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18/04/2019 | FRANCE | N°17/03773

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 avril 2019, 17/03773


DT/CD



Numéro 19/01646





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/04/2019









Dossier : N° RG 17/03773 -

N° Portalis DBVV-V-B7B-

GXAN





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique















Affaire :



SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE



C/



[Q] [R]















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Avril 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues...

DT/CD

Numéro 19/01646

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/04/2019

Dossier : N° RG 17/03773 -

N° Portalis DBVV-V-B7B-

GXAN

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique

Affaire :

SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE

C/

[Q] [R]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Avril 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Février 2019, devant :

Madame THEATE, Président

Madame NICOLAS, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître POMART, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [Q] [R]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparant, assisté de Maître SUISSA, avocat au barreau de PAU et de Maître OUANSON de la SCP CABINET BRIHI-KOSKAS & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS,

sur appel de la décision

en date du 17 OCTOBRE 2017

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 16/00054

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE (EFF), filiale du groupe RAIGNEAU, dont les filiales opèrent principalement dans la maintenance et le forage de puits pétroliers et géothermiques, a été immatriculée le 25 octobre 2012, son objet étant la création, l'achat de tout centre de formation de personnel aux techniques de forage...

La convention collective de la métallurgie du Loiret est applicable à cette société dont le siège social est situé à [Localité 1] dans le Loiret.

La société PRIDE FORASOL est une filiale du groupe ENSCO, prestataire de forage en mer pour les industries du secteur pétrolier et gazier, qui, par contrat de travail à durée indéterminée, a engagé Monsieur [R] en qualité de sondeur à compter du 11 février 1980.

Le 30 octobre 2012, la société PRIDE FORASOL, qui rencontrait des difficultés économiques, a cédé à la société EFF, son centre de formation de [Localité 3], centre dispensant des sessions de formations opérationnelles pour le personnel affecté à des activités de forage en mer au sein duquel travaillait Monsieur [R] en tant qu'agent technico-administratif. Le fonds de commerce repris par la société EFF comprenait la clientèle et les matériels spécifiques dédiés à la formation.

Dans le cadre de cette cession, les contrats de travail de 17 salariés ont été transférés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, 6 d'entre-eux, bénéficiant d'une protection attachée à leurs mandats représentatifs au sein de PRIDE FORASOL.

En tant que

représentant du personnel au CHSCT, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise, Monsieur [R], faisait partie de ces six salariés protégés pour lesquels l'inspection du travail de [Localité 4] a été saisie de demandes d'autorisation de transfert des contrats de travail.

Le 17 décembre 2012, l'inspecteur du travail a refusé le transfert de Monsieur [R], décision réformée le 21 juin 2013 par le ministre du travail qui a considéré que l'article L. 1224-1 du code du travail avait vocation à s'appliquer.

Les recours individuel et collectif formés contre les transferts des contrats de travail ont été rejetés :

* le 7 juillet 2015, par le tribunal administratif de Pau qui a confirmé la décision du ministre du travail d'autoriser le transfert de Monsieur [R] ;

* le 7 mai 2015, par la cour d'appel de Pau a déclaré irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, l'action en contestation du transfert des contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail engagée par le comité d'entreprise et le syndicat CFDT de PRIDE FORASOL et les a déboutés de leur demande d'annulation de la procédure d'information/consultation.

Par courrier recommandé du 9 octobre 2013, la société EFF a demandé à Monsieur [R] s'il accepterait un reclassement à l'étranger et le 4 novembre suivant, faute de reclassement au sein du groupe et en l'absence de toute réponse à son courrier du 9 octobre précédent, la société EFF l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement économique.

La documentation relative au CSP lui a été adressée par courrier le 20 novembre 2013.

En raison du mandat représentatif exercé par Monsieur [R], la société EFF a saisi l'inspecteur du travail aux fins d'autorisation de licenciement. Celui-ci s'est cependant déclaré incompétent dans la mesure où à la date de sa décision, du 8 janvier 2014, le salarié avait perdu son statut protecteur.

Monsieur [R] a accepté le CSP le 11 janvier et le 15 janvier 2014, la société EFF lui a notifié son licenciement pour motif économique. En dernier lieu, Monsieur [R] occupait le poste d'agent technico-administratif au sein de la société EFF.

Par requête réceptionnée le 21 juillet 2014, Monsieur [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau, à titre principal, pour faire juger son licenciement nul car discriminatoire au regard de son activité syndicale ; subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses indemnités liées au licenciement, à l'application d'accords collectifs et d'un engagement unilatéral de l'employeur ainsi qu'une indemnité de procédure.

Faute de conciliation à l'audience du 29 septembre 2014, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant le bureau de jugement.

Par un jugement contradictoire en date du 17 octobre 2017 auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de prud'hommes de Pau, section industrie, statuant en formation paritaire, a :

* mis la société PRIDE FORASOL hors de cause ;

* dit que le licenciement de Monsieur [R] pour motif économique est fondé et a en conséquence débouté le salarié de ses demandes de requalification en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

* condamné la SAS Ecole Française de Forage à lui payer les sommes suivantes :

95.909,03 € à titre d'indemnité supplémentaire à l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 5.2.1 de l'accord de méthode 2010 ;

2.800 € à titre de rappel de salaire au titre de l'indemnité forfaitaire de repas ;

* condamné la SAS Ecole Française de Forage à procéder à la correction de l'assiette de calcul du salaire de référence de Monsieur [Q] [R] en y intégrant l'indemnité forfaitaire de repas et les indemnités versées par la CNETP ;

* condamné la SAS Ecole Française de Forage à lui payer la somme de 8.240,67 € au titre de complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* condamné la SAS Ecole Française de Forage à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* ordonné l'exécution provisoire ;

* débouté pour le surplus les parties de leurs demandes ;

* condamné chaque partie à supporter la charge de ses propres dépens.

