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25/05/2020 | FRANCE | N°16/02719

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 25 mai 2020, 16/02719


SDA/SB



Numéro 20/1337





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 25/05/2020









Dossier : N° RG 16/02719 - N° Portalis DBVV-V-B7A-GI3V





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



Société SHELL INTERNATIONAL EXPLORATION & PRODUCTION B.V. KESSLERPARK



C/r>


[X], [M] [T],

SA VIVO ENERGY MALI















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 mai ...

SDA/SB

Numéro 20/1337

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 25/05/2020

Dossier : N° RG 16/02719 - N° Portalis DBVV-V-B7A-GI3V

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

Société SHELL INTERNATIONAL EXPLORATION & PRODUCTION B.V. KESSLERPARK

C/

[X], [M] [T],

SA VIVO ENERGY MALI

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 mai 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 Octobre 2019, devant :

Madame DEL ARCO SALCEDO, Président

Madame NICOLAS, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Société SHELL INTERNATIONAL EXPLORATION & PRODUCTION B.V. agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

KESSLERPARK

1, P.O. Box 60

2280 AB

RIJSWIK (PAYS-BAS)

Représentée par Maître PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, et Maître FREGARD de la SELARL FIDAL, avocat au barreau de NANTES

INTIMES :

Monsieur [X], [M] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant assisté par Maître DUALE de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU, et Maître DIALLO, avocat au barreau de PARIS

SA VIVO ENERGY MALI (EX-SCHELL MALI SA) représentée par son Directeur

[Adresse 3]

[Adresse 5]

BAMAKO (MALI)

Représentée par Maître LABORDE, avocat au barreau de PAU et Maître TOUNKARA de la SCPA DOUMBIA/TOUNAKARA, avocat au MALI,

sur appel de la décision

en date du 27 JUIN 2016

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : 12/00240

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] a été embauché par la SA Shell Mali en qualité d'informaticien, catégorie cadre C1B, pour la période du 1er septembre 1995 au 31 août 1997, suivant contrat de travail soumis au visa de l'inspecteur du travail de la république du Mali, régi par le droit malien et la convention collective des entreprises pétrolières du Mali du 1er décembre 1974.

Le salarié devait exercer ses fonctions à Bamako ( Mali).

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 31 août 1997, le salarié étant chargé des fonctions de responsable du service informatique.

A compter du 1er novembre 2000, M.[T] a été affecté au sein de la société Shell Côte d'Ivoire, sur la base d'un contrat à durée déterminée, pour la période du 1er août 2000 au 30 octobre 2002. Il était chargé des fonctions de directeur régional des réseaux et programmes liés aux technologies de l'information à Abidjan.

A compter du 1er novembre 2002, M. [T] a été nommé directeur régional au service IT Desktop de la société Shell au Ghana.

Du 1er décembre 2003 jusqu'au 30 juillet 2007, il a été employé par la société Shell International BV ( SIEP BV) sise aux Pays Bas au poste d'analyste informaticien avec une affectation au sein du service FSAT ( Finance Services Audit Technlogy) à La Haye.

En 2006, M. [T] a acquis la nationalité française.

A compter du 1er août 2007, M. [T] a été employé par la société Shell SIEP BV pour exercer les fonctions de "Global Portofolio Planner Engineering" c'est à dire responsable du portefeuille à l'international, pour une mission de 4 années.

M. [T] a déménagé en France, à [Localité 4], en décembre 2007 et a exercé son activité majoritairement depuis son domicile, en télé-travail.

A compter du 1er janvier 2010, M. [T] a occupé le poste de responsable de la réalisation des programmes des risques liés à l'information au sein de la société SIEP BV.

Par courrier du 10 octobre 2011, la société Shell Mali a informé M. [T] de ce que le groupe Royal Dutch Shell avait décidé de vendre ses actions dans 14 pays d'Afrique dont le Mali, qu'il était ainsi rapatrié sur un poste de IT project manager au sein de Shell Mali, ce qui mettait fin à son contrat de détachement auprès de la société SIEP BV.

Suivant courrier du 26 novembre 2011 adressé à la société SIEP BV et à la société Shell Mali, M. [T] a refusé ce nouveau poste de travail et a mis en demeure la société SIEP BV de respecter les termes de ses contrats en le maintenant à son poste actuel.

Par courriers du 29 décembre 2011 adressés à la société Vivo Energy Mali venant aux droits de la société Shell Mali et à la société SIEP BV, M. [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail pour modification unilatérale de celui-ci et proposition de poste au Mali constituant une rétrogradation.

Le 26 mars 2012, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau pour que soient convoquées les sociétés SIEP BV et Shell Mali SA et qu'il soit considéré que sa situation de membre de la communauté européenne en contrat local à SIEP BV aux Pays Bas, résidant en France, et exécutant une partie de son travail en France en tant que français, l'autorisait à saisir ledit conseil de prud'hommes pour lui demander la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes.

La société Vivo Energy Mali, venue aux droits de la SA Shell Mali le 30 novembre 2011 à la suite d'une opération de cession, a repris l'ensemble des contrats de travail de cette dernière dont celui de M. [T].

Le 19 avril 2012, elle a notifié à M. [T] la rupture de son contrat de travail, à effet du 30 novembre 2011, pour faute rendant impossible la poursuite de la relation de travail, faute constituée par un abandon de poste.

