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29/09/2020 | FRANCE | N°19/01174

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 29 septembre 2020, 19/01174


VS/CS



Numéro 20/2501





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 29/09/2020







Dossier : N° RG 19/01174 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HG5F





Nature affaire :



Demande relative à une cession ou un nantissement de créances professionnelles















Affaire :



[N] [Z]

SNC DISTRIBUTION LEADER PRICE (D.L.P.)

SELARL [D] ET ASSOCIES





C/



[N] [Z]

SELARL [D] ET ASSOCIES

EURL PRIMADERA

SNC DISTRIBUTION LEADER PRICE (D.L.P.)





















Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de ...

VS/CS

Numéro 20/2501

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 29/09/2020

Dossier : N° RG 19/01174 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HG5F

Nature affaire :

Demande relative à une cession ou un nantissement de créances professionnelles

Affaire :

[N] [Z]

SNC DISTRIBUTION LEADER PRICE (D.L.P.)

SELARL [D] ET ASSOCIES

C/

[N] [Z]

SELARL [D] ET ASSOCIES

EURL PRIMADERA

SNC DISTRIBUTION LEADER PRICE (D.L.P.)

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 septembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 1er septembre 2020, devant :

Valérie SALMERON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,

Valérie SALMERON, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Valérie SALMERON, Président

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS -INTIMÉS

Monsieur [N] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

SELARL [D] ET ASSOCIES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège et prise ès qualité de liquidateur de l'EURL PRIMADERA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Christophe DUALE de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU

Assisté de Me Grégory de MOULINS BEAUFORT, avocat au barreau de Pais

SNC DISTRIBUTION LEADER PRICE (D.L.P.) agissant poursuites et diligences de leurs représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me François PIAULT de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Xavier CLEDAT, avocat au barreau de Paris

sur appel de la décision

en date du 25 MARS 2019

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

Exposé des faits et procédure :

Le 18 octobre 2010, la société Distribution leader price (DLP) et I'EURL Primadera ont signé un contrat de licences de marque et d'utilisation de l'enseigne «'Leader price'» et d'approvisionnement quasi exclusif pour 5 ans portant sur des marchandises alimentaires et des produits de consommation courante sous la marque «'leader price'» selon un contrat spécifique dans lequel l'EURL Primadera est une société indépendante affiliée qui a pour objet l'exploitation d'un magasin à usage de supermarché à [Localité 3] (64) exploité sous l'enseigne Leader price.

[N] [Z] est son gérant et associé unique.

Des factures de livraison sont restées impayées.

Le 9 avril 2015, l'EURL Primadera a informé son partenaire qu'elle n'entendait pas renouveler le contrat qui a pris fin le 12 octobre 2015 ; toutefois, quelques commandes ont été enregistrées et livrées jusqu'à fin janvier 2016.

Un contentieux est né sur la responsabilité de la rupture des relations commerciales et la cour d'appel de Paris a confirmé, par arrêt du 31 juillet 2019, le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 octobre 2017 qui avait rejeté les demandes de la société Primadera à l'encontre de la société DLP sur la responsabilité de la rupture.

Un pourvoi est en cours .

Sur sa requête, l'EURL Primadera a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 7 mars 2016. La selas [D] et associés a été désignée liquidateur judiciaire.

La société DLP a régulièrement déclaré sa créance à titre privilégié et chirographaire.

Le liquidateur judiciaire a contesté le bien fondé de la créance.

Le juge commmissaire a décidé d'inscrire la créance dans la catégorie des créances faisant l'objet d'une instance en cours.

Par arrêt du 19 octobre 2017, la cour d'appel de Pau a infirmé la décision du juge commissaire au visa des articles L622-27 et L622-28 du code de commerce et a renvoyé l'examen de la créance au juge commissaire.

Par ordonnance du 16 mars 2018, le président du tribunal de commerce de Bayonne, remplaçant le juge commissaire empêché, a renvoyé l'affaire au fond en se fondant sur des contestations sérieuses excédant l'office juridictionnel du juge commissaire.

