
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