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28/03/2019 | FRANCE | N°15/04469

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 28 mars 2019, 15/04469


MC/CD



Numéro 19/01341





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 28/03/2019







Dossier : N° RG 15/04469 -

N° Portalis DBVV-V-B67-GBNF





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse















Affaire :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES





C/



SAS BERNADET CONSTRUCTION,


>CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET LA SANTÉ AU TRAVAIL AQUITAINE,



URSSAF D'AQUITAINE,



URSSAF DES LANDES





































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt ...

MC/CD

Numéro 19/01341

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 28/03/2019

Dossier : N° RG 15/04469 -

N° Portalis DBVV-V-B67-GBNF

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

Affaire :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

C/

SAS BERNADET CONSTRUCTION,

CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET LA SANTÉ AU TRAVAIL AQUITAINE,

URSSAF D'AQUITAINE,

URSSAF DES LANDES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 Décembre 2018, devant :

Madame COQUERELLE, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, Greffière.

Madame THEATE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame COQUERELLE et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [N] [T], Directeur dûment habilité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

INTIMÉES :

SAS BERNADET CONSTRUCTION

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Maître VANHAECKE de la SELARL VANHAECKE & BENTZ, AVOCATS, avocat au barreau de LYON

CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET LA SANTÉ AU TRAVAIL AQUITAINE

[Adresse 3]

[Localité 3]

Non comparante, non représentée, ayant transmis un courrier le 13 octobre 2017

URSSAF D'AQUITAINE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par la SCP CB2P AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

URSSAF DES LANDES

[Adresse 5]

[Localité 1]

Non comparante, non représentée

sur appel de la décision

en date du 23 NOVEMBRE 2015

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DES LANDES

RG numéro : 2014.0007

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre recommandée du 10 janvier 2014, la société BERNADET CONSTRUCTION a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont de Marsan à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes en date du 10 décembre 2013 confirmant l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts de travail suite à l'accident du travail dont a été victime M. [T] [G] le 12 novembre 2012.

Par jugement réputé contradictoire en date du 23 novembre 2015, auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes a déclaré recevable le recours formé par la société BERNADET CONSTRUCTION et a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale sur pièces, désignant le docteur [F] [S] pour y procéder avec pour mission, notamment, d'établir s'il existe un lien de causalité par origine ou aggravation entre l'accident du travail survenu le 12 novembre 2012 et les arrêts de travail et les soins prescrits à M. [T] [G].

Par lettre recommandée adressée au greffe et portant la daté d'expédition du 2 décembre 2015 et reçue le 3 décembre suivant, la CPAM des Landes a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 30 novembre 2015.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 5 mars 2018, reprises oralement à l'audience, la CPAM des Landes conclut à l'infirmation du jugement déféré.

Elle sollicite le rejet des prétentions de la partie adverse, la confirmation de la décision de la commission de recours amiable du 10 décembre 2013, la constatation de l'opposabilité à la société BERNADET CONSTRUCTION de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des prestations et soins servis à M. [G] au titre de son accident du travail du 12 novembre 2012.

Elle réclame, également, une indemnité de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM rappelle que M. [G] a été victime d'un accident du travail le 12 novembre 2012 à 10 h 30'; que selon la déclaration d'accident du travail du même jour, il s'avère que la victime descendait de l'échelle lorsqu'il a raté un des derniers barreaux - chute - entorse cheville gauche'; que le certificat médical initial retenait une entorse des deux chevilles';

Elle précise que le 16 novembre suivant, elle a notifié à l'employeur la prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.

Le 4 novembre 2013, et suite à cet accident ayant conduit à une déclaration d'inaptitude, M. [G] a été licencié pour inaptitude. Il a été déclaré guéri le 15 septembre 2014.

L'employeur a contesté non pas la prise en charge de cet accident mais la durée des soins, se prévalant d'une prétendue rechute en date du 7 janvier 2013 pour solliciter l'inopposabilité des arrêts de travail et des soins prescrits à compter de cette date.

Elle explique avoir interjeté appel du jugement déféré en raison de la violation de la présomption d'origine professionnelle qui pèse sur les soins et arrêts de travail et de l'inversion de la charge de la preuve qui en découle.

