PS/MC
Numéro 20/03455
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 01/12/2020
Dossier : N° RG 18/01799 - N° Portalis DBVV-V-B7C-G5QG
Nature affaire :
Demande relative à un droit de passage
Affaire :
Syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 4]
C/
Syndicat des copropriétaires SDC DE LA RESIDENCE [Adresse 2]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 01 Décembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 Octobre 2020, devant :
Monsieur SERNY, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,
Monsieur SERNY, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DUCHAC, Président
Madame ROSA-SCHALL, Conseiller
Monsieur SERNY, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Syndicat des copropriétaires de la RESIDENCE [Adresse 4], représenté par son syndic bénévole Monsieur [E] [U]
35 rue [Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Maître VERMOTE de la SCP UHALDEBORDE-SALANNE GORGUET VERMOTE BERTIZBEREA, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2], représenté par son syndic, le Cabinet EUZKADI, intervenant par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 19 MARS 2018
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
RG numero : 16/01465
Vu l'acte d'appel initial du 04 juin 2018 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,
Vu le jugement dont appel rendu le 19 mars 2018 par le tribunal de grande instance de BAYONNE qui a :
- reconnu au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] un droit de servitude conventionnelle à usage de passage sur le fonds appartenant au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4],
- condamné le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4] sous astreinte à rétablir la liberté de passage, en enlevant un arceau,
- rejeté toutes les autres demandes des parties,
- condamné le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4] à payer 1.200 euros en compensation de frais irrépétibles.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 novembre 2018 par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] qui conclut à la confirmation du jugement et au paiement de 5.000 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 février 2019 par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4].
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 10 avril 2020.
Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.
MOTIFS
Le syndic de la Résidence [Adresse 4] a été habilité à agir en justice ; cette habilitation vaut pour les deux degrés de juridiction ; son action n'est pas irrecevable au motif que l'habilitation n'a pas été renouvelée pour la présente procédure d'appel.
En droit :
- tout droit réel, qu'il s'agisse d'un droit de propriété ou d'une servitude se prouve par tous moyens, le titre de servitude pouvant être un acte purement consensuel à condition de le prouver,
- la prescription acquisitive trentenaire ne constitue un titre de servitude que pour les servitudes continues et apparentes dans la catégorie desquelles n'entrent pas les servitudes de passage,
- la preuve doit être rapportée que le titre grève le fonds servant,
- la mention d'une servitude dans le titre de propriété d'un fonds prétendu dominant ne constitue pas une preuve valable pour n'être qu'un titre fait à soi-même ; la publication d'un tel titre reste inopérante à faire preuve.
En l'espèce, les assiettes des deux copropriétés ne sont pas enclavées ; la résidence [Adresse 2] dispose d'un accès à la voie publique longeant la baie de [Localité 3], alors que la résidence [Adresse 4] dispose d'un débouché sur la rue [Adresse 4] - dont elle tire son nom - qui est une voie publique parallèle située en retrait du bord de baie. Les deux fonds étaient autrefois réunis dans une seule main qui détenait toute la surface entre les deux rues ; le fonds a bien été divisé, mais il l'a été à l'occasion d'une vente ; faute de partage ayant opéré division, l'article 694 du code civil, invoqué en première instance, n'est pas applicable et n'est d'ailleurs plus invoqué.
Dans le passé, il a bien été envisagé de créer la servitude litigieuse puisqu'en fait état le règlement de copropriété d'origine de la résidence [Adresse 2] qui prétend être le fonds dominant ; cet acte remonte à 1955 avant l'entrée en vigueur du régime actuel de publicité foncière ; mais cet acte est un acte purement unilatéral ; la copropriété [Adresse 2] ne démontre pas que, soit lors de la division antérieure au 1er janvier 1956, soit après, ait jamais figuré une telle servitude conventionnelle dans la chaîne des actes concernant le terrain sur lequel est implantée la résidence voisine [Adresse 4].
Aucun titre écrit ne grève par conséquent le fonds servant et l'existence d'un accord consensuel ratifiant ou confirmant l'affirmation de la servitude ne s'évince d'aucune circonstance particulière dont il découlerait qu'il y a eu davantage qu'une simple tolérance de passage et dont il découlerait que la clause du règlement de copropriété du fond dominant aurait été acceptée en connaissance de cause par le titulaire du droit de propriété du fonds servant (sans préjudice des difficultés d'opposabilité aux tiers). Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] se borne à produire le règlement de copropriété de 1955 ; il ne fournit aucun acte complémentaire de mutation postérieur ayant porté sur l'assiette de son fonds qui renvoie à l'existence d'éventuelles servitudes découlant de la situation des lieux ; aucun procès-verbal d'assemblée générale n'est produit qui fasse état de débats concernant une telle servitude en se référant aux rapports entretenus avec la copropriété voisine ; le titre de servitude qu'elle invoque n'est pas prouvé.
En l'absence d'autres éléments de preuve, le jugement doit donc être infirmé pour avoir reconnu l'existence du titre de servitude conventionnelle à partir d'un titre ne concernant que le fonds dominant, à lui seul un acte susceptible d'établir le droit réel de servitude grevant le fonds voisinant.
Un droit de passage ne s'acquiert pas par prescription puisqu'il s'agit d'une servitude discontinue ; en l'espèce, il y a, tout au plus, eu des périodes de tolérances mais elles ne peuvent avoir eu aucun effet créateur de droit ; en revanche, il est établi que le prétendu passage a régulièrement été obstrué, que des emplacements de parkings matérialisés au sol sont incompatibles avec l'assiette du passage et que le bitume ne présente aucune continuité, ce dont il peut être soutenu que les lieux ne sont pas en état d'être utilisés à l'usage de la servitude revendiquée et que l'extinction de la servitude litigieuse aurait pu être invoquée si la servitude avait été constituée.
Les articles 706 et suivants du code civil sont sans application pour s'appliquer à une servitude constituée et non pas à la situation de l'espèce qui est celle d'une absence de servitude.
Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4].
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
* infirme le jugement dont appel,
* déclare le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] recevable et fondé dans son action en dénégation de servitude grevant son fonds au profit du fonds appartenant actuellement au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2],
* condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] aux dépens de première instance et d'appel,
* condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 4] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Président, et par Mme HAUGUEL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Sylvie HAUGUEL Caroline DUCHAC