Par jugement du 22 avril 2013, le conseil de prud'hommes de Pau a déclaré l'action du salarié recevable et s'est déclaré compétent pour connaître du litige.

La cour d'appel de Pau, par arrêt du 13 janvier 2014, a rejeté les contredits formés par les sociétés SIEP BV et Vivo Energy Mali et a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Pau pour y être tranchée.

Par jugement du 27 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Pau a :

- dit qu'il y a eu novation de contrat entre M. [T] et Shell International Exploration and Production BV à compter de décembre 2007;

- dit que la loi applicable au nouveau contrat de M. [T] est la loi française;

- dit que la prise d'acte de M. [T] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- condamné Shell International Exploration and Production BV à payer à M. [T]:

* 10 089 € au titre du rappel de salaire du mois de décembre 2011,

* 30 269,75 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sur la base d'un salaire mensuel de 10 089 €,

* 553 129,43 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, montant brut avant déduction fiscales et sociales, à charge pour les parties de régulariser leur situation auprès des organismes fiscaux concernés,

* 103 500 € au titre de l'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L.1235-3 du code du travail,

* 4 040,78 € au titre du paiement des frais d'assurance maladie;

- rappelé que l'exécution provisoire en matière prud'homale est de droit pour les remises de documents que l'employeur est tenu de délivrer ainsi que pour le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaires, soit 10 089 € (article R.1454-28 du code du travail);

- dit que le paiement des intérêts légaux prendra effet à compter de la notification du jugement;

- enjoint Shell International Exploration and Production BV à régulariser la situation de M. [T] en sa qualité de travailleur pour les années de 2008 à 2011, auprès des services sociaux néerlandais;

- débouté M. [T] de sa demande au titre du remboursement des loyers;

- débouté Shell International Exploration and Production BV de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à pôle emploi des indemnités de chômage en application de l'article L.1235-4 du code du travail;

- condamné Shell International Exploration and Production BV à verser à M. [T] 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné Shell International Exploration and Production BV aux entiers dépens.

Le 26 juillet 2016, la société Shell International Exploration & Production BV Kesslerpark a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Par conclusions transmises par voie électronique au greffe le 14 octobre 2019 (RPVA) au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, la société Shell International Exploration and Production BV (SIEP BV) demande à la cour de:

- dire et juger que M. [T] exerçait en dernier lieu - avant d'être réintégré au sein de la société Shell Mali (devenue Vivo Energy) - le poste de 'Program Delivery Lead', en situation de détachement juridique auprès de la société SIEP ;

- dire et juger que les relations de travail entre M. [T] et SIEP étaient régies, par les règles du détachement impliquant que la société Shell Mali soit toujours demeurée son employeur au titre de sa qualification de 'base country' ;

- dire et juger qu'à la date de la rupture des relations contractuelles M. [T] était salarié de Vivo Energy (anciennement Shell Mali) consécutivement au transfert de son contrat de travail suite à l'opération de rachat de Shell Mali par Vivo Energy et que donc la société SIEP n'était plus son employeur ;

- en conséquence, infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé qu'au moment de la rupture des relations contractuelles M. [T] était salarié de la société SIEP et en déduire que la société SIEP doit être totalement mise hors de cause et débouter M. [T] des demandes qu'il formule à l'encontre de cette société ;

- dire et juger que le droit français ne saurait s'appliquer à la situation contractuelle des parties puisque pendant le détachement la loi néerlandaise a été désignée par les parties et la loi malienne pour l'exécution des relations contractuelles avec Shell Mali devenue Vivo Energy ;

- en conséquence, infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en ce qu'il a déclaré la loi française applicable aux relations contractuelles ;

- dire et juger que le contrat de travail de M. [T] avec Schell Mali n'a jamais fait l'objet d'une novation au profit de la création d'une seule relation juridique avec SIEP mais que les relations juridiques avec SIEP étaient celles d'un détachement juridique de Schell Mali ;

- dire et juger que M. [T] ne démontre aucunement qu'il aurait changé de 'base country' et constater que la circonstance que SIEP soit devenue sa 'base compagny' pendant son détachement de Schell Mali ne suffit aucunement à considérer qu'il serait devenu un salarié local aux Pays-Bas ;

- constater, en conséquence, que M. [T] ne relève pas du champ d'application de la Redundancy arrangements for staff with base country The Netherlands in SG - 15 qui est incompatible avec le statut de 'local non national' dont la 'base country' est demeurée au Mali ;

- En conséquence,

- principalement, dire et juger que la société SIEP doit être mise hors de la cause en l'absence de lien de droit avec M. [T] à la date de la rupture des relations contractuelles ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de M. [T] devait revêtir les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de la société SIEP ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en ce qu'il a condamné la société SIEP à régler à M. [T] les sommes de :

* 10 089 € à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2011;

* 30 269, 75 € à titre de l'indemnité compensatrice de préavis sur la base d'un salaire mensuel de 10 089 € ;

* 553 129,43 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, montant brut avant déduction fiscales et sociales, à charge pour les parties de régulariser leur situation auprès des organismes fiscaux concernés ;

* 103 500 € au titre de l'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;

* 4 040,78 € au titre du paiement des frais d'assurance maladie;

* 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société SIEP ;

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Pau en ce qu'il a débouté M. [T] au titre de sa demande de remboursement des loyers et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à un remboursement des indemnités de chômage en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

