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19/03/2019 | FRANCE | N°16/04487

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 19 mars 2019, 16/04487


PC/AM



Numéro 19/1130





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 19/03/2019







Dossier N° RG 16/04487

N° Portalis DBVV-V-B7A-GNJU





Nature affaire :



Recours et actions exercés contre les décisions d'autres personnes publiques















Affaire :



[Y] [M]



C/



SELARL d'Avocats DARMENDRAIL & SANTI

CONSEIL DE L'ORDRE DU BARREAU DE PAU
>



















Grosse délivrée le :



à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 mars 2019, les parties en ayant été préala...

PC/AM

Numéro 19/1130

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 19/03/2019

Dossier N° RG 16/04487

N° Portalis DBVV-V-B7A-GNJU

Nature affaire :

Recours et actions exercés contre les décisions d'autres personnes publiques

Affaire :

[Y] [M]

C/

SELARL d'Avocats DARMENDRAIL & SANTI

CONSEIL DE L'ORDRE DU BARREAU DE PAU

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 octobre 2018, devant :

Madame BRENGARD, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame ROSA SCHALL, Conseiller

en présence de Madame DUHAA, avocat généal

assistés de Madame BARREAU, Greffier, présente.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Y] [M]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] (81)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SCP DUALE - LIGNEY - MADAR - DANGUY, avocats au barreau de PAU

assistée de Maître Karine BENDAYAN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES :

SELARL d'Avocats DARMENDRAIL & SANTI

[Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de sn représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège social

représentée par Maître François PIAULT, avocat au barreau de PAU

assistée de Maitre Jean François DACHARRY, avocat au barreau de BORDEAUX

En présence du :

CONSEIL DE L'ORDRE DU BARREAU DE PAU

[Adresse 3]

[Localité 2]

prise en la personne de son bâtonnier en exercice

sur délaration d'appel transmise au greffe de la cour le 21 décembre 2016 à l'encontre d'une 'décision d'arbitrage'

Vu la déclaration d'appel transmise au greffe de la cour le 21 décembre 2016 par Mme [Y] [M], à l'encontre d'une 'décision d'arbitrage', non datée, prise par Me [C], membre du conseil de l'ordre, avocat au barreau de Pau, désignée par décision du conseil de l'ordre du 4 avril 2016, dans le cadre d'un litige l'opposant à la SELARL Darmendrail-Santi consécutivement à la rupture d'un contrat de collaboration, décision signée par Me [C] et Madame la Bâtonnière de l'Ordre des Avocats du Barreau de Pau et dont le dispositif est ainsi rédigé :

'Vu l'article 142 du décret du 27 novembre 1991,

* Débouter la SELARL Darmendrail et Santi de la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de la saisine de Madame le Bâtonnier pour défaut de signature de la demande et absence de date certaine de celle-ci,

* débouter la SELARL Darmendrail et Santi de sa demande de voir en conséquence dire et juger que Madame le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Pau n'a pas été saisie de la demande formée par Madame [M],

* dire qu'en application de l'article 149 du décret du 91-11-97 du 27 novembre 1991, le Bâtonnier était dessaisi au profit de la cour d'appel pour ne pas avoir rendu sa décision dans les quatre mois de sa saisine,

* enjoindre les parties à mieux se pourvoir, '

Vu l'arrêt du 25 juillet 2017 par lequel la cour a dit n'y avoir lieu à saisine de la Cour de cassation pour avis sur la conformité de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 au principe du droit à un procès équitable,

Vu l'arrêt du 15 novembre 2017 par lequel la cour a :

- déclaré recevable l'appel formé par Mme [M] à l'encontre de la 'décision d'arbitrage', non datée, notifiée le 6 décembre 2016, prise par Me [C], délégataire du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Pau,

- sursis à statuer pour le surplus en invitant les parties à conclure sur le fond du litige,

Vu les conclusions des parties,

Vu les réquisitions écrites du Ministère Public,

Au terme de ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 septembre 2018, Mme [M] demande à la cour :

- de débouter la SELARL Darmendrail Santi de ses demandes,

- de déclarer son appel recevable et régulier,

- in limine litis, au visa des articles 114, 115, 117, 121 et 126 du code de procédure civile, 142 du décret du 27 novembre 1991, de confirmer la décision d'arbitrage en ce qu'elle a jugé que Mme le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Pau a été régulièrement saisie de sa demande et de débouter la SELARL Darmendrail-Santi de ses demandes tendant à voir déclarer sa saisine irrecevable,