****************

Le 3 novembre 2017, l'avocat de la société Ecole Française de Forage a fait appel de ce jugement, au nom et pour le compte de sa cliente à qui il avait été notifié le 24 octobre 2017.

Monsieur [R] a également interjeté appel de la décision le 17 novembre 2017.

Par ordonnance du 14 juin 2018 le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures d'appel sous le numéro 17/03773.

****************

Dans le dernier état de ses conclusions enregistrées au greffe le 22 novembre 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Ecole Française de Forage demande à la cour de :

* confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- jugé que le licenciement de Monsieur [R] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Monsieur [R] de ses demandes :

en requalification du licenciement en licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

d'application de l'accord de méthode du 17 décembre 2010 sur l'indemnité transactionnelle ;

* de l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [R] les sommes suivantes :

95.909,03 € au titre de l'indemnité supplémentaire à l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 5.2.1 l'accord de méthode 2010 ;

8.240,67 € à titre de complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

2.800 € à titre de rappel de l'indemnité forfaitaire de repas ;

1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et condamné la SAS Ecole Française de Forage à procéder à la correction de l'assiette de calcul du salaire de référence de Monsieur [R] en y intégrant l'indemnité forfaitaire de repas et les indemnités versées par la CNETP ;

Et statuant à nouveau :

- de dire que Monsieur [R] est mal fondé en ses demandes ;

- de le débouter de l'intégralité de ses prétentions ;

- de le condamner au paiement d'une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle rappelle ne pas avoir été partie au litige relatif au transfert et être restée dans l'attente de la décision du tribunal administratif, dispensant Monsieur [R] et les autres salariés dans sa situation, de toute activité. Elle affirme que le choix des salariés licenciés a été guidé par leurs qualifications professionnelles et non par leur appartenance syndicale et fait valoir, comme l'a souligné l'inspecteur du travail pour Monsieur [W], que le licenciement n'avait aucun lien avec le mandat exercé.

Sur la validité du licenciement

Elle rappelle que lorsqu'une entreprise est transférée, l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'interdit pas au nouvel employeur de procéder, après le transfert, à des licenciements pour motif économique. Elle souligne que son secteur d'activité - celui de la formation - est différent de celui des autres sociétés du groupe qui interviennent dans le secteur de la production ou du contrôle (nature des prestations fournies différente, clientèle différente, outils différents) de sorte qu'il n'y a lieu de prendre en considération que sa propre situation pour apprécier la réalité des difficultés économiques.

Elle expose qu'elle fait bien référence à des menaces réelles sur la compétitivité de la société dans la lettre de rupture et rappelle que dans le courant de l'année 2013, elle a été confrontée à une chute des besoins de formation liée au ralentissement de l'activité sur les marchés de forage et du work over, en sorte que malgré ses efforts, sa situation en 2013 était déficitaire. Ses difficultés ayant perduré, elle a dû réduire ses effectifs pour ne conserver que les emplois indispensables à son activité. Elle ajoute que dans le cadre de la cession, PRIDE FORASOL avait intégré dans le centre des salariés qui n'avaient aucun lien direct avec l'activité de formation. Elle s'est ainsi retrouvée avec plus de salariés que d'activité. Elle fait valoir enfin que la décision d'autorisation de licenciement donnée par l'inspection du travail pour un autre salarié, Monsieur [W], est transposable à Monsieur [R], la seule différence entre les deux salariés résidant dans le fait qu'au moment du licenciement, Monsieur [R] n'avait plus la qualité de salarié protégé. Or, l'inspecteur du travail a relevé que la situation de la société EFF devait seule être prise en considération et que le motif économique était fondé.

S'agissant de l'obligation de reclassement, elle affirme qu'elle a tenté de reclasser le salarié en lui proposant un reclassement à l'étranger par courrier du 9 octobre 2013, offre qui est restée sans réponse, alors que les deux postes disponibles en France n'étaient pas en adéquation avec la qualification de Monsieur [R].

Sur la demande de nullité du licenciement, elle souligne qu'elle n'a jamais refusé d'intégrer le salarié dans ses effectifs. Elle déclare avoir dans un premier temps identifié les catégories professionnelles qui n'étaient pas indispensables à l'activité pour ensuite déterminer les postes à supprimer. C'est ainsi que la suppression du poste de Monsieur [R] a été décidée, ce dernier n'apportant aucun élément permettant de démontrer que son licenciement reposerait sur un motif discriminatoire.

Sur l'application des dispositions des accords collectifs

La société EFF fait valoir, d'une part, qu'il ne peut y avoir eu transfert automatique des accords collectifs à la société, tant en ce qui concerne le PSE 2011 que l'accord de méthode 2010 et que, d'autre part, elle n'a pris aucun engagement unilatéral d'appliquer les dispositions de ces accords.

