JPL/EL
Numéro 20/02239
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 10/09/2020
Dossier : N° RG 18/00878 - N° Portalis DBVV-V-B7C-G3IE
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[Z] [Y]
C/
SNC SAINT LOUIS DE FRANCE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Septembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
En application de la loi d'urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19 et de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, l'affaire, fixée à l'audience du 8 juin 2020, a été examinée selon la procédure sans audience.
Monsieur LAJOURNADE, magistrat chargé du rapport, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DEL ARCO SALCEDO, Président
Madame DIXIMIER, Conseiller
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Qui ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [Z] [Y]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Joseph MESA, avocat au barreau de TARBES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/03010 du 08/06/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
INTIMEE :
SNC SAINT LOUIS DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Fabienne BARNECHE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 26 FEVRIER 2018
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE TARBES
RG numéro : F15/00505
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Y] a été engagée par la Snc Saint Louis de France suivant un contrat à durée déterminée saisonnier du 14 avril 2008 au 17 octobre suivant, en qualité de femme de chambre.
Elle a de nouveau été engagée chaque saison suivante (avril à octobre) de 2009 à 2015, le dernier contrat ayant pour terme le 10 octobre 2015.
Au cours des années 2013, 2014 et 2015, elle a été recrutée ponctuellement en contrat à durée déterminée, motivé par un surcroît temporaire d'activité.
Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Tarbes, section commerce, par requête du 07 décembre 2015, aux fins d'obtenir la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, la qualification de la rupture du contrat de travail au 12 octobre 2015 en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les indemnités de rupture du contrat de travail subséquentes, outre un rappel d'indemnité de congés payés.
Par jugement du 26 février 2018, le juge départiteur, après avis des conseillers présents, a statué comme suit':
*déclare irrecevables les demandes de Mme [Y],
*déboute les parties de leurs demandes en paiement de frais irrépétibles,
*condamne Mme [Y] aux dépens.
Par déclaration transmise par voie électronique du 20 mars 2018, le conseil de Mme [Y] en a, au nom et pour le compte de sa cliente, interjeté appel, dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties.
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Suivant conclusions transmises par RPVA le 12 décembre 2019, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et'de:
*juger son action recevable,
*juger que les contrats à durée déterminée saisonniers des années 2008 à 2015 sont requalifiés en contrat à durée indéterminée,
*juger que la rupture du contrat de travail intervenue le 12 octobre 2015 s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
*condamner l'employeur aux dépens ainsi qu'à lui verser les sommes de':
-1'470,06 € à titre d'indemnité pour défaut de procédure,
-2'940,12 € à titre de rappel de paiement d'indemnité compensatrice de préavis,
-294,01 € pour les congés payés afférents,
-5'880,24 € à titre d'indemnité de licenciement,
-13'230,54 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions transmises par RPVA le 03 août 2018, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la Snc Saint Louis de France, demande à la cour':
*à titre principal, de confirmer le jugement entrepris,
*à titre subsidiaire, de juger irrecevables les demandes afférentes à l'indemnité pour défaut de procédure, de préavis majorée des congés payés, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*à titre plus subsidiaire, de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes,
*en tout état de cause, de condamner l'appelante à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
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L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2019.
L'affaire appelée à l'audience du 13 janvier 2020 a été renvoyée à l'audience du 10 février 2020 puis à celle du 08 mai 2020 à la demande des avocats des parties en raison du mouvement national de grève des avocats.
Me Mesa conseil de Mme [Y] et Me [X], conseil de la Snc Saint Louis de France, ont expressément accepté le recours à la procédure sans audience par application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020- 304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et ont déposé leurs dossiers pour être examinés selon ladite procédure.
L'affaire a été mise en délibéré au 10 septembre 2020.
MOTIFS DE LA DECISION':
Sur la recevabilité de l'action en requalification
Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
En application de l'article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance susvisée, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.
Lorsque l'action est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.
En l'espèce, la salariée qui se réfère à l'article L 1244-2 du code du travail qui dispose que «'les contrats saisonniers peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante », fonde son action en requalification de la relation contractuelle sur les dispositions de la convention collective des hôtels cafés restaurants qui dans son article 14-2 prévoit que les «'contrats saisonniers conclus pendant 3 années consécutives à partir de la date d'application de la convention collective et couvrant toute la période d'ouverture de l'établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail d'une durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail'».
Elle fait valoir que ces modalités ont été prévues lors de la signature du premier contrat en date du 14 avril 2008 lequel dans ses dispositions particulières mentionne , d'une part, le cas où le contrat sera considéré comme établissant avec le salarié une relation de travail d'une durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail et, d'autre part, celui où le contrat sera considéré comme prenant fin à chaque saison comme un contrat à durée déterminée, sans cependant qu'aucune de ces mentions soit soulignée.
Elle ajoute qu'il en est de même dans le troisième contrat arrivant à terme le 15 octobre 2010, et soutient que faute pour l'employeur d'avoir opté pour l'une des hypothèses, l'application la plus favorable à la salariée doit être retenue, ajoutant que l'employeur n'a expressément retenu l'option d'un contrat à durée déterminée prenant fin à chaque saison que sur le contrat signé en 2012.
Elle en déduit que dès la signature du troisième contrat en 2010, la relation contractuelle doit être analysée comme reposant sur l'existence d'un contrat à durée indéterminée.
Elle soutient donc en substance que le contrat de travail arrivant à terme le 15 octobre 2010 comportait de manière implicite une clause de reconduction.
Pour s'opposer à la fin de non recevoir soulevée par l'employeur, elle soutient que':
- le point de départ du délai de prescription applicable à son action ne peut être la date du 15 octobre 2010, l'ensemble de la période couverte par la série de contrats à durée déterminée devant être prise en compte pour analyser la question relative à la requalification en contrat à durée déterminée,
- en tout état de cause l'employeur ne démontre pas qu'à la date du 15 octobre 2010, elle avait connaissance des faits et du droit applicable lui permettant d'exercer son action,
- elle est fondée à se prévaloir en application de l'article 2234 du code civil d'une impossibilité d'agir de nature à suspendre le cours de la prescription, ce par suite d'un cas de force majeure dans la mesure où si elle avait engagé une action dès le terme du contrat de 2010 ou même dans un délai de deux ou de cinq ans, elle aurait perdu toute chance de voir son contrat de travail reconduit.
Cependant dès lors que, pour solliciter la requalification de la relation contractuelle, l'appelante se prévaut d'une clause de reconduction contenue dans les contrats à durée déterminée conclus jusqu'à celui arrivé à terme le 15 octobre 2010, cette date à partir de laquelle la relation de travail ne s'est effectivement pas poursuivie correspond au jour où la salariée a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, et donc celui du point de départ du délai qu'elle avait pour agir.
Le premier juge a retenu à juste titre que ce délai qui était de cinq ans en application des dispositions alors en vigueur de la loi du n°2008-561 du 17 juin 2008 et qui était toujours en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ayant réduit le délai pour agir à deux ans, n'a expiré, conformément aux dispositions transitoires prévues par cette dernière loi, qu'à la date du 17 juin 2015.
L'appelante qui a saisi le juge prud'homal de son action par requête déposée le 07 décembre 2015, ne justifie d'aucune cause constitutive d'un cas de force majeure, la crainte dont elle fait état de ne pas voir son contrat de travail reconduit ne constituant pas une cause extérieure,insurmontable et irrésistible.
Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
Mme [Y] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel outre ceux de première instance par confirmation du jugement entrepris.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS':
La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,et conformément à l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris';
Y ajoutant':
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne Mme [Y] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,