- ordonner en conséquence le remboursement des sommes réglées à M. [T] par la société SIEP au titre de l'exécution provisoire de droit soit la somme de 43584, 48 € ;

- infiniment subsidiairement, constater que M. [T] fait en tout état de cause une application fausse des dispositions du Redundancy arrangements for staff with base country The Netherlands in SG - 15 dont il prétend se prévaloir ;

- le condamner reconventionnellement à la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions transmises par voie électronique au greffe le 12 août 2019 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, M. [T] demande à la cour de:

- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- condamner solidairement de ce chef Vivo Energy venant aux droits de Shell Mali et Shell International Exploration and Production BV à lui verser les sommes suivantes :

* 12 491,65 € à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2011,

* 37 474,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 879 729,69 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 176 037,96 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

* 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- mettre à la charge de Shell International Exploration and Production BV le paiement des frais d'assurance maladie s'élevant à la date d'aujourd'hui à 4 040,78 € ;

- condamner Shell International Exploration and Production BV à lui rembourser le montant des loyers qu'il a supporté sur son salaire conformément à la lettre de handshake, le montant total est calculé sur la durée du 17 décembre 2007 au 30 novembre 2011 soit 57 000 € ;

- dire que conformément à l'accord de redondance les indemnités dues sont entièrement exonérées de charges sociales ;

- enjoindre à Shell International Exploration and Production BV d'avoir à régulariser la situation de M. [T] en sa qualité de travailleur pour les années 2008-2009-2010-2011 auprès des services sociaux néerlandais et de faire arrêter les réclamations de paiement de ces services et de leurs correspondants en France à M. [T] ;

- dire que le paiement des intérêts légaux relatifs à tous les chefs de demande à compter de la saisine du conseil ;

- condamner lesdites sociétés aux entiers dépens ;

- assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire sur la totalité des sommes allouées en application des articles 515 du code de procédure civile et R.1454-28 du code du travail.

Par conclusions transmises au greffe le 20 septembre 2019 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, la société Vivo Energy Mali (ex Shell Mali SA) demande à la cour de :

- dire et juger que seule la loi Malienne est applicable au contrat liant Vivo Energy Mali SA à M. [T],

- en conséquence,

- dire et juger que le licenciement de M. [T] est légitime et justifié en application du code du travail du Mali,

- débouter M. [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Par arrêt du 7 novembre 2019, la présente cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 20 février 2020 aux fins de proposer aux parties une mesure de médiation judiciaire et de recueillir ou non leur accord sur la mise en oeuvre d'une telle mesure.

A l'audience du 20 février 2020, la cour a procédé à l'audition des parties sur la mesure de médiation proposée. En l'absence d'accord de toutes les parties sur la mesure envisagée, l'affaire a été mise en délibéré au16 avril puis prorogée au 25 mai 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la coexistence de deux contrats de travail et de deux employeurs

Le détachement est la situation dans laquelle se trouve un salarié que son employeur met temporairement à la disposition d'une autre entreprise, le plus souvent une société filiale ou une société appartenant au même groupe. Le contrat de travail signé par le salarié détaché avec la société d'origine ou société mère n'est pas rompu et ce, malgré la conclusion d'un contrat de travail avec la société d'accueil pouvant être qualifié de "contrat d'expatriation". Le contrat d'origine est seulement suspendu et il revit lorsque la relation de travail avec la société d'accueil est terminée, la société d'origine ayant alors à l'égard du salarié détaché (mais également qualifié "d'expatrié") une obligation de rapatriement et de réintégration sur un nouvel emploi.

Le salarié détaché ou dit "expatrié" bénéficie de deux contrats de travail, l'un avec la société d'origine et l'autre avec la société d'accueil, et donc de deux employeurs.

C'est cette situation que M. [T] qualifie de co-emploi en sa qualité de salarié détaché de Shell Mali, son employeur d'origine, auprès de Shell Pays Bas, société d'accueil, avant de revendiquer la novation de sa situation contractuelle avec cette dernière.

La société SIEP BV se prévaut également d'une situation de détachement en son sein ayant entraîné la suspension temporaire du contrat de travail liant M. [T] à la société Shell Mali, laquelle confirme cet effet de la situation juridique du salarié sauf à la qualifier de situation d'expatriation.

Les termes de détachement et d'expatriation sont régulièrement utilisés par les parties comme visant une même situation, étant observé qu'une des différences principales entre ces statuts, hormis la durée de la mise à disposition, réside dans le régime de sécurité sociale choisi.

En effet, en cas de détachement, le salarié continue à être affilié au régime de sécurité sociale de la société d'origine alors qu'en cas d'expatriation, il est soumis à la sécurité sociale du pays d'accueil.

Il convient en conséquence d'examiner les demandes de M. [T] au titre de la rupture de la relation de travail à la lumière de la loi applicable à ses relations contractuelles avec les sociétés Siep BV et Shell Mali laquelle permettra d'en préciser la définition et ses conséquences .

Sur la relation contractuelle de M. [T] avec la société SIEP BV

Sur la loi applicable

La société SIEP BV soutient que les parties ont soumis leurs relations contractuelles au droit néerlandais pendant le détachement de M. [T] en son sein.

M. [T] estime au contraire qu'est applicable au litige la loi française qui est la loi du lieu d'exécution du travail, à défaut de choix par les parties de la loi applicable à leurs contrats.

.......................

