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25/06/2019 | FRANCE | N°18/00743

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 25 juin 2019, 18/00743


MFB/AM



Numéro 19/2696





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 25/06/2019







Dossier N° RG 18/00743

N° Portalis DBVV-V-B7C-G2Z3





Nature affaire :



Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité















Affaire :



[Y] [N]



C/



[Q] [R]














r>









Grosse délivrée le :



à :



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 juin 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au de...

MFB/AM

Numéro 19/2696

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 25/06/2019

Dossier N° RG 18/00743

N° Portalis DBVV-V-B7C-G2Z3

Nature affaire :

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Affaire :

[Y] [N]

C/

[Q] [R]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 juin 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 avril 2019, devant :

Madame BRENGARD, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame ROSA SCHALL, Conseiller

assistés de Madame FITTES-PUCHEU, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [Y] [N]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] (64)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté et assisté de Maître Frédéric DUTIN, avocat associé de la SELARL DUTIN, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

INTIME :

Monsieur [Q] [R]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté de la SCP CASADEBAIG, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 10 JANVIER 2018

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX

FAITS ET PROCEDURE :

Le 15 mars 2014, M. [Y] [N], domicilié à [Adresse 3], a vendu à M. [Q] [R], un véhicule d'occasion de marque LANCIA, modèle FULVIA 16 HF immatriculé [Immatriculation 1], moyennant le prix de 30000 €.

L'automobile mise en circulation en novembre 1971, et dont le compteur indiquait 40443 km au jour de la vente (kilométrage non garanti), n'est pas classifiée dans la catégorie «véhicule de collection» sur la carte grise, mais il s'agit d'un modèle très prisé des collectionneurs.

M. [N] et M. [R] qui se connaissaient avant la transaction, partagent d'ailleurs un intérêt pour les automobiles de collection.

Il est constant que M. [R] a acquis ladite voiture pour participer à des manifestations de véhicules de collection, et sur le fondement de la remise par le vendeur, d'un procès-verbal de contrôle technique établi le 12 mars 2014 par un établissement agréé et ne mentionnant aucun défaut.

Début juin 2014, après avoir parcouru 2700 km depuis son acquisition, le véhicule est tombé en panne pendant un rallye à [Localité 3], puis a été remorqué au garage de M. [B] [O], spécialiste des automobiles LANCIA.

Le 30 septembre 2014, après avoir ouvert le moteur, M. [O] a dressé un rapport relevant notamment les anomalies suivantes :

- les pistons tapaient dans la culasse, y compris dans les soupapes ; le moteur avait été mal remonté ; la culasse avait été trop rectifiée occasionnant un dysfonctionnements des pistons sur la culasse,

- s'agissant du carburateur WEBER, il manquait une vis pour tenir le diffuseur sur le cylindre 1 ce qui a entraîné des pertes de puissance,

- sur le bloc support vilebrequin, la pipette de graissage était cassée, ce qui a provoqué une usure importante du vilebrequin qui est à refaire,

- les arbres à cames ont souffert du manque d'huile,

- la pompe à eau était hors-service,

- d'importantes fuites d'huile sur le moteur ainsi que sur la boîte de vitesses,

- la tôle de support de la batterie était cassée dessoudant la contre aile,

- le train avant avait subi des chocs, un triangle de suspension inférieure avait été coupé et ressoudé à plusieurs endroits,

- la pipe d'échappement était hors-service et le delcot n'était pas d'origine.

M. [O] a sollicité l'avis de M. [F] [V], expert automobile près de la société BT EXPERTISES, qui, le 14 octobre 2014, a procédé à un examen du véhicule et chiffré les réparations nécessaires à la somme de 6960 € TTC, a constaté sans avoir procédé à un démontage, que la culasse marquée au niveau des chambres de combustion a été rectifiée (85,3 mm au lieu de 87), les pistons sont marqués par des impacts de soupapes, le roulement de la pompe à eau est détruit, les coussinets de bielle, le vilebrequin et l'arbre à cames sont rayés et bleuis, une importante quantité d'huile a été projetée sur les parties visibles du moteur et dans la cloche d'embrayage, etc.

***

Après avoir vainement tenté de trouver une solution amiable avec son ancien ami vendeur du véhicule, M. [R] a engagé une action en référé-expertise ayant donné lieu à une ordonnance contradictoire du 21 avril 2015 désignant M. [D] [S], expert judiciaire près la cour d'appel de ROUEN, qui a déposé son rapport le 1er décembre 2015 confirmant l'existence de désordres affectant la mécanique du véhicule en cause.