- sur le fond,

$gt; au visa de l'article 149 du décret du 27 novembre 1991, de se déclarer saisie du fond de l'affaire et de trancher le litige,

$gt; au visa des articles 14-6 du RIN, 7 et 21 de la loi du 31 décembre 1970, 142 du décret du 27 novembre 1991 et 15 du contrat de collaboration :

$gt; sur les rappels de rémunération, de juger que, de manière abusive, la SELARL Darmendrail Santi n'a pas payé les jours travaillés du 1er au 5 décembre 2013 et le reliquat de congés payés au titre de l'année 2013 et de la condamner à lui payer les sommes de 568 € et 681 €,

$gt; à titre principal,

* requalifiant le contrat en contrat de collaboration salariée, au visa des articles 14 du R.I.N., 7 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, 129 à 141 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 et L8211-1, 8221-5 et 8223-1 du code du travail, de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à lui payer les sommes de 20448 € au titre du travail dissimulé, 17 087 € au titre du rappel

de salaires, 50 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices spécifiques distincts du fait de la perte des avantages liés à la qualité de salarié, 2 600 € au titre de l'intéressement sur les dossiers apportés au cabinet, de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à effectuer toutes démarches administratives de régularisation et à lui remettre les bulletins de salaire sur la base d'un salaire mensuel brut de 3 408 € outre l'ensemble des documents d'ordre public, sous astreinte de 150 € par jour de retard,

* analysant la rupture du contrat en un licenciement, de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à lui payer la somme de 3 408 € au titre d'un licenciement irrégulier,

- à titre principal, de juger que ce licenciement, fondé sur un motif discriminatoire tenant à son état de santé est nul et, constatant que sa réintégration n'est pas envisageable, de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à lui payer les sommes de 13 632 € au titre du préavis, 1 363 € au titre des congés payés sur préavis, 3 408 € pour procédure irrégulière pour non-respect du préavis, 3 408 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, 40 896 € en réparation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement,

- subsidiairement, jugeant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à lui payer les sommes de 13 632 € au titre du préavis, 1 363 € au titre des congés payés sur préavis, 3408 € pour procédure irrégulière du fait du non-respect du préavis, 3408 € au titre de l'indemnité légale de licenciement et de 40 896 € au titre de la réparation du préjudice en résultant,

$gt; subsidiairement, dans l'hypothèse d'une non-requalification du contrat :

* de juger que la SELARL Darmendrail-Santi a manqué à ses obligations contractuelles et l'a abusivement privée de la possibilité de développer une clientèle personnelle et de la condamner à lui payer les sommes de 17 577 € au titre de la restitution des honoraires afférents à sa clientèle encaissés et conservés abusivement et de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des règles de la collaboration libérale,

* de juger que les griefs énoncés dans la lettre de rupture ne constituent pas des manquements graves et flagrants aux obligations professionnelles, de juger qu'elle n'a commis aucun manquement grave et flagrant aux règles professionnelles justifiant une rupture immédiate du contrat de collaboration et de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à lui payer les sommes de 13632 € au titre des quatre mois du délai de prévenance et de 1 363 € au titre des congés payés sur délai de prévenance,

* en toute hypothèse, jugeant brutale et vexatoire la rupture du contrat, de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts,

$gt; de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal depuis le jour de la rupture (6 décembre 2013) avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,

$gt; de condamner la SELARL Darmendrail-Santi à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et les frais éventuels d'exécution.

Elle soutient pour l'essentiel :

1 - sur la recevabilité du recours et la régularité de la saisine de la cour et de la procédure antérieure :

- que le non-respect, par le bâtonnier du délai de quatre mois pour vider sa saisine imposé par l'article 149 du décret du 27 novembre 1991 doit demeurer sans incidence dès lors :

$gt; que les parties ont, en acceptant, à l'audience de conciliation, un calendrier de procédure excédant quatre mois, renoncé aux délais édictés par ce texte qui n'est pas d'ordre public et ne tend qu'à protéger les intérêts du demandeur,