Par jugement du 25 mars 2019, le tribunal de commerce de Bayonne a :

- dit que l'acte de nantissement du fonds de commerce de I'EURL Primadera pris par la société Distribution leader price (DLP) est frappé de nullité,

- dit que l'EURL Primadera, représentée par Maitre [L] [D] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Primadera, est débitrice à l'égard de la société DLP de la somme de 48 417,60 euros à titre chirographaire,

- fixé le montant de la créance de la société DLP au passif de I'EURL Primadera à la somme de 48 417,60 euros à titre chirographaire,

- débouté l'EURL Primadera et Me [D], es qualités, de leurs demandes de 290 000 euros au titre de subvention d'enseigne, d'apporteur d'affaires, de frais de transport, de la facture du nouveau concept ainsi que la demande de 520 000 euros pour la prise de participation de parts de DLP dans le magasin Primadera,

- condamné la société Primadera, représentée par Me [D] en qualité de liquidateur judiciaire, et M.[Z] à verser Ia somme de 800 euros à la société DLP en application des dispositions de l'articIe 700 du code de procédure civile (cpc) ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et sans caution,

- débouté les parties de l'ensemble des autres demandes,

- condamné la société Primadera, représentée par Me [D], en qualité de liquidateur judiciaire, et M.[Z] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 5 avril 2019, la société DLP a relevé appel du jugement du 25 mars 2019 du tribunal de commerce de Bayonne (RG19-01174).

Par déclaration du 14 mai 2019, [N] [Z] et la selarl [D] et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL Primadera, ont relevé appel du dit jugement (RG19-01620).

Par ordonnance du 16 octobre 2019, les deux instances ont été jointes sous le n° RG 19/01174.

La clôture est intervenue le 1er juillet 2020.

Prétentions et moyens des parties':

Vu les conclusions notifiées le 30 juin 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SNC Distribution leader price (DLP) demandant, au visa des articles L. 110-3 et L. 123-23 du code de commerce, 367 du code de procédure civile, de :

- ordonner la jonction entre la présente instance enrôlée sous le n° RG 19/01620 et celle initiée par l'appel interjeté par Distribution Leader Price le 5 avril 2019 inscrite sous le n° RG 19/001174 de manière à ce qu'elles soient instruites et jugées ensemble dans une instance unique qui pourrait être inscrite sous le numéro le plus ancien (19/001174) ;

- juger que Distribution Leader Price justifie valablement de la réalité et du quantum de sa créance ;

- juger Distribution Leader Price recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Par conséquent :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 25 mars 2019 en ce qu'il a jugé le nantissement du fonds de commerce de Primadéra pris par la société Distribution Leader Price nul et jugé que les créances alléguées par Distribution Leader Price ne sont pas privilégiées à hauteur de 160 000 euros ni à hauteur de quelque autre montant ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 25 mars 2019 en ce qu'il a débouté Distribution Leader Price de sa demande d'inscription de sa créance au passif de la société Primadera pour un montant de 612.208,73 euros ;

- juger en conséquence que l'EURL Primadéra, représentée par Maître [L] [D], en qualité de liquidateur judiciaire de Primadéra, est débitrice à l'égard de Distribution Leader Price d'une somme de 612.208,73 euros ;

- fixer le montant de la créance de Distribution Leader Price au passif de l'EURL Primadéra à la somme de 612.208,73 euros,

- fixer en conséquence le montant de la créance de Distribution Leader Price au passif de l'EURL Primadéra à la somme de 612.208,73 euros dont 442.208,73 euros à titre chirographaire et 160.000 euros à titre privilégié ;

- rejeter en conséquence toutes les demandes tant à titre principal que subsidiaire de M.[Z] et de Me [D] en qualité de liquidateur judicaire de la société EURL Primadéra ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'EURL Primadéra, représentée par Me [D] en qualité de liquidateur judiciaire, de ses demandes reconventionnelles;

- débouter l'EURL Primadéra, représentée par Me [D], en qualité de liquidateur judiciaire, et M. [Z] de toutes leurs demandes fins et conclusions ;

- condamner in solidum la société Primadéra, représentée par Maître [D], ès qualités, et M. [Z] à verser la somme de 15 000 euros à la société Distribution Leader Price en application des dispositions de l'article 700 du cpc ;

- condamner in solidum la société Primadéra, représentée par Maître [D], ès qualités, et M. [Z] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sophie Crepin-selarl Lexavoué Pau-Toulouse.