Sur le premier point, elle souligne que les garanties du PSE 2011 se sont achevées le 18 février 2012 au plus tard. La cession, ayant eu lieu le 30 octobre 2012, les dispositions de ce PSE 2011 étaient caduques depuis plusieurs mois à cette date. Par ailleurs, le salarié n'était pas concerné par ces dispositions puisqu'il était toujours en poste au moment de la cession, de sorte qu'il n'était pas visé par les dispositions du PSE en question et qu'il n'a pu en bénéficier pendant leur durée de validité. Dès lors, ces dispositions ne peuvent en aucun cas lier la société.

En ce qui concerne l'accord de méthode 2010, elle explique que cet accord n'est pas non plus applicable, en ce qu'il ne concernait que les salariés licenciés par la société PRIDE FORASOL, pour motif économique. Or, ce n'est pas le cas de Monsieur [R] qui n'a pas été licencié par la société PRIDE FORASOL mais transféré en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, son transfert ne pouvant avoir pour effet de le faire bénéficier d'un accord auquel il ne pouvait prétendre chez le cédant.

Au surplus, il n'y a eu aucun engagement unilatéral de sa part, un tel engagement supposant une volonté explicite de l'employeur de consentir un avantage à ses salariés ou à une catégorie d'entre-eux.

Elle ajoute que les dispositions du PSE 2011 et de l'accord de méthode 2010 n'avaient pas été portées à sa connaissance, ces deux documents n'étant pas mentionnés parmi les accords transférés dans la note d'information remise aux membres du comité d'entreprise en vue de la réunion extraordinaire du 13 septembre 2012 qui listait les conséquences, sur le plan collectif, de la cession et notamment les conventions collectives, accords d'entreprise, autres accords et engagements unilatéraux de PRIDE FORASOL transférés.

Elle considère enfin, que Monsieur [R] se fonde à tort sur la déclaration de Monsieur [E] qui n'étant pas juriste a commis une erreur de présentation juridique en réponse à une question. Au surplus, et à la date de la réunion du 13 septembre 2012, la société EFF n'existait pas encore, aucun engagement ne pouvait donc être pris par elle, même si elle allait devenir l'employeur de Monsieur [R] lors de sa création au mois d'octobre suivant.

Sur la fixation du salaire de référence

La société EFF explique que, compte tenu de son activité, la convention collective des travaux publics à laquelle était soumise la société PRIDE FORASOL, ne trouvait plus à s'appliquer, seule la convention collective de la métallurgie trouvant application. Or, cette convention prévoit seulement que l'employeur doit verser une indemnité de congés payés lorsque le salarié prend des congés. Elle en déduit que les versements effectués par la CNETP ne peuvent être considérés comme des primes entrant dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement comme c'était le cas auparavant.

De même, et concernant la prime forfaitaire de repas, la société souligne qu'à compter du 30 octobre 2012, Monsieur [R] a été dispensé d'exécuter son contrat de travail dans l'attente d'une décision administrative quant à son transfert. Il était alors tout à fait en mesure de déjeuner à son domicile, ce qui justifie l'absence de paiement de cette prime.

Elle conclut en conséquence au débouté, du salarié de sa demande de rappel de salaire fondée sur le non-paiement de la prime de repas depuis son transfert au sein de l'EFF.

****************

Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 04 janvier 2019, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [R] demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* dit que les dispositions de l'article 2.2 de l'accord de méthode du 17 décembre 2010 sur 'l'indemnité complémentaire de licenciement' sont opposables à la société Ecole Française de Forage ;

* dit que les sommes perçues de la CNEBTP et la prime de repas devaient être intégrées dans l'assiette de calcul du salaire de référence ;

* condamné la SAS Ecole Française de Forage à lui payer les sommes de :

95.909,03 € à titre d'indemnité supplémentaire à l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

8.240,67 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

2.800 € à titre de rappel au titre de l'indemnité forfaitaire de repas ;

1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* de l'infirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

* de juger que la SAS Ecole Française de Forage a refusé de réintégrer les salariés demandeurs en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

A titre principal :

* de juger que le licenciement de Monsieur [R] est fondé sur un motif discriminatoire, à savoir, l'activité syndicale, qu'il est donc entaché de nullité ;

A titre subsidiaire :

* de juger ce licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

* de juger que l'accord de méthode du 17 décembre 2010 et l'engagement de la société PRIDE FORASOL du 22 janvier 2004, constituaient des engagements unilatéraux que la SAS Ecole Française de Forage était tenue de respecter ;

* de juger que le salaire de référence de Monsieur [R] doit être calculé en intégrant les sommes allouées par la CNETP aux salariés au titre de l'année 2013 ainsi que l'indemnité forfaitaire de repas sur 12 mois ;

* de juger que le salaire de référence était de 5.328,28 € ;

* de condamner la SAS Ecole Française de Forage à lui payer les sommes suivantes :

127.878,70 € au titre du licenciement nul, subsidiairement du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2.800 € à titre de rappel de salaire au titre de l'indemnité forfaitaire de repas ;

8.240,67 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

95.909,03 € à titre d'indemnité en application de l'accord de méthode ;

(indemnité complémentaire article 2.2) ;

31.969,68 € à titre d'indemnité en application de l'accord de méthode

(indemnité transactionnelle article 5.2) ;

* de condamner la SAS Ecole Française de Forage à verser à Monsieur [R] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens et les éventuels frais d'exécution.

Sur le caractère injustifié du licenciement

Pour Monsieur [R] et en dépit de motifs de la lettre de licenciement la seule et véritable motivation de l'employeur était de ne pas intégrer les quatre salariés, anciens représentants du personnel, dans l'entreprise.