Aux termes de l'article 2 de la convention de Rome du 19 juin 1980, dont l'intitulé est "Caractère universel", la loi désignée par cette convention s'applique même si cette loi est celle d'un pays non contractant.

Ainsi, tout litige porté devant un juge ressortissant de l'Union Européenne doit être jugé, s'il comporte un conflit de lois, à la lumière de la convention de Rome, laquelle est applicable aux contrats, dont les contrats de travail, conclus avant le 17 décembre 2009, le réglement européen du 17 juin 2008 (réglement Rome 1) étant quant à lui applicable à ceux conclus après le 17 décembre 2009.

Aux termes de l'article 6 de ladite convention en son 1er paragraphe "Contrat individuel de travail", la loi applicable est celle qu'ont choisie les parties sans que ce choix ne puisse priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du lieu d'exécution habituelle du contrat.

Le choix peut être exprès ou "résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause"(article 3).

Cependant, si le contrat de travail est muet sur la loi applicable, ou si la volonté des parties ne peut se déduire d'aucun élément suffisamment probant, la loi régissant le contrat sera celle du lieu habituel de travail, c'est à dire le lieu où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur.

En l'espèce, la lettre d'engagement du 9 août 2007 valant contrat de travail n'a pas fait l'objet d'une traduction en langue française. La société SIEP ne peut donc utilement contredire M. [T] qui affirme que ce contrat ne porte aucune mention sur la loi applicable et aucun élément de nature à déterminer la volonté des parties sur ce point.

Il est en revanche constant que M. [T] a acquis la nationalité française en 2006.

En décembre 2007, alors qu'il était affecté au sein de la société SIEP BV aux Pays-Bas ( état membre de la communauté européenne), il a fixé son domicile en France à [Localité 4]. Il ressort du rapport d'évaluation des objectifs et des performances pour l'année 2010 établi par la société SIEP que le salarié exerçait ses fonctions principalement en France dans le cadre du télé-travail, la société l'ayant équipé à cette fin grâce aux nouvelles technologies.

La cour en déduit comme les premiers juges que la loi applicable au contrat litigieux est la loi française.

Sur la nature de la relation contractuelle et la novation invoquée

La société SIEP BV fait valoir que le contrat de travail de 2007 mentionne clairement le Mali comme la "base country", c'est à dire le pays de rattachement, et prévoit notamment que le salarié continue de relever du système de pension malien, son salaire devant progresser en fonction de la situation dans le pays d'origine. Elle estime que le seul fait qu'elle soit mentionnée comme la "base company" signifie seulement qu'elle était la compagnie de rattachement pour l'exercice de l'activité du salarié. L'appelante précise que M. [T], qui s'est vu appliquer à compter de janvier 2008 le statut de "local non national" a effectivement cessé de bénéficier de tous les avantages liés au statut d'IBAS en matière d'indemnité d'expatriation et d'indemnité de changement de résidence, mais que pour autant, cette situation n'avait pas emporté la novation de la relation contractuelle par rupture du contrat d'origine avec Shell Mali et création d'une seule relation contractuelle avec SIEP. Elle soutient qu'au sein de groupe Shell, seul le changement de "base country" permettrait de considérer que le contrat d'origine a été rompu au bénéfice du seul contrat local, ce qui n'était pas la situation de M. [T] lequel avait tenté d'obtenir un tel changement de "base country", ce qui ne lui avait pas été accordé.

M. [T] soutient au contraire qu'à compter de janvier 2008, le statut de " local non national" octroyé par la société SIEP BV, lequel exclut les avantages octroyés aux expatriés ( indemnité d'expatriation et indemnité de changement de résidence) avait opéré une novation de sa situation contractuelle, par laquelle il était devenu un salarié "pur et simple" de cette dernière laquelle figure dans la lettre d'embauche comme sa "base compagny" c'est à dire sa compagnie d'origine, le contrat local ainsi obtenu lui ayant permis d'exercer son activité professionnelle en qualité "d'European commuter", à son domicile à [Localité 4]. Il estime que la novation intervenue fait de Shell Pays Bas la société "responsable des emplois de M. [T]" et celle vers laquelle "il devra retourner lorsque son contrat avec une autre société du groupe devrait s'interrompre".

................................

Le contrat de détachement ou d'expatriation peut, dans certains cas, conduire à une novation du contrat de travail par application de l'article 1271 du code civil, lorsqu'il a pour effet un transfert définitif du salarié dans la société d'accueil du fait du changement de la nature même de la relation dans la mesure où les parties conviennent :

- que le contrat de travail avec la société d'origine est rompu, le salarié n'ayant plus de relation juridique avec l'employeur initial,

- que seul subsiste le contrat de travail conclu avec la société d'accueil.

Si l'article 1273 du code civil pose le principe que la novation ne se présume point, il n'est pas pour autant nécessaire qu'elle soit exprimée en termes formels, dès lors qu'elle est certaine et résulte des faits de la cause.

.................................

Il ressort des pièces produites et traduites en français que M. [T], embauché par la société Shell Mali, devenue Vivo Energy Mali, a été affecté à plusieurs reprises à compter de l'année 2000 au sein de différentes sociétés du groupe Shell, les dispositions contractuelles de ses différents contrats avec les sociétés d'accueil stipulant que le Mali était son pays de rattachement ( base country), que la société Shell Mali demeurait sa société mère ( parent company), laquelle se réservait le droit de mettre fin à la mission et de rapatrier le salarié, le contrat de travail la liant à ce dernier étant seulement suspendu pendant la durée du détachement.