A) Sur la recevabilité de l'appel

La CPAM considère son appel recevable nonobstant l'autorisation du premier président par application des dispositions de l'article 544 alinéa 1er du code de procédure civile, le dispositif du jugement déféré du 23 novembre 2015 ayant tranché une partie du fond du dossier. En effet, en faisant droit à la demande d'expertise judiciaire, le tribunal a écarté, de fait, la présomption d'imputabilité au travail des arrêts et soins subséquents à un accident du travail reconnu et qui était invoqué par la CPAM.

Son appel est donc parfaitement recevable.

B) Sur la prise en charge des arrêts de travail et soins au titre de l'accident du travail

La CPAM fait valoir que M. [G] bénéficie de la présomption d'imputabilité jusqu'à sa date de guérison.

D'une part, l'employeur n'a pas contesté et ne conteste toujours pas la prise en charge de l'accident du 12 novembre 2012 au titre de la législation professionnelle.

La CPAM rappelle les dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qui définit l'accident du travail et relève, que dans sa déclaration d'accident du travail, l'employeur faisait bien état d'un fait accidentel à propos duquel il n'a émis aucune réserve'; la présomption d'imputabilité est donc acquise au salarié et l'employeur n'ayant pas contesté la prise en charge notifiée le 16 novembre 2012, celle-ci a un caractère définitif.

D'autre part, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant, soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

En l'espèce, l'employeur ne conteste ni la matérialité des faits, ni l'accident initial, le certificat médical initial faisant état de d'une entorse des deux chevilles. M. [G] a été déclaré guéri le 15 septembre 2014'; or, les arrêts de travail prescrits par le médecin traitant et validés par le médecin conseil bénéficient de la présomption d'imputabilité au travail jusqu'à la guérison. D'ailleurs, au regard des pièces produites, et, notamment de l'ensemble des certificats médicaux descriptifs relatifs aux arrêts de travail et soins, il est possible de constater la continuité des soins et l'identité du siège des lésions et des symptômes.

La présomption d'imputabilité s'appliquant, il appartient à l'employeur de combattre celle-ci en apportant la preuve que les lésions ont une cause totalement étrangère au travail, ce qu'il ne fait pas. Bien au contraire, il n'a émis aucun doute en ce qui concerne l'accident et ni aucune réserve. Or, l'employeur avait la possibilité de faire procéder à des contrôles médicaux s'il le souhaitait.

La CPAM reconnaît qu'entre le 21 décembre 2012 et le 7 janvier 2013, M. [G] n'a bénéficié d'aucun arrêt de travail ce qui permet à l'employeur de chercher à tirer profit de cette situation pour faire valoir l'existence d'une rechute à la date du 7 janvier 2013.

Cependant, cette analyse ne repose sur aucun élément probant et ne permet nullement de combattre la présomption d'imputabilité. Elle rappelle que M. [G] a simplement été déclaré guéri et non consolidé, ce qui signifie que son état de santé a évolué favorablement jusqu'à cette date sans, cependant, être consolidé avant. C'est donc en vain, que la société BERNADET CONSTRUCTION soutient l'existence d'une rechute.

La CPAM rappelle, également, que la présomption d'imputabilité n'est pas renversée par une expertise non contradictoire réalisée par un médecin mandaté par l'employeur, sans qu'une expertise judiciaire soit, pour autant, utile. Ainsi, le rapport médical présenté par la société BERNADET CONSTRUCTION du docteur [Q] est sans objet.

Concernant la durée de l'arrêt de travail, sur lequel l'employeur émet un doute, la CPAM soutient d'une part, que cet élément ressort de l'avis médical du médecin mandaté par l'employeur pour les besoins de la cause, d'autre part, que la jurisprudence considère que l'employeur ne peut détruire la présomption d'imputabilité en invoquant la durée normale de repos habituellement prescrit dans une situation semblable.

Il est, ainsi, indéniable que l'employeur échoue dans l'administration de la preuve qui lui incombe, à savoir, que les lésions subséquentes à l'accident du travail du 12 novembre 2012 de M. [G] et prises en charge jusqu'à la guérison du 15 septembre 2014 auraient une cause totalement étrangère au travail.

Or, en ordonnant une expertise, le tribunal des affaires de sécurité sociale a suppléé la carence de l'employeur et a procédé à une inversion de la charge de la preuve.

Les arguments développés par l'employeur ne constituent nullement un commencement de preuve que les lésions du salarié auraient une cause étrangère au travail. Dès lors, toute demande d'expertise judiciaire devra être rejetée.

***************

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 29 janvier 2018, reprises oralement à l'audience, la société BERNADET CONSTRUCTION conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la CPAM au motif que celle-ci n'aurait pas sollicité du premier président de la cour d'appel, l'autorisation d'interjeter appel, ce en violation de l'article 272 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement déféré, au renvoi de l'affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale afin qu'il soit jugé sur le fond, et sollicite une indemnité de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la question de la recevabilité de l'appel, la société intimée rappelle que lorsque le tribunal ordonne la mise en place d'une expertise médicale judiciaire, la Cour de cassation considère de manière constante qu'il ne tranche pas une partie du principal dans son dispositif de sorte que l'appel immédiat sans autorisation du premier président est irrecevable. Elle soutient que ce n'est pas parce qu'une expertise judiciaire est ordonnée que la présomption d'imputabilité des arrêts et soins au sinistre professionnel est déjà renversée, ce renversement n'est opéré qu'à la faveur des conclusions expertales. De plus, la CPAM ne justifie d'aucun motif grave et légitime susceptible de justifier une procédure d'appel d'un jugement avant dire droit.

Sur la nécessité de maintenir la mesure d'expertise, la société BERNADET CONSTRUCTION rappelle que les juridictions ont été amenée à préciser que seules les lésions directement imputables à l'accident initial ou à la maladie professionnelle déclarée peuvent être prises en charge au titre de la législation professionnelle et en aucun cas les arrêts relatifs à un état pathologique préexistant ou indépendant évoluant pour son propre compte. Les prestations prises en charge doivent avoir un lien direct et certain avec l'accident initial.

La société intimée rappelle que M. [G] a déclaré avoir été victime d'un accident du travail, un arrêt initial de 13 jours lui étant alors prescrit, arrêt prolongé jusqu'au 21 décembre 2012, date à laquelle le médecin traitant de M. [G] fixera la date de reprise du travail. Les arrêts de travail vont être interrompus pendant 15 jours puis, le salarié se verra prescrire de nouveaux arrêts de travail à compter du 7 janvier 2013. M. [G] a bénéficié en tout de la prise en charge de 353 jours d'arrêts de travail au titre de l'accident déclaré alors que son certificat médical initial ne prévoyait que 13 jours d'arrêt et que son médecin prescrivait une reprise d'activité au 22 décembre 2012. En outre, les faits déclarés lors de l'accident étaient bénins et relèvent habituellement au regard du référentiel d'arrêt établi par AMELI de seulement 21 jours.

Elle estime qu'elle est légitimement en droit de s'interroger sur le rattachement des arrêts et soins prescrits à l'accident du travail. Elle a d'ailleurs, communiqué les éléments du dossier au docteur [Q] lequel a considéré que les arrêts de travail et soins prescrits n'étaient pas justifiés au regard de la nature des lésions.

Elle fait valoir qu'en application de l'article 1315 (ancien) du code civil, il appartient à la CPAM d'apporter la preuve du bien-fondé de ses décisions de prise en charge'; que faute de continuité dans les arrêts de travail, elle n'est pas fondée à se retrancher derrière le principe de présomption d'imputabilité. Bien au contraire, elle ne peut s'opposer à la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire. Elle souligne qu'elle apporte un commencement de preuve grâce à l'avis du docteur [Q] et que l'expertise médicale sollicitée et ordonnée est le seul moyen permettant d'apprécier le bien-fondé de la décision de la caisse et lui refuser l'expertise constituerait une atteinte au principe du droit à un procès équitable dans la mesure où elle ne dispose d'aucun autre moyen pour faire la preuve de ses prétentions.

***************

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 4 janvier 2018, reprises oralement à l'audience, l'URSSAF d'Aquitaine sollicite sa mise hors de cause. Elle fait valoir que la contestation émise repose sur l'application de la législation des risques professionnels lesquels ne relèvent pas des attributions ou des missions des URSSAF de sorte que sa mise en cause n'est nullement justifiée.

Par courrier en date du 13 octobre 2017, la CARSAT Aquitaine a indiqué qu'elle n'assistera pas à l'audience et qu'elle s'en remettait à décision.

L'URSSAF DES LANDES, régulièrement convoquée, n'a pas déposé d'écritures et n'a pas comparu.

La Cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIVATION

A) Sur la recevabilité de l'appel

La société BERNADET CONSTRUCTION soutient que l'appel formé par la CPAM serait irrecevable faute d'avoir été autorisé par le premier président et en l'absence de motifs graves et légitimes comme le prévoit l'alinéa 1er de l'article 272 du code de procédure civile qui dispose que': « La décision ordonnant l'expertise peut être frappé d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime'».

Cependant, l'article 544 alinéa 1er du code de procédure civile précise': «'Les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal'».

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que le dispositif du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 23 novembre 2015 dont appel, tranchait une partie du fond du litige'; effectivement, en faisant droit à la demande d'expertise judiciaire réclamée par la société BERNADET CONSTRUCTION, le tribunal écartait, de fait, la présomption d'imputabilité au travail des arrêts et soins subséquents à un accident du travail et qui était invoquée par la CPAM.

L'appel de la CPAM apparaît donc parfaitement recevable au regard des dispositions de l'article 544 alinéa 1er du code de procédure civile.

B) Sur la prise en charge des arrêts de travail et soins au titre de l'accident du travail

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qui instaure une présomption d'imputabilité de l'accident du travail « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'».

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

Lorsque l'imputabilité au travail n'est pas remise en cause, la présomption édictée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale s'attache à la totalité des prestations liées aux arrêts de travail prescrits jusqu'à la consolidation de l'état de la victime ou de sa guérison.

Une mesure d'instruction ne pouvant être ordonnée pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, l'expertise ne peut être ordonnée qu'à la condition que l'employeur apporte des éléments médicaux de nature à accréditer l'existence d'une cause totalement étrangère à l'accident initial et qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses.

En l'espèce, il convient de constater que la société BERNADET CONSTRUCTION ne conteste pas la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont a été victime M. [T] [G] le 12 novembre 2012. Cette décision est, par conséquent, définitive.

Le litige porte exclusivement sur l'imputabilité des soins, des prestations et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie suite à cet accident du travail, et plus particulièrement à ceux pris en compte à partir du 7 janvier 2013.

M. [G] a fait une déclaration d'accident du travail le 12 novembre 2012 selon laquelle «'il descendait de l'échelle lorsqu'il a raté un des derniers barreaux - chute - entorse cheville gauche'», le certificat médical initial daté du même jour faisant état d'une entorse des deux chevilles.

La société BERNADET CONSTRUCTION indique que M. [G] a été maintenu en arrêt de travail jusqu'au 21 décembre 2012, puis a de nouveau été arrêté à compter du 7 janvier 2013, de sorte qu'il n'a bénéficié d'aucun arrêt de travail du 21 décembre 2012 au 7 janvier 2013, date à laquelle le remplaçant du médecin traitant de M. [G] a établi un certificat médical de prolongation au titre d'arrêts de travail jusqu'au 27 janvier 2013. Elle considère, par conséquent, qu'il y a eu rechute à la date du 7 janvier 2013.

Cependant, et d'une part, selon l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, la rechute s'entend de «'toute modification de l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure »'; elle suppose un fait pathologique nouveau, soit l'aggravation de la lésion initiale après consolidation, soit l'apparition d'une nouvelle lésion après guérison'; en revanche, la simple manifestation des séquelles initiales de l'accident ou des complications ultérieures de celui-ci survenant avant la date de guérison apparente ou de consolidation de la lésion initiale ne constituent pas une rechute.

M. [G] n'ayant été déclaré guéri qu'à la date du 15 septembre 2014, la société BERNADET CONSTRUCTION ne peut se prévaloir d'une telle rechute au soutien de ses prétentions.

D'autre part, la CPAM produit en pièce 10 les certificats médicaux descriptifs relatifs aux arrêts de travail et soins dont a bénéficié M. [G] à la suite de son accident du travail du 12 novembre 2012 et jusqu'à sa guérison intervenue le 15 septembre 2014 (annexe 7). Du 21 décembre 2012 au 31 janvier 2013, il a bénéficié dans un premier temps de soins sans arrêt de travail, situation remise en cause par le certificat de prolongation d'arrêt de travail établi le 7 janvier 2013. La circonstance que le salarié ait pu reprendre son travail durant une courte période, tout en continuant à bénéficier de soins, n'est pas de nature à remettre en question la présomption d'imputabilité alors que M. [G] a bénéficié d'arrêts de travail de façon quasi ininterrompue, et que tous les arrêts prescrits le sont pour la même pathologie (entorse) avec un siège identique des lésions, à savoir, les chevilles gauche et droite. Si la reprise du travail au 22 décembre 2012 peut permettre de suggérer une amélioration de l'état de santé de M. [G] résultant de l'accident du travail dont il a été victime, il n'en reste pas moins qu'il n'est nullement démontré que l'état de l'intéressé était guéri ou consolidé à la date du 22 décembre 2012. A cet effet, il convient de rappeler que M. [G] a fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude le 23 septembre 2013 en lien avec l'accident du travail et qu'il a été licencié pour inaptitude le 4 novembre 2013.