Il expose en effet que la société EFF a frauduleusement refusé qu'il reprenne son poste de travail alors que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient remplies et non contestées par elle, refus que le salarié explique par sa qualité de représentant du personnel, et celle de ses collègues qui ont subi la même discrimination, ce qui entache de nullité le licenciement prononcé à son encontre.

Subsidiairement, ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour violation de l'article L. 1224-1 du code du travail. Monsieur [R] rappelle en effet que lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail sont remplies, les contrats de travail sont transférés de plein droit au nouvel employeur qui doit en poursuivre l'exécution, c'est-à-dire : fournir du travail et verser le salaire afférent aux salariés transférés. Il rappelle que par décision devenue définitive en date du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Pau a confirmé l'autorisation de transfert des contrats de travail. Or, la société EFF a refusé de lui fournir du travail et l'a licencié au motif inopérant que le poste qu'il occupait ne s'inscrivait pas dans l'activité de formation reprise par l'EFF et qu'il était impossible pour elle de conserver dans ses effectifs du personnel inoccupé en raison de l'inexistence et donc de l'inutilité de leur poste de travail.

En réalité son licenciement est discriminatoire pour avoir été décidé en représailles à l'action qu'il a engagée et soutenue, en sa qualité d'élu, contre la cession du centre de formation de [Localité 3] et plus généralement, du fait de l'exercice de son mandat, l'employeur ayant usé de tous les procédés pour ne pas avoir à le réintégrer. C'est ainsi que seuls les salariés protégés n'ont jamais été effectivement transférés et intégrés, qu'ils ont été les seuls privés de travail au sein de l'EFF, le périmètre de l'activité cédée étant étonnamment erroné pour les seuls salariés protégés, et rendant leurs postes inexistants. Pour Monsieur [R] le licenciement repose donc bien sur un motif discriminatoire et non sur un prétendu motif économique.

Au demeurant, Monsieur [R] rappelle les deux éléments - matériel et causal - qui conditionnent le motif économique, au sens de la loi. La société EFF s'étant fondée sur la nécessité d'une réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, il lui appartient d'en rapporter la preuve. Faisant partie d'un groupe, le motif qu'elle allègue s'apprécie au niveau du secteur d'activité de ce groupe.

Or, non seulement la société EFF ne définit pas le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, dans la lettre de licenciement, mais elle ne fait pas non plus état de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe RAIGNEAU. La société EFF se contente d'affirmer qu'elle est la seule à relever du secteur d'activité de la formation sans étayer cette affirmation, pas plus qu'elle ne rapporte la preuve de sa situation économique à l'époque du licenciement. Monsieur [R] en déduit que l'employeur ne prouve pas l'existence d'une menace réelle sur sa compétitivité ou sur celle du secteur d'activité du groupe (qu'elle ne définit d'ailleurs pas). En tout état de cause, pour le salarié, les éléments pertinents et objectifs du dossier démontrent les performances et la croissance la société EFF, créée moins d'un an avant les licenciements, et le caractère insidieux et infondé du motif invoqué.

Outre, l'absence de cause économique, Monsieur [R] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de recherche sérieuse et loyale de reclassement. Il relève en effet que la société EFF s'est contentée de lui envoyer un questionnaire concernant sa mobilité éventuelle sur un poste à l'étranger ce qui est en soi insuffisant mais d'autant plus, en l'espèce, car l'employeur connaissait sa situation particulière : affecté au dépôt de matériel intégré à la direction technique, rattaché à la business unit « disabled » intégrant les salariés invalides qui ne peuvent être affectés à des chantiers. Reconnu invalide à 80 % d'IPP, il était chargé d'assurer la gestion du matériel de forage à la base de [Localité 3] ainsi que le matériel en transit en provenance de chantiers pour entretien et réparation. Il était donc manifeste qu'il ne pouvait en aucun cas accepter un poste à l'étranger. Or, le manquement à l'obligation de recherche sérieuse et loyale de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Sur l'application aux salariés licenciés des mesures du PSE PRIDE FORASOL par engagement unilatéral de l'Ecole Française de Forage

Le salarié rappelle que lorsqu'un engagement unilatéral est le fruit d'une volonté ferme, précise et éclairée, il est source d'obligation pour celui qui l'a contracté.

En l'espèce, la société EFF s'est engagée lors de la réunion du comité d'entreprise du 13 septembre 2012, par la voix de M. [E], directeur financier du groupe RAIGNEAU, auquel appartient l'EFF, à ce que les dispositions du PSE 2011 de PRIDE FORASOL soient garanties pendant une période de 15 mois à compter du transfert.

Cet engagement a été validé le 1er octobre 2012, puis approuvé le 18 octobre suivant, de sorte qu'il doit être considéré comme un engagement unilatéral de volonté de la société EFF.

Les dispositions du PSE 2011 font référence à l'accord de méthode conclu le 17 décembre 2010 entre la société PRISE FORASOL et les organisations syndicales dans le cadre de la réorganisation annoncée le 4 novembre 2010. Or, aux termes de cet accord, il était prévu, d'une part, une indemnité complémentaire de licenciement correspondant à 18 mois de salaire brut, d'autre part, une indemnité transactionnelle équivalente à 6 mois de salaire brut.

Ayant été licencié moins de 15 mois après son transfert, Monsieur [R] estime qu'il devait bénéficier de ces dispositions. Il ajoute que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, l'accord de méthode était toujours en vigueur lors de la réunion du 13 septembre 2012 puisqu'il avait été conclu pour une durée déterminée jusqu'au 31 décembre 2012.