Vu les conclusions notifiées le 1er juillet 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, d'[N] [Z] et de la selarl [D] et associés en qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL Primadera demandant, au visa l'article 367 du cpc, L 110-3 à L.123-23 et L142-4 du code de commerce, de :

- ordonner la jonction entre :

- la présente instance enrôlée sous le numéro RG n°19/01620 (Section 1 ' Chambre 2) et l'instance ouverte par l'appel interjeté le 14 mai 2019 envers le jugement par Maître [L] [D] en qualité de liquidateur de la société Primadera et Monsieur [Z] sous le numéro RG n°19/01620 (Section 1 ' Chambre 2),

- Sur les demandes de la société DLP :

A titre principal :

- confirmer que l'acte de nantissement du fonds de commerce de l'EURL Primadera pris par la société DLP est frappé de nullité,

- confirmer que les créances alléguées par la société DLP ne sont pas privilégiées à hauteur de 160 000 euros, ni à hauteur de quelque autre montant,

- juger que la société DLP est infondée en toutes ses demandes, fins et conclusions en raison du défaut de justification de ses créances par des pièces probantes,

- confirmer le rejet de la demande en fixation des créances de la société DLP pour un montant de 612.408,73 euros, dont 442.208,73 euros à titre chirographaire et 160.000 euros à titre privilégié,

- fixer à 0 euro la créance la société DLP contre la liquidation de l'EURL Primadera

A titre subsidiaire :

- confirmer le rejet de la demande en fixation des créances de la société DLP pour un montant de 612.408,73 euros, dont 442.208,73 euros à titre chirographaire et 160.000 euros à titre privilégié,

- juger les montants déclarés par la société DLP erronés et ne correspondant pas à la réalité,

- infirmer la fixation de la créance de la société DLP à un montant de 48.417,60 euros et fixer son montant à la somme de 44.034,82 euros à titre chirographaire,

A titre très subsidiaire :

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de la créance de DLP au passif de l'EURL Primadera à la somme de 48.417,60 euros à titre chirographaire,

A titre reconventionnel :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'EURL Primadera et Me [D], es qualités et M. [Z] de leurs demandes en dommages et intérêts.

A titre principal, vu l'accord conclu entre la société DLP et l'EURL Primadera en septembre 2015 :

- condamner la société DLP à payer à Maître [D], es qualités, à la somme de 290.000 euros HT / 348.000 euros ttc, à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement des subventions promises d'enseigne, d'apporteur d'affaires, de frais de transport, et de la facture du nouveau concept,

- condamner la société DLP à payer à Monsieur [Z] la somme de 520.000 euros à titre de dommages et intérêt pour le défaut de prise de participation de DLP au capital de Primadera

A titre subsidiaire :

- condamner la société DLP à payer à Maître [D], es qualités, la somme de 444.378,03 euros HT / 533.253,64 euros ttc correspondant aux factures de transport de l'EURL Primadera au-delà des remises contractuelles consenties par la société DLP à ce titre,

- condamner la société DLP à payer à Maître [D], es qualités, la somme de 350.000 euros HT / 420.000 euros ttc correspondant à la facture de mise au concept du magasin,

- condamner la société DLP à payer à Monsieur [Z] une somme comprise entre 200.000 euros et 520.000 euros pour perte de chance de Monsieur [Z] de développer son activité avec le support de DLP et d'en tirer des revenus substantiels,

En tout état de cause

- rejeter toute autre demande de la société DLP

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Maître [D], es qualités et Monsieur [Z] à payer au titre de l'article 700 du cpc la somme de 800 euros

- condamner la société DLP aux dépens d'appel, et à payer au titre de l'article 700 du cpc la somme de 10.000 euros à Monsieur [Z] et la somme de 10.000 euros à Maître [D], es qualité.