M. [T] a été affecté du 1er décembre 2003 jusqu'au 30 juillet 2007 au sein de la société Shell International BV ( SIEP BV) sise aux Pays Bas suivant lettre d'engagement du 5 décembre 2003, traduite en langue française, prévoyant notamment que le Mali était considéré comme le pays de rattachement (base country) et constituerait la référence "sur laquelle seront basés les termes et conditions de votre emploi, tels que les dispositions relatives à la rémunération et aux congés payés", la rémunération reposant sur le système IBAS comprenant notamment une indemnité d'expatriation, une indemnité de changement de résidence et des déductions de cotisations à la caisse de retraite, ces indemnités devant être progressivement supprimées dans le cas où la mission excéderait 4 années.

Un nouvel emploi a été proposé au salarié par la société SIEP BV à la fin de cette mission.

C'est ainsi que suivant mail traduit en langue française portant la date du 1er août 2007, M. [T] a informé le service RH de la société SIEP BV qu'il avait approuvé le document "handshake" qui citait NL Shell Nederland BV comme sa "société de base" et mentionnait les conditions de l'emploi en ces termes :

" Les termes & conditions d'expatrié seront appliqués jusqu'au 1er décembre 2007. Ensuite ils seront remplacés par les conditions ALT ( salaire local avec indemnité de logement comme indiqué plus tôt par votre conseiller RH)".

Ce même document mentionnait " ML Mali" pour les congés et la rémunération ainsi que l'affiliation du salarié à la caisse de retraite malienne.

Nonobstant l'absence de production du contrat d'engagement traduit en langue française, les parties s'accordent sur le fait :

- qu'à compter du 1er août 2007, M. [T] a été employé par la société SIEP BV pour exercer les fonctions de responsable du portefeuille à l'international pour une mission de 4 années,

- qu'il était prévu que le Mali demeure son pays de rattachement et constitue la référence en matière de rémunération, celle-ci reposant sur le système IBAS, suivant les mêmes termes que ceux figurant dans la lettre d'embauche du 5 décembre 2003,

- qu'il était également précisé que dans le cas où la mission excéderait 4 années, l'indemnité d'expatriation et l'indemnité de changement de résidence seraient progressivement supprimées,

- que jusqu'à fin 2007, M. [T] a bénéficié des termes et conditions du statut d'IBAS notamment en matière d'indemnité d'expatriation et d'indemnité de changement de résidence puis a basculé sur le statut local non national se caractérisant par la suppression de ces avantages,

-qu'à compter de janvier 2008, les bulletins de salaire de M. [T] ne mentionnent plus tous les avantages attachés à un statut d'IBAS, à savoir l'indemnité d'expatriation et l'indemnité de changement de résidence.

Cependant, la société SIEP BV n'est pas utilement contredite lorsqu'elle affirme que ce contrat de travail ne reprenait pas les mentions prévues dans le document "handshake" relatives au remplacement des conditions d'expatrié par les conditions ALT.

Ainsi, aucun élément ne permet de retenir comme les premiers juges que la commune intention des parties était de mettre un terme aux obligations contractuelles entre le salarié et l'employeur d'origine Shell Mali, la novation par changement d'employeur ne se présumant pas et supposant une intention de nover certaine.

En effet, M. [T] ne contredit pas la société SIEP BV qui soutient que le contrat de travail du 9 août 2007 -dont il n'est pas établi que ses dispositions ont été modifiées au 1er janvier 2008 ou au 1er janvier 2010 au moment où M. [T] a accepté d'occuper le poste de responsable de la réalisation des programmes des risques liés à l'information, le seul document "handshake" du 10 février 2010 en langue anglaise, non signé par les parties, étant inopérant à cette fin- prévoyait, comme le contrat du 5 décembre 2003, que le Mali demeurait le pays d'origine et de référence en matière des termes et conditions de l'emploi, notamment en matière de rémunération, de congés payés, de sécurité sociale et de retraite et consacrait une obligation de réintégration à la charge de la maison mère libellée en ces termes :

" Si elle est informée qu'un terme doit être mis à votre affectation ( et à votre emploi en vertu de ce contrat) pour un motif autre que votre démission, que cette résiliation soit prévue ou soit prématurée sans engager votre responsabilité, votre Maison mère fera tout ce qui est raisonnablement en son pouvoir pour vous trouver un nouvel emploi dans une société du Groupe Shell ou dans l'une des sociétés associées au groupe Shell. Vous avez l'obligation de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour assister et coopérer avec votre Maison mère pour identifier et accepter d'autres possibilités d'emploi dans une société du Groupe Shell ou dans l'une des sociétés associées au groupe Shell ".

Le document intitulé " Current Compensation Profile" du 14 octobre 2011, produit par M. [T] comme émanant de la société SIEP BV sur le montant annuel de son salarie, mentionne d'ailleurs le salarié comme expatrié.

Il en découle qu'alors que le Mali demeurait et est demeuré le pays de rattachement et d'origine du salarié -étant précisé que la demande de M. [T] du 30 mars 2010 tendant à voir modifier sa "base country" au profit des Pays Bas ou de la France n'a pas été suivie d'effet- l'opposition des parties sur la signification et la portée de l'expression "base company" ( compagnie d'origine pour le salarié et compagnie de rattachement pour la société SIEP) et de la suppression des avantages liés au système IBAS ne permet pas de retenir une volonté des parties, non équivoque, de considérer que le contrat d'origine avec la société Shell Mali a été rompu par novation d'employeur.

