MPA/ND
Numéro 20/03272
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 19/11/2020
Dossier : N° RG 18/01024 - N° Portalis DBVV-V-B7C-G3R7
Nature affaire :
Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit
Affaire :
[L], [U] [W]
C/
[B], [C] [Y] [J]
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE SA
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 Novembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 Octobre 2020, devant :
Madame Marie-Paule ALZEARI, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,
Marie-Paule ALZEARI, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Marie-Paule ALZEARI, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [L], [U] [W]
née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/01825 du 30/03/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Représentée par Me Marie-Françoise COUSI LETE, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [B], [C] [Y] [J]
né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 11] (PORTUGAL)
[Adresse 5]
[Localité 6]
assigné
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE SA (SIEGE SOCIAL) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représentée par Me Vincent LIGNEY de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Gregory CASADEBAIG de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 09 MARS 2018
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
FAITS,PROCEDURE,PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [L],[U] [W] a été placée sous curatelle simple le 29 novembre 2005.
Le 4 avril 2007, cette mesure a été confiée à M.[B],[C] [Y] [J], son compagnon à l'époque.
La mesure de protection a été levée le 28 juin 2010.
Les 31 mai et 5 juin 2007, il a été procédé à trois virements sur le compte de M.[B],[C] [Y] [J] pour une somme totale de 20 200 € au débit du compte de Mme [L],[U] [W] auprès de la SA CIC LYONNAISE DE BANQUE.
De même, le 8 janvier 2008, un autre virement au crédit du compte de M.[B],[C] [Y] [J] a été effectué pour un montant de 55 000 € par le débit du compte de Mme [L],[U] [W] auprès de la société CREDIT AGRICOLE PYRENEES GASCOGNE.
Mme [L],[U] [W] a fait assigner les deux organismes bancaires aux fins de se voir rembourser les sommes virées sur le compte de M.[B],[C] [Y] [J].
La SA CIC LYONNAISE DE BANQUE a appelé en la cause M.[B],[C] [Y] [J].
Par jugement en date du 9 mars 2018, le tribunal de grande instance de Pau a débouté Mme [L],[U] [W] de ses demandes et l'a condamnée à payer à chacune des deux banques la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon déclaration du 29 mars 2018, Mme [L],[U] [W] a relevé appel à l'encontre de cette décision.
Par dernières conclusions du 10 septembre 2019, Mme [L],[U] [W] prétend à la réformation du jugement et sollicite le remboursement des sommes de 20 200 € et 55 000 €.
Elle réclame le paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, elle sollicite une expertise graphologique.
À titre très subsidiaire, elle prétend à la réformation sur l'article 700 du code de procédure civile.
Selon dernières écritures du 18 septembre 2019, la SA CIC LYONNAISE DE BANQUE forme appel incident et sollicite la réformation de la décision entreprise estimant que l'action est irrecevable comme étant prescrite.
Subsidiairement sur le fond, elle conclut au rejet des demandes de Mme [L], [U] [W] ainsi que de la demande subsidiaire aux fins d'expertise graphologique.
Dans l'hypothèse où une expertise serait ordonnée, elle propose un complément de mission.
À titre infiniment subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie par M.[B],[C] [Y] [J] et sollicite la confirmation de la décision de première instance sur la condamnation en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, elle réclame le paiement de la somme de 3000 € sur ce fondement.
Par dernières conclusions du 11 septembre 2018, la société CREDIT AGRICOLE PYRENEES GASCOGNE, à titre principal, prétend à la prescription de l'action engagée par Mme [L],[U] [W] et sollicite la réformation du jugement dont appel sur ce point.
Subsidiairement, au visa des articles 146 du code de procédure civile et 1937 du Code civil, elle estime que l'appelante ne rapporte pas la preuve du caractère falsifié de l'ordre de virement pas plus que de l'existence d'une faute à son encontre.
En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme [L],[U] [W] de l'intégralité de ses demandes.
À titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de l'article 1382 ancien du Code civil, elle demande à être relevée et garantie par M.[B],[C] [Y] [J].
En tout état de cause, elle prétend au paiement de la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M.[B],[C] [Y] [J] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est en date du 18 septembre 2019.
MOTIFS,
Sur l'appel incident, Mme [L],[U] [W] rappelle qu'elle faisait l'objet d'une mesure de curatelle et qu'elle ne pouvait agir seule, notamment pour effectuer des virements qui, selon elle, constituent des actes de disposition au sens de l'article 468 du Code civil.