En lecture de ce rapport et suivant exploit d'huissier en date du 5 avril 2016, M. [R] a assigné M. [N] devant le tribunal de grande instance de DAX pour obtenir, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

- 18315,55 €, toutes taxes comprises, au titre des frais de remise en état du véhicule,

- 764,67 € au titre de la facture du garage [O] du 10 août 2016,

- 873,70 € au titre de la facture de M. [Q], sapiteur,

- 100 € au titre des frais de remorquage,

- 15000 € au titre de son préjudice de jouissance du fait de l'immobilisation depuis deux ans du véhicule,

- 10000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'obligation, pour M. [R] d'engager des procédures,

- 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 1 516,74 € HT.

Suivant ordonnance contradictoire rendue le 3 février 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de TARBES faisant droit à la demande de M. [R], a condamné M. [N] à lui verser une provision de 18315,55 €.

***

Au terme d'un jugement contradictoire rendu le 10 janvier 2018 (RG n° 16/00496), le tribunal de grande instance de DAX a condamné M. [N] à restituer à M. [R], sur le montant du prix de vente du véhicule, la somme de 18315,55 € et à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance, en rejetant toutes les autres prétentions des parties.

Suivant déclaration d'appel n°18/00515 régularisée le 7 mars 2018, M. [N] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions n°3 en date du 12 décembre 2018, M. [Y] [N] entend voir la cour, réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil,

- à titre principal, d'écarter des débats le rapport d'expertise établi par M. [S] et débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes puis le condamner au paiement de la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens de première instance et appel,

- à titre subsidiaire, de juger que, le véhicule n'est atteint d'aucun vice caché et que le montant des réparations est limité à la somme de 5926 €.

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que :

- l'usage auquel les parties destinaient cette voiture est la participation à des épreuves sportives de véhicules anciens et en outre, il s'agit bien d'un véhicule de collection au regard de son âge, même si une telle qualification n'apparait pas sur la carte grise,

- il est acquis que la panne moteur qui est intervenue rend le véhicule, même de collection, impropre à son usage de voiture-rallyes. Cependant, le vice n'est pas antérieur à la vente car M. [R] a longuement essayé le véhicule avant de l'acheter et aucun bruit anormal du moteur ne s'était fait entendre. De la même façon, il ne peut prétendre ne pas s'être rendu compte de l'existence et l'ancienneté des modifications apportées au véhicule, certaine étant visibles à l'oeil nu,

- de plus, M. [R] a parcouru 2500 km avant de tomber en panne de sorte que l'antériorité du vice n'est pas démontrée,

- la panne du moteur n'est pas la manifestation d'un vice caché mais le résultat d'une usure des pièces mobiles normale sur un véhicule de cet âge, mais le vendeur n'est pas tenu de garantir une telle usure qui, d'ailleurs, ne rend pas le bien impropre à son usage, pas plus que les traces ponctuelles d'oxydation, de chocs en soubassement ou les déformations des tôles du compartiment moteur,

- c'est la négligence et l'utilisation de M. [R] qui ont entraîné la casse du moteur.

***

En ses dernières écritures en date du 31 janvier 2019, M. [Q] [R] demande à la cour, statuant au visa des articles 1641 et suivants du code civil de :

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris ayant homologué le rapport d'expertise de M. [S] et ayant condamné M. [N] à restituer une somme de 18315,55 €, montant de la condamnation prononcée par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de DAX suivant ordonnance du 3 février 2017,

- infirmer, pour le surplus, les dispositions du jugement critiqué et, statuant à nouveau, condamner M. [N] au paiement des sommes suivantes :

' 764,67 € au titre de la facture du GARAGE [O] du 10 août 2016,

' 873,70 € au titre de la facture de M. [Q], sapiteur,

' 1000 € au titre des frais de remorquage,

' 28410 € au titre de son préjudice de jouissance du fait de l'immobilisation du véhicule depuis 947 jours,

' 10000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure particulièrement abusive confinant à la volonté de nuire,

' 7000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens en ce compris la totalité des frais et honoraires de l'expert selon facture du 1er décembre 2015 d'un montant de 1516,74 € HT.