$gt; que le moyen est soulevé de manière tardive et de mauvaise foi,

$gt; qu'en participant à la procédure après l'expiration du délai pour vider la saisine de l'arbitre, la SELARL Darmendrail-Santi a renoncé à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure d'arbitrage,

$gt; qu'il en résulte que la décision arbitrale du 6 décembre 2016 est régulière et que le recours formé à son encontre est recevable et régulier,

- subsidiairement, s'il était considéré que le bâtonnier a été dessaisi à l'expiration du délai de quatre mois édicté par l'article 149 : que le délai d'appel d'un mois édicté par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 est inapplicable en cas de dessaisissement du bâtonnier au profit de la cour, laquelle a, en l'espèce, été régulièrement saisie dans le délai de prescription de droit commun, seul applicable, en l'absence de tout texte fixant un délai pour saisir la cour,

- qu'il n'y a pas d'aveu judiciaire de sa part constatant son incapacité à interjeter appel,

- que la cour a été valablement saisie de l'ensemble du litige par l'acte enregistré le 21 décembre 2016 ou, en toute hypothèse, par les dernières conclusions, en sorte que l'action est recevable et le recours non dépourvu d'objet,

- que le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande pour défaut d'avis préalable du bâtonnier doit être déclaré irrecevable comme nouveau en cause d'appel et comme infondé, l'article 15 du contrat de collaboration ne prévoyant pas qu'un avis du bâtonnier doit être recueilli préalablement à sa saisine pour une tentative de conciliation,

- que l'absence de signature et de datation de l'acte de saisine est sans incidence sur sa validité dès lors que la forme de la saisine est libre et que la lettre d'accompagnement porte le nom et la signature de l'avocat l'ayant déposé et le tampon de l'ordre accusant réception de l'ensemble et que la SELARL Darmendrail-Santi ne justifie d'aucun grief causé par les irrégularités par elle dénoncées,

- que si l'acte de saisine devait être déclaré irrégulier faute de signature et de date certaine, elle s'en désisterait alors, au profit du nouvel acte de saisine, daté et signé, déposé le 2 décembre 2015, régularisant l'ensemble de la procédure,

- que c'est à bon droit que le délégué du bâtonnier a rendu une décision arbitrale dès lors qu'il devait se prononcer sur le moyen tiré de son dessaisissement,

2 - sur le fond du litige :

- que bien qu'elle ait contesté le dessaisissement automatique du bâtonnier au regard notamment de la renonciation des parties à se prévaloir du délai de l'article 149, elle ne demande pas à la cour d'infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a constaté son dessaisissement au profit de la cour, et qu'elle demande à la cour de constater le dessaisissement de l'arbitre à son profit, de se déclarer valablement saisie du litige et de le trancher,

- que la SELARL Darmendrail-Santi reste lui devoir un solde de rémunération pour la période antérieure à la rupture du contrat, à concurrence de 568 € au titre des jours travaillés au mois de décembre 2013 et de 681 € au titre des congés restant dus sur l'année 2013,

- qu'elle est fondée, pour des moyens de droit et de fait détaillés dans ses écritures auxquelles il convient ici de se référer pour la concision de l'exposé, à solliciter la requalification du contrat de collaboration la liant à la SELARL Darmendrail-Santi en contrat de travail salarié, en raison de l'absence de clientèle personnelle, de l'absence de moyens de développement d'une clientèle personnelle, s'agissant tant de l'absence de moyens matériels et humains adéquats mis à sa disposition que des directives et du contrôle exercé par l'employeur et de son hostilité connue à respecter les conditions de la collaboration libérale,

- que cette situation est constitutive d'un travail dissimulé au sens de l'article L8221-5 du code du travail justifiant tant le versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L8223-1 dudit code que l'indemnisation des divers postes de préjudice résultant de la non-application du statut salarié (perte de salaire, préjudices spécifiques distincts et intéressement financier sur les dossiers apportés au cabinet),

- que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement irrégulier (pour non respect de la procédure de licenciement) et abusif (pour être fondé sur un motif discriminatoire tenant à son état de santé) justifiant l'octroi de diverses indemnités et, subsidiairement, en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (les motifs retenus par l'employeur : non-respect de l'organisation interne du cabinet, plaintes de clients concernant des insuffisances, erreurs de plume dans un jeu de conclusions) n'étant pas caractérisés, justifiant également l'octroi de diverses indemnités,