Motifs de la décision :

- sur la demande de jonction des deux instances d'appel :

Cette demande est devenue sans objet à la suite de l'ordonnance de jonction du magistrat de la mise en état du 16 octobre 2019.

- sur la nullité du nantissement du fonds de commerce pour privilège sur 160.000 euros :

C'est à bon droit que le tribunal a prononcé la nullité du nantissement du fonds de commerce dès lors que les dispositions de l'article L142-4 du code de commerce, dans sa version applicable, n'ont pas été respectées.

En effet, l'article L142-4 du code de commerce disposait que '«'l'inscription doit être prise, à peine de nullité du nantissement, dans la quinzaine de la date de l'acte constitutif'».

Ce délai doit être respecté à peine de nullité sans avoir à établir un quelconque grief de la part de la partie qui l'invoque dès lors qu'il vise à informer les tiers du privilège ainsi inscrit et qu'il ne leur est opposable que si l'inscription a été faite dans le délai requis (1re Civ., 18 février 1997, pourvoi n° 94-21.930 ).

L'acte de nantissement conventionnel entre la société DLP et l'Eurl Primadera du 22 novembre 2010 a été inscrit le 20 janvier 2011 selon tampon du greffe du tribunal, soit au-delà du délai de 15 jours requis par ce texte.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit l'acte de nantissement du fonds de commerce frappé de nullité.

Dès lors et à défaut de justifier d'un quelconque autre privilège, la créance de la société DLP ne peut être admise à titre privilégié .

- sur la contestation au fond des créances :

Les parties, qui sont des commerçants, s'opposent sur la charge de la preuve de la créance dont il est sollicité l'admission.

Si en application de l'article L110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi, le créancier, en l'espèce la société DLP, doit justifier de sa créance.

La déclaration de créance produite en pièce 27 fait état d'une créance de 612.208,73 euros dont 160.000 euros à titre privilégié au 10 mars 2016 sans autres détails sur la nature de cette créance.

Dans le cadre de la vérification des créances, la société DLP a fourni des justificatifs et distingué 3 types de créances : les factures impayées après livraison et parmi elles celles qui ont donné lieu à deux échéanciers début 2014 et 2015, les factures de frais divers comprenant des frais d'impayés, des frais de maintenance et des frais de publicité.

Or, la société DLP, créancière, considère qu'il lui suffit de produire, outre l'attestation du commissaire aux comptes sur le montant des factures demeurant impayées, le contrat liant les parties et les factures qu'elle a émises.

En effet, selon elle, les factures valent bons de commande contractuellement à partir du système de commandes passées à l'aide d'un logiciel spécifique, sans recourir à l'émission de bons de livraison dès lors que le transport et la livraison sont à la charge de l'affilié qui disposait d'un délai de 48 heures pour contester la marchandise ainsi livrée.

La société DLP précise qu'aucune contestation des livraisons n'a été effectuée par l'EURL Primadera, concernant les factures litigieuses, dans le délai de 48h de la livraison des marchandises commandées.

L'affilié conteste l'existence d'un système contractuel de commandes sans bon de livraison, l'opposabilité des conditions générales de vente figurant sur les factures et considère ainsi que la créance litigieuse n'est établie ni dans son existence ni dans son montant dès lors que les bons de livraison correspondant aux factures ne sont pas communiqués par le créancier, que de multiples livraisons ont été contestées et qu'en outre, la société DLP pratiquait la technique des «'flux poussés'» et des «'mises d'office'»,facturant ainsi des produits non commandés.

Enfin, l'EURL Primadera précise que les montants de la créance dont l'admission est sollicitée ont varié de façon significative au gré de la procédure et sans explication précise.