M. [R] réplique à l'argumentation de l'appelant et soutient son appel incident, en affirmant que :

- le véhicule acquis n'était pas destiné seulement à être exposé mais à circuler dans des conditions satisfaisantes, le caractère sportif ou non étant indifférent à cette destination tout comme la mention en tant que véhicule de collection sur la carte grise,

- les conclusions du rapport d'expertise sont accablantes et montrent que l'état calamiteux du véhicule est dû à des désordres et dysfonctionnements antérieurs à la vente,

- bien que collectionneur de véhicule ancien, il n'a aucune connaissance particulière en mécanique de telle sorte que lors de l'essai, les défauts affectant le moteur étaient indécelables pour un profane,

- il a acquis l'automobile dans le but d'effectuer des rallyes promenades et n'a jamais participé à la moindre compétition car le véhicule est tombé en panne avant le début d'une telle manifestation,

- l'usage auquel est destiné le véhicule est indifférent à la recherche du caractère caché ou non du vice,

- l'essentiel des vices se trouvant à l'intérieur même du moteur, de la boîte de vitesse ou du système de transmission et de freinage, ne pouvaient être décelés par M. [R] qui n'est pas un professionnel,

- de tels vices ne peuvent pas s'apparenter à de l'usure même si on peut admettre que les aléas mécaniques peuvent être plus importants que sur un véhicules neuf ou récent.

- les désordres relevés ont rendu impropre le bien à un usage normal,

- il est peu probable que M. [N] n'ait pas lui-même connu les vices d'autant qu'il est associé dans le capital de la société WORKSHOP qui assure son entretien depuis des années.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2019 et l'affaire, appelée à être plaidée à l'audience du 9 avril 2019 a été mise en délibéré.

SUR CE :

Pour parvenir à sa décision, le tribunal a statué comme suit :

- il a rejeté la demande formulée par M. [N] visant à écarter des débats le rapport d'expertise dressé par M. [S], aux motifs d'une part, qu'il ne rapportait pas la preuve de la partialité de cet expert, et, d'autre part qu'il ne formulait aucune critique intrinsèque sur ledit rapport,

- il s'est fondé sur les dispositions de l'article 1641 du code civil, et sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire - pour juger que le véhicule litigieux était affecté de vices caractérisés, antérieurs à la vente et ignorés de l'acquéreur,

- il a évalué le préjudice de M. [R] à la somme estimée par l'expert à savoir 18 315,55 € pour les travaux de réparation, mais a écarté toute autre indemnisation au motif que rien n'indiquait qu'avant la vente, et depuis que M. [N] détenait le véhicule, d'autres pannes s'étaient produites.

- Sur la demande de rejet du rapport d'expertise :

M. [N] sollicite que le rapport d'expertise judiciaire établi par M. [S] le 1er décembre 2015 soit écarté des débats, aux motifs que :

- l'expert a chiffré le coût des réparations à la somme de 18315,55 € alors que cette somme correspond au montant de 5 devis cumulés comprenant des dépenses non liées à l'avarie du moteur, cause de la panne (ex: changement des sièges de soupapes pour rouler au sans plomb, remplacement disques de freins....),

- l'expert n'a pas tenu compte de l'usage et de la destination de la chose : il s'agit d'un véhicule ancien participant à des rallyes et des manifestations dédiées à ce type de véhicules dès lors, les « modifications non conformes » ne pouvaient être regardées comme des vices cachés puisqu'elles avaient été effectuées dans le but de rendre le véhicule plus compétitif,

- il existe des doutes sur la partialité de M. [S] notamment en raison du fait qu'il a été associé pendant 13 ans avec M. [V], expert qui a été consulté par M. [O], lui-même mandaté par M. [R] pour examiner le véhicule.

Une pièce ne peut être écartée des débats que s'il est établi qu'elle a été obtenue en fraude, ce qui n'est objectivement pas le cas du rapport d'expertise déposé par l'expert M. [S], nommé par le tribunal.

En outre, le conseil de M. [N] qui n'a pas contesté la désignation de M. [S] par les voies de droit dont il disposait, a été convié à participer aux opérations d'expertise et à déposer des dires auxquels il a été répondu par l'expert.

Quant aux critiques concernant le contenu du rapport, elles concernent notamment le quantum des travaux de réparation mais force est de constater que l'expert indique sans être valablement contredit par d'autres éléments matériels de même valeur probante produits au dossier, que l'usage du véhicule malgré les vices affectant le moteur a contribué à la détérioration d'autres parties de la mécanique.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement sur le rejet de ce chef de prétention de M. [N].

- Sur l'existence de vices cachés :

S'il est acquis que le véhicule LANCIA objet de la vente litigieuse, n'est pas une voiture de collection au sens de l'article R311-1 alinéa 6.3 du code de la route, du fait qu'il a subi des modifications mécaniques, il présente incontestablement un grand intérêt pour les collectionneurs.