- qu'en toute hypothèse, même en l'absence de requalification, il conviendrait de considérer que la SELARL Darmendrail-Santi a violé les règles de la collaboration libérale en s'accaparant les honoraires afférents à ses dossiers propres, en l'empêchant de créer et développer une clientèle personnelle et en procédant à une rupture immédiate abusive, brutale et vexatoire du contrat de collaboration.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 septembre 2018, la SELARL Darmendrail-Santi, rappelant que le principe d'unicité d'instance n'est pas applicable aux litiges entre avocats et que les deux saisines du bâtonnier constituent des instances distinctes, demande à la cour :

I - d'accueillir les fins de non-recevoir et dire l'action irrecevable et/ou sans objet et/ou prescrite, de dire que l'appelante avait l'entière maîtrise de ses procédures devant le bâtonnier et la cour et qu'il n'appartenait pas à l'intimée de soulever plus tôt ses moyens d'irrecevabilité et de prescription, sauf à se priver de moyens de défense,

1 - à titre liminaire, sur l'absence de renonciation des parties au délai de l'article 149 rendant la décision d'arbitrage non-avenue comme rendue hors-délai :

$gt; à titre principal, de dire que l'appelante, elle-même, revendique l'application des délais de l'article 149 dans ses correspondances au bâtonnier, établissant ainsi que les parties n'y ont pas renoncé,

$gt; subsidiairement : de dire que les parties n'ont pu renoncer au délai de quatre mois qui n'est prorogeable que de quatre mois supplémentaires par décision motivée du bâtonnier, ce délai procédural étant d'ordre public,

$gt; plus subsidiairement, de dire que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit s'évincer d'actes clairs et non équivoques, ce qui n'est pas le cas de l'acceptation de demandes de renvoi alors que l'intimée n'a pas acquiescé à la procédure d'arbitrage, en faisant connaître ses réserves par courrier avant l'audience de plaidoirie devant le bâtonnier et en ne se présentant pas à l'audience,

$gt; encore plus subsidiairement, qu'une telle renonciation ne pouvait avoir d'effet que pour la première saisine mais non pour la seconde, à la suite de laquelle aucun calendrier de procédure n'a été établi,

2 - à titre principal, sur l'appel dépourvu d'objet :

- de dire que la cour n'est pas valablement saisie du litige, la simple déclaration d'appel ne constituant pas, de l'aveu même de l'appelante, le bon mode de saisine rendant le recours irrecevable et/ou dépourvu d'objet,

- de dire que la déclaration d'appel est tardive comme n'ayant pas été formée dans le délai d'un mois après l'expiration du délai de quatre mois dans lequel le bâtonnier devait rendre sa décision à la suite de la première saisine comme de la seconde,

- de dire dépourvu d'objet l'appel formé à l'encontre d'une décision non avenue,

3 - à titre subsidiaire, sur l'absence de saisine directe de la cour et l'autorité de chose jugée par l'arrêt du 15 novembre 2017 :

$gt; de déclarer irrecevable et infondé le moyen nouveau tiré de la saisine directe de la cour par les conclusions visant le numéro de RG de la présente instance qui heurte l'autorité de chose jugée par l'arrêt du 15 novembre 2017 qui a jugé que la cour est saisie par Me [M] d'une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision d'arbitrage, non datée, et non par une saisine directe,

$gt; de dire qu'une saisine directe de la cour suppose comme préalable que Me [M] ait enregistré au greffe de la cour un acte distinct de la simple déclaration d'appel, précisant qu'il a pour objet de saisir directement la cour,

4 - à titre encore plus subsidiaire, de déclarer irrecevables les deux saisines du bâtonnier :

$gt; la première, en l'absence de signature et de date certaine, faute de dépôt à l'ordre contre récépissé ou d'envoi par LRAR et en l'absence d'avis du bâtonnier et en présence d'une tentative de conciliation imparfaite, seuls 11 des 23 demandes ayant été soulevées et Me [M] ne revendiquant aucune discrimination,

$gt; la seconde pour n'avoir pas été précédée d'un avis du bâtonnier ni d'une tentative de conciliation,

$gt; qu'au regard de ces fins de non-recevoir qu'elle n'avait pas à soulever plus tôt sauf à se priver de moyens de défense qui s'évince de l'argumentation fluctuante et contradictoire de l'appelante, de dire l'appel dépourvu d'objet et l'action irrecevable,

