PS/AM
Numéro 19/2641
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 25/06/2019
Dossier N° RG 16/03681
N° Portalis DBVV-V-B7A-GLLU
Nature affaire :
Autres demandes d'un organisme, ou au profit d'un organisme
Affaire :
Etablissement Public PÔLE EMPLOI
C/
[C] [E]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 juin 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 01 avril 2019, devant :
Monsieur SERNY, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur SERNY, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame BRENGARD, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur SERNY, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Etablissement Public PÔLE EMPLOI, institution nationale publique, pris en son établissement Pôle Emploi Aquitaine
[Adresse 4]
[Localité 2]
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Maître Alexa LAURIOL de la SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître Jacques TOURNAIRE, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
Madame [C] [E]
née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée et assistée de Maître Philippe L'HOIRY, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 12 SEPTEMBRE 2016
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
Vu l=acte d'appel initial du 25 octobre 2016 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,
Vu le jugement rendu le 12 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de BAYONNE,
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 janvier 2017 par POLE EMPLOI,
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 mars 2017 par [C] [E],
Vu l=ordonnance de clôture délivrée le 06 mars 2019.
Le rapport ayant été fait oralement à l=audience.
MOTIFS
Le litige porte sur des allocations chômage perçues par [C] [E] pour la période du 05 décembre 2005 au 02 juillet 2006 alors qu'elle n'y avait pas droit en raison de l'occupation d'un emploi rémunéré pendant la même période. Durant cette période, elle était salariée déclarée de la société SOFTWIN pour le compte duquel elle ne travaillait pas alors qu'elle travaillait en réalité pour le compte de la société LMBA dont elle a ensuite été désignée dirigeante à compter de la fin du mois de novembre 2005.
La demande avait déjà été formée par POLE EMPLOI devant le tribunal correctionnel de BAYONNE à l'occasion de poursuites pénales visant outre la perception de cotisations indues, des faits d'abus de biens sociaux commis au préjudice, non de la société SOFTWIN mais de la société LMBA. Le tribunal correctionnel a relaxé [C] [E] des fins de l'ensemble de ces poursuites pénales :
- du chef de perception frauduleuse de cotisations indues en relevant que l'action publique était prescrite depuis le 02 juillet 2009, terme des trois ans de la perception pénale courant depuis la dernière perception d'allocations indues invoquée par l'accusation, et en estimant que cette prescription était acquise à la date de l'audition de [N] [O], responsable local du service des fraudes de POLE EMPLOI, entendue le 14 octobre 2010 par les enquêteurs,
- du chef d'abus de bien sociaux commis au préjudice de la société LMBA en relevant que la prévenue travaillait effectivement pour cette société même si elle était rémunérée par une entreprise tierce lui ouvrant ses droits à allocations chômage, étant précisé que le tribunal a prononcé cette relaxe alors qu'il n'était pas saisi d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société SOFTWIN.
Le tribunal correctionnel n'a donc pas statué sur le bien fondé de l'action en répétition de l'indu ; il s'est borné à décider que la créance de répétition de l'indu ne pouvait être éteinte par le biais de la constitution de partie civile au procès-pénal pour cause de prescription de l'action publique ; sa décision n'a aucune autorité de la chose jugée sur l'action en répétition d'indu, fondement juridique distinct non affecté par le débat pénal ; c'est la prescription civile applicable à une action en répétition de cotisations sociales indues qui trouve à s'appliquer comme s'il n'y avait jamais eu déclenchement de l'action publique ; cette prescription civile est fixée par le code du travail. Ainsi, selon l'article L 351-6-2 alinéa 3 du code du travail en vigueur lors de la prescription des allocations chômage litigieuses, repris sans modification à compter du 1er mai 2008 par l'article L 5422-5 du même code, la prescription de l'action en répétition en cas de fraude est de 10 ans, le délai courant à compter de la perception des allocations indues. La réforme de la prescription civile intervenue le 17 juin 2008 n'a pas eu pour effet de réduire ce délai de 10 ans propre au code du travail et ce texte reste dérogatoire au droit commun de la prescription désormais applicable.
L'assignation qui a saisi le tribunal de grande instance de BAYONNE a été délivrée le 13 novembre 2014, soit à une date à laquelle aucune des allocations indues n'avait été versée depuis plus de 10 ans.
Sur le fond, les éléments de l'enquête démontrent que [C] [E] n'a pas effectué de prestations rémunérées pour le compte de la société SOFTWIN du chef de laquelle ses droits à allocations ont été ouverts ; elle n'a échappé à une condamnation pénale pour abus de biens sociaux qu'en raison d'une erreur de désignation de la victime de l'infraction visée dans la citation ; la fraude est établie ; POLE EMPLOI peut ainsi se prévaloir du délai de 10 ans et de sa non expiration à la date de la saisine de la juridiction civile.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré POLE EMPLOI prescrit dans ses prétentions et les prétentions de POLE EMPLOI seront déclarées justifiées.
[C] [E] ayant obtenu gain de cause tant devant le tribunal correctionnel qu'en première instance, sa résistance au paiement ne peut pas être considérée comme abusive. Le caractère frauduleux n'a pas généré de préjudice spécifique autre que le retard.
L'équité commande cependant de faire droit à la demande formée par POLE EMPLOI au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
* infirme le jugement dont appel,
* rejette le moyen de prescription et reçoit POLE EMPLOI en son appel,
* déclare cet appel fondé et condamne [C] [E] à payer à POLE EMPLOI la somme de 23.530,82 euros au titre d'allocations chômage indûment perçues pendant la période du 05 décembre 2005 au 02 juillet 2006 outre les intérêts au taux légal depuis l'assignation du 13 novembre 2014 et jusqu'à complet paiement,
* déboute POLE EMPLOI de sa demande indemnitaire pour abus de procédure et agissements frauduleux,
* condamne [C] [E] à payer à POLE EMPLOI la somme de 5.000 euros en compensation de frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel,
* la condamne aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit du cabinet AQUI'LEX.
Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence BRENGARD, Président, et par Mme Julie FITTES-PUCHEU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD