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19/03/2019 | FRANCE | N°17/02521

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 19 mars 2019, 17/02521


PS/AM





Numéro 19/1127








COUR D'APPEL DE PAU


1ère Chambre











ARRÊT DU 19/03/2019











Dossier N° RG 17/02521 -


N° Portalis DBVV-V-B7B-GTTR








Nature affaire :





Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction





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Affaire :





MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS





C/





A... O... L... C... B...


N... I...





























Grosse délivrée le :





à :



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS...

PS/AM

Numéro 19/1127

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 19/03/2019

Dossier N° RG 17/02521 -

N° Portalis DBVV-V-B7B-GTTR

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

C/

A... O... L... C... B...

N... I...

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 17 décembre 2018, devant :

Monsieur SERNY, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, présente à l'appel des causes,

Monsieur SERNY, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame BRENGARD, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur SERNY, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, société d'assurance mutuelle à cotisations variables

[...]

[...]

représentée par Maître Olivia MARIOL de la SCP LONGIN - MARIOL, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître Férouze MEGHERBI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur A... O... né L...

né le [...] à HUSBY ÄRLINGHUNDRA (Suède)

de nationalité suédoise

[...]

[...]

Madame C... B...

née le [...] à PAU

de nationalité française

[...]

[...]

représentés par Maître Olivier DIVERNET, avocat au barreau de DAX

assistés de Maître Corinne LAPORTE, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame N... I...

de nationalité Française

[...]

[...]

[...]

représentée et assistée de Maître Pierre CAMBOT, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 01 JUIN 2017

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX

Vu l=acte d'appel initial du 10 juillet 2017 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,

Vu le jugement du 01 juin 2017 rendu par le tribunal de grande instance de DAX,

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 24 mai 2018 par N... I... ,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 juin 2018 par la MAF,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 juillet 2018 par les époux B... O...,

Vu l=ordonnance de clôture délivrée le 14 novembre 2018,

Le rapport ayant été fait oralement à l=audience.

Les faits constants

Propriétaires d'un immeuble situé au [...] , les consorts B... O... ont passé un marché de maîtrise d'oeuvre avec N... I... , architecte assurée auprès de la MAF, pour réaliser une extension de leur maison d'habitation, modification incluant la construction d'une cave et le déplacement de la piscine.

Les honoraires convenus étaient de 32.500 euros T.T.C. correspondant à 10 % du montant des travaux évalués à 325.000 euros T.T.C.

Les travaux ont été autorisés selon PC 0030410D0058 délivré par la commune D'HOSSEGOR le 15 septembre 2010. Les travaux ont commencé le 17 janvier 2011 mais en cours de travaux, ont été pris trois arrêtés qualifiés de modificatifs par la commune :

- le 16 mars 2011 portant sur la suppression de la cave, déplacement de la piscine et édification d'un local technique,

- le 28 mai 2011 pour l'ajout d'un Vélux et un conduit de cheminée,

- le 28 juin 2011 pour modifier le conduit de cheminée et sa couleur.

Les travaux ont été réceptionnés le 04 juillet 2011.

Par décision du 26 mars 2013, le tribunal administratif a annulé le permis de construire après avoir constaté que l'affichage n'en avait pas été réglementaire avec la conséquence que le permis n'a pu être considéré comme ayant été purgé des recours des tiers.

Un second permis de construire a été accordé le 11 juin 2014 sous la référence [...] mais, sur une nouvelle requête des voisins, il a été annulé par une nouvelle décision rendue par le tribunal administratif de PAU le 26 janvier 2016. Le tribunal a alloué aux voisins une somme de 8.000 euros.

A ce jour, les consorts B... O... ne justifient pas avoir procédé à la démolition des travaux non conformes.

Ils agissent contre leur maître d'oeuvre pour obtenir réparation de leur préjudice.