5 - en toute hypothèse, de déclarer l'action prescrite dès lors :

$gt; que les demandes ayant pour fondement principal la reconnaissance d'un contrat de travail sont soumises à la prescription de deux ans édictée par l'article L1471-1 du code du travail qui n'ayant pu être interrompu ou suspendu, compte tenu de l'irrecevabilité des deux saisines, a expiré le 5 décembre 2015,

$gt; que le recours formé devant la cour le 15 décembre 2016 intervient ainsi tardivement alors que la prescription de l'action est acquise,

$gt; que la cour n'est pas valablement saisie du litige, l'appel d'une décision non avenue étant dépourvu d'objet et que la déclaration d'appel qui ne comporte aucune demande et qui n'est pas le mode de saisine approprié de la cour n'a pas suspendu la prescription, acquise depuis le 5 décembre 2015,

II - Sur le fond :

- étant rappelé que la cour doit examiner tous les faits allégués, sans s'en tenir aux motifs invoqués dans la lettre de rupture en sorte qu'il y a lieu d'examiner les griefs formulés dans la lettre du 6 décembre 2013 :

$gt; de dire que les demandes en lien avec le prétendu statut d'avocat salarié se heurtent à la prescription biennale et celles relatives aux rappels de rémunération à la prescription triennale,

$gt; de dire n'y avoir lieu à requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de collaboration salariée,

$gt; de dire que les conditions d'exercice du contrat de collaboration libérale n'ont occasionné à Mme [M] aucun préjudice dont la preuve lui incombe et de la débouter des réclamations par elle formées de ce chef,

$gt; de dire qu'aucune discrimination liée à l'état de santé n'est caractérisée, étant observé que Mme [M] ne l'a pas soulevé dans le cadre de l'instance en référé devant le bâtonnier ni lors du préalable imparfait de conciliation,

$gt; de dire que la rupture du contrat de collaboration reposait sur des motifs réels et sérieux constituant des faits graves permettant une rupture sans avoir à respecter le délai de prévenance,

$gt; de dire que Mme [M] n'apporte pas la preuve, qui incombe, des préjudices allégués,

$gt; de débouter en conséquence Mme [M] de l'ensemble de ses vingt trois chefs de demande, étant rappelé que lors du préalable imparfait de conciliation concernant la première saisine, Mme [M] n'a formé que onze demandes,

- de condamner Mme [M] à payer à la SELARL Darmendrail-Santi la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec bénéfice de distraction au profit de Me Piault.

La clôture de l'instruction a été prononcée, par mention au dossier, au jour des plaidoiries, avant déroulement des débats, pendant lesquels les parties ont développé leurs conclusions écrites et le conseil de l'ordre, en la personne de son bâtonnier en exercice et Madame l'Avocate Générale ont déclaré s'en remettre à la décision de la cour.

MOTIFS

Le décret 91-1197 du 27 novembre 1991 dispose, en ses articles applicables au règlement des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail :

- que pour tout litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail entre avocats, à défaut de conciliation, le bâtonnier ... est saisi par l'une ou l'autre des parties soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'ordre des avocats, soit par LRAR, l'acte de saisine précisant, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant (article 142),

- que dès l'enregistrement de la requête, le bâtonnier saisi fixe les délais dans lesquels les parties seront tenues de produire leurs observations ainsi que toute pièce utile à l'instruction du litige, il arrête la date à laquelle il entendra leurs observations orales... (article 144),

- que sauf cas de récusation et sous réserve du cas d'interruption de l'instance, le bâtonnier est tenu de rendre sa décision dans les quatre mois de sa saisine à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel et que ce délai peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier (article 149).