M. [T], en page 34 de ses écritures, soutient d'ailleurs qu'au final, son contrat initial avec Shell Mali n'avait jamais été définitivement rompu.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a retenu qu'il y a eu novation de contrat ayant eu pour effet de rompre le contrat de travail du salarié avec Shell Mali et de consacrer un seul contrat de travail entre la société SIEP et le salarié.

Sur la rupture du contrat de travail

La société SIEP BV estime qu'elle doit être mise hors de cause alors que conformément aux dispositions contractuelles liant le salarié à Shell Mali, M. [T] était rapatrié par cette dernière laquelle lui offrait un poste de réintégration en son sein, de sorte que le contrat de détachement auprès de la société d'accueil était nécessairement terminé. Elle soutient qu'en refusant le poste proposé et donc d'exécuter son contrat de travail, M. [T] s'était placé lui-même dans la situation dont il se plaignait, aucune faute ne pouvant dès lors lui être reprochée.

M. [T] estime que la société SIEP BV était tenue d'une obligation de réintégration en sa qualité de compagnie de base, par application de l'article L1231-5 du code du travail, qu'elle l'avait informé début octobre 2011 qu'elle allait mettre fin à son contrat de travail local ce qui s'était concrétisé par le désactivage de ses moyens d'accès au réseau de l'entreprise, de sorte qu'il avait été obligé, par courrier du 29 décembre 2011, de prendre acte de la rupture du contrat de travail.

...............................

Par application de l'article L 1231-5 du code du travail, la société mère est tenue d'une obligation de réintégration du salarié expatrié à la fin de sa mission à l'étranger.

Cet article n'est cependant applicable que lorsque la société mère est une société française.

Toutefois, quand bien même l'article L1231-5 susvisé n'est pas applicable à la présente espèce en raison du fait que la société mère n'est pas une société française, l'obligation de réintégration peut résulter des dispositions contractuelles.

Il sera rappelé par ailleurs que la prise d'acte s'analyse comme un mode de rupture du contrat de travail, à l'initiative du salarié, qui se fonde sur des manquements imputés à son employeur dans l'exécution de ses obligations. Elle ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés sont actuels et d'une gravité incompatible avec la poursuite du contrat de travail. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

Il incombe au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque.

..............................

Par courrier du 29 décembre 2011 adressé à la société Vivo Energy Mali venant aux droits de Shell Mali et à la société SIEP BV, M. [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail pour modification unilatérale et substantielle de son contrat de travail et proposition de poste au Mali constituant une rétrogradation.

Or, il a été vu que le dernier contrat de travail liant M. [T] à la société SIEP BV mentionnait expressément la possibilité pour la société mère de rapatrier le salarié et de lui proposer un nouvel emploi, le contrat de détachement prenant ainsi fin à la seule survivance du contrat d'origine signé par le salarié et la société Shell Mali.

C'est ainsi que cette dernière a, suivant courrier du 10 octobre 2011, notifié à M. [T] la fin de sa mission au sein de la société SIEP BV, son retour d'expatriation et sa nomination au poste d'IT Project Manager en son sein, exposant que tous les salariés "expatriés" et ceux ayant un statut de "local non national" dans leur pays hôte étaient concernés par cette décision de retour d'expatriation.

M. [T] ne peut se prévaloir de la convention intitulée " Redundancy arrangements for staff with base contry the netherlands en SG 1-15" soit selon la traduction en français " Arrangement pour la redondance des personnes de Shell ayant les Pays Bas comme pays de base en SG-1-15" laquelle prévoit des indemnités financières dans les cas de fin de contrat sur la base de la redondance ( poste supprimé et absence de poste disponible au sein du groupe Shell) alors qu'il a été vu qu'un poste au sein du groupe Shell a été proposé au salarié par la société Shell Mali.

La prise d'acte formulée par le salarié le 29 décembre 2011, à l'égard de la société SIEP BV, de la rupture de son contrat de travail pour modification substantielle dudit contrat, au mépris de ses engagements contractuels à son égard, ne peut donc être imputable à cette dernière, de sorte qu'elle s'analyse comme une démission.

M. [T] doit en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, être débouté de sa demande tendant à voir qualifier la rupture du contrat de travail avec la société SIEP BV de licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur le rappel de salaire de décembre 2011

La fin du contrat de travail étant intervenue le 29 décembre 2011, il s'en déduit que la société SIEP BV reste devoir au salarié son salaire du mois de décembre 2011 soit la somme de 10 089 € sur la base des seuls bulletins de salaire versés aux débats pour l'année 2011 à savoir ceux de septembre et d'octobre, M. [T] n'apportant aucun élément de nature à justifier sa demande tendant à voir porter son salaire de décembre 2011 à la somme de 12 491,65 € .

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a condamné la société SIEP BV à payer la somme de 10 089 € à M. [T], laquelle portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, par réformation du jugement dont appel sur ce point.

Sur les frais d'assurance maladie

M. [T] n'oppose aucun moyen de fait ou de droit à la société SIEP BV qui fait valoir que sa demande en paiement de frais d'assurance maladie n'est "absolument pas argumentée sur un plan juridique".

