JN/SB
Numéro 19/4687
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 28/11/2019
Dossier : N° RG 19/01139 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HG22
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[K] [D]
C/
SA SEPA
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Novembre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 03 Octobre 2019, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE,faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente
Madame NICOLAS, Conseiller
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [K] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante assistée de Maître KAROUBI, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
SA SEPA SA immatriculée au RCS de PAU, représentée par ses représent
ants légaux domiciliés ès qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 1] / FRANCE
Représentée par Maître MARCHESSEAU LUCAS de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 11 MARS 2019
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU
RG numéro : 17/00283
FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 mars 1998, selon contrat de travail à durée indéterminée, Mme [D] (la salariée), a été embauchée par la société d'équipement des Pyrénées atlantiques (SEPA en abrégé et l'employeur), en qualité d'assistante d'ingénieur d'opérations.
La salariée, a :
-le 1er avril 1999, été désignée en qualité de déléguée syndicale,
-du 3 mai 1999 au 12 décembre 2000, rempli les fonctions de déléguée du personnel.
Le 12 juin 2004, elle a été licenciée pour faute grave.
Elle a saisi le conseil des prud'hommes de Pau, d'une contestation de son licenciement.
Par jugement de départage du 27 mars 2006, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Pau du 17 septembre 2007, ses demandes ont été rejetées.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 janvier 2009, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Pau et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Toulouse.
Par arrêt du 9 avril 2010, sur renvoi de cassation, la cour d'appel de Toulouse a :
-infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 27 mars 2006,
-prononcé la nullité du licenciement de la salariée,
-condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes de :
-24'263 € à titre de dommages et intérêts pour la violation du statut protecteur,
-4043,88 €, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-404,38 €, au titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
-19'713,03 €au titre de l'indemnité de licenciement,
-40'000 € de dommages et intérêts,
-4500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-laissé les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'employeur.
Par requête en date du 24 octobre 2017, la salariée a saisi le conseil des prud'hommes de Pau, d'une action en responsabilité de l'employeur, sur le fondement des articles 1034, 1240 du code civil, et L 1222-1 du code du travail, et condamnation de l'employeur à supporter les entiers dépens ainsi qu'à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes :
-20'067,21 €, au titre de la perte de chance de percevoir une retraite complète sur la base d'une espérance de vie moyenne de 27 ans à compter du 1er janvier 2015,
-4000 € en réparation de son préjudice moral,
- les intérêts sur ces sommes au taux légal à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir,
-2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 mars 2019, le conseil des prud'hommes, en formation de départage, a :
-déclaré la salariée irrecevable, son action étant prescrite,
-condamné la salariée aux entiers dépens d'instance.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue de la salariée le 13 mars 2019.
Par déclaration transmise au greffe de la cour en la forme électronique, le 4 avril 2019, la salariée, par son conseil, en a interjeté appel, dans des conditions de régularités qui ne font l'objet d'aucune contestation.
L'ordonnance de clôture, comme l'audience de plaidoirie, sont en date du 3 octobre 2019.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions, visées par le greffe le 10 septembre 2019, et auxquelles il est expressément renvoyé, la salariée, Mme [D] , appelante, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, à:
-ce que soit écartée la fin de non-recevoir de la prescription,
-ce que soit retenue la responsabilité de l'employeur,
-la condamnation de l'employeur, à lui payer les sommes suivantes :
$gt; 19'941,28 € en réparation de son préjudice économique,
$gt; 4000 € en réparation de son préjudice moral,
$gt; 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-la condamnation de l'employeur à supporter tous les dépens.
Selon ses dernières conclusions, visées par le greffe le 27 septembre 2019, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société d'équipement des Pays de l'Adour, intimé, conclut :
-à titre principal et in limine litis, à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a jugé que l'action en responsabilité de la salariée était prescrite et donc irrecevable,
-à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour recevait l'action de la salariée, à :
$gt;ce qu'il soit constaté que la salariée n'a subi aucun préjudice résultant de l'absence d'assujettissement de l'indemnité pour violation du statut protecteur, au regard de la règle de plafonnement du salaire annuel pour le calcul de la retraite,
$gt;au débouté intégral des demandes de l'appelante,
- en tout état de cause à la condamnation de l'appelante à :
$gt; lui payer 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, $gt;supporter les entiers dépens.
SUR QUOI LA COUR
Il est admis sans contestation par les parties, que :
- sont soumis à cotisations sociales, l'indemnité allouée à la salariée, par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse en réparation de la violation par l'employeur de son statut de salarié protégé, en application des dispositions de l'article L 2422-4 du code du travail, alinéa 3, rappelées par la Cour de cassation (cassation deuxième chambre civile, arrêt du 12 février 2015, numéro 14-10'886), de même que l'indemnité compensatrice de préavis et les congés sur préavis,
-l'employeur admet qu'il n'a pas payé les cotisations sociales afférentes à l'indemnité réparant sa violation du statut protecteur de la salariée, mais soutient en revanche, qu'il s'en est acquitté pour l'indemnité de préavis et les congés payés afférents.
Les éléments du dossier, et notamment la déclaration unifiée de cotisations sociales (pièce 7) et le bulletin de salaire du 26 avril 2010 (pièce 2), permettent de retenir que ces cotisations ont été payées par l'employeur sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents.
Il demeure le non-paiement de ces cotisations sur l'indemnité réparatrice de la violation du statut de salariée protégée.
La salariée estime que ce défaut de versement des cotisations URSSAF afférentes à cette indemnité, minore ses droits à retraite, et en demande réparation, au moyen de la présente action en responsabilité de l'employeur.
Le fait que ce défaut de paiement de cotisations obligatoires, soit constitutif d'une faute de l'employeur, n'est ni contestable, ni contesté.