Sur la confirmation des autres chefs de demandes

Monsieur [R] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne :

- la détermination de l'assiette de calcul de son salaire de référence ;

- le rappel sur l'indemnité conventionnelle ;

- l'indemnité supplémentaire telle que prévue dans l'accord de méthode.

Concernant l'assiette de calcul du salaire de référence, le salarié expose que l'indemnité compensatrice de congés payés prise en charge par la caisse nationale des entreprises de travaux publics constitue une prime, décidée unilatéralement par PRIDE FORASOL et rappelée dans la note d'information transmise au comité d'entreprise lors de la procédure d'information, consultation. Elle doit être réintégrée dans le salaire du salarié pour la détermination du salaire de référence, ce que n'a pas fait la société EFF.

De même, la prime de repas au versement de laquelle s'est engagée PRIDE FORASOL en 2004, également rappelée dans la note d'information transmise au comité d'entreprise, doit être intégrée dans l'assiette de calcul du salaire de référence. Or, depuis le transfert de son contrat de travail, soit le 29 juin 2013, il n'a jamais perçu cette prime. Il en déduit qu'il est fondé à réclamer un rappel de salaire correspondant aux indemnités de repas non versées et la réintégration de cette prime dans la détermination de son salaire de référence qui au vu de l'ensemble de ces éléments, s'élève à 5.328,28 €.

Enfin, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il était bien-fondé à solliciter un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 8.240,67 € en application de la convention collective nationale de la métallurgie calculée sur la base du salaire de référence précité.

Sur les autres demandes

Monsieur [R] réclame en dernier lieu le paiement :

* des indemnités dues en vertu de l'engagement unilatéral de la société, indemnités prévues dans l'accord de méthode du 17 décembre 2010 issu de l'engagement unilatéral du 13 septembre 2012 ;

* de dommages et intérêts, soit somme de 127.878,70 € en raison de la nullité de son licenciement, subsidiairement, pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

***************

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2019 et l'audience de plaidoiries fixée à la date du 20 février 2019.

***************

MOTIFS

Sur la discrimination syndicale

Par application de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.

En l'espèce, lors de son licenciement, Monsieur [R] n'était plus salarié protégé mais avait exercé une mission de représentation au sein de l'entreprise cédée en tant que représentant du personnel au CHSCT, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise au sein de l'entreprise cédée.

Il est constant que Messieurs [A], [H] et [R], laissés sans affectation durant 7 mois depuis leurs transferts, puis licenciés pour motif économique, ont tous exercé des fonctions syndicales et de représentation du personnel.

Il est établi par le procès-verbal dressé par Maître [Q], huissier de justice, qu'à la date du 12 septembre 2013, Monsieur [R] comme ses trois autres collègues élus ou anciens élus, n'avait toujours pas pu accéder à son poste de travail, l'employeur affirmant ne pas être en mesure de lui offrir un poste de travail effectif.

Or, c'est à ces seuls salariés protégés que la société EFF a imposé une dispense d'activité au motif de l'inutilité de leurs postes, de leur absence totale de liens avec l'activité de formation et de mentions erronées de leur précédent employeur, alors que le directeur général de PRIDE FORASOL, Monsieur [Z], alors responsable direct de ces 4 salariés, qui est devenu le directeur de la société EFF après avoir démissionné de son mandat de directeur général du centre de formation de [Localité 3] en septembre 2012, (procès-verbal du comité d'entreprise du 25 septembre 2012) ne pouvait ignorer les postes qu'occupaient effectivement ces quatre salariés jusqu'à la date du transfert de leurs contrats de travail. C'est pourtant Monsieur [Z], en sa qualité de directeur de l'EFF, qui a répondu à Maître [Q], huissier de justice, le 12 septembre 2013, qu'il n'était pas en mesure d'offrir un poste de travail effectif à ces quatre salariés, alors qu'il ne pouvait ignorer l'affectation de Monsieur [R], à la date du transfert, au sein de l'entité transférée, intégré, du fait de son invalidité, à la business unit « disabled ».

De plus, ainsi que le constate le Ministre du travail, dans sa décision du 15 juin 2013, Monsieur [R], chargé de la gestion du matériel informatique et de forage du centre avait une activité directement liée à l'activité du site transféré.

Enfin, alors que l'information avait également été donnée à M. [E] lors de la réunion du comité d'entreprise du 13 septembre 2013 que le transfert intégrait des salariés ayant subi des accidents du travail, ne pouvant être reclassés sur n'importe quel poste, ce dernier avait affirmé que le dynamisme du groupe devait permettre de trouver une solution pour chaque salarié, ce qui atteste de la connaissance qu'avait la société mère, avant même la création de la société EFF, de la situation de ces salariés.

Il importe de rappeler à ce stade que la société EFF, partie à la procédure engagée devant le tribunal de grande instance de Pau puis devant la cour, affirmait alors que le centre de formation constituait bien une entité économique autonome qui avait conservé son identité à l'issue de la cession.

Il en résulte que la société EFF avait connaissance de la situation professionnelle et personnelle de Monsieur [R], dont la présence dans l'effectif ne remettait pas en cause de l'identité entité économique autonome à laquelle il appartenait en sorte que le refus qui lui a été opposé de le réintégrer dans le poste de travail qu'il occupait de façon effective avant le transfert ne trouve aucune justification.