Le jugement dont appel

Par le jugement dont appel, le tribunal de grande instance de DAX a retenu la responsabilité de l'architecte, tant contractuelle que quasi-délictuelle, et l'a condamnée, in solidum avec la MAF qui l'assure, à payer aux consorts B... O... :

- une indemnité de 106.277 euros T.T.C. correspondant au coût des travaux de démolition,

- une indemnité de 3.492 euros T.T.C. correspondant aux frais de géomètre,

- une indemnité de 10.000 euros en compensation du préjudice moral,

- une somme de 800 euros en compensation de frais irrépétibles.

Le jugement a été assorti de l'exécution provisoire.

Prétentions et moyens des parties

Appelant principal, la MAF, qui s'oppose en appel aux intérêts de l'assuré qu'elle avait défendu en première instance, conclut à l'infirmation du jugement en opposant :

- la prescription de l'action des époux B... O...,

- le caractère non définitif des décisions d'annulation rendues par le tribunal administratif,

- l'absence de décision judiciaire ordonnant la démolition,

- l'absence de préjudice et le caractère incontrôlable des travaux dont le remboursement est réclamé,

- l'absence de préjudice moral,

- l'absence de garantie en raison de la fraude commise dans l'instruction du dossier de construire annulé, fraude relevée par le tribunal administratif,

- l'architecte n'a pas déclaré ses honoraires à son assureur, lesquels ne sont donc pas entrés dans le champ du calcul de sa cotisation, ce qui entraîne l'absence de garantie,

- subsidiairement, elle demande l'application d'une réduction proportionnelle de prime.

Elle demande reconventionnellement 4.000 euros en compensation de frais irrépétibles.

N... I... , intimée et appelante incidente, conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir :

- qu'aucune décision de justice n'a ordonné la démolition,

- que sa responsabilité ne peut pas être engagée,

- que les époux B... O... ne justifient pas des préjudices qu'ils invoquent,

- qu'ils sont seuls responsables des dommages qu'ils invoquent.

A titre subsidiaire, elle demande la diminution des indemnisations.

Elle forme reconventionnellement une demande en paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux B... O... concluent à la confirmation du jugement et demande reconventionnellement l'allocation de 6.000 euros en compensation de frais irrépétibles.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action en responsabilité

Le dommage ne s'est réalisé qu'à compter du prononcé de cette annulation ; aucune action en responsabilité n'était en effet possible avant le prononcé de cette décision d'annulation, qui constituait un préalable indispensable pour obliger à la démolition en raison du non respect d'une décision d'urbanisme. Le moyen de la prescription soulevé par la MAF n'est donc pas fondé, car le point de départ de la prescription n'est pas la date de dépôt de la première requête en annulation déposée par les époux G..., mais la date du premier jugement d'annulation prononcé par le tribunal administratif de PAU le 26 mars 2013, décision qui est un élément du fait dommageable.

L'expiration du délai biennal imparti par l'article L 480-13 du code de l'urbanisme ne suffit pas à faire déclarer prescrite l'action en nullité toute action en responsabilité car le préjudice qui résulte de la nullité du permis de construire, à savoir l'illégalité de la construction, ne se limite pas au risque de démolition ; l'illégalité perdure, constitue un facteur de moins value et réduit les possibilités de nouvelle modification de l'immeuble.

Sur le fond

Dans sa rédaction applicable à l'espèce, l'article L 480-13 du code de l'urbanisme, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité

publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;

b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.

Puisque la loi prévoit l'exécution forcée de la démolition en cas d'annulation d'un permis de construire, l'annulation d'un permis de construire - qui sanctionne une irrégularité - fait bien naître l'obligation de démolir la construction illégale ; toutefois l'action en démolition doit être engagée dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la décision d'annulation est devenue définitive. Mais comme le préjudice qui résulte de l'annulation ne se limite pas à la démolition, les propriétaires conservent qualité et intérêt pour agir contre l'architecte à qui ils imputent l'irrégularité sanctionnée, quand bien même ils pourraient ne plus être contraints de démolir.