Elle soutient qu'elle s'est donc trouvée dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement de la loi jusqu'à la mainlevée de la mesure de curatelle et ce, au regard des dispositions de l'article 2234 du Code civil.
Effectivement, en application de l'article 2234 du Code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
L'appelante, invoquant ce texte, soutient nécessairement qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi.
Toutefois, il convient de rappeler les dispositions de l'article 2235 du Code civil, qui dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts.
Ainsi, la mesure de curatelle dont fait l'objet une personne ne constitue pas, à la différence de la situation de la personne sous tutelle, un obstacle de droit à sa capacité d'agir en justice de nature à suspendre la prescription ou à reporter le point de départ du délai de celle-ci dans la mesure où seule est requise l'assistance du curateur en application de l'article 468 du Code civil.
En l'espèce, Mme [L],[U] [W] prétend qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir jusqu'à la mainlevée de la mesure au regard de la personne de son curateur dont elle n'aurait pu demander l'assistance dès lors que ce dernier pouvait être mis en cause.
À cet égard, il doit être constaté que dans son assignation introductive d'instance, Mme [L],[U] [W] n'a nullement appelé en la cause son curateur au moment des faits litigieux, ce dernier ayant été assigné en intervention forcée par l'une des banques.
Elle n'a ainsi pas dirigé d'action à l'encontre de son curateur ainsi que cela est d'ailleurs retenu par le premier juge.
Or, il doit être considéré qu'il n'est nullement établi et d'ailleurs pas plus allégué que la situation de santé de Mme [L],[U] [W] ne lui permettait pas de se rendre compte des détournements opérés par son compagnon et d'engager toute action utile, au besoin en sollicitant un changement de curateur par le juge des tutelles ou la désignation d'un curateur ad hoc afin d'initier une procédure.
Dans ces conditions, il doit être admis qu'il n'est pas justifié d'une impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi.
En conséquence, il doit être fait application de l'article 2224 du Code civil qui stipule que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Sur ce point, il doit être rappelé que le dernier virement litigieux a été effectué le 5 juin 2007.
Faute de détermination et même de précision sur la date à laquelle l'appelante a eu connaissance de ces virements, il peut être admis que le délai de prescription a couru à compter du 5 juin 2007.
Dans cette mesure l'action était prescrite au plus tard le 5 juin 2012.
À cet égard, il convient de rappeler que la mesure de curatelle a été levée le 28 juin 2010.
En outre, et surabondamment, les intimées font utilement valoir qu'en toute hypothèse, Mme [L],[U] [W] a nécessairement pu retrouver ses facultés conformément au certificat médical établi le 7 janvier 2010 et au vu duquel la mainlevée a été ordonnée par le juge des tutelles.
Même en cette considération, l'action était prescrite au 7 janvier 2015 alors que l'acte introductif d'instance n'a été délivré que le 12 février 2015.
L'action intentée par Mme [L],[U] [W] à l'encontre de la SA CIC LYONNAISE DE BANQUE et la société CREDIT AGRICOLE PYRENEES GASCOGNE n'était donc pas prescrite en application des dispositions de l'article 2224 du Code civil.
Il n'y a donc pas lieu d'examiner le bien-fondé de l'appel principal, subsidiaire et très subsidiaire.
Le jugement est donc infirmé sauf en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Mme [L],[U] [W], qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
À l'opposé, il sera fait application de cet article au profit des deux intimées qui ont été admises en leur appel incident.
PAR CES MOTIFS,
La cour après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à dispsition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort
Infirme le jugement sauf en ses dispositions ayant condamné Mme [L],[U] [W] à payer à la SA CIC LYONNAISE DE BANQUE et à la société CREDIT AGRICOLE PYRENEES GASCOGNE deux sommes de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Déclare irrecevable l'action intentée par Mme [L],[U] [W] à l'encontre de la SA CIC LYONNAISE DE BANQUE et de la société CREDIT AGRICOLE PYRENEES GASCOGNE comme étant prescrite,
Y ajoutant,
Condamne Mme [L],[U] [W] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP DUALE LIGNEY MADAR DANGUY en application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile,
Condamne Mme [L],[U] [W] à payer à la SA CIC LYONNAISE DE BANQUE et la société CREDIT AGRICOLE PYRENEES GASCOGNE chacune la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Marie-Paule ALZEARI, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,