Pour s'en défendre, la société EFF fait valoir que deux autres salariés protégés ont été affectés à leurs postes dès le transfert et sont toujours salariés de l'entreprise, ce qui ne suffit cependant pas à justifier les mesures prises à l'encontre d'autres salariés protégés et ce d'autant moins que, ainsi que l'a constaté l'inspecteur du travail dans sa décision du 17 décembre 2012, le savoir-faire de ces deux salariés, formateur et instructeur, constituait un élément stratégique de l'opération de transfert. Leurs qualifications professionnelles et leur statut n'étaient donc pas comparables à ceux de Messieurs [A], [H] et [R].

De même alors que le transfert des contrats de travail des salariés protégés étaient autorisés le 21 juin 2013, dès le 6 décembre, soit 4 mois plus tard, la société EFF sollicitait de l'inspection du travail l'autorisation de licencier quatre d'entre-eux pour motif économique, malgré les engagements pris lors de la réunion du 13 septembre 2012 de les intégrer dans la nouvelle structure.

Le motif économique invoqué par l'employeur pour le licencier n'apparaît ni réel ni sérieux. En effet, alors qu'il est intervenu 6 mois seulement après le transfert, ce licenciement est motivé par (voir lettre de licenciement ) :

* «  l'inexistence de votre poste au sein de l'EFF depuis votre transfert », motif dont il vient d'être vu qu'il n'est pas établi ;

* l'impossibilité « pour l'EFF de conserver dans ses effectifs du personnel inoccupé en raison de l'inexistence et donc de l'inutilité de leur poste au sein de l'EFF », motif tout aussi erroné que le précédent ;

* une situation économique qui 'n'est toujours pas rentable' 7 mois seulement après la reprise du centre de formation dont la cession a été motivée par son peu de rentabilité et alors que le groupe RAIGNEAU s'était accordé un délai de 18 mois pour le rentabiliser en établissant divers contacts et partenariats, précisant que l'activité ne pouvait pas démarrer avant l'été 2013 (note d'information au CE, propos repris par M. [E] devant le CE le 13 septembre 2012) dont il résulte que ce motif n'est pas sérieux.

Il est ainsi établi que Monsieur [R] s'est vu interdire, sans motif sérieux, par son employeur l'accès à son lieu de travail et à l'exercice de son activité, puis a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique précipitée et non fondée, sans que l'employeur ne soit en mesure de justifier par des éléments objectifs et pertinents, au moment où cet accès lui a été refusé et de la procédure de licenciement engagée, d'une quelconque modification de l'activité exercée antérieurement au transfert dans le cadre de laquelle il occupait effectivement son poste.

Il en découle que Monsieur [R] a bien été victime d'une discrimination en raison de son mandat de représentation connu de l'employeur ; qu'en conséquence, le licenciement prononcé par la société EFF doit être jugé nul.

Le salarié demande en réparation de son licenciement nul le versement d'une indemnité de 127.878,70 €.

Agé de 54 ans lors de son licenciement, cumulant près de 34 ans d'ancienneté dans l'entreprise n'a pas retrouvé d'emploi. Au regard de son ancienneté de son âge et des conditions de son licenciement, l'indemnité à laquelle il est en droit de prétendre à ce titre peut être évaluée à 103.896 €.

Sur l'engagement unilatéral de l'employeur

Monsieur [R] demande à bénéficier de l'engagement unilatéral pris le 13 septembre 2012 devant le comité d'entreprise PRIDE FORASOL, en réunion extraordinaire, dans le cadre de la procédure d'information en vue de sa consultation sur le projet de cession du centre de formation de [Localité 3], par Monsieur [G] [E] directeur financier et représentant du groupe RAIGNEAU SA, en faveur des salariés licenciés pour motif économique après transfert de leur contrat de travail.

A cet égard, et bien que le salarié ne puisse revendiquer à la fois l'indemnisation du licenciement pour motif économique et l'indemnisation liée à la nullité de son licenciement, dès lors que ces deux indemnités visent à la réparation du même préjudice, il importe de déterminer les droits du salarié pour chacun de ces chefs dans la mesure où s'il n'a droit qu'à une seule indemnisation il est en droit de prétendre à la plus élevée de ces indemnités.

Le 13 septembre 2012, devant le comité d'entreprise PRIDE FORASOL, en réunion extraordinaire dans le cadre de la procédure d'information en vue de sa consultation sur le projet de cession du centre de formation de [Localité 3], Monsieur [G] [E], directeur financier et représentant du groupe RAIGNEAU SA, retenu pour reprendre le Centre a déclaré :

« Si cela peut rassurer les 17 salariés qui sont prévus dans le transfert, nos conseils juridiques nous ont indiqué que les dispositions du PSE 2011 de PRIDE FORASOL devaient être garanties pendant une période de 15 mois. En conséquence, si le projet n'était pas viable et que le personnel soit licencié, durant cette période, il percevrait les indemnités en vigueur actuellement ».

Il est à noter que :

- cette déclaration du représentant officiel du futur repreneur, le groupe RAIGNEAU, par ailleurs directeur financier de ce groupe, a été tenue devant le comité d'entreprise en réunion extraordinaire, au visa des articles L. 2323-6 et suivants ainsi que L. 2323-19 du code du travail, et dans la perspective expresse du transfert des salariés du centre de formation ;

- M. [E] a pu communiquer aux instances du groupe RAIGNEAU, pour approbation, le projet de compte rendu de la réunion du 13 septembre puisqu'il a apporté une rectification une dizaine de jours plus tard en faisant remplacer « il percevrait 24 mois en plus des indemnités légales et conventionnelles » par « il percevrait les indemnités en vigueur actuellement » ; dont il y a lieu de déduire que cet engagement est celui du groupe.