La cour retient notamment des conclusions du rapport d'expertise de M. [S] que,

- la panne du véhicule vendu par M. [N] à M. [R] résulte d'une avarie du moteur par suite de problèmes de lubrification dûs aux carences des entretiens antérieurs à la vente, ainsi que des modifications non conformes qui ont abrégé l'usage du véhicule ; en particulier, l'huile a séjourné dans le moteur 3 ans et demi sans vidange alors qu'elle doit être remplacée tous les ans ; le moteur a fonctionné pendant plusieurs milliers de kilomètres antérieurement à l'achat par M. [R], sans le filtre à air d'origine dans des conditions sévères, ce qui a contribué à l'aspiration de poussières abrasives dans les cylindres ainsi qu'à une usure prématurée du moteur,

- la boîte de vitesses accuse une perte d'huile dont une partie s'est écoulée vers l'embrayage, occasionnant son dysfonctionnement,

- les disques de freins avant sont déformés et hors tolérance en raison de leur usure importante, le brancard arrière gauche du berceau avant comportant des séquelles de réparations et l'isolation du faisceau électrique étant à reprendre suite aux rajouts et à l'absence de protection de certains fils par rapport à l'équipement d'origine,

- le véhicule n'a subi aucune transformation ni accident depuis son acquisition par M. [R],

- le coût des travaux s'élève à la somme de 18315,55 € TTC, somme estimée selon les tarifs du dépositaire (garage [O]) et leur exécution est d'un mois,

- le véhicule ne peut être utilisé en toute sécurité en raison du mauvais état du demi-train avant droit et des disques de freins avant, ni ne peut circuler sur les voies routières compte tenu des modifications qui lui ont été apportées.

M. [N] se prévaut d'une note établie par M. [D] expert judiciaire, qu'il a mandaté à titre privé et qui critique l'expertise judiciaire de M. [S]. Mais force est de constater qu'il s'agit d'un simple avis qui, même émis par un professionnel, n'a pas la valeur objective d'un rapport d'expertise judiciaire réalisé au contradictoire de toutes les parties, M. [S] indiquant d'ailleurs en réponse aux observations de son confrère [D] que celui-ci n'a pas assisté aux opérations d'expertise et n'a pas procédé à un examen interne du véhicule.

Ainsi tous les experts qui ont examiné le véhicule - immobilisé pendant plusieurs mois avant d'être réparé - s'accordent à conclure que la panne est due à un mauvais entretien prolongé et aux modifications apportées sur le véhicule non conforme aux règles de l'art, qui ont entraîné une usure anormale des éléments essentiels de la voiture.

Il est donc incontestable que le véhicule est affecté de désordres intrinsèques le rendant impropre à tout usage mobile et a fortiori à sa destination contractuelle, tant que les réparations n'ont pas été effectuées. Ainsi, M. [R] n'a pas pu participer au rallye à cause d'une panne trouvant son origine dans une avarie du moteur, elle-même causée par les modifications apportées (notamment culasse trop rectifiée) sur le véhicule justement pour en faire un usage particulier. Il importe peu que l'avarie se soit manifestée après l'achat, plus de 2500 km parcourus depuis, les désordres trouvant leur origine dans ces modifications, ils sont nécessairement antérieurs à la vente.

De plus, la circonstance que M. [N] n'ait eu à subir aucun sinistre pendant qu'il détenait le véhicule ne préjuge en rien de la qualité des modifications réalisées sur la mécanique, puisqu'il explique lui-même avoir parcouru relativement peu de kilomètres avec sa voiture.

En conséquence, l'action en garantie des vices cachés intentée par M. [R] à l'égard de son acquéreur, est fondée.

M. [N] conclut au principal à l'infirmation du jugement mais subsidiairement admet que des réparations sont justifiées à hauteur de 5960 €.

L'article 1644 du code civil dispose que dans le cas de vice caché, l'acheteur a le choix de rendre la chose en se faisant restituer le prix payé, ou de conserver le bien en se faisant restituer une partie du prix.

M. [R] a opté pour l'action estimatoire et entend ainsi garder le véhicule litigieux mais obtenir une réduction du prix ainsi qu'après réformation du jugement, le paiement de diverses sommes en plus de celle de 18315,55 € déjà allouée par le premier juge.