Le salarié ne produit en outre aucune pièce justificative des frais dont il demande le paiement.

Il doit dès lors être débouté de ce chef de demande, par infirmation du jugement entrepris.

Sur le remboursement des loyers supportés

La société SIEP BV n'est pas utilement contredite par M. [T] lorsqu'elle soutient que le contrat du 9 août 2007 ne porte pas engagement de sa part à rembourser au salarié le montant des loyers versés au titre de la location de sa maison d'habitation et que seule est mentionnée la possibilité d'une aide financière à ce titre sur laquelle les parties devaient se mettre d'accord.

En l'absence d'élément de nature à établir qu'un accord entre les parties a finalement été conclu sur le versement par l'employeur d'une telle aide financière, M. [T] doit, par confirmation du jugement entrepris, être débouté de ce chef de demande.

Sur l'injonction sollicitée à l'égard de la société SIEP BV en matière de régularisation auprès des services sociaux néerlandais

M. [T] oppose à la société appelante, qui soutient que sa demande à ce titre est totalement approximative, les éléments suivants :

- il a fait l'objet de demandes en paiement de la part des services sociaux néerlandais au titre des cotisations sociales relatives à ses revenus 2008, 2010 et 2011,

- après avoir procédé à des poursuites par l'intermédiaire d'un organisme de recouvrement, lesdits services sociaux ont "arrêté de réclamer tout paiement mais se sont semble-t-il entendus avec la CPAM pour faire des réclamations auprès de M. [T]",

- la société SIEP a été défaillante en matière d'établissement de ses fiches de paie qui mentionnent faussement le paiement des cotisations, impôts et taxes et n'a pas pris le soin d'avertir les services sociaux néerlandais ni de son déménagement en France ni de la fin du contrat.

Cependant, les pièces qu'il produit ( numéros 48 et 50) sont en langue anglaise ou néerlandaise. La pièce 49 est un courrier du 21 avril 2014 adressé par le salarié à la CPAM de Bayonne dans lequel celui-ci indique qu'il joint audit courrier ses "documents de salaires entre janvier 2008 à juin 2008 " en précisant qu'il n'y avait pas eu d'interruption de couverture maladie sur cette période.

Ces éléments sont insuffisants à justifier la demande présentée par M. [T] lequel doit, par infirmation du jugement entrepris, en être débouté.

Sur la relation contractuelle de M. [T] avec la société Vivo Energy venant aux droits de la société Shell Mali

Sur la loi applicable

M. [T] se prévaut de la loi française comme salarié français, domicilié en France et ayant exécuté son travail pour une entreprise européenne principalement en France.

La société Vivo Energy Mali venant aux droits de Shell Mali fait valoir que le contrat de travail qui la lie à M. [T] stipule que la relation contractuelle est soumise au droit malien.

Il a déjà été rappelé qu'aux termes de l'article 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980, en son 1er paragraphe "Contrat individuel de travail", la loi applicable est celle qu'ont choisie les parties sans que ce choix ne puisse priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du lieu d'exécution habituelle du contrat.

En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée du 3 octobre 1995 puis le contrat de travail à durée indéterminée du 8 septembre 1997 mentionnent en leur article 6 que la relation contractuelle est soumise à la loi malienne, plus précisément à la loi n° 92-020 du 23 septembre 1992 instituant un code du travail en république du Mali.

Les parties ayant fait le choix de la loi malienne, celle-ci doit recevoir application dans le présent litige.

Le jugement entrepris sera complété en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [T] fait valoir que l'offre de poste qui lui avait été faite n'était ni précise ni sérieuse et ne correspondait pas à son niveau de responsabilités et de qualifications, même si sa rémunération était maintenue. Il estime qu'il était ainsi fondé à prendre acte de la rupture du contrat de travail au regard de la rétrogradation que la société Shell Mali entendait lui imposer.

La société Vivo Energy Mali soutient que le poste qu'elle a proposé au salarié correspondait à un poste compatible avec l'importance des fonctions qu'il avait occupées avant son départ en expatriation, s'agissant d'un poste constituant une promotion en terme de classification, de rémunération et de territorialité. Elle estime qu'en refusant de rejoindre son poste, le salarié avait fait preuve d'insubordination ce qui justifiait le licenciement prononcé le 19 avril 2012 pour faute lourde après avis conforme de l'inspecteur du travail de la République du Mali.

...............................

Aux termes de l'article 40 loi n° 92-020 du 23 septembre 1992 instituant un code du travail en République du Mali, applicable à la présente espèce, le contrat à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties, l'article 41 précisant qu'en cas de contestation, l'employeur doit apporter la preuve de l'existence d'un motif légitime de licenciement.

L'alinéa 2 de l'article 40 prévoit que tout employeur qui désire licencier un travailleur engagé depuis plus de trois mois est tenu d'informer l'inspecteur du travail du ressort par lettre recommandée comprenant les indications relatives au travailleur et à l'employeur et le motif du licenciement, l'inspecteur du travail disposant d'un délai de 15 jours pour émettre un avis.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié n'est pas prévue en droit du travail malien.

Enfin, l'article 53 du même code prévoit que l'indemnité de licenciement n'est pas due si le licenciement est motivé par la faute lourde du salarié, laquelle rend impossible le maintien de la relation de travail, ce qui correspond à la faute grave en droit français.