Enfin, le groupe RAIGNEAU a spécialement créé la société Ecole Française de Forage, dont elle est l'actionnaire unique, pour reprendre le centre de formation de PRIDE FORASOL et son personnel. Dans ces conditions les engagements pris en son nom et à cette occasion par la direction du groupe sont opposables à l'Ecole Française de Forage.

La déclaration du représentant du groupe RAIGNEAU est claire, précise et reflète une volonté ferme et éclairée d'assurer aux salariés concernés par la cession de l'entreprise, dans l'hypothèse où ils seraient licenciés pour motif économique, le bénéfice des indemnités du PSE 2011, à savoir, outre le paiement de l'indemnité conventionnelle ou légale de licenciement de droit, le paiement d'une indemnité complémentaire de licenciement d'un montant brut correspondant à 18 mois de salaire brut, telle que fixée à l'article 2.7 du PSE 2011.

A cet égard, il importe peu qu'à la date de la réunion, le 13 septembre 2012, le PSE 2011 n' ait plus été en cours depuis le 18 février 2012, l'engagement unilatéral pris par Monsieur [E], représentant officiel du cessionnaire, le groupe RAIGNEAU, devant le comité d'entreprise réuni, dans le cadre des articles L. 2323-6 et suivants ainsi que L. 2323-19 du code du travail, étant de faire application, pour rassurer les 17 salariés, de garantir pendant une période de 15 mois, en cas de licenciement économique de certains d'entre-eux à la suite de la cession, les dispositions du PSE 2011 de PRIDE FORASOL et donc les indemnités au titre du PSE.

Le PSE 2011 prévoit en effet, à titre d'indemnisation pour les salariés n'ayant pu faire l'objet d'un reclassement et ayant adhéré à la CRP outre le versement des indemnités conventionnelles ou légales, une indemnité complémentaire de licenciement (article 2.7 du livre I du PSE). Le montant de cette indemnité complémentaire a été négocié entre l'employeur, PRIDE FORASOL et les délégués syndicaux, conformément aux articles L. 1233-21 et suivants du code du travail, et fixé à 18 mois de salaire, dans l'accord de méthode du 17 décembre 2010, dont il sera rappelé pour répondre aux observations de la société EFF sur la limite de son engagement au paiement « des indemnités en vigueur actuellement » qu'il était intégré au PSE et applicable jusqu'au 31 décembre 2012 et donc toujours en vigueur le 13 septembre 2012.

En effet, en cours d'élaboration du PSE 2011, pour parvenir à une sortie de crise (manifestation d'un collectif de salariés le 8 décembre 2010 lors de l'examen du Livre 1) et à l'élaboration d'un PSE satisfaisant pour toutes parties, un accord de méthode a été signé le 17 décembre 2010, au visa des articles L. 1233-21 et suivants du code du travail, au terme duquel :

« Les parties conviennent que le montant de l'indemnité complémentaire de licenciement brute visée à l'article 2.7 du livre 1 remis au CE est portée à 18 mois de salaire brut, en lieu et place de l'indemnité de 6 mois de salaire brut actuellement proposée, à compter de la signature du présent accord.

Cette indemnité complémentaire s'ajoute à l'indemnité conventionnelle de licenciement.

A cet effet, il est convenu que le paragraphe suivant annule et remplace le paragraphe 2-7 intitulé Indemnité complémentaire de licenciement » du Livre I remis au CE. La rédaction adoptée est la suivante :

« 2.7 Indemnité complémentaire de licenciement' ».

En conséquence si le montant de cette indemnité a été fixé dans le cadre de l'accord de méthode cette indemnité n'est due qu'en vertu du PSE 2011. Il n'y a donc pas de distinction à établir entre accord de méthode et PSE.

Monsieur [R], licencié pour motif économique par lettre recommandée du 15 janvier 2014, soit dans les 15 mois de la cession, est en droit de percevoir l'indemnité complémentaire de licenciement de 18 mois de salaire brut, venant s'ajouter à l'indemnité conventionnelle de licenciement.

L'accord de méthode prévoit aussi le paiement d'une indemnité transactionnelle, d'un montant brut de 6 mois de salaire brut dont le salarié sollicite le paiement. La possibilité de conclure un protocole transactionnel comportant une indemnité forfaitaire et définitive est cependant réservée, dans l'accord de méthode à l'hypothèse d'un salarié qui contesterait son licenciement pour motif économique, afin d'éviter' les risques et aléas liés à d'éventuelles instances et actions judiciaires individuelles.

Or, Monsieur [R] a engagé une action devant les juridictions prud'homales, ce qui le prive de la possibilité de prétendre au paiement de cette indemnité.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que le salarié pouvait prétendre l'indemnité complémentaire de licenciement et en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité transactionnelle.

L'indemnité complémentaire de licenciement (soit 18 mois de salaire brut) s'élève à 95.909,03 €, (l'article 2-7 du PSE 2011) ; étant moins élevée que l'indemnité due au titre du licenciement nul, seule cette dernière est due par la société EFF.