Ceci étant, la cour retient que,

- M. [N] n'a pas formé appel de l'ordonnance de mise en état l'ayant condamné au paiement d'une provision de ce même montant, mais ceci n'induit pas qu'il a acquiescé à cette décision du juge de la mise en état, du moins sur le quantum de la réparation, puisqu'il a formé appel de la décision l'ayant condamné sur la même base ; en tout état de cause, une ordonnance de mise en état n'a pas autorité de chose jugée au principal,

- M. [R] ne rapporte pas la preuve de ce que son vendeur connaissait les vices affectant la mécanique de la voiture, et en outre, se déclare lui-même propriétaire d'autres voitures de collection, ce qui induit qu'il était amateur tout aussi éclairé que son ex-ami, M. [N], et disposait des moyens de faire vérifier la voiture avant de l'acheter,

- d'ailleurs, M. [N] n'a jamais dissimulé avoir effectué des modifications sur le moteur de la voiture vendue et a même remis à l'expert judiciaire, les factures correspondantes ; la circonstance que l'entretien du bien ait été assuré par la SARL WORSHOP dont M. [N] était l'associé, ne suffit pas à conférer à ce dernier, la qualité de professionnel de la vente de voitures de collection ni à présumer de quelconques manoeuvres de sa part,

- l'ancienneté du véhicule doit être prise en considération pour déterminer le dommage, car, nul ne peut ignorer que l'âge d'un véhicule entraîne des aléas et des risques qui sont proportionnels à sa vétusté (ici 43 ans au jour de la vente),

- or, M. [R] a parcouru 2700 km avec cette voiture très ancienne plutôt destinée à être exhibée qu'à parcourir de longues distances, et cet usage soutenu qu'il en a fait pendant 3 mois n'entrait pas dans le cadre de la destination contractuelle de son acquisition,

- au même titre que M. [N], M. [R] est un amateur éclairé de voitures anciennes et il n'établit pas que son vendeur et ex-ami connaissait les vices non apparents du véhicule car si ce dernier a bien fait procéder aux modifications querellées, il n'était pas objectivement en mesure de savoir comment elles avaient été faites, n'étant pas lui-même garagiste professionnel, et au surplus, il avait fait réaliser le contrôle technique qui ne retenait aucune anomalie de l'automobile vendue,

- il résulte des rapports d'expertise judiciaire ou extra-judiciaire, que l'état de mauvais entretien de la mécanique était au moins pour partie apparent, ce qui aurait dû alerter M. [R] lui-même féru de vieilles mécaniques automobiles, et l'inciter à faire expertiser le moteur avant l'achat par M. [O] (par exemple), mais avant de réaliser l'achat et de circuler 2700 km au volant de ladite voiture,

- enfin, M. [R] a acheté le véhicule pour 30000 € et ne fournit pas d'estimation officielle de ce modèle LANCIA à la date d'acquisition, de sorte que la cour ignore si ce prix était le juste prix compte tenu de son état, ou la valeur vénale du bien dans un état normal d'entretien. La seule évaluation objective de ce véhicule figurant au dossier, a été établie le 7 juin 2012 par l'expert M. [D] qui l'a chiffrée à 40000 € en constatant son bon état général.

En conséquence, la cour considère que M. [R] qui a manqué à une vigilance élémentaire en ne vérifiant pas davantage l'état mécanique de la voiture ancienne qu'il acquérait alors qu'il disposait de tous les moyens nécessaires pour y procéder, est responsable à 50 % du dommage matériel qu'il a subi, de sorte qu'après réformation du jugement sur le quantum de l'indemnisation, M. [N] doit être condamné au paiement de la somme de 18978 € /2 = 9489 €.

La cour appliquera ce partage de responsabilité aux entiers dépens après réformation du jugement sur les frais de procédure et rejettera également toute demande présentée au titre des frais irrépétibles et en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'appel de M. [Y] [N],

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande visant écarter le rapport d'expertise des débats,

Infirmant le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau,

Reçoit l'action estimatoire en garantie des vices cachés formée par M. [Q] [R] à l'égard de M. [Y] [N] et dit que celui-ci est responsable du préjudice causé à M. [R],

Mais dit que M. [R] a manqué de vigilance élémentaire et a contribué à son préjudice à hauteur de 50 %,

Condamne en conséquence M. [N] à verser à M. [R] une somme de 9489 € à titre de restitution d'une partie du prix de vente du véhicule,

Fait masse des dépens et dit que chacune des deux parties, en supportera la moitié,

Rejette toute autre demande y compris fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence BRENGARD, Président, et par Mme Julie FITTES-PUCHEU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/00743
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°18/00743 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;18.00743 ?
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