En l'espèce, le tribunal administratif a rendu deux décisions successives : la première en 2013 pour une raison de forme et la seconde en 2016 en relevant le caractère frauduleux de la demande qui ne faisait pas apparaître les constructions illégales. Ces décisions sont notifiées par le greffe. Elles sont présumées définitives dès lors qu'il n'est pas justifié d'un recours.

Le tribunal administratif s'est prononcé deux fois :

- dans son premier jugement, il a relevé que le permis qualifié de modificatif déposé le 16 mars 2011 constituait en réalité un nouveau permis pour modifier complètement le projet présenté dans le permis initial ;

- dans sa seconde décision, le tribunal administratif a relevé qu'il y avait fraude en ce que 'la demande de permis de construire dissimulait la présence d'une piscine et de la plage, alors que l'existence de ces deux équipements ayant une incidence sur l'application des règles tenant à limiter l'occupation de l'espace dans quartier de la commune qualifié de cité-par ; (...) ; que le maire de SOORTS HOSSEGOR disposait ainsi des éléments lui permettant de déceler l'existence de cette fraude ; qu'il n'a pour autant pas mis en oeuvre les pouvoirs d'instruction pour la faire cesser.'

Cette accumulation d'anomalies procède de la volonté délibérée des propriétaires de réaliser un projet immobilier dont les caractéristiques envisagées dépassaient les limites réglementaires posées à la date des actes administratifs, en particulier le plafond du coefficient d'occupation des sols et les règles relatives à la fixation de la SHON.

Le déroulement de la procédure administrative, la répétition des permis modificatifs, l'existence d'un permis mal qualifié, et enfin la motivation des jugements du tribunal administratifs, qui caractérise l'intention frauduleuse par omission volontaire d'une partie du projet, montrent que les propriétaires ont manoeuvré en connaissance de cause pour tenter de contourner les règles qui s'imposaient à eux ; ils ne peuvent utilement reprocher à l'architecte de ne pas avoir fait des réserves écrites, car ils étaient parfaitement à même de mesurer la portée des actes qu'ils adressaient à l'autorité communale ; le taux des honoraires montre qu'il avait une mission complète et qu'un refus de contracter emportait pour lui des conséquences financières excessives. L'architecte a obéi aux instructions de ses mandants de sorte qu'il ne peut être considéré comme ayant commis une faute ayant généré leur préjudice ; l'absence d'opposition de la commune ne pouvait que le conduire à suivre les instructions des propriétaires ; comme les voisins ne le poursuivent pas comme coauteur d'un dommage qui leur serait propre, le préjudice dont réparation lui est demandé par les propriétaires reste celui subi par ses cocontractants qui doivent le supporter en totalité en raison du choix frauduleux qu'ils ont fait.

L'architecte n'encourt donc aucune responsabilité dans la genèse du dommage que subissent personnellement les consorts B... O... du fait de l'illégalité de la construction de la piscine.

Le tribunal a alloué une indemnité représentant le coût de la démolition argumenté des frais accessoires de géomètre ; la piscine est toujours en place et elle n'a toujours pas été démolie ; le préjudice dont réparation est réclamé n'est donc pas subi.

Il n'y a pas à statuer sur les exceptions de non garantie soulevée par la MAF.

Le jugement sera infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort :

* infirme le jugement,

* fait droit à l'appel principal de la MAF et à l'appel incident d'N... I... ,

* dit qu'N... I... n'a pas engagé sa responsabilité civile contractuelle envers les consorts B... O...,

* dit que la MAF ne soit donc aucune garantie du chef du préjudice invoqué,

* condamne les époux B... O... aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence BRENGARD, Président, et par Mme Julie FITTES-PUCHEU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/02521
Date de la décision : 19/03/2019

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°17/02521 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-19;17.02521 ?
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