En l'espèce, il y a lieu de constater, à l'examen des pièces versées aux débats :

- que le bâtonnier a été saisi d'une demande de tentative préalable de conciliation par LRAR du 2 décembre 2014 visant onze chefs de demande dont, notamment, diverses indemnités au titre de la nature prétendument salariale de la relation de collaboration,

- que la tentative de conciliation organisée le 20 mars 2015 a échoué,

- que Mme [M] a saisi le bâtonnier d'une demande tendant à voir statuer sur le litige l'opposant à la SELARL Darmendrail-Santi, par une requête non datée et non signée, jointe à une lettre d'accompagnement signée par son conseil de l'époque, portant apposition du tampon du secrétariat de l'ordre à la date du 5 juin 2015, ce document portant, en en-tête, mention d'une audience d'arbitrage au 11 décembre 2015,

- que par conclusions remises et notifiées le 23 novembre 2015, la SELARL Darmendrail-Santi soulevait une fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de la saisine pour défaut de signature et de date certaine de la demande,

- que Mme [M] a saisi le bâtonnier d'une seconde requête aux mêmes fins, reçue au secrétariat de l'ordre le 2 décembre 2015,

- que l'affaire a fait l'objet de multiples renvois, dont le dernier, sollicité le 16 juin 2016, par la SELARL Darmendrail-Santi proposant que l'affaire soit évoquée le 7 octobre 2016,

- que par LRAR du 30 septembre 2016, le conseil de la SELARL Darmendrail-Santi, visant les dispositions de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991, indiquait au bâtonnier qu'il ne pouvait en l'état conclure puisque sa juridiction se trouve dessaisie, que dans ces conditions, le dossier ne pourra être retenu et qu'il ne voyait pas la nécessité d'effectuer le déplacement du 7 octobre,

- que par la suite était rendue la décision dont appel dont la teneur a été ci-dessus rappelée et dont Mme [M] a interjeté appel par déclaration du 21 décembre 2016.

L'arrêt du 15 novembre 2017 a déclaré recevable l'appel formé contre la décision d'arbitrage en considérant, qu'à supposer même cette décision comme nulle et non avenue pour avoir été rendue hors délai, un recours à son encontre ne serait pas irrecevable mais tout au plus dépourvu d'objet en sorte que, quel que soit son statut (inexistante ou non), elle doit être considérée comme susceptible de recours, dans les conditions prévues par l'article 152.

Selon l'article 149 du décret du 27 novembre 1991, le bâtonnier, saisi en matière de règlement des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail liant des avocats, est tenu, sauf cas de récusation et sous réserve du cas d'interruption de l'instance, de rendre sa décision dans les quatre mois de sa saisine, à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel, délai qui peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier.

L'article 149 ne prévoit pas la possibilité d'un renvoi de l'affaire, même à la demande des parties, au-delà du délai maximal imposé au bâtonnier pour rendre sa décision et la brièveté des délais qu'il impartit par rapport au droit commun des actions contractuelles de même nature montre la volonté du législateur de voir trancher de tels litiges avec une particulière célérité lorsqu'ils opposent des avocats, ce qui établit le caractère impératif et d'ordre public de ces dispositions, exclusif de la possibilité d'une renonciation.

En l'espèce, quel que soit l'acte de saisine du bâtonnier considéré, force est de constater que le délai maximal de huit mois imposé par l'article 149 du décret était expiré à la date à laquelle a été rendue la décision déférée, non datée, mais notifiée le 6 décembre 2016, qui doit être réputée nulle et non-avenue.

Il convient dès lors de constater le caractère sans objet de l'appel interjeté par Me [M] et l'irrecevabilité des demandes au fond par elle formulées dans le cadre de la présente instance, demandes dont la cour ne pouvait être saisie que par une saisine directe, distincte de l'appel, la situation ne pouvant être régularisée par le dépôt, dans le cadre de la présente instance, de conclusions d'appelante des 21 décembre 2017 et 27 mars 2018 'valant saisine directe'.

L'équité commande d'allouer à la SELARL Darmendrail-Santi, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés dans le cadre de la présente instance.

Me [M] sera condamnée aux dépens de la présente instance.

PART CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu la décision d'arbitrage notifiée le 6 décembre 2016,

Vu l'arrêt de cette cour en date du 15 novembre 2017,

- Juge nulle et non-avenue la décision déférée, en application de l'article 149 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991,

- Déclare irrecevables les demandes formées par Me [M] dans le cadre de la présente instance,

- Condamne Me [M] à payer à la SELARL Darmendrail-Santi, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 €, avec bénéfice de distraction au profit de Me Piault,

- Condamne Me [M] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence Brengard, Président, et par Mme Julie Fittes-Pucheu, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16/04487
Date de la décision : 19/03/2019
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°16/04487 : Déclare la demande ou le recours irrecevable


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-19;16.04487 ?
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