Ces éléments médicaux caractérisent bien une continuité de soins et de symptômes du jour de l'accident à la date de guérison. A défaut de guérison ou de consolidation intervenue avant le 22 décembre 2012, les constatations liées :

- à la persistance de douleur et impotence post entorse de cheville (certificat de prolongation du 7 janvier 2013),

- à l'entorse sévère de la cheville gauche (certificat de prolongation du 18 janvier 2013),

- à l'entorse des deux chevilles, attente IRM (certificat de prolongation du 8 février 2013),

- à la persistance de douleurs et boiterie de la cheville gauche post entorse bilatérale IRM lésion du chef antérieur du ligament talo fibulaire (certificat de prolongation du 16 février 2013),

(')

- suite à ligamentoplastie de type anatomique au droit interne de la cheville gauche (certificat de prolongation du 26 février 2014),

- à l'entorse de deux chevilles (certificat de prolongation du 10 avril 2014),

ne permettaient pas de constater l'existence d'un fait pathologique nouveau permettant de caractériser une rechute mais devaient bien être traitée comme une complication ou une aggravation de la lésion initiale bénéficiant, comme telle, de la présomption d'imputabilité attachée à l'accident du travail survenu le 12 novembre 2012.

En tout état de cause, la Cour de cassation considère que même si la présomption d'imputabilité ne s'applique pas, les arrêts de travail doivent, néanmoins, être pris en charge au titre de la législation professionnelle et doivent être jugés opposables à l'employeur dès lors que la caisse apporte la preuve qu'ils sont bien en relation de causalité avec la lésion initiale.

Or, tel est bien le cas, en l'espèce.

Ces éléments concordants et la présomption d'imputabilité ne sont pas utilement combattus par la note, produite aux débats par l'employeur, du docteur [Y] [Q], datée du 24 juillet 2013, lequel n'a effectué qu'une étude sur dossier sans examen de la victime de l'accident du travail et se contente d'affirmer de façon toute théorique et péremptoire qu'en cas d'entorse grave, une reprise d'activité est possible au bout de 6 semaines à 3 mois et qu'en l'espèce, la torsion de la cheville étant intervenue le 12 novembre 2012, M. [G] aurait dû reprendre son travail au plus tard le 12 février 2013.

Effectivement, cette note ne permet pas d'établir de façon certaine et circonstanciée, ni même de fournir d'éléments sérieux permettant de laisser supposer l'absence de lien entre la lésion initiale subie par M. [G] et les soins et arrêts de travail postérieurs au 7 janvier 2013 ou l'existence d'un état antérieur évoluant pour son propre compte et qui serait à l'origine exclusive de ces prescriptions.

La présomption d'imputabilité n'étant pas utilement remise en cause par l'employeur, le jugement entrepris doit être infirmé, notamment en ce qu'il a ordonné une expertise médicale, cette mesure ne pouvant être ordonnée que si l'employeur qui la sollicite apporte au soutien de sa demande des éléments médicaux de nature à étayer à accréditer l'existence d'une cause totalement étrangère à l'accident initial et qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses.

La présente décision sera déclarée opposable à la CARSAT qui a déclaré s'en remettre à décision.

Il convient, également, au regard de la nature même du litige, de mettre hors de cause l'URSSAF d'Aquitaine.

Il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Il convient de rappeler qu'au regard de la date de la clôture des débats (antérieure à celle de l'entrée en vigueur du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale), il est statué sans dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes du 23 novembre 2015 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la société BERNADET CONSTRUCTION de ses prétentions,

Confirme la décision de la commission de recours amiable du 10 décembre 2013

juge opposable à la société BERNADET CONSTRUCTION la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des prestations et soins servis à M. [G] au titre de son accident du travail du 12 novembre 2012,

Déboute les parties de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à dépens,

Met hors de cause les services de l'URSSAF d'Aquitaine,

Déclare opposable la présente décision à la CARSAT.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/04469
Date de la décision : 28/03/2019

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°15/04469 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-28;15.04469 ?
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