A l'examen des pièces produites par la société DLP, il convient de constater que, contrairement à son affirmation, le contrat liant les parties ne stipule pas que les factures émises valent bons de livraison, ne précise pas les modalités du système d'enregistrement des livraisons de marchandises à effectuer, ni ne mentionne l'existence du manuel d'utilisation du logiciel Gesmag comme document contractuel pour pouvoir créer des droits et devoirs pour l'Eurl Primadera vis à vis de la société DLP.

Le manuel d'utilisation du logiciel Gesmag produit par la société DLP ne porte ni signature ni paraphe des représentants de l'EURL Primadera, en tant qu'affilié du groupe DLP, et aucune pièce n 'établit qu'il a été porté à la connaissance du gérant de l'affilié.

De même, il n' est fait aucune référence aux conditions générales de vente figurant au dos des factures dans le contrat liant les parties.

La société DLP entend se prévaloir des conditions générales de vente figurant au dos des factures et notamment de mentions précisant que la facture «'tient lieu de bordereau de livraison si elle concerne des marchandises ou emballages'» et que «'toute commande adressée à DLP emporte adhésion sans réserve aux dites conditions générales de vente'».

Or, l'Eurl Primadera conteste, à bon droit, l'opposabilité desdites conditions générales de vente qui ne figurent pas au contrat, dont il n'est pas rapporté la preuve de l'acceptation expresse de l'EURL Primadera et qui, de surcroît, sont inscrites au dos des factures en caractères minuscules au point qu'elles sont totalement illisibles.

Il ne peut davantage être excipé, pour établir la créance contestée, d'une acceptation tacite des conditions générales de vente en dépit de relations d'affaires suivies, dès lors que le règlement des factures est en litige pour défaut de livraisons des marchandises facturées.

En effet, les stipulations de l'article 4.1 du contrat sur l'enlèvement des marchandises des entreprôts de la société DLP et leur transport en magasin ne précisent pas que la société DLP est exonérée de justifier de la livraison des marchandises commandées par son affilié avant l'émission de la facture. Elles se bornent à exposer que le transport des marchandises est à la charge du concessionnaire (l'affilié) et à son risque exclusif. Or, le créancier doit justifier que les seules marchandises commandées ont bien été enlevées.

De même, le système de contestation des livraisons sous 48 heures figure dans le manuel d'utilisation du logiciel Gesmag et non dans le contrat liant les parties.

Par ailleurs, la société DLP invoque un approvisionnement constant jusqu'en janvier 2016 pour établir l'absence de contestation des factures. Elle expose que depuis 2010, la défaillance dans le règlement de factures est apparue début 2014 et l'a incitée à proposer la mise en place successive de deux échéanciers, le 1er du 27 février 2014 au 22 octobre 2015 pour 216.855,71 euros en 87 échéances hebdomadaires prélevées automatiquement sur le compte bancaire de l'Eurl Primadera qui s'est opposée à trois prélèvements les 19 et 26 février et 12 mars 2015 soit un solde de 7.500 euros restant à percevoir et le 2nd échéancier sur 11 mois de février 2015 à décembre 2015, échéancier qui n'a pas été honoré à concurrence de 59.034,82 euros.

Pour justifier de l'acceptation de ces échéanciers, elle ne produit que des courriers et des mails qu'elle a adressés à l'Eurl Primadera et auxquels elle n'a reçu aucune réponse sauf le règlement de certaines échéances par prélèvements non contestés.

Toutefois en page 9 de ses conclusions, l'EURL Primadera reconnaît avoir admis les échéanciers et précise que leurs règlements ne se sont pas réalisés aux bonnes dates en raison d'un dysfonctionnement des services de la société DLP ; de plus, elle ne demande pas le remboursement des sommes dejà versées dans le cadre des échéanciers dans le dispositif de ses conclusions. La cour en déduit que les sommes restant dues du chef des deux échéanciers ne sont pas contestées pour 44.034,82 euros et doivent être admises au passif de l'EURL Primadera.