Sur la demande de rappel de salaire

La société EFF reproche au conseil de prud'hommes d'avoir accordé à Monsieur [R] un rappel de salaire de 2.800 € au titre d'une prime forfaitaire de repas de 400 € par mois, sur la base d'un engagement du précédent employeur, maintenu dans le cadre de la cession et non remis en cause par son nouvel employeur qui ne l'a pourtant jamais versée à la suite du transfert du contrat de travail. L'appelante fait valoir qu'en tout état de cause, le salarié qui a été dispensé d'activité ne peut prétendre au paiement d'une telle prime.

Il est constant qu'à la date de la cession, existait au sein de la société PRIDE FORASOL un engagement unilatéral du 21 décembre 2009 de verser une indemnité repas de 400 € par mois (devenue forfaitaire selon la circulaire 1186/DRH du 22 janvier 2004) qui a été expressément repris dans la note d'information destinée aux membres du comité d'entreprise, seule pièce fournie dans le présent débat au titre de la cession.

Il est expressément mentionné dans la note d'information que ces accords et engagements unilatéraux du vendeur seront transférés automatiquement chez l'acheteur. Or, la société EFF ne produit aucun document démontrant qu'elle a mis fin à ces engagements avant le licenciement de Monsieur [R], intervenu moins de 15 mois après la cession.

Le moyen tiré de ce que le salarié, dispensé de travail, prenait ses repas à domicile n'est pas pertinent dans la mesure où la prime litigieuse est devenue forfaitaire en janvier 2004 (circulaire 1186/DRH du 22 janvier 2004 : indemnité forfaitaire brute versée sur 12 mois) peu important dès lors le lieu où étaient pris les repas, étant ajouté qu'en l'espèce, c'est l'employeur qui a sans motif légitime imposé à Monsieur [R] de rester à son domicile.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société EFF à verser à Monsieur [R] la somme de 2.800 € à titre de rappel de salaire de ce chef.

Sur l'assiette du salaire de référence

Monsieur [R] soutient que le montant du salaire servant de base de référence au calcul des indemnités de rupture, doit intégrer les primes dont il bénéficiait chez son ancien employeur, soit, outre l'indemnité de repas précitée, une prime de congés payés de la caisse des congés payés, ce que la société EFF conteste.

Ainsi que dit, précédemment, la société PRIDE FORASOL avait contracté divers engagements unilatéraux tels qu'indemnité repas précitée mais avait également laissé s'instaurer des usages. Ainsi, l'usage de payer le salaire pendant les congés en sus des congés versés par la caisse ad hoc du BTP (rémunération supplémentaire pendant les périodes de congés).

Comme pour l'indemnité de repas, cet usage a été repris dans la note d'information pour les membres du comité d'entreprise.

Pas plus que pour la prime de repas, la société EFF ne produit un document démontrant avoir mis fin, avant le licenciement de Monsieur [R], à l'usage consistant à considérer comme une prime, l'indemnité compensatrice de congés payés prise en charge par la Caisse Nationale des Entreprises de Travaux Publics.

Pour s'opposer à cette demande, la société EFF soutient que n'appliquant pas la convention collective des travaux publics, elle ne peut être tenue d'intégrer le montant des sommes versées par la caisse des congés payés dans le calcul du salaire de référence.

Cependant et d'une part, du fait de la cession, cet usage lui a été transféré, d'autre part, il s'agit ici de reconstituer le salaire de Monsieur [R] sur les 12 derniers mois, intégrant les mois au cours desquels les congés payés étaient versés par la caisse puisque la société PRIDE FORASOL appliquait la convention collective des travaux publics.

Dès lors, l'assiette de calcul du salaire du salarié doit intégrer les indemnités repas de 400 € par mois ainsi que 'les primes' correspondant au versement des congés payés par la CNETP.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé le salaire de référence de Monsieur [R] à la somme de 5.328,28 €.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

En application de la convention collective de la métallurgie applicable au jour de la rupture du contrat (article 29), Monsieur [R] a perçu une somme de 47.173,44 €. Du fait de la réintégration de la prime de repas et des congés payés dans la salaire de référence, le montant de cette indemnité est porté à 55.414,11 €, soit un solde restant dû au salarié de 8.240,67 €.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Monsieur [R] de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La société EFF qui succombe à titre principal, supporte l'intégralité des dépens.

Elle est en outre condamnée à verser au salarié une indemnité de procédure de 1.000 €. Sa propre demande à ce titre est en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement dont appel en ce qu'il a :

- condamné la SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE à verser à Monsieur [Q] [R] la somme de 2.800 € (deux mille huit cents euros) à titre de rappel de salaire au titre des indemnités repas ;

- fixé le salaire de référence de Monsieur [Q] [R] à la somme de 5.328,28 € (cinq mille trois cent vingt-huit euros et vingt-huit centimes) ;

- condamné la SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE à verser à Monsieur [Q] [R] la somme de 8.240,67 € (huit mille deux cent quarante euros et soixante-sept centimes) à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- débouté Monsieur [Q] [R]de sa demande d'indemnité transactionnelle ;

- condamné la SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE à verser à Monsieur [Q] [R] la somme de 1.000 € (mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS :

JUGE que Monsieur [Q] [R] a été victime de discrimination ;

JUGE son licenciement nul ;

CONDAMNE la SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE à verser à Monsieur [Q] [R] la somme de 103.896 € (cent trois mille huit cent quatre- vingt-seize euros) en réparation du caractère illicite de son licenciement ;

CONDAMNE la SAS ECOLE FRANÇAISE DE FORAGE à verser à Monsieur [Q] [R] la somme de 1.000 € (mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/03773
Date de la décision : 18/04/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-18;17.03773 ?
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