La gravité de la faute est appréciée en considération des faits et leurs conséquences.

...........................

Le 13 août 2000, M. [T] a accepté un premier contrat de détachement auprès de la société Shell Côte d'Ivoire ainsi que les conditions de son détachement et de sa fin de mission. Il a été informé qu'à la fin de sa mission ou dans le cas où Shell Mali mettrait fin à sa mission avant son terme, son contrat auprès de la société d'accueil serait terminé.

C'est ainsi que la société Shell Mali a, le 10 octobre 2011, informé M. [T] de la fin de sa mission auprès de la société SIEP BV, de son retour d'expatriation en son sein et de sa nomination au poste d'IT project manager, classification et niveau JG2, fonctions à exercer sur 14 pays d'Afrique à compter du 30 novembre 2011, moyennant une rémunération de 48 130 427 FCFA par an, salaire perçu par le salarié depuis mars 2011.

Aucun élément ne permet de retenir que ce poste constituait une rétrogradation pour M. [T] alors que dans le courrier de mise en demeure du 24 novembre 2011, il rappelait, par le truchement de son conseil, que ledit poste correspondait au poste qu'il occupait entre 2000 et 2003 et que la société Shell Mali expose sans être contredite par le salarié sur ce point, que le poste proposé le classait comme l'employé le plus gradé de Shell au Mali avec des responsabilités sur 14 pays d'Afrique.

Il s'en déduit que l'offre de reclassement présentée par la société Shell Mali était sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions occupées par le salarié avant son départ en expatriation de sorte que M. [T] n'était pas fondé à refuser le poste proposé.

Suivant constat d'huissier du 30 novembre et 1er et 2 décembre 2011, la société Shell Mali justifie que M. [T] ne s'est pas présenté à son poste de travail, ce qui n'est d'ailleurs pas contredit par ce dernier.

Le refus du salarié de rejoindre son poste constitue un acte d'insubordination. Au regard des responsabilités qui lui étaient dévolues sur 14 pays d'Afrique, ce comportement fautif a revêtu une gravité telle qu'elle a rendu impossible son maintien dans l'entreprise de sorte que son licenciement intervenu par courrier du 19 avril 2012, après avis favorable donné par l'inspection du travail de Bamako, pour faute lourde exclusive d'indemnité de licenciement, est justifié.

M. [T] doit en conséquence être débouté de toutes ses demandes à l'encontre de la société Vivo Energy Mali.

Le jugement entrepris sera complété en ce sens.

Sur le surplus des demandes

La société SIEP BV qui succombe en partie dans ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris et d'appel ainsi qu'à payer à M. [T] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme qui s'ajoutera à celle allouée par les premiers juges sur le même fondement.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il n'a pas fait application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, M. [T] n'ayant pas bénéficié d'allocations chômage.

La société SIEP BV demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu de l'exécution provisoire de droit attachée au jugement sur certaines condamnations. Cependant, le présent arrêt qui est infirmatif pour partie des chefs critiqués, constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement. Cette demande est donc jugée sans objet.

Enfin, M. [T] sera débouté de sa demande tendant à voir assortir le présent arrêt de l'exécution provisoire, les articles 515 du code de procédure civile et R 1454-28 du code du travail n'étant applicables en procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris hormis :

-en ce qu'il a jugé que la loi applicable à la relation contractuelle entre M. [T] et la société Shell International Exploration and Production BV était la loi française,

- en ce qu'il a condamné la société Shell International Exploration and Production BV à payer à M. [T] la somme de 10 089 € au titre du rappel de salaire du mois de décembre 2011,

- en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande au titre du remboursement des loyers,

- en ce qu'il a débouté la société Shell International Exploration and Production BV de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à pôle emploi des indemnités chômage en application de l'article L1235-4 du code du travail,

- en ce qu'il a condamné la société Shell International Exploration and Production BV à payer à M. [T] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en ce qu'il a condamné la société Shell International Exploration and Production BV aux dépens,

Le confirme sur ces points,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir eu novation de contrat de travail entre M. [T] et la société Shell International Exploration and Production BV à compter de décembre 2007,

Dit que la prise d'acte de M. [T] à l'égard de la société Shell International Exploration and Production BV s'analyse comme une démission,

Déboute M. [T] de ses demandes indemnitaires subséquentes à un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [T] de ses demandes en paiement de frais d'assurance maladie et de sa demande tendant à enjoindre à la société Shell International Exploration and Production BV de régulariser sa situation auprès des services sociaux néerlandais,

Dit que le rappel de salaire alloué à M. [T] à hauteur de 10 089 € portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

Juge sans objet la demande de la société Shell International Exploration and Production BV en remboursement des sommes réglées en vertu de l'exécution provisoire de droit,

Dit que la loi applicable à la relation contractuelle entre M. [T] et la société Vivo Energy Mali, venant aux droits de la société Shell Mali, est la loi malienne,

Dit que le licenciement de M. [T] par la société Vivo Energy Mali, après avis favorable donné par l'inspecteur du travail de Bamako, pour faute exclusive d'indemnité de licenciement, est justifié,

Déboute M. [T] de ses demandes à l'encontre de société Vivo Energy Mali,

Déboute M. [T] de sa demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt,

Condamne la société Shell International Exploration and Production BV aux dépens et à payer à M. [T] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/02719
Date de la décision : 25/05/2020

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°16/02719 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-25;16.02719 ?
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