La société DLP expose que les échéanciers n'ont pas été respectés et que contrairement à ce qu'affirme l'EURL Primadera certaines sommes ont été remboursées au titre du 1er échéancier pour lequel resterait dû 7.500 euros ; de même, pour le 2nd échéancier elle réclame 59.034,82 euros et non 44.034,82 euros car l'échéance de 15.000 euros du 27 février 2015 a été remboursée au 13 mars 2015 et ne figure pas dans les livres de DLP.

Comme le relève à bon droit l'EURL Primadera, les remboursements allégués ne sont ni justifiés ni expliqués, preuve que ces sommes étaient en partie contestées.

Eu égard aux pièces produites et à l'incohérence des pièces comptables respectives de chaque partie, la cour ne retiendra au titre des deux échéanciers que la somme de 44.034,82 euros, créance de la société DLP, dont l'EURL Primadera se reconnaît en définitive débitrice de ce chef.

S'agissant de la créance contestée de 5.736,94 euros au titre des frais divers facturés comprenant :

- des frais d'impayés pour 1.354,16 euros ; la cour les écarte car les dits frais sont prévus dans les conditions générales de vente non opposables et reposent sur 7 factures qui ne précisent pas quelle facture impayée a généré de tels frais ,

- des frais de maintenance dans le cadre d'opérations promotionnelles pour 2015 de 309,60 euros ; la cour les écarte également car le seul fait de les avoir réglés pour 2014 ne suffit pas à justifier la facture de 2015 à défaut de fondement contractuel précis car si les stipulations de l'article 4.5 du contrat évoquent une mise à disposition du concessionnaire de la connexion de son système informatique, elles ne précisent pas les modalités d'un coût partagé de la maintenance informatique avec le concessionnaire.

- des frais de publicité pour 3.749,40 euros qui ne sont pas davantage justifiés car le seul mail du 11 juillet 2015 (en pièce 52) dans lequel [N] [Z] donne son accord pour «'les rfs 32, les rfs 33 et rfs 34 ainsi que les bri» ne permet pas de savoir sur quelles prestations précises portait son accord.

Pour le surplus des sommes demandées, l'approvisionnement constant des marchandises affirmé par la société DLP n'établit pas la réalité des commandes alléguées, de leur livraison conforme et de leur non-contestation par l'affilié ; et ce d'autant plus que le règlement des factures n'a plus été assuré à partir du début de l'année 2014, à l'exception de l'exécution partielle des deux échéanciers précités.

Le seul fait que le fournisseur n'interrompe pas durant plusieurs mois les livraisons pour défaut de règlement dans le cadre d'un courant d'affaires, ne saurait établir la réalité et le montant des livraisons facturées et demeurées non réglées.

En outre, aucune pièce n'est produite par la société DLP qui établirait que l'EURL Primadera a reconnu devoir à la société DLP la somme réclamée au titre de factures impayées. Et dès le 26 janvier 2016, le montant de 602.661,07 euros de factures impayées était contesté par l'avocat de l'EURL Primadera (pièce 22 DLP).

Enfin, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 juillet 2019 statuant sur autre litige opposant les parties n'a pas autorité de la chose jugée puisqu'il fait l'objet d'un pourvoi en cours, mais surtout il ne tranche pas le montant des sommes dues par l'EURL Primadera à la société DLP au titre de factures impayées produites par cette dernière. L'arrêt se borne d'une part à constater que les dispositions de l'article L442-6 I 5° du code de commerce ne pouvaient trouver à s'appliquer et d'autre part à dire, sur la responsabilité de la rupture contractuelle, que des sommes étant dues par l'affilié, sans en préciser le montant, la résiliation du contrat ne peut être imputée à faute à la société DLP.