Les parties sont en désaccord sur le point de départ de la prescription d'une telle action, et donc sur sa recevabilité, de même que, si l'action est jugée recevable, sur la réalité du préjudice invoqué, et donc sur son bien-fondé.
Sur la recevabilité de l'action
Chacune des parties admet, que la présente action en responsabilité engagée contre l'employeur, sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil (anciennement numéroté 1382), est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil, selon lesquelles :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
La salariée, au visa de diverses décisions jurisprudentielles, et de considérations générales qu'elle estime relever du simple bon sens, soutient que le point de départ du délai de prescription pour agir, est le moment de la liquidation de ses droits à la retraite, qu'elle date de la fin de l'année 2014, correspondant selon elle à la réception de son relevé de carrière, au vu duquel elle déclare s'être aperçue, que pour l'année 2010, au titre des salaires versés, il n'était fait état que de la somme de 177 € .
L'employeur, au contraire, estime qu'au cas particulier, la salariée, a eu connaissance du manquement de l'employeur, dès le 29 avril 2010, date à laquelle il a adressé le décompte détaillé des sommes payées, et un bulletin de salaire du 26 avril 2010, relatif aux indemnités compensatrices de préavis, et de congés payés sur préavis, signifiant de façon explicite, que seuls ces deux postes donnaient lieu à cotisations sociales.
Il soutient en effet que dans son courrier officiel du 29 avril 2010 détaillant les sommes versées et transmettant le bulletin de salaire, il en a donné le détail poste par poste, en précisant les postes soumis à cotisations (indemnité de préavis et congés payés afférents), indiqués en net (montant versé à la salariée) et en brut, et les postes non soumis à cotisations, s'agissant de tous les autres postes, seulement indiqués en valeur nette réglée à la salariée.
Il ajoute que ces éléments, explicites en eux-mêmes de façon générale, ne pouvaient échapper à une salariée, avertie du fait de son statut de salariée protégée, renvoyant à des compétences et connaissances accrues quant à ses droits et ainsi que le démontre le détail de ses calculs et réclamations.
Au cas particulier, et ainsi que le soutient l'employeur, les éléments du dossier établissent effectivement que dès le 29 avril 2010, la salariée a été en possession des éléments, caractérisant le manquement de l'employeur, à son obligation de s'acquitter des cotisations sociales relatives à l'indemnité réparant le manquement de l'employeur au respect du statut protecteur de la salariée.
Ces éléments sont constitués, ainsi que l'employeur en justifie sous ses pièces 1 et 2, par la lettre non confidentielle adressée par l'avocat de l'employeur, à l'avocat de la salariée, le 29 avril 2010, de même que par le bulletin de paye du 26 avril 2010, qui y était joint.
Il ressort du courrier du 29 avril 2010, que l'employeur y donne le détail de la somme de 92'238,61 €, qu'il paye par chèque, en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse.
Et au titre de ce détail, seule l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, font l'objet d'une distinction entre les sommes brutes dues par l'employeur (4448,26 €), et la somme nette versée à la salariée (3762,50 €), alors qu'au contraire, les autres postes, et tout particulièrement le poste relatif à l'indemnité réparant la violation du statut protecteur, ne sont pas concernés par une telle distinction, et ne sont indiqués que pour la valeur nette versée à la salariée, et dont le total correspond au montant du chèque de 92'238,61 €.
Ce courrier, dont il se déduit que l'employeur n'a versé ou n'entend verser les cotisations sociales, que sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, est en outre confirmé par la pièce jointe, s'agissant du bulletin de paye du 26 avril 2010.
En effet, ce bulletin de salaire ne comporte au titre des rémunérations servies, que l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, résultant de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, pour la valeur brute totale de 4448,26 €, rappelée dans le courrier, ainsi que le détail des cotisations appliquées à cette valeur brute, faisant apparaître la valeur nette à payer à la salariée, correspondant à la somme de 3762,58 €, telle qu'indiquée également par le courrier précité.
Le courrier du 29 avril 2010, relatif au détail de la somme de 92'238,61 € payée par chèque, indique expressément de la part de son auteur : « j'y joins le bulletin de paye correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité compensatrice de congés payés à payés sur préavis ».
Il n'a jamais été soutenu, avant la présente procédure, que la pièce jointe aurait manqué, si bien que les allégations de l'appelante à ce titre, contraires aux termes du courrier, et à la présomption de bonne foi, faute d'être corroborées par un quelconque élément objectif, ne sont pas retenues par la cour comme fondées.
Il s'en déduit que le courrier et le bulletin de paye adressés par l'employeur, à la salariée, dès le 29 avril 2010, établissaient de façon explicite, les postes pour lesquels l'employeur s'était acquitté ou entendait s'acquitter des cotisations sociales, et établissaient également, que l'employeur ne s'en était pas acquitté, ou n'entendait pas s'en acquitter, s'agissant du poste destiné à réparer la violation du statut protecteur.
C'est donc à compter du 29 avril 2010, que la salariée a connu ou aurait dû connaître, le manquement de l'employeur, fondant son action en responsabilité.
En introduisant son action le 24 octobre 2017, elle a agi en dehors du délai de prescription de cinq ans, si bien que son action est prescrite, et est donc irrecevable, en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile.
Le premier juge sera confirmé.
Sur le surplus des demandes
L'équité commande d'allouer à l'employeur intimé, la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter le surplus des demandes à ce titre.
L'appelante, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Pau en date du 11 mars 2019,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [D] [K], à payer à la SA SEPA, la somme de 1000 €, et rejette le surplus des demandes à ce titre,
Condamne Mme [D] [K] aux entiers dépens.
Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,