Par conséquent et contrairement aux affirmations de la société DLP, les modalités d'enregistrement des commandes, des livraisons et des factures de marchandises décrites par la société DLP ne sont pas entrées dans le champ contractuel et c'est donc à bon droit que l'EURL Primadera conteste l'existence et le montant de la créance dont la société DLP sollicite l'admission. Ces modalités ne figurant pas au contrat liant les parties et les conditions générales de ventes au dos des factures produites n'étant pas opposables à l'affilié, l'attestation du commissaire aux comptes sur le montant de la créance alléguée, qui se borne à confirmer les factures produites et restées impayées à l'égard de cet affilié, ne suffit pas à justifier de l'existence de la dite créance.

Ne peut donc être admise que la créance non contestée au titre des deux échéanciers mis en place pour 44.034,82 euros.

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a admis la créance de la société DLP au passif de l'Eurl Primadera pour 48.417,60 euros et de limiter cette admission à la somme de 44.034,82 euros àtitre chirographaire

- sur les demandes reconventionnelles de l'EURL Primadera :

Comme l'a relevé le tribunal de commerce, par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, l'accord du 14 septembre 2015 qui sert de fondement contractuel à ses demandes indemnitaires est contesté à bon droit par la société DLP dès lors que les sommes stipulées au bénéfice de l'EURL Primadera dans l'accord étaient conditionnées à la signature d'un nouveau contrat d'approvisionnement de 5 ans qui, en définitive, n'a pas abouti.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'EURL Primadera de ses demandes indemnitaires.

A titre subsidiaire, l'EURL Primadera sollicite le remboursement du coût réel des frais de transport pour 444.378,03 euros HT soit 533.253,64 euros ttc et le remboursement du coût réel de la mise en concept du magasin pour 350.000 euros HT soit 420.000 euros ttc.

Le tribunal n'a pas statué sur ces demandes.

A l'appui de ses demandes, l'EURL Primadera produit les factures de la société DLP des 24 avril 2014, 30 juillet 2014, 30 jun 2015 et 12 janvier 2016 portant sur des «'refacturations transport'» sur la période du 1er/10/2010 au 31/12/2015 et le nouveau système d'optimisation du transport mis en place par DLP à compter du 1er février 2016 (pièce 18).

L' EURL Primadera ne précise pas si ces factures ont été réglées ni les raisons précises de ces refacturations.

Par ailleurs, les échanges entre les parties de janvier 2014 à septembre 2015 (pièces 7à 13) n'établissent pas le coût excessif des transports allégué mais uniquement, dans le cadre de la négociation vers la signature d'un nouveau contrat d'approvisionnement de 5 ans, les remises que la société DLP était prête à consentir à l'EURLPrimadera, qui était en difficultés financières, notamment au titre de la subvention d'enseigne et du coût du transport.

Dans son courirer du 22 janvier 2015 (pièce 12) la société DLP insiste sur sa proposition pour résoudre les difficultés évoquées par l'EURL Primadera et précise «'afin de vous être agréable et sans que cela ne constitue une quelconque reconnaissance du bien fondé de vos demandes de règlement, nous proposons à titre exceptionnel de prendre en charge une partie du coût du transport.

Les seules pièces produites ne sont donc pas de nature à établir le caractère exorbitant allégué des frais de transport et de la mise en concept du magasin pour fonder l'indemnisation demandée de ces chefs.

Il convient de débouter l'EURL Primadera de ses demandes subsidiaires.

- sur les demandes accesssoires :

Eu égard à l'issue du litige et aux condamnations prononcées à bon droit par le tribunal de ces chefs, la cour laissera à chaque partie le coût de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles en appel .

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a :

- fixé le montant de la créance de la société DLP au passif de l'EURL Primadera à la somme de 48 417,60 euros à titre chirographaire

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant :

- fixe le montant de la créance de la société DLP au passif de l'EURL Primadera à la somme de 44.034,82 euros à titre chirographaire

- déboute l'EURL Primadera de ses demandes subsidiaires

- confirme le jugement pour le surplus

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du cpc en appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame SALMERON, Président, et par Madame SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 19/01174
Date de la décision : 29/09/2020

Références :

Cour d'appel de Pau 21, arrêt n°19/01174 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-29